PAR FRANÇOIS POUZAUD
La crise sanitaire liée au Covid-19 ne semble pas, pour l’instant, rebattre les cartes du marché des transactions d’officines dans les régions, ni modifier l’équilibre entre l’offre et la demande. Non seulement ce marché fait preuve de constance, mais bénéficie même du regain d’intérêt pour l’installation. Etat des lieux grâce aux cabinets de transactions.
La crise sanitaire a frappé inégalement le marché officinal à Toulouse (Haute-Garonne), et n’a fait que
renforcer la polarisation des acquéreurs sur les pharmacies de plus de 2 M€ de chiffre d’affaires (CA) en
petite et grande banlieue. « Les vendeurs et les acquéreurs sont toujours au rendez-vous et ces derniers
ne cherchent pas à profiter d’un effet d’aubaine du Covid pour faire baisser les prix de cession »,
précise Jean-Claude Combes, de Pharmathèque. Ils se situent toujours autour de 80 à 90 % du CA HT. Marché
également inchangé pour les petites officines (moins de 800 k€) du centre-ville pour lesquelles « on
trouve d’abord l’acquéreur et ensuite on parle de prix avec le vendeur », appuie-t-il. Un prix
négocié en moyenne à 50 % du CA HT.
A Montpellier (Hérault), sur les grosses officines, le marché est étroit et les demandes très actives. «
Les pharmacies montpelliéraines de plus de 3 M€ représentent moins de 5 % du marché et se cèdent autour
de 6,5 à 7 fois l’EBE », indique Hervé Ferrara, de Pharmacessions, alors que le prix moyen en
Occitanie s’établit à 6,2 fois l’excédent brut d’exploitation (EBE) en 2019 (source : Interfimo) et dans
l’Hérault le prix des pharmacies de 1,2 M€ à 1,5 M€ de CA représente 5 à 5,5 fois maximum l’EBE. Les
pharmacies du centre-ville sont soumises à une forte concurrence qui impacte les marges, de fait, « les
primoaccédants, qui recherchent d’abord une qualité de vie, se reportent sur des affaires moins
importantes avec une bonne rentabilité et une équipe réduite à manager, en périphérie et en zone rurale
où ils ont pu valider la stabilité de l’environnement médical », précise-t-il.
Sur le littoral des Alpes-Maritimes où les projets immobiliers rivalisent avec la vitalité économique, le
prix des officines importantes flambe. « Dans un marché où la demande reste dynamique, ce type d’affaires
se vend entre 90 et 100 % du CA HT », poursuit Hervé Ferrara.
Dans ce département et à un moindre degré sur toute la Côte d’Azur, l’omniprésence de retraités aisés, le
charme des paysages ensoleillés et l’aura de villes comme Cannes, Nice ou Antibes expliquent la résistance
des prix. « Au-delà de 1,5 M€, plus le CA est élevé, plus la demande est forte », observe-t-il.
A Marseille (Bouches-du-Rhône), avec le Covid-19, la demande s’est déridée après la sortie du confinement.
« Avant, les acquéreurs étudiaient les dossiers mais ne se positionnaient pas, raconte Philippe Eude, du
cabinet Planète Officine. La polémique née autour de l’efficacité de l’hydroxychloroquine et du Pr
Raoult et le fait qu’il y ait eu moins de cas avérés de Covid-19 ont permis de redorer l’image de
Marseille sur le plan sanitaire. »
Enfin, dans le Var, le marché reste calé, selon lui, sur des prix trop élevés au regard de la rentabilité,
sauf à Toulon qui fait figure de bonne élève de la classe. « A La Seyne-sur-mer, une officine de 2,3 M€
s’est vendue 2,5 M€ ! », illustre-t-il.
La Normandie reste dans le peloton de tête des régions à la fois les plus chères et les plus dynamiques du
marché. Les prix de cession restent étales et les niveaux de valorisation – en pourcentage du CA HT et en
multiplicateur de l’EBE – demeurent inchangés. « Depuis des années, cette région fait preuve de
constance,
l’absence d’importantes fluctuations d’une année sur l’autre rassure tous les acteurs du marché :
vendeurs,
acquéreurs, banques, experts comptables », explique Gilles Andrieu, du cabinet Espace (groupe PSP).
Autre facteur contribuant à la fluidité du marché : la prédominance des exploitations sous forme de sociétés
liée à la restructuration du réseau amorcée dès le début des années 1990 où cette région connaissait une
flopée de redressements judiciaires de pharmacies. « Les cessions de parts permettent d’avoir des
ouvertures
importantes, facilitent les intégrations d’un nouvel associé, les transmissions progressives, les
participations croisées entre sociétés d’exercice libéral (SEL) de pharmacies », ajoute-t-il.
La crise du Covid-19 est venue enrayer cette mécanique bien huilée. « Sur les deux premiers mois de
l’année,
nous avions pratiquement réalisé le CA de 2019, et en mars, juste avant le confinement, la finalisation
des
promesses de vente a été accélérée à la demande des acquéreurs craignant une remontée des taux après le
déconfinement », explique-t-il. Après cette parenthèse, les affaires n’ont pas repris comme dans
l’ancien
monde et l’attentisme s’est installé des deux côtés (acquéreurs et vendeurs). « Les dossiers sont plus
longs
et surtout plus complexes, surtout s’il y a une cession de murs associée », appuie-t-il.
L’accalmie touche également les pharmacies de plus de 2,4 M€ vendues habituellement 90 à 100 % du CA HT.
Selon lui, ce coup de gel sur le marché devrait durer jusqu’à la fin de l’année.
L’attractivité globale du bord de mer et du cadre de vie dans une région également plébiscitée par les nombreuses entreprises présentes à Nantes (Loire-Atlantique), au Mans (Sarthe), à Angers (Maine-et-Loire), à Laval (Mayenne) ou à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) explique le dynamisme du marché de ces dernières années, en particulier en périphérie des grandes villes universitaires. Avec le coronavirus, tout ne semble pas remis en cause. « Le marché ne s’est jamais véritablement arrêté, les défauts et les qualités des différentes typologies d’officines ont été exacerbés après le déconfinement, les belles affaires le sont encore plus, tandis que les affaires peu recherchées le sont encore moins », observe Matthieu Béliard, du cabinet POD. Son premier constat au lendemain de la reprise tend à identifier les officines de proximité comme les « gagnantes » de la crise en raison du capital « confiance » acquis auprès de la population pendant le confinement. Alors que les défaillances d’entreprises pourraient se multiplier, « l’officine apparaît comme une valeur refuge, en particulier les officines rurales ou semi-rurales moyennes qui connaissent un regain d’intérêt, même si les affaires sont plus petites par rapport aux demandes des acquéreurs avant confinement, signale-t-il. En revanche, les officines de centre commercial (de plus de 3 M€) sont moins recherchées qu’auparavant. » Comme la demande est toujours plus abondante que l’offre, leur valorisation, à 7 fois l’EBE et plus, n’est pour autant pas affectée par la crise sanitaire.
« Le coronavirus et le confinement ont eu un effet vertueux sur le marché en remettant la pharmacie au
milieu du village », répète à l’envi Nicolas Plumecocq, du cabinet éponyme, qui estime que ce
phénomène a été plus fort dans les Hauts-de-France qu’ailleurs. L’épidémie a contribué à un regain d’intérêt
pour les acquisitions d’officines orientées vers le service médical de proximité par opposition aux «
pharmacies plus commerciales ».
S’il est prématuré de prédire les tendances des prochains mois, « il y a, pour l’heure, un attentisme
autour des pharmacies qui drainent les populations et dont l’activité a été fortement impactée pendant
le confinement. En fait, il y a une difficulté à les valoriser », explique-t-il.
En début d’année, le marché était assez dynamique, dans la foulée de 2019, sur des valeurs étales. Depuis la
parenthèse du printemps, les fondamentaux demeurent : les rentabilités des officines n’ont pas été affectées
par la crise, la confiance des banques n’a pas été ébranlée et, concernant les valorisations, Nicolas
Plumecocq ne perçoit pas de différence entre l’avant et l’après. « Les disparités de prix s’accentuent,
une pharmacie proche de Lille de 2,5 M€ de CA s’est vendue en 15 jours à 100 % du CA HT et, à l’inverse,
les petites officines de moins de 1 M€ en fin de course ou situées dans les campagnes les plus retirées
(L’Avesnois, Le Ternois, L’Ardenne) se bradent à 30 % du CA HT », rapporte-t-il.
Le marché breton a du mal à se remettre des années 2015, 2016 et 2017, quand les officines de belle taille
se vendaient aux meilleurs prix du marché national et le taux de rotation régional était l’un des plus
élevés de France. Revers de la médaille, « le marché s’est tari sur ces officines, les acquéreurs se sont
rabattus sur des officines de moindre taille, ce qui explique que les prix de cession en Bretagne sont
rentrés dans le rang », explique Didier Bernard, du cabinet L’Auxiliaire Pharmaceutique.
L’épisode de Covid-19 pourrait être salutaire et révéler la valeur d’officines, autres que celles du
littoral pour lesquelles la demande ne faiblit pas. Bon nombre de Parisiens sont venus se confiner en mars
en Bretagne, et la crise sanitaire passée, de nombreuses entreprises s’interrogent sur le télétravail. Les
conséquences ne se sont pas fait attendre sur le secteur de l’immobilier, avec un effet « verdure et grand
balcon ». « Le marché immobilier a redémarré fortement en Bretagne », indique-t-il. Conséquence
attendue : les flux migratoires constatés du cœur des villes vers le bord de mer vont créer un nouvel effet
de rareté sur les officines de plus de 2 M€ de la côte du Morbihan, du Finistère Sud et de la côte
d’Emeraude en Bretagne Nord. « Avant le confinement, une pharmacie du littoral s’est vendue à près de 100
% du CA HT », indique-t-il. Dans les terres, les valeurs des pharmacies de taille identique de gros
bourg (4 000 à 5 000 habitants) sont également très appréciées. En revanche, la moins forte demande des
acheteurs sur les pharmacies de centres commerciaux en périphérie de très grandes villes comme Vannes
(Morbihan), Rennes et Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) ou Brest (Finistère) traduisent une certaine « peur de
l’avenir ».
L’île de Beauté se distingue par bien des aspects du continent, mais pas par ses transactions de pharmacies.
Si ce n’est, peut-être, par ses faibles volumes de mutations de pharmacies. Ainsi, quelques transactions
atypiques ou décalées dans le temps lorsque la conclusion de la vente intervient l’année suivante ont vite
fait de modifier les statistiques. Il faut donc relativiser la forte animation du marché insulaire de 2019
mentionnée dans la dernière étude des prix de cession d’Interfimo. Sinon, les prix n’échappent pas à la
logique du marché. Malgré le soleil, « les acquéreurs ne surpaient pas les grandes officines qui se
négocient autour de 6 à 7 fois l’EBE », indique Isabelle Massé, du cabinet Pharmathèque. De même,
les petites officines de Bastia ou d’Ajaccio, qui offrent encore des opportunités d’achat aux
primo-accédants, sont cédées autour de 50 % du CA HT, comme sur le continent », précise-t-elle.
Si le confinement a été un coup de Trafalgar pour le tourisme et l’hôtellerie corse, il semble avoir laissé
peu de traces sur les mouvements et valeurs d’officines. Le marché corse reste encore fermé et difficilement
accessible pour des pharmaciens du continent.
Dans la capitale, les prix sont restés totalement indifférents au tsunami sanitaire. L’incertitude n’a pas
fait loi auprès des acquéreurs. Dépassant les projections à court terme, « ils font abstraction dans
leurs prévisionnels des baisses expliquées et explicables de CA pendant la crise sanitaire »,
remarque Christian Hayaud, du cabinet Villard (groupe PSP). Ce professionnel a le sentiment que la vente
d’une officine de quartier peut désormais tirer parti du facteur de proximité, véritable atout pendant
l’épidémie. Un avis partagé par Laurent Sebaoun, du cabinet Channels, qui relève une « petite période
d’observation » entre acquéreurs et vendeurs sur le marché à part des pharmacies de centre commercial de
deuxième ou troisième installation. Quoi qu’il en soit, « la demande reste soutenue sur les biens rares à
des prix très déconnectés des moyennes régionales indiquées par Interfimo », souligne-t-il. Leurs prix en
pourcentage du CA HT n’ont rien à envier à ceux rencontrés en bord de mer.
En 2019, « le maintien de taux historiquement bas et les aides financières sur l’apport personnel,
notamment le fonds de la Caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens (CAVP), ont joué pleinement leur
rôle d’aide à l’installation », poursuit Christian Hayaud. Selon lui, les soutiens apportés sous
forme d’obligations convertibles ont moins la cote auprès des acquéreurs depuis la crise, car « ils
craignent davantage l’ouverture à des capitaux extérieurs et sont encore plus attachés à leur indépendance
d’exploitation. » Il n’empêche, les boosters d’apport sont légions en Ile-de-France : « Un dossier sur deux
que nous réalisons se fait par leur entremise », indique Laurent Sebaoun, expliquant que la demande ne
faiblit pas après la crise.
En revanche, il est encore trop tôt pour dire si le Covid-19 a creusé la fracture sur les prix entre petites
et grandes officines parisiennes et franciliennes, même si le déplacement de la courbe des prix vers le haut
se renforce, avec des cessions de pharmacies de plus de 2 M€ à 80-85 % du CA HT (contre 40 à 50 % pour les
officines de moins de 1 M€).
Du côté des cédants, les mandats de vente rentrent également « avec des mises en vente anticipées par des
pharmaciens proches de la retraite, que la crise sanitaire a fatigués. Ils aspirent à passer la main
», souffle Christian Hayaud, qui ajoute que les grands axes de transport en construction sur les
première et deuxième couronnes créent des opportunités d’installation, en particulier au Nord et à l’Est de
la région parisienne.
En Vendée et en Poitou-Charentes, Nicolas Guerrand, du cabinet Patrice Manquillet Conseil (groupe PSP),
qualifie la crise sanitaire de « parenthèse » positive pour la transaction de pharmacies. « Le marché
s’est affolé depuis le déconfinement, il a la confiance des banques qui préfèrent soutenir les
pharmacies qui ont démontré leur résilience face à la crise, plutôt que d’autres entreprises »,
explique-t-il.
Cet engouement touche toutes les officines quelles que soient leur taille, leur localisation et leurs
typologies. « Les pharmacies de moins de 1 M€ trouvent preneur à vil prix. J’ai vendu cette année 250 k€ une
pharmacie de 800 k€ de CA et je viens de rentrer un mandat de vente à 350 k€ pour une officine de même
taille, en limite de la Charente-Maritime, située à une demi-heure des plages, dans une zone touristique
avec deux médecins », précise-t-il.
Les petites pharmacies du Limousin, n’ont même pas cette chance. « En Haute-Vienne, en Corrèze, dans la
Creuse où tout le département est en zone de revitalisation rurale, mais également dans le Nord de la
Dordogne, il est difficile d’attirer les acquéreurs en première installation malgré les nombreux
avantages fiscaux de ce régime », déplore Cyrille Agot, de Planète officine. Selon les endroits, les
prix des officines en dessous de 1,5 M€ peuvent faire le grand écart, entre 30 et 70 % du CA HT.
En revanche, à La Rochelle et à Royan (Charente-Maritime), aux Sables d’Olonne (Vendée), et en périphérie de
ces villes, les pharmacies de plus de 1,5 M€ continuent de tutoyer les sommets, autour de 95 % et 100 % du
CA HT. De ce côté-ci du littoral, le Covid-19 ne semble pas avoir pénalisé les estimations à venir sur les
pharmacies de centre commercial, soumises aux aléas des consignes sanitaires. « L’une d’elles à la
Roche-sur-Yon réalisant 2,7 M€ de CA, dont 75 % en TVA à 2,1 %, a été appréciée à 3 M€ », mentionne
Nicolas Guerrand.
Si la crise semble avoir réveillé l’intérêt des diplômés pour l’officine, elle a aussi provoqué l’inquiétude
des vendeurs. « Ils avancent leur projet de cession, car ils craignent une inflexion des prix des
officines par effet de levier en cas de remontée des taux et de l’inflation, ainsi qu’une baisse de leur
CA avec la crise économique et une rentrée sociale difficile », livre-t-il.
Sur le secteur Aquitaine et Sud-Ouest, Roger Gravel, du cabinet CCRI (groupe PSP), rapporte des réactions
des acteurs moins épidermiques : « Il n’y a pas eu d’afflux de vendeurs ni de retrait des acquéreurs, les
transactions se déroulent avec la même sérénité. »
Pas de changement non plus sur le marché à deux vitesses des métropoles. A Bordeaux (Gironde), les grosses
pharmacies sont plus nombreuses qu’autrefois à la suite des transferts ou des agrandissements des points de
vente, une évolution des structures dont font les frais les petites officines. « Celles-ci ont du mal à se
vendre, souvent à moins de 65 % du CA HT », souffle ce transactionnaire.
Le contraste des prix reste plus que jamais saisissant avec ceux pratiqués sur la côte, d’Hendaye
(Pyrénées-Atlantiques) à La Rochelle (7 à 8 fois l’EBE et jusqu’à 100 % du CA HT).
La force d’attraction de la taille (présence importante de grandes officines) et d’un numerus clausus
historique, garant d’un réseau peu exposé à la surdensité, joue en faveur des prix élevés en Alsace-Moselle.
En dehors de ce marché très fermé et assez figé, la disparité des prix est à l’image de la diversité de
cette région Grand-Est. Pour des officines de CA recherché (2 M€ et plus), le nord de la Marne et le sud des
Ardennes rivalisent en prix avec l’Alsace (pouvant culminer à 100 % du CA HT). Ces valeurs élevées jouxtent
des départements voisins où les prix des officines sont largement un ton en-dessous. Par exemple, la
Haute-Marne, où 50 à 70 % du CA HT sont les prix courants du marché. « Dans les Vosges, un département
marqué par une forte ruralité et un faible pouvoir d’achat, une pharmacie de 2 M€ ne se vend guère au-delà
de 70 % du CA HT », livre Colette Benzaquen, de L’Auxiliaire Pharmaceutique. Et les perspectives de
développement semblent glisser sur le marché comme l’eau sur les plumes d’un palmipède. « A Epinal, dans
un quartier à fortes populations ethniques où se construit un hôpital, une pharmacie de 1,2 M€ longtemps
à la vente a fini par se vendre 400 000 € », témoigne-t-elle.
En Meurthe-et-Moselle, la décote sur les prix est le seul moyen de rendre attractives les officines petites
ou moyennes, sinon 70 % du CA HT, c’est le tarif pour les pharmacies de plus de 2 M€. Dans ce contexte, les
regroupements sont une planche de salut qui commence à entrer dans les esprits. Dans l’Aube, « à Troyes,
sur 25 pharmacies, 12 ont fermé lors des quatre dernières années sous la pression concurrentielle de
quelques pharmacies mastodontes », souligne-t-elle. Cette transactionnaire réalise désormais 4 à 5
regroupements par an dans le Grand-Est, contre un auparavant.
Enfin, dans le Haut-Rhin, des villes comme Colmar et Mulhouse connaissent un passage à vide, la première à
cause de la désaffection des touristes chinois due à la crise sanitaire, la seconde pour des raisons
structurelles. En effet, la montée des tensions et l’insécurité grèvent les prix de l’immobilier et des
officines mulhousiennes situées dans les zones à risque.
Les disparités entre les différents départements sculptent d’année en année le marché des transactions dans
cette région. En Bourgogne, la Côte-d’Or et la Saône-et-Loire sont plus recherchées que la Nièvre et
l’Yonne, qui ont été des départements refuges des parisiens pendant le confinement. Le seul endroit où les
prix sont en verve, c’est en périphérie de Dijon (Côte-d’Or), ville universitaire : « La demande y est
forte, car les nouveaux diplômés n’ont pas cette envie de mobilité géographique qu’avaient les
précédentes générations », constate Colette Benzaquen. Le centre-ville n’attire pas, car il est
marqué par l’empreinte de grosses pharmacies discounters, sans appartenance à une enseigne « low cost ».
Plus à l’Est, on retrouve une disparité des prix étonnamment similaire au Grand-Est. Alors que les prix
restent plutôt raisonnables à Besançon (Doubs), malgré sa faculté de pharmacie, c’est, dans la Haute-Saône,
Lure (à 50 km de Vesoul) qui est gratifié de prix à 100 % du CA HT sur des affaires à rentabilité et
emplacement exceptionnels, notamment dans les deux zones d’aménagement concertés (ZAC) qui se partagent la
majorité des commerces et des grandes surfaces de Lure et drainent les clients des villages voisins. Les
pharmacies frontalières et touristiques sont également fortement valorisées. « Toutefois, depuis
l’épidémie du Covid-19, l’attentisme est de rigueur sur ce type de transactions », constate Fabien
Blatière, de Channels.
A l’arrêt pendant 2 mois, le marché a repris comme si de rien n’était. A Lyon (Rhône), le rapport de l’offre
et de la demande, très favorable aux vendeurs, ne change pas. La mutation des quartiers en rénovation suit
son cours (Confluence, Gerland, etc.), attisant l’appétence des acquéreurs mais aussi les convoitises de
transfert. « Les programmes immobiliers sur le 7e arrondissement ne vont qu’accentuer la demande », précise
Matthieu Riberry, du cabinet Riberry Conseil. Dans le cœur de ville, où les pavillons d’enseignes de grandes
pharmacies « low cost » continuent à se hisser dans le ciel lyonnais, la demande est forcément moins
forte.
A Annecy (Haute-Savoie), une des deux villes les plus chères de France avec Lyon, le marché de l’immobilier
déteint sur celui des pharmacies. « Le marché, très actif dans les 2 départements de Savoie se concentre de
plus en plus dans l’agglomération d’Annecy, dans un rayon de 20 km », indique-t-il. L’engouement pour ce
secteur réputé pour son pouvoir d’achat, sa qualité de vie et ses axes routiers ne se dément pas. Depuis 2
ou 3 ans, les prix de belles pharmacies s’affichent entre 90 et 100 % du CA HT.
En Auvergne, où les fonds sont moins valorisés qu’en Rhône-Alpes, les produits rares partent quand même à
bon prix. Plus dans le Puy-de-Dôme qu’ailleurs. « Une pharmacie de bonne taille, seule au pays avec un
bel environnement médical, s’est négociée au-dessus de 90 % du CA HT et, dans l’Allier, dans une commune
qui compte une dizaine d’officines, l’une d’elles a été cédée avec les murs à 80 % », rapporte
Cyrille Agot, de Planète Officine.
La conjoncture post-Covid-19 est plutôt favorable et les titulaires âgés sont disposés à vendre. « Je
gère plus d’une quarantaine de dossiers. Le coronavirus est à l’origine de la rentrée d’officines en
mandat de vente, certains titulaires ont peur de faire l’année de trop et se décident à partir »,
explique Philippe Meunier, de Channels.
Côté acquéreurs, les tendances restent inchangées : demande soutenue dans l’Indre-et-Loire à Tours (ville
universitaire oblige), plus sélective à Orléans (Loiret) où les acquéreurs se tournent davantage vers la
périphérie moins concurrentielle, un marché moins tendu dans le Cher, à Bourges ou à Vierzon, où les
acquéreurs peuvent encore trouver des officines de bonne taille avec une belle rentabilité. En revanche, à
Blois (Loir-et-Cher), une ville plus excentrée, la demande est moins active et donc les prix sont plus
faiblement appréciés, particulièrement en campagne. C’est le cas aussi dans l’Indre. « A Châteauroux, les
seules officines à vendre sont de taille moyenne et de grande taille, car les pharmaciens castelroussins
se sont ligués pour racheter les petites et restituer leur licence à l’agence régionale de santé (ARS),
afin d’éviter l’arrivée d’un pharmacien discounter », précise-t-il.
PAR FRANÇOIS POUZAUD
Pour en savoir plus : Les Prix et Valeurs des Pharmacies
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