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Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine

Publié le 10 juillet 2021
Par Maïtena Teknetzian
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Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont les antidépresseurs les plus utilisés. Outre un risque d’interactions par majoration d’effets sérotoninergiques, certaines molécules, inhibitrices d’isoformes de CYP450, sont aussi impliquées dans des interactions pharmacocinétiques.

Mécanisme d’action

Augmentation des taux de sérotonine

Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) empêchent sélectivement la recapture présynaptique de la sérotonine et permettent ainsi d’augmenter les taux synaptiques de sérotonine (agissant sur l’humeur).

Indications

Etats dépressifs caractérisés

→ Les ISRS font partie des antidépresseurs utilisés en première intention pour traiter un épisode dépressif caractérisé d’intensité modérée à sévère ou même légère (en cas d’aggravation après une psychothérapie menée seule pendant 4?à 8 semaines). La fluoxétine a une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans les épisodes dépressifs de l’enfant à partir de 8 ans.

→ Certaines molécules sont également indiquées dans les troubles obsessionnels compulsifs (y compris chez l’enfant de plus de 6 ans pour la sertraline), la boulimie, les attaques de panique, la phobie sociale et l’anxiété généralisée.

Effets indésirables

Nausées et vomissements

→ Du fait de la stimulation sérotoninergique, les ISRS peuvent induire des troubles digestifs (nausées, vomissements), fréquents en début de traitement. Comme tout antidépresseur, ils peuvent être responsables d’une levée d’inhibition avec risque suicidaire (plus marqué chez l’enfant et les patients ayant des antécédents de comportement suicidaire), en début de médication.

→ Peuvent aussi survenir des troubles neuropsychiques (céphalées, agitation, insomnie, etc.), une hyponatrémie et un syndrome sérotoninergique (associant troubles digestifs, tremblements, rigidité, sueurs, hyperthermie, hypo ou hypertension, tachycardie, confusion, voire coma) potentiellement létal et favorisé par un surdosage ou une interaction médicamenteuse.

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→ Le citalopram et l’escitalopram en particulier peuvent allonger l’espace QT, notamment dans un contexte d’hypo­kaliémie ou de pathologies cardiaques préexistantes.

Pharmacocinétique

Inhibition de certaines isoenzymes du CYP450

→ Les ISRS sont bien absorbés par la muqueuse digestive, ce qui leur confère une bonne biodisponibilité orale. Ils sont métabolisés par le foie et éliminés par voie rénale.

→ La fluoxétine a une demi-vie de 5?jours en moyenne (et son métabolite actif, une demi-vie encore plus longue, jusqu’à 2 semaines), mais les autres ISRS ont une demi-vie plus courte (de l’ordre de 13 à 33 heures selon les molécules), ce qui explique de possibles syndromes de sevrage à l’arrêt brutal des traitements.

→ La fluvoxamine est un puissant inhibiteur du CYP1A2 et à moindre degré du 3A4. L’escitalopram, la fluoxétine et la paroxétine sont inhibitrices du CYP2D6. La fluoxétine, la fluvoxamine et la paroxétine sont associées à un risque accru d’interactions pharmacocinétiques.

Contre-indications

Insuffisance rénale

→ Le citalopram et l’escitalopram sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère et d’allongement congénital ou acquis de l’espace QT.

→ Selon le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) et la Haute Autorité de santé (HAS), la fluoxétine, la sertraline, la paroxétine, le citalopram et l’escitalopram sont utilisables pendant la grossesse. Cependant, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), la paroxétine et la fluoxétine exposent à un risque de malformations cardiovasculaires. Par ailleurs, les ISRS utilisés en fin de grossesse exposent au risque de syndrome sérotoninergique et d’hypertension artérielle pulmonaire chez le nouveau-né.

Interactions

Risque de syndrome sérotoninergique

→ Les ISRS sont contre-indiqués avec les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) irréversibles (iproniazide : respecter 2 semaines entre l’arrêt de l’IMAO et l’introduction de l’ISRS ou 1 semaine au moins entre l’arrêt de l’ISRS – sauf fluoxétine : 5 semaines – et l’initiation de l’IMAO) et déconseillés avec les IMAO-A réversibles (linézolide, moclobémide) du fait d’un risque de syndrome sérotoninergique.

→ Leur association à des médicaments sérotoninergiques (tramadol, triptans, lithium, millepertuis, etc.) ou précurseurs de la sérotonine (L-tryptophane, oxitriptan) est, selon le cas, déconseillée ou à prendre en compte.

En raison du potentiel allongement du QT, le citalopram et l’escitalopram sont contre-indiqués avec les médicaments torsadogènes (hydroxyzine, antiarythmiques, dompéridone, mizolastine, etc.).

→ La fluoxétine et la paroxétine sont déconseillées avec la méquitazine et le tamoxifène et contre-indiquées avec le pimozide. La fluvoxamine est contre-indiquée avec l’agomélatine et la duloxétine.

→ La sertraline est contre-indiquée avec le pimozide. Elle est déconseillée avec le pamplemousse et les inducteurs enzymatiques (carbamazépine, rifampicine, etc.).

Sources : dictionnaire Vidal ; Inhibiteurs de recapture sérotonine (IRS), pharmacomedicale.org ; « Éviter les effets indésirables par interactions médicamenteuses – Comprendre et décider », Patients sous IRS, Prescrire ; Formation ordonnance « La dépression », cahier n° 2, Le Moniteur des pharmacies n° 3241.

Aller plus loin

– Les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, ou IRSNA (duloxétine, venlafaxine, milnacipran), sont aussi recommandés en première intention dans le traitement de l’épisode dépressif caractérisé. Appelés également antidépresseurs d’action duale, ils augmentent à la fois les taux synaptiques de sérotonine et de noradrénaline.

– Leurs principaux effets indésirables sont digestifs, auxquels s’ajoutent des poussées hypertensives, une tachycardie (sous venlafaxine en particulier) et des dysuries liées à la stimulation noradrénergique.

Ils sont contre-indiqués avec les IMAO irréversibles et déconseillés avec les IMAO-A réversibles. Le milnacipran est contre-indiqué en cas d’allaitement, de maladie coronarienne sévère ou instable. Le milnacipran et la duloxétine sont contre-indiqués en cas d’hypertension artérielle (HTA) non contrôlée.