Biosimilaires : les pharmaciens prêts à prendre la main, sous conditions

© Getty Images - .

Mieux délivrer Réservé aux abonnés

Biosimilaires : les pharmaciens prêts à prendre la main, sous conditions

Publié le 2 juillet 2025
Par Christelle Pangrazzi
Mettre en favori

Substitution officinale, formation, confiance des patients et logistique : lors des Amphis de l’officine organisés le 1er juillet à Paris, pharmaciens, industriels et représentants de patients ont échangé sur les freins et leviers du développement des biosimilaires à l’officine. Un exercice de pédagogie, mais aussi un signal politique pour accélérer le déploiement d’un marché encore trop peu mature.

« Si les génériques étaient les enfants de la substitution, alors les biosimilaires en sont la version adulte », résume Olivier Rozaire, président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) pharmaciens Auvergne-Rhône-Alpes et membre du bureau national de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF). Il a rappelé que si les pharmaciens maîtrisent depuis 25 ans la substitution des génériques, l’exercice reste plus complexe avec les biomédicaments.

Contrairement aux médicaments chimiques, les biosimilaires ne sont jamais strictement identiques à leur princeps. Le docteur Salim Ben Khalifa, directeur médical du laboratoire Celltrion, l’a rappelé d’emblée : « Même entre deux lots d’un médicament biologique de référence, il existe des variations. Le biosimilaire est, d’une certaine manière, le jumeau acceptable d’un lot antérieur. » Une complexité de fabrication qui impose des exigences réglementaires supérieures à celles d’un générique, incluant des phases cliniques avant autorisation.

Des contraintes techniques et logistiques

À l’officine, ces différences se traduisent aussi par des contraintes d’usage. « Les dispositifs d’injection ne sont pas toujours identiques entre princeps et biosimilaires », souligne Olivier Rozaire. Pour le pharmacien, cela suppose non seulement de connaître chaque modèle, mais aussi d’être capable d’en expliquer l’utilisation, notamment en cas de substitution.

La logistique entre également en ligne de compte. « Aujourd’hui, avec les ruptures de stock, la réduction des livraisons grossistes, et la multiplicité des produits biosimilaires pour une même molécule, comme l’adalimumab, maintenir un stock cohérent devient un enjeu crucial », a-t-il alerté. À ce titre, la prescription en DCI pourrait simplifier les choses, en permettant aux pharmaciens de s’approvisionner plus rationnellement et de limiter les allers-retours des patients.

Publicité

Des patients ouverts mais vigilants

Du côté des patients, Jean-François Thébault, vice-président de la Fédération française des diabétiques, a salué « la proximité et la confiance envers les pharmaciens », tout en appelant à une vigilance renforcée. « Le jour où mon petit-fils a fait un choc anaphylactique, sa mère n’a pas su utiliser le nouveau dispositif. C’est un point de vigilance : toute substitution doit s’accompagner d’une transmission claire des consignes d’usage. »

Concernant les insulines, le représentant des patients a reconnu que « la substitution de la glargine ne pose aucun problème particulier », en raison de la simplicité du schéma thérapeutique et de l’autosurveillance étroite des patients diabétiques. En revanche, il a justifié les réserves de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) sur les insulines rapides (asparte), notamment en raison de leur usage avec des pompes non testées avec tous les biosimilaires, et d’un manque d’études chez la femme enceinte.

Formation et DMP au cœur des enjeux

« Tous les pharmaciens ne sont pas au même niveau de formation sur les pathologies et les dispositifs associés », a reconnu Jean-François Thébault. Pour lui, l’enjeu de la substitution biosimilaire va au-delà du produit : il implique une montée en compétence homogène de l’ensemble des équipes officinales.

Le développement du dossier médical partagé (DMP) est aussi perçu comme un levier pour faciliter une substitution éclairée. « Substituer un médicament sans connaître la pathologie du patient pose problème. Le DMP pourrait améliorer cette connaissance, à condition d’un usage systématique et bien intégré », a-t-il estimé.

Incitation économique et modèle de rémunération

Enfin, plusieurs intervenants ont souligné la nécessité de penser un modèle de rémunération incitatif. « Le système de valorisation doit être repensé, sinon la substitution ne décollera pas », a affirmé Olivier Rozaire. Jusqu’à récemment, l’absence d’égalisation des marges entre bioréférent et biosimilaire pénalisait les pharmacies pratiquant la substitution. « Il faut sortir du schéma où la substitution repose uniquement sur la bonne volonté du pharmacien. Comme pour les génériques, c’est la reconnaissance financière qui enclenchera le changement d’échelle. »