« La restauration vaginale améliore la fonction génitale » - Porphyre n° 579 du 24/09/2021 - Revues
 
Porphyre n° 579 du 24/09/2021
 

Exercer

Parlons cancéro

Auteur(s) : Christine Julien

La ménopause artifi cielle provoquée par les traitements anticancéreux, dont l’hormonothérapie, est responsable d’un syndrome génito-urinaire très invalidant. De nouvelles techniques peuvent améliorer l’intimité des femmes, avec au premier plan les lasers vaginaux.

Q’est-ce que la ménopause artificielle en cancérologie ?

C’est une ménopause provoquée par des traitements anticancéreux : ovariectomie (ablation des ovaires), chimiothérapie, hormonothérapie, avec le tamoxifène ou les anti-aromatases, et la radiothérapie du bassin, qui peut endommager les ovaires.

Quelle différence y a-t-il avec une ménopause naturelle ?

Les traitements du cancer du sein, de la vulve ou des ovaires ont des conséquences sur la vie génitale. Ils aggravent une ménopause, ou en créent une très violente, qui peut être très profonde. On atrophie médicalement les ovaires afin qu’il n’y ait plus d’œstrogènes. À la différence d’une ménopause naturelle où la chute des œstrogènes est progressive, sur cinq ans en moyenne, elle est ici violente et survient en quelques semaines. Le corps conserve néanmoins beaucoup de récepteurs d’œstrogènes qui ne sont plus « nourris ».

Quelles sont les conséquences de la suppression des œstrogènes ?

Bouffées de chaleur, sueurs nocturnes, sécheresse vaginale, troubles du sommeil, de la libido, dyspareunie… et des symptômes urinaires, essentiellement des fuites avec une urgenturie. Quarante-deux troubles constituent le syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGUM)*. Il toucherait près de trois femmes sur dix(1).

Comment le défi cit d’œstrogènes joue sur les fuites urinaires ?

Le vagin a un rôle de soutien aux organes pelviens adjacents, tels la vessie en antérieur et le rectum en postérieur. Le sphincter et la vessie reposent sur la face antérieure du vagin. Quand le vagin est moins hydraté, sa tonicité est moins bonne et le soutien de la vessie s’en ressent. Le sphincter vésical peut être de moins bonne qualité car il a lui aussi des récepteurs d’œstrogènes qui diminuent avec l’âge et la ménopause.

Et sur la sécheresse vaginale ?

Le terme de sécheresse n’est pas adapté car le vagin n’a pas de glandes. Sa lubrification résulte d’une transsudation du plasma depuis les vaisseaux sanguins, qui vient perler au niveau de la partie superficielle de la muqueuse vaginale. Le déclin en œstrogènes induit une atrophie de l’épithélium vaginal, un épuisement de ses réserves en glycogène et un phénomène de kératinisation(2), ainsi qu’une atrophie des vaisseaux et une diminution de la perfusion sanguine, qui contribue aux symptômes de « sécheresse » vaginale. Moins d’œstrogènes signifie une moins bonne vascularisation, et donc une moins bonne transsudation.

Quelles sont les conséquences ?

Cette perte d’hydratation vaginale génère une douleur à la pénétration, appelée dyspareunie d’intromission. La vascularisation est meilleure dans les parties moyenne et supérieure du vagin que dans le premier tiers, appelé introitus. Le vestibule, petite zone très fine à la base des petites lèvres, très riche en terminaisons nerveuses, a lui aussi des récepteurs œstrogéniques. En cas de sécheresse au niveau de l’introitus, ces extrémités nerveuses prolifèrent et entraînent une hypersensibilité du vestibule. Ces douleurs ne gênent pas la vie quotidienne, mais compliquent les relations sexuelles.

Ces mécanismes sont-ils majorés en cas de ménopause artifi cielle ?

Oui. La chimiothérapie et les anti-œstrogènes atrophient la muqueuse vaginale jusqu’à une abrasion telle que le vagin peut rétrécir. Il peut y avoir des fibroses rétractiles en raison d’une vascularisation défaillante. Cela peut aller jusqu’à la cassure des fibres de collagène par manque de vascularisation, avec le rétrécissement du vagin, et même de la vulve. Il peut y avoir une sténose de l’introitus après des chimiothérapies lourdes, avec impossibilité de réaliser un toucher vaginal ou un frottis, le diamètre vaginal étant réduit à un doigt. Les douleurs sont terribles, avec des conséquences sur la vessie.

Existe-t-il des traitements ?

Les traitements hormonaux systémiques sont inefficaces. Les traitements locaux, tel l’estriol (Trophicrème…), fonctionnent, mais l’observance est mauvaise car ils coulent et obligent à mettre des protections. Ils ne sont pas utilisables chez les femmes ayant eu un cancer hormonodépendant, sauf à de très petites doses et sur une courte durée dans certains cas(1). Depuis une dizaine d’années, de nouvelles technologies de restauration vulvo-vaginale sont apparues.

Qu’est-ce que la restauration vaginale ?

Ce terme de restauration rassemble un ensemble de technologies appliquées à l’amélioration de la fonction génitale chez la femme, une manière de corriger un trouble fonctionnel : injections de toxine botulique et d’acide hyaluronique, lasers, LED, radiofréquence… Les lasers existaient déjà en chirurgie. Il a suffi d’utiliser des pièces à main, sortes de sondes qui permettent d’employer ces machines dans le vagin, ou d’appliquer les rayons sur la vulve quelques minutes. Ces techniques sont très efficaces, sans contre-indication en post-cancérologie. Ces machines arrivent enfin dans des instituts et de grands hôpitaux. On a compris qu’elles étaient un vrai support, mais elles ne sont toujours pas remboursées…

Comment fonctionnent les lasers ?

Il existe essentiellement deux types de laser : les lasers à CO2 (Mona Lisa, Alma Lasers…) et à cristaux solides, tel l’Erbium Yag, plus récent (voir encadré). Leur mécanisme d’action est à peu près le même. Il consiste à réactiver le métabolisme du tissu conjonctif sous la muqueuse vaginale, à sortir les fibroblastes de leur « repos métabolique » afin de créer de nouvelles fibres de collagène, d’élastine, d’acide hyaluronique, et de stimuler les fibres restantes en les rendant plus toniques. Ce qui permet de soutenir l’urètre, notamment en cas de fuites urinaires. Le deuxième mécanisme d’action est la néo-vascularisation, avec formation de nouveaux microvaisseaux pour une meilleure trophicité (= nutrition et croissance cellulaires).

Et les LED et la radiofréquence ?

La photomodulation par LED consiste à stimuler les mitochondries cellulaires par une lumière froide, sans produire de chaleur, à la différence des lasers. Les lumières LED agissent sur l’inconfort vaginal et ont une activité anti-inflammatoire. La radiofréquence utilise des ondes électromagnétiques qui élèvent la température au niveau vulvo-vaginal et raccourcissent les fibres de collagène.

Comment choisir la technique ?

Si les douleurs vaginales sont liées à la sécheresse, on peut la traiter par injections d’acide hyaluronique. Si elles sont dues à une hyper-innervation excessive au niveau du vestibule, on peut injecter de la toxine botulique, qui réduit la transmission de la douleur.

Quelles modalités d’utilisation ?

Elles dépendent de l’évaluation clinique. En général, pour les lasers et la radiofréquence, on propose deux à trois applications dans le vagin, de quelques minutes, espacées chacune de quatre à six semaines, puis une séance tous les deux à trois ans en entretien, selon la gêne. Pour les produits injectables, une injection suffit en général. La patiente revient six à dix semaines après afin d’apprécier l’amélioration. Il est rare de renouveler. Les injectables sont davantage utilisés dans les douleurs de frottement.

Y a-t-il beaucoup de machines et de praticiens ?

En France, l’obstacle est avant tout financier, avec des lasers coûtant de 50 000 à 75 000 €. Les médecins se regroupent pour en acheter et se forment. Aujourd’hui, le DIU de Médecine et chirurgie reconstructrice et plastique pelvi-périnéale(3) forme entre 50 et 70 médecins par an, dont 80 % sont Français. Grosso modo, dans notre pays, on dispose d’un plateau laser pour dix gynécologues(4).

Faudrait-il faire du laser avant de commencer une chimio ?

L’idéal serait de faire de la prévention en débutant les lasers et les LED avant une chimio ou une radiothérapie. Il faudrait aborder le sujet avant les traitements, demander aux femmes si elles ont des troubles de la sexualité, et les informer qu’il y aura probablement une aggravation, qu’il serait intéressant de démarrer un traitement préventif pour corriger et avoir des effets secondaires moins violents par la suite. On fait une ou deux séances avant et on les accompagne durant leurs traitements, ce qui permet de limiter la problématique et de retrouver une sexualité correcte. Un jour, on arrivera à le faire partager aux cancérologues. Quelques-uns commencent enfin à s’y intéresser !

Quels sont les tarifs ? On voit de 290 à 1 300 € la séance !

On voit des tarifs épouvantables. Certains confondent esthétique et fonctionnel. En général, c’est de l’ordre de 350 à 450 € la séance. Je conseille d’en faire d’abord deux, avant de voir si une troisième est nécessaire. Les injections coûtent de 180 à 250 € l’ampoule, voire moins de 150 € pour certaines.

Où se renseigner ?

Auprès du Groupe de recherche et d’innovations en restauration génitale, sur grirg.org. Vous trouverez sur ce site, en cours de développement, un annuaire des praticiens formés en restauration vaginale et d’autres informations. La restauration génitale a pour philosophie de rendre aux femmes une vie génitale naturelle afin d’avoir une sexualité équilibrée, élément majeur du sentiment de bien-être et de bonheur. Comme se nourrir, boire, admirer de belles choses, elle fait partie des choses qui rendent la vie belle !

(*) Depuis 2014, le SGUM a remplacé le terme d’atrophie vulvo-génitale.

(1) La Ménopause en pratique, Brigitte Raccah-Tebeka et Geneviève Plu-Bureau, Éditions Elsevier, 2019

(2) Endothélialisation d’un modèle 3D de muqueuse vaginale humaine reconstruite par génie tissulaire, Weronika Jakubowska, 2017.

(3) www.revuegenesis.fr/restauration-genitale-unerevolution-en-marche-dans-la-prise-en-charge-de-lintime

(4) On recensait 901 gynécologues médicaux au 1er janvier 2021. Source : Atlas de la démographie médicale en France , Ordre national des médecins.

Nicolas Berreni, gynécologue obstétricien à Perpignan (66), fondateur et secrétaire du Groupe de recherche et d’innovations en restauration génitale (Grirg), diplômé en esthétique, attaché de recherche en sciences fondamentales et appliquées à Toulouse (31).

Différents lasers*

→ Le laser (Light amplification by stimulated emission of radiation, ou amplification de lumière par émission stimulée de rayonnement) est un faisceau de lumière concentrée et ordonnée.

→ Le laser à CO2 fractionné. À la suite de micro-ablations provoquées par le laser, des cytokines sont relarguées, entraînant un remodelage tissulaire via la collagenèse et l’augmentation de la cellularité - densité et qualité des cellules -, et une néo-angiogenèse.

→ Le laser Erbium Yag est non invasif car il agit par échauffement pur et sans ablation. Il exploite l’effet photothermique du faisceau laser sur l’eau à la surface du tissu muqueux. Les impulsions laser, dont la longueur d’onde (2 940 nm) correspond à la fréquence vibratoire des molécules d’eau (3 000 Hz), conduisent à la rupture de celles-ci. Ce phénomène génère la synthèse de dérivés réactifs de l’oxygène, qui eux-mêmes induisent une sécrétion de protéines de stress thermique à l’origine du processus de réparation cellulaire. La chaleur provoque également une contraction des fibres de collagène, avec stimulation fibroblastique et néocollagenèse intense, ce qui améliore la tonicité et l’élasticité du tissu traité.

(*) La lettre du gynécologue, n° 426, mai-juin 2020.

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