La dermatite atopique de l’adulte - Porphyre n° 579 du 24/09/2021 - Revues
 
Porphyre n° 579 du 24/09/2021
 

Savoir

La patho

Auteur(s) : Florence Dijon-Leandro

La dermatite atopique, ou eczéma constitutionnel, est une dermatose infl ammatoire prurigineuse chronique. Subir le regard des autres, les démangeaisons ou la lassitude à se traiter est fréquent. Il existe de nouvelles molécules pour les formes modérées à sévères.

La maladie

Définition

• La dermatite atopique, également appelée eczéma constitutionnel, est une dermatose chronique inflammatoire touchant préférentiellement le nourrisson et le jeune enfant.

Elle évolue par poussées sous l’influence de facteurs déclenchants, qui alternent avec des périodes d’accalmie. En dehors de l’inflammation, les principales caractéristiques sont la xérose, c’est-à-dire une sécheresse cutanée, et le prurit (voir Dico+).

• La dermatite atopique se répartit en trois niveaux de gravité en fonction de plusieurs critères : fréquence et puissance des poussées, étendue des lésions, intensité du grattage, troubles du sommeil, impact sur la qualité de vie… On distingue les formes légères, modérées ou sévères.

• La sévérité est évaluée par le médecin avec différents scores : le Scorad (Scoring atopic dermatitis, avec nature des régions touchées, intensité des manifestations, symptômes subjectifs), l’ADCT (Atopic dermatitis control tool) en six questions pour s’auto-évaluer (gêne, incidence sur le sommeil…)…

Physiopathologie

Rappels sur la peau

La peau est constituée de trois couches : l’épiderme, la couche la plus extérieure, le derme et l’hypoderme.

L’épiderme est un épithélium de revêtement non vascularisé dont la couche superficielle, appelée couche cornée, ou stratum corneum, est composée de cellules mortes parfaitement alignées et maintenues en place par un ciment lipidique. L’épiderme assure une fonction de barrière, de protection.

Mécanismes à l’origine de la dermatite atopique

• La dermatite atopique est la composante dermatologique de l’atopie, qui regroupe aussi l’asthme, la rhinite et la conjonctivite allergiques, ainsi que l’allergie alimentaire. L’atopie est la prédisposition héréditaire à développer des réactions excessives face aux allergènes courants de l’environnement appelés atopènes.

• Sa physiopathologie est complexe car elle regroupe plusieurs processus : une dysrégulation du système immunitaire, une altération de la barrière cutanée, une dysbiose digestive et cutanée… Une dysbiose est un déséquilibre de la flore de la personne.

• Sur le plan moléculaire, il a été montré que l’inflammation aiguë de la peau atopique est associée aux cytokines (voir Dico+) de type Th2, notamment IL-4, IL-13 et IL-31, et Th22, notamment IL-22. L’inflammation chronique résulte de l’action de cytokines supplémentaires, de type Th1 et Th17 (notamment TNF alpha, IFN, IL12, IL23, IL17). La plupart de ces anomalies cytokiniques se retrouvent aussi bien sur la peau lésionnelle que non lésionnelle, faisant de la dermatite une maladie globale de la peau.

• En cas de dermatite atopique, la peau est une véritable « passoire » qui laisse s’échapper l’eau, d’où la sécheresse cutanée, et laisse pénétrer plus facilement les allergènes, d’où l’inflammation et les démangeaisons.

Chez les adultes

Selon une étude de la Société française de dermatologie (1), la dermatite atopique touche 4,65 % des Français de plus de 15 ans. Les formes sévères concernent environ 100 000 adultes. La dermatite atopique de l’adulte regroupe trois cas de figure :

→ la récidive d’une forme pédiatrique : le patient a eu de l’eczéma dans l’enfance et ce dernier réapparaît à l’âge adulte ;

→ la persistance au-delà de l’enfance : le patient a de l’eczéma depuis l’enfance qui ne s’est jamais véritablement calmé ;

→ le développement de novo à l’âge adulte : le patient n’a jamais eu d’eczéma dans l’enfance et les symptômes se développent à 20, 30 ou 40 ans, voire plus.

Facteurs déclenchants

La dermatite atopique est une pathologie déterminée génétiquement et modulée par l’environnement. De nombreux agents peuvent déclencher et/ou aggraver une poussée. Les plus fréquents sont les pollens, les poils d’animaux, la poussière et les acariens, certains aliments, les irritants comme la laine, l’eau chlorée, les parfums, le stress, le froid et le vent, la transpiration… Il est inutile, voire dangereux, de chercher un unique responsable des poussées car la dermatite atopique est toujours d’origine multifactorielle. Par contre, identifier ses propres facteurs permet d’éviter certaines crises.

Symptômes

• En période de poussée, la maladie se traduit par des plaques inflammatoires, rouges, rugueuses, prurigineuses et mal délimitées (à bords émiettés). Chez l’adulte, les plaques siègent essentiellement au niveau du visage, du cuir chevelu et du cou (Head and neck dermatitis en anglais), mais aussi parfois sur les mains et dans les plis. Le nombre et la taille des plaques varient selon le patient.

• En dehors des poussées, la peau demeure souvent sèche, sensible et source d’inconfort pour le patient.

• Chaque patient est différent. La fréquence des poussées varie d’une personne à l’autre. Certaines font une poussée par an, voire moins, d’autres une par mois, voire plus, d’autres seulement en hiver à cause du froid, en été à cause de la chaleur, au printemps à cause des pollens ou en automne avec le stress de la rentrée.

Diagnostic

• Le diagnostic est clinique et anamnestique (voir Dico+). Le médecin s’intéresse aux antécédents familiaux d’atopie, à la notion de prurit lié aux lésions et à l’alternance entre poussées et rémissions. Aucun examen paraclinique n’est nécessaire.

• Les tests allergologiques sont très prisés des patients mais ne devraient être réservés qu’à certains cas précis : échec d’un traitement bien conduit, localisations anormales…

• En cas d’apparition de novo, une biopsie cutanée élimine d’autres diagnostics, notamment un lymphome cutané.

• Le dermatologue évalue la sévérité de la maladie et son impact sur la qualité de vie. « Nous sommes un centre expert, donc nous utilisons de nombreux scores et échelles. En pratique de ville, le dermatologue peut se limiter à un score de sévérité comme l’IGA (Investigator’s Global Assessment), une échelle visuelle analogique de 0 à 10 pour quantifier le prurit, ainsi qu’une échelle de mesure de la qualité de vie comme le DLQI (Dermatology Life Quality Index) », précise le Pr Delphine Staumont-Sallé, dermatologue au CHRU de Lille (59).

Évolution

Nombre de complications peuvent apparaître au cours de la dermatite atopique de l’adulte.

• Lichénification : il s’agit d’un épaississement de la peau secondaire au prurit chronique, qui rend les plaques plus difficiles à traiter, car les topiques y pénètrent moins bien. Dans ce cas, il faut souvent faire appel à des pommades, dont l’effet est occlusif.

• Surinfections : l’impétiginisation, c’est-à-dire la surinfection bactérienne des lésions, est la complication infectieuse la plus fréquente. Le principal agent bactérien en cause est le staphylocoque doré. La surinfection des lésions par le virus de l’herpès est possible, bien que plus rare. Les cas les plus extrêmes constituent le syndrome de Kaposi-Juliusberg, avec des lésions nécrotiques et hémorragiques.

• Érythrodermie : dermatose grave au cours de laquelle la peau est rouge et inflammatoire dans sa quasi-totalité, avec altération de l’état général.

• Eczéma de contact : la peau atopique présente une fonction barrière défaillante et reçoit de nombreux traitements locaux auxquels elle peut, à terme, se sensibiliser. Cet eczéma de contact se distingue de celui de la dermatite atopique par son caractère acquis et localisé aux endroits de mise en contact avec le produit.

• Syndrome atopique : en parallèle de l’eczéma, le patient peut développer d’autres symptômes atopiques, comme un asthme ou une atteinte oculaire avec une kérato-conjonctivite atopique (voir L’ordo, Porphyre n° 578, septembre 2021).

• Troubles psychologiques : l’impact de la dermatite atopique sur la qualité de vie est souvent majeur chez le patient adulte. Les démangeaisons, l’inconfort cutané, le caractère affichant des lésions, la peur du regard des autres… contribuent à faire de la maladie un « fardeau » au quotidien. En parallèle des troubles du sommeil, de nombreux adultes souffrent d’anxiété et de dépression, voire d’idées suicidaires.

Suivi

Le dermatologue est l’interlocuteur privilégié du patient adulte atteint. Prévoir une à deux consultations par an, davantage en cas de complications ou de persistance des lésions. Entre chaque consultation, le patient peut voir son médecin généraliste mais il doit surtout prendre conscience du caractère chronique de sa pathologie et être capable d’auto-déclencher son traitement en cas de poussée.

D’autres professionnels peuvent être impliqués dans la prise en charge, comme une infirmière, un psychologue ou le médecin du travail.

Les traitements

Objectifs

Le traitement de la dermatite atopique a pour but la disparition des plaques et des démangeaisons, ainsi que la prévention des surinfections. Il vise aussi à prévenir les rechutes, c’est-à-dire à diminuer la fréquence et/ou l’intensité des poussées d’eczéma grâce à un traitement de fond. Au final, il s’agit d’améliorer la qualité de vie du patient.

Il n’existe pas de traitement définitif. L’ensemble des traitements est uniquement suspensif. Ainsi, la réapparition des plaques ne signifie pas que le traitement ne fonctionne pas, mais que c’est la maladie qui s’exprime de nouveau.

Stratégie thérapeutique

Traitement de la crise

• Pour enrayer la poussée, le médecin prescrit des anti-inflammatoires topiques. Ces derniers constituent le traitement topique de référence. Les corticoïdes systémiques ne sont pas recommandés dans le traitement de la poussée. Le choix dépend de l’âge, de la sévérité de l’affection, du site et de l’étendue à traiter.

→ Ceux d’activité faible (classe I) n’ont pas leur place dans la prise en charge de l’eczéma de l’adulte.

→ Ceux d’activité modérée (classe II) sont parfois utilisés sur certaines lésions, notamment du visage.

→ Ceux d’activité forte (classe III) sont les plus employés chez l’adulte, sur le corps et sur le visage.

→ Ceux d’activité très forte (classe IV) sont réservés aux lésions très inflammatoires et plus difficiles à traiter, tel l’eczéma des mains. L’application se fait une fois par jour sur les plaques, jusqu’à disparition des lésions.

• En seconde intention, en cas d’échec ou d’intolérance des dermocorticoïdes, le tacrolimus topique (Protopic 0,03 % et 0,1 %, Takrozem 0,1 %) est indiqué. Ce traitement immunosuppresseur local s’avère bien adapté aux lésions du visage et des paupières car il n’induit pas d’atrophie cutanée, à la différence des dermocorticoïdes.

L’application se fait deux fois par jour sur les plaques, jusqu’à disparition des lésions.

Dans tous les cas, le patient doit démarrer le traitement le plus tôt possible, dès l’apparition des premiers signes de la poussée. Il doit également être en mesure de le redémarrer si une nouvelle poussée se présente.

Traitement de fond

• Il est à base d’émollients. La peau saine, c’est-à-dire sans plaques d’eczéma, doit être hydratée quotidiennement avec des émollients. Cela permet de renforcer la fonction barrière de la peau et de limiter la fréquence et l’intensité des crises.

• Les dermocorticoïdes et le tacrolimus topique (Protopic, Takrozem) peuvent également, dans certains cas, intégrer le traitement de fond, à raison de deux applications par semaine sur les zones dites bastions, c’est-à-dire celles habituellement touchées par l’eczéma. Le tacrolimus topique est régulièrement utilisé mais non remboursé dans cette indication car sa tolérance est meilleure sur une peau saine que sur une peau inflammatoire.

En cas d’échec

Si les traitements locaux ne s’avèrent pas assez efficaces, plusieurs options sont possibles (voir tableau p.44).

• Des traitements systémiques « classiques » : il s’agit d’immunosuppresseurs tels que la ciclosporine, qui a l’autorisation de mise sur le marché (AMM) dans la dermatite atopique sévère de l’adulte, et en cas d’échec de celle-ci, le méthotrexate, l’azathioprine et le mycophénolate, hors AMM.

• Des traitements systémiques « innovants », récents : le dupilumab par voie injectable et le baricitinib par voie orale sont indiqués dans le traitement de la dermatite atopique modérée à sévère de l’adulte qui nécessite un traitement systémique, mais ils sont remboursés uniquement après échec, intolérance ou contre-indication de la ciclosporine (le périmètre de remboursement est plus restreint que celui de l’AMM).

D’autres sont en cours de développement, comme le détaille le Pr Staumont : « Le tralokinumab, un anti-IL-13, et l’upadacitinib, un anti-JAK-1, viennent d’obtenir l’AMM et devraient être bientôt disponibles. L’abrocitinib, un autre anti-JAK-1, est très avancé. D’autres pistes sont explorées, par exemple cibler l’IL-31, une interleukine impliquée dans le prurit, avec le nemolizumab ».

• Un traitement systémique « spécifique » de l’eczéma chronique sévère des mains ne répondant pas au traitement par des dermocorticoïdes puissants : l’alitrétinoïne.

Remarque : en cas de traitement systémique utilisé en cas d’échec des traitements locaux, ces derniers sont en général conservés et optimisés. En début de traitement, il est possible que l’eczéma « flambe » de façon transitoire.

Autres traitements

En cas de surinfection des lésions, un traitement à base d’antibiotiques ou d’antiviraux peut être temporairement prescrit.

• Les antihistaminiques peuvent calmer des crises de démangeaisons, notamment grâce au pouvoir sédatif de certaines molécules. Cela ne fonctionne pas toujours car le prurit de la dermatite atopique, à la différence de l’urticaire, n’est pas histaminodépendant.

• La photothérapie repose sur l’utilisation de certains UVA et UVB, le plus souvent en milieu hospitalier dans des cabines spéciales. Chaque séance dure quelques minutes, plusieurs fois par semaine pendant plusieurs mois, le plus souvent l’hiver. La photothérapie est parfois proposée aux adultes souffrant de dermatite atopique et dont l’état cutané s’améliore en été grâce à l’exposition solaire. Elle permet de « passer un cap inflammatoire » sans passer par un systémique, mais les contraintes techniques ainsi que les risques carcinologiques potentiels limitent cette méthode.

• Les cures thermales sont prescrites par un médecin. Elles durent trois semaines et sont bénéfiques pour certains : optimisation des soins locaux, temps pour soi, rupture avec l’environnement, rencontre avec d’autres patients… Plusieurs stations thermales accueillent ces patients : La Roche-Posay, Avène, Uriage, etc.

• Les ateliers d’éducation thérapeutique du patient (ETP) existent dans plusieurs centres hospitaliers. Ils apprennent à gérer son environnement et son traitement au quotidien, et à se sentir moins seul.

Médicaments

Dermocorticoïdes

• Mode d’action : principalement génomique, c’est-à-dire qu’il consiste en une modulation de l’expression de certains gènes. Les dermocorticoïdes ont des propriétés anti-inflammatoires, immunosuppressives et anti-prolifératives sur tous les composants cellulaires de la peau. L’effet vasoconstricteur local est utilisé pour les classer en niveaux (voir encadré p.42).

• Galéniques : elles ne sont pas interchangeables ! La forme crème est préférable sur les lésions suintantes et dans les plis, tandis que la forme pommade s’utilise sur les lésions épaissies. Les lotions, gels et mousses sont réservés au cuir chevelu.

• Effets indésirables : rares, et surtout locaux, observés pour des applications importantes et prolongées avec acné/rosacée, défauts de pigmentation de la peau, atrophie cutanée et amincissement de la peau, vergetures, infections cutanées. Les effets indésirables systémiques (insuffisance surrénalienne, diabète…) sont exceptionnels et ont été longtemps surestimés.

Tacrolimus topique

• Mode d’action : pas complètement élucidé. Comme la ciclosporine, le tacrolimus est un inhibiteur de la calcineurine, une protéine impliquée dans des mécanismes physiologiques conduisant à la prolifération des lymphocytes T. Par voie locale, il inhibe les cellules immunitaires et la cascade inflammatoire.

• Galénique : la forme pommade du tacrolimus topique est peu appréciée des patients car elle est grasse et fait briller la peau. Peu de gens la mettent le matin avant de partir travailler, aussi une application est-elle privilégiée le soir, même si la posologie indique deux fois par jour et que ce médicament est destiné au traitement de l’eczéma du visage.

• Effets indésirables : irritation cutanée, sensation de chaleur et de prurit intense, surtout en début de traitement, risque d’infection cutanée, notamment avec le virus de l’herpès. Intolérance avec l’alcool (effet antabuse). Du fait du risque supposé de cancers cutanés lié à une immunosuppression locale, l’exposition au soleil est déconseillée durant le traitement.

• Législation : médicament d’exception, dont la prescription est réservée aux dermatologues et aux pédiatres. Pris en charge seulement dans le « traitement des poussées de la dermatite atopique sévère de l’adulte et de l’adolescent (16 ans et plus) en cas de réponse inadéquate ou d’intolérance aux traitements conventionnels tels que les dermocorticoïdes ».

Émollients

• Mode d’action : grâce à une combinaison d’actifs tels que eau, agents humectants, substances occlusives, corps gras…, les émollients réparent, hydratent et assouplissent la peau, renforçant la fonction barrière cutanée.

• Galénique : le taux de phase grasse important des baumes et des cérats leur permet de bien hydrater la peau, notamment l’hiver. Les émulsions et les laits, beaucoup plus légers, sont adaptés aux saisons plus chaudes. La forme crème se situe entre les deux groupes, et peut s’utiliser toute l’année en cas de xérose modérée.

• Effets indésirables : picotements, sensations de brûlure voire aggravation des lésions si l’émollient est appliqué directement sur les plaques. Irritations ou allergies en cas de présence de certaines substances à risque comme les parfums.

• Législation : des émollients ont le statut de médicament, tels les génériques de Dexeryl, d’autres de dispositif médical (DM), tels Dexeryl passé du statut de médicament à celui de DM, Atopiclair…, ou de cosmétique (Lipikar, Xera-Calm, Exomega…). Le prescripteur peut recourir à des préparations magistrales remboursées, le plus souvent de glycérolé d’amidon dans une base grasse hypoallergénique.

Ciclosporine

• Mode d’action : immunosuppresseur du groupe des inhibiteurs de la calcineurine. En particulier, il limite la production d’interleukine 2, donc de la réponse lymphocytaire T.

• Effets indésirables : le plus souvent dose-dépendants, donc a priori peu susceptibles de se développer en cas d’eczéma, en raison des faibles doses utilisées. Néphrotoxicité, hypertension artérielle, hirsutisme, hyperplasie gingivale, troubles digestifs, fatigue, céphalées, myalgies, tremblements, hépatotoxicité, perturbations biologiques dont hyperkaliémie et hyperglycémie, risque infectieux. Augmentation potentielle du risque de lymphomes et autres cancers, donc à éviter chez les patients ayant reçu de fortes doses de photothérapie.

• Surveillance : recommander une protection solaire en cas d’exposition et une surveillance dermatologique. Une surveillance régulière de la pression artérielle et des fonctions rénale et hépatique est recommandée. La toxicité potentielle de la ciclosporine, notamment rénale et cardio-vasculaire, limite sa prescription au long cours, en général un voire deux ans. La prescription est possible chez la femme enceinte.

• Législation : prescription initiale hospitalière semestrielle.

Dupilumab

• Mode d’action : anticorps monoclonal anti-IL-4 et anti-IL-13. Il agit à la fois sur l’inflammation et l’altération de la barrière cutanée.

• Effets indésirables : réactions au site d’injection, conjonctivite, arthralgie, herpès buccal et hyperéosinophilie sont les plus fréquents. Des réactions allergiques sont rapportées.

• Surveillance : consulter si apparition ou aggravation des symptômes oculaires car il peut s’agir d’une kératite (= inflammation de la cornée).

• Législation : médicament d’exception. Prescription initiale hospitalière annuelle. Prescription initiale et renouvellement réservés aux spécialistes en dermatologie, en pneumologie, en pédiatrie ou en médecine interne.

Baricitinib

• Mode d’action : immunosuppresseur inhibiteur sélectif et réversible des Janus kinases (JAK) de type JAK1 et JAK2. Les JAK sont des enzymes intracellulaires impliquées dans le déclenchement de la réaction inflammatoire et immunitaire.

• Effets indésirables : infections des voies respiratoires supérieures, gastro-entérites, zona, herpès, infections urinaires… ; perturbations biologiques, dont hypercholestérolémie et hausse des transaminases, nausées, douleurs abdominales, acné, céphalées. Des thromboses veineuses profondes sont rapportées.

• Surveillance : paramètres lipidiques, transaminases hépatiques, numération formule sanguine avant l’instauration du traitement, puis de manière régulière selon le condiv. Ne pas instaurer ou interrompre temporairement si les polynucléaires neutrophiles sont inférieurs à 109/L, si les lymphocytes sont inférieurs à 0,5 x 109/L ou si l’hémoglobine est inférieure à 8 g/dL. Dépistage de la tuberculose et des hépatites virales avant l’instauration du traitement.

• Législation : médicament d’exception. Prescription initiale hospitalière annuelle. Prescription et renouvellement réservés aux spécialistes en dermatologie et rhumatologie.

Alitrétinoïne

• Mode d’action : mal connu dans l’eczéma chronique des mains ; effets immunomudolateurs et anti-inflammatoires.

• Effets indésirables les plus fréquents : céphalées, érythèmes, nausées, bouffées vasomotrices, perturbations biologiques, dont augmentation des lipides sanguins, troubles hépatiques et de la fonction thyroïdienne ; sécheresse de la peau, des lèvres et des yeux… Des troubles psychiatriques (anxiété, changements d’humeur, dépression, idées suicidaires…) sont aussi rapportés.

• Surveillance : dosage des lipides sanguins. Le patient et/ou son entourage doivent être sensibilisés au risque de troubles psychiatriques et reconsulter en cas de troubles. L’exposition aux rayons ultraviolets (UV) est déconseillée durant le traitement.

• Législation : prescription initiale semestrielle réservée aux spécialistes en dermatologie. Renouvellement non restreint. Pour les femmes en âge de procréer, il faut un accord de soins et la mise en place d’une contraception. Prescription limitée à trente jours et conditionnée par l’obtention d’un test de grossesse avec dosage des hCG plasmatiques négatif réalisé dans les trois jours précédant la prescription. Délivrance dans les sept jours suivant la prescription. L’ensemble des données de prescription et de délivrance est consigné dans un carnet-patiente. En raison du caractère tératogène de la molécule, pas de don du sang pendant le traitement et jusqu’à un mois après son arrêt.

Les conseils aux patients

Observance

Application des topiques

• Dermocorticoïdes : en période de poussée, les appliquer une fois par jour sur les plaques d’eczéma. En mettre jusqu’à disparition des lésions. Pas d’arrêt progressif car la décroissance de dose se fera au fur et à mesure de la disparition des plaques. Appliquer partout où c’est rouge et rugueux et prurigineux ; ainsi, peut-être que le lendemain une plaque sera déjà partie et ainsi de suite, ce qui fera moins de cortisone à appliquer au fil des jours. Redémarrer dès la réapparition des lésions.

• Tacrolimus topique : pour limiter l’inconfort, appliquer par-dessus la crème hydratante plutôt que directement sur la peau, et/ou placer le tube au frigo pour un effet « frais » sur la peau. Ne pas s’exposer au soleil et ne pas consommer d’alcool pendant le traitement. Cesser le traitement en cas de bouton de fièvre chez le patient ou dans son entourage proche.

• Les émollients : appliquer généreusement et quotidiennement, idéalement après la douche quand la peau est encore légèrement humide. Privilégier les émollients hypoallergéniques et sans parfum.

Administration des autres produits

• Ciclosporine : en cas de préparation d’un pilulier, conserver les capsules molles dans leur plaquette jusqu’au dernier instant. Au moment d’ouvrir la plaquette, une odeur caractéristique se dégage et ne doit pas inquiéter. Prendre les capsules pendant ou en dehors d’un repas, mais toujours de la même façon pour éviter les fluctuations de doses.

• Dupilumab : l’injection sous-cutanée est réalisée par le patient s’il a été formé à l’auto-injection, ou par une infirmière à domicile. Alterner les sites d’administration et injecter avec un angle de 45° par rapport au plan de la peau. En cas d’oubli d’une dose, l’administrer le plus tôt possible, puis reprendre le schéma habituel.

• Baricitinib : la prise journalière se fait avec ou sans aliments. Prévenir le risque infectieux en appliquant des règles de bon sens : bien se laver les mains, ne pas tarder à désinfecter une plaie… Tout symptôme évocateur d’une infection telle que fièvre, mais également toux, mal de gorge, rhume, signes urinaires…, impose de consulter rapidement le médecin, voire de suspendre le traitement dans certains cas.

• Alitrétinoïne : la prise journalière se fait au cours du repas principal, de préférence au même moment chaque jour. Comme les autres rétinoïdes oraux, l’alitrétinoïne a tendance à entraîner une sécheresse de la peau et des muqueuses, ainsi qu’une fragilisation des cheveux, qui deviennent plus fins, et des ongles, plus cassants. Mettre en place des mesures correctrices si besoin : larmes artificielles, baume pour les lèvres… Se protéger du soleil pendant le traitement.

Automédication

La ciclosporine est à la fois substrat et inhibiteur du cytochrome 3A4 et de la glycoprotéine P : attention aux nombreuses interactions médicamenteuses. Éviter l’automédication.

Vie quotidienne

Se laver sans agresser

Préférer les douches aux bains. Utiliser des produits lavants adaptés à la peau atopique : des huiles lavantes, des syndets, des pains dermatologiques. Rincer puis sécher par tamponnements avec une serviette douce.

Pour lutter contre les démangeaisons, tous les moyens sont bons ! S’occuper les mains, appliquer du froid, se relaxer, écouter de la musique…

Se vêtir

Privilégier des matières naturelles dans les vêtements, comme le coton, le lin, la soie.

Pour éviter de trop transpirer durant une activité physique, prévoir des vêtements respirants, une serviette pour s’éponger, un échauffement avant la séance et une douche après la séance.

Manger

Adopter une alimentation variée et équilibrée. Proscrire certains aliments uniquement en cas d’allergie avérée.

Vie intime

L’eczéma prend souvent « beaucoup de place » dans la vie du patient adulte, entre les soins, les séances de grattage, les doutes… En cas de difficultés dans un couple, ne pas hésiter à consulter, seul ou en couple, un psychologue ou un sexologue.

Le désir de grossesse s’accompagne parfois de la peur de transmettre la maladie à son enfant. Si l’un des deux parents est atteint, l’enfant a 50 % de risque de l’être aussi. Ce chiffre passe à 80 % si les deux parents sont touchés. Là encore, en parler à un psychologue peut être utile.

Vie psychique

Halte aux idées reçues ! Quelques exemples.

• « L’eczéma est contagieux » : non, car ce n’est pas une maladie infectieuse mais inflammatoire. Ce sont les surinfections qui peuvent éventuellement être contagieuses.

• « La cortisone est dangereuse pour la peau » : la corticophobie est la crainte, la peur voire le refus des dermocorticoïdes, le plus souvent par analogie avec les formes systémiques prescrites au long cours et sources de nombreux effets indésirables. La corticophobie touche de nombreux patients et professionnels de santé, y compris à l’officine. Au comptoir, adopter un discours clair et rassurant et dire que les dermocorticoïdes utilisés conformément à la prescription médicale sont sans danger.

• « Pas de cortisone au soleil » : non, les dermocorticoïdes ne sont pas photosensibilisants. L’application du traitement se fait souvent le soir après la douche pour des raisons pratiques mais cela n’a rien à voir avec le soleil.

• « L’eczéma, c’est dans la tête » : non, ce n’est pas une maladie psychosomatique. Il n’est pas dans la tête, il est sur la peau et fait souffrir de nombreuses personnes. Ne pas minimiser l’impact de la dermatite atopique sur la qualité de vie. Proposer des solutions pour aller mieux. Par exemple, se maquiller avec des produits adaptés aux peaux pathologiques permet de camoufler les lésions sans les aggraver et de retrouver l’estime de soi.

(1) Sex-and age-adjusted prevalence estimates of five chronic infiammatory skin diseases in France: results of the “Objectifs peau” study, Richard M.-A., Corgibet F., Beylot-Barry M. et al., The Journal of the European Academy of Dermatology and Venereology, 2018.

Dico +

→ Prurit : envie irrépressible de se gratter, démangeaisons.

→ Cytokine : protéines qui permettent la communication entre les cellules du système immunitaire.

Info +

→ L’atopie est souvent décrite comme une tendance héréditaire à produire des immunoglobulines E (IgE). Mais dans la dermatite atopique, qui est un exemple d’hypersensibilité retardée, le rôle des IgE doit être relativisé. Elles ne sont pas systématiquement augmentées et ne sont pas impliquées dans la phase d’expression de l’eczéma, mais vraisemblablement dans la phase initiale de sensibilisation.

Dico +

→ L’anamnèse : histoire de la maladie.

Avis du spé

Il n’y a pas de “petite” dermatite atopique

Pr Delphine Staumont-Sallé, dermatologue au CHRU de Lille (59).

Pour les adultes atteints de dermatite atopique, tous les espoirs sont permis. De nouveaux traitements arrivent, avec des modes d’action et des voies d’administration variables selon les molécules. Cela va permettre de répondre à des besoins différents selon les patients et de proposer de véritables traitements « à la carte ». Les officinaux doivent communiquer sur la maladie, et garder à l’esprit qu’il n’y a pas de petite dermatite atopique. Orienter autant que possible vers le médecin traitant et le dermatologue pour que le patient bénéficie d’un traitement adapté.

Info +

→ Les plaques de dermatite atopique ne laissent pas de cicatrices, sauf si le grattage a été particulièrement intense et agressif. À l’issue de la poussée, on observe parfois un léger trouble de la pigmentation - hypoou hyperpigmentation -, le plus souvent transitoire.

Classification des dermocorticoïdes

Les dermocorticoïdes sont classés selon le test de vasoconstriction de McKenzie (voir plus loin) et les données d’effi cacité des essais cliniques. Cette classifi cation permet de choisir en pratique le meilleur produit, galénique comprise, en termes de rapport bénéfi ce/risque. Ainsi, les dermocorticoïdes sont classés en quatre niveaux d’activité anti-infl ammatoire.

→ Classe IV (ou 4) : activité très forte. À base de clobétasol (Dermoval, Clarelux mousse, Clobex shampooing et génériques) ou de bétaméthasone (Diprolène pommade).

→ Classe III (ou 3) : activité forte. À base de bétaméthasone (Diprosone crème et génériques, Diprosone pommade ou lotion, Betneval crème, pommade ou lotion, Bétésil emplâtre), désonide (Locatop crème), difl ucortolone (Nérisone, Nérisone Gras pommade), difl uprednate (Epitopic crème), fl uticasone (Flixovate crème ou pommade), hydrocortisone (Effi cort crème lipophile ou hydrophile, Locoid), chlorquinaldol + difl ucortolone (Nérisone C crème), acide fusidique + bétaméthasone (Dermafusone crème), bétaméthasone + acide salicylique (Diprosalic lotion ou pommade).

→ Classe II (ou 2) : activité modérée. À base de désonide (Tridésonit crème, Locapred crème).

→ Classe I (ou 1) : activité faible. À base d’hydrocortisone seule (Cortapaisyl crème, CortiSédermyl crème, Dermofenac crème, Hydrocortisone Horus Pharma crème). Tous sont sur liste I, sauf Cortapaisyl, CortiSédermyl et Dermofenac. Attention, certaines sources, dont des résumés des caractéristiques du produit (RCP), citent encore la classifi cation française, qui fonctionne en sens inverse…

Le test de McKenzie est basé sur les propriétés vasoconstrictrices des dermocorticoïdes, qui participent à leur effet anti-infl ammatoire en diminuant rapidement érythème et œdème. Ce test compare sur la peau humaine l’effet vasoconstricteur des corticoïdes entre eux, en mesurant l’intensité du blanchiment obtenu après application cutanée sous occlusion.

Source : Collège national de pharmacologie médicale.

Contre-indications médicales des traitements*

→ Dermocorticoïdes : dermatoses infectieuses non contrôlées, lésions ulcérées, acné, rosacée, dermite péri-orale, érythème fessier, nouveau-nés pour la classe 4.

→ Baricitinib : grossesse (contraception effi cace pendant le traitement et au moins une semaine après son arrêt), allaitement.

→ Alitrétinoïne : grossesse (contraception effi cace à démarrer au moins un mois avant, à poursuivre pendant le traitement et au moins un mois après son arrêt), allaitement, insuffi sance hépatique, insuffi sance rénale grave, hypercholestérolémie ou hypertriglycéridémie non contrôlée, hypothyroïdie non contrôlée, hypervitaminose A.

(*) Hors hypersensibilités et interactions médicamenteuses.

Info +

→ Le dupilumab (Dupixent) est également indiqué dès 6 ans, avec des schémas posologiques qui dépendent du poids, ainsi que dans certaines formes d’asthme.

Info +

→ Le baricitinib (Olumiant) est également indiqué dans la polyarthrite rhumatoïde.

Témoignage de patiente

Parfois la crise est si forte qu’elle empêche de sortir

Marjolaine Hering, membre de l’Association française de l’eczéma (AFE).

L’eczéma ? J’en ai depuis toujours. Mon traitement est local, avec dermocorticoïdes et tacrolimus topique. Je n’ai pas de traitement systémique pour le moment, même si la question s’est déjà posée avec les différents dermatologues que j’ai consultés. Finalement, le plus difficile, c’est de faire attention à tout, avoir toujours assez de traitement sur soi en cas de crise, supporter les douleurs et les démangeaisons en cas de crise importante. Parfois, la crise est telle qu’elle empêche de s’habiller ou de sortir de chez soi. Je fais partie de l’Association française de l’eczéma [voir En savoir+] et cela m’apporte beaucoup. On se sent entouré, on ne se sent plus seul avec sa maladie, on est tenu au courant des nouveaux traitements, on a accès à des professionnels de santé via les événements en ligne ou en présentiel organisés par l’association.

En savoir +

→ Association française de l’eczéma. Cette association de patients, créée en 2011, accompagne les personnes atteintes des différentes formes d’eczéma (eczéma atopique, eczéma de contact, eczéma chronique des mains…) et leurs proches. Elle plaide pour une plus grande reconnaissance de la maladie.

associationeczema.fr

En savoir +

→ La Fondation eczéma (ex-Fondation pour la dermatite atopique) est une fondation d’entreprise du groupe Pierre Fabre. Sur son site, elle recense l’ensemble des centres spécialisés disponibles sur le territoire.

fondationeczema.org

À RETENIR

SUR LA MALADIE

→ La dermatite atopique de l’adulte est une dermatose infl ammatoire chronique et prurigineuse.

→ Les localisations privilégiées sont le visage, le cou, les mains, les plis. Chez certains patients, la maladie est présente depuis l’enfance ; chez d’autres, elle réapparaît après des années d’accalmie ; chez d’autres encore, il s’agit d’un eczéma de novo.

SUR LE TRAITEMENT

→ Le traitement de base de la dermatite atopique est local. Il comprend un traitement de la crise, avec dermocorticoïdes et tacrolimus topique, et un traitement de fond, avec des émollients.

→ En cas d’échec, plusieurs options sont possibles, par voie orale ou injectable. Les nouvelles thérapeutiques sont en train de révolutionner la prise en charge de la dermatite atopique.

SUR LES CONSEILS AUX PATIENTS

→ La dermatite atopique prend « beaucoup de place » dans la vie du patient. Celui-ci doit notamment adapter son environnement pour éviter les poussées. La lutte contre les idées reçues est l’affaire de tous pour mieux vivre avec l’eczéma.

Avec l’aimable participation du Pr Delphine Staumont-Sallé, dermatologue au CHRU de Lille (59), et de Marjolaine Hering, patiente, membre de l’Association française de l’eczéma (AFE).

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !