Soutenir la prise d’anti-œstrogènes - Porphyre n° 575 du 25/05/2021 - Revues
 
Porphyre n° 575 du 25/05/2021
 

Exercer

Parlons cancéro

Auteur(s) : Christine Julien

L’hormonothérapie est une thérapie utilisée dans certains cancers dits hormonodépendants. Elle regroupe plusieurs classes de médicaments, que nous décrirons sur plusieurs numéros avant d’aborder la gestion de leurs effets indésirables. Ce mois-ci, place aux anti-œstrogènes dans le cancer du sein.

Un cancer hormonodépendant

Un cancer est hormonodépendant ou hormonosensible lorsque des hormones jouent un rôle dans la prolifération des cellules cancéreuses. Les principaux cancers de ce type sont ceux du sein et de la prostate, qui sont sensibles aux hormones sexuelles.

L’hormonothérapie, c’est quoi ?

Le traitement par l’hormonothérapie consiste à inhiber l’action ou la production d’hormones susceptibles de stimuler la croissance d’une tumeur. « Il s’agit d’un traitement systémique visant les tumeurs dites hormonosensibles, qui expriment des récepteurs hormonaux »(1). Cela concerne principalement les cancers du sein, de la prostate et de l’endomètre. On distingue :

• l’hormonothérapie suppressive, qui consiste à supprimer la production d’hormones. Elle est réalisée de manière chirurgicale, par radiothérapie ou par des médicaments, dont les analogues et antagonistes GnRH, les anti-aromatases, et l’acétate d’abiratérone ;

• l’hormonothérapie additive, qui consiste à bloquer les récepteurs hormonaux par compétition, afin d’inhiber l’action des hormones sur les récepteurs cytosoliques des cellules tumorales. Il existe également un freinage hypophysaire par rétrocontrôle négatif. Ce type de thérapie englobe les hormones sexuelles et leurs dérivés de synthèse, et les composés non stéroïdiens. Il s’agit des œstrogènes, progestatifs, anti-androgènes et des anti-œstrogènes, sujet de cet article.

Hormones et cancer du sein(2)

• Œstrogènes et progestérone peuvent favoriser la croissance de certaines cellules, dont celles du cancer du sein.

• On trouve des récepteurs d’œstrogènes (RE) et de progestérone (RP) à la surface ou à l’intérieur des cellules normales du sein et de certains types de cellules du cancer du sein. C’est sur ces récepteurs que les hormones se fixent aux cellules. Une fois attachées, elles peuvent affecter le comportement ou la croissance des cellules.

Les cellules du cancer du sein, qui ont des récepteurs RE et RP, ont besoin de ces hormones pour croître et se diviser.

• Lors du diagnostic du cancer du sein ou d’une récidive, l’analyse des tissus de la tumeur permet de connaître le statut des récepteurs hormonaux de la tumeur afin de savoir si une hormonothérapie pourrait être efficace. Ce statut joue aussi sur le pronostic et la survie. Les résultats des tests se basent sur la présence de récepteurs de chaque type et leur quantité. Les résultats sont positifs ou négatifs. On peut trouver des récepteurs positifs (+) et des récepteurs négatifs (–) dans une même tumeur.

• Dans environ deux tiers des cas de cancer du sein, la tumeur contient des récepteurs d’œstrogènes, de progestérone, ou les deux.

→ Une tumeur RE (+) et une tumeur RE et RP (+) sont souvent traitées par hormonothérapie.

→ Une tumeur RE (–) et RP (+) est parfois traitée par hormonothérapie.

→ Une tumeur dont les récepteurs hormonaux sont négatifs (RE- et RP-) n’est pas traitée par hormonothérapie.

Comment agissent les anti-œstrogènes ?

• Les anti-œstrogènes sont des médicaments qui entrent en compétition avec les œstrogènes. Ils ne suppriment pas la sécrétion des œstrogènes, mais ils prennent leur place au niveau des récepteurs cellulaires, bloquant ainsi leurs effets de stimulation sur les cellules cancéreuses.

• Il existe deux types d’anti-œstrogènes.

→ Les SERM, pour « Selective Estrogen Receptor Modulators », entrent en compétition avec les œstrogènes en prenant leur place au niveau des récepteurs hormonaux, les empêchant ainsi d’exercer leur effet sur les cellules cancéreuses. Les SERM utilisés pour le cancer du sein sont le tamoxifène (Nolvadex et génériques) et plus rarement le torémifène (Fareston). Ces médicaments se prennent sous forme de comprimés.

→ Les SERD, pour « Selective Estrogen Receptor Degradation », agissent sur les récepteurs hormonaux des cellules en les altérant. Ils empêchent de cette façon les œstrogènes d’exercer leur effet sur les cellules cancéreuses. La molécule utilisée s’appelle le fulvestrant (Faslodex et génériques) et est administrée par injection intramusculaire.

Comment sont-ils utilisés ?

• Le statut ménopausique guide le choix du traitement. Le tamoxifène est le traitement de première intention de la femme non ménopausée, mais il peut être utilisé chez celle ménopausée. Le torémifène et le fulvestrant sont indiqués chez la femme ménopausée.

• Ils sont prescrits après une chimiothérapie cytotoxique et une radiothérapie, il s’agit alors d’un traitement dit adjuvant. Une hormonothérapie peut être prescrite d’emblée si, par exemple, on ne souhaite pas faire de chimiothérapie pour éviter de lourds effets indésirables chez une femme très âgée.

• Lors d’un cancer métastatique, l’hormonothérapie est prescrite tant qu’elle est efficace.

• Tamoxifène et torémifène s’utilisent en général sur une durée de cinq ans en cas de traitement adjuvant. Au-delà, leur efficacité est à mettre en balance avec un risque accru de survenue d’événements thromboemboliques et de cancers de l’endomètre.

• Chez les femmes non ménopausées, utiliser un contraceptif non estrogénique pendant le traitement et durant deux mois après l’arrêt.

Quels sont les effets indésirables ?

Les plus fréquents sont les suivants.

→ Pour le tamoxifène, et par analogie le torémifène : bouffées de chaleur ; prise de poids ; myalgies et arthralgies susceptibles de faire arrêter le traitement ; cheveux qui s’affinent ou chutent, mais jamais de façon importante ; kystes de l’ovaire sans gravité ; anomalies de l’endomètre (polypes, cancers…) imposant une surveillance annuelle et de signaler au médecin tout saignement vaginal anormal ; pertes vaginales ; formation de caillots dans les vaisseaux sanguins.

→ Pour le Fulvestrant : douleurs au site d’injection ; certains patients signalent un symptôme pseudo-grippal dans les deux jours suivant l’injection ; état de fatigue ; bouffées de chaleur ; nausées ; élévation des enzymes hépatiques (surveillance du bilan biologique) ; asthénie.

(1) Pharmacie clinique pratique en oncologie, Éd. Elsevier Masson, 2016.

(2) Site de la Société canadienne du cancer : www.cancer.ca

Les fiches de bon usage sur Internet

→ Institut national du cancer (Inca) : e-cancer.fr > Professionnels de santé > Médicaments > Prévention, suivi et gestion des effets indésirables.

→ Société française de pharmacie oncologique (SFPO) : oncolien.sfpo.com.

→ Omédit Normandie : omeditnormandie.fr > Boîte à outils > Bon usage.

notre experte

“Il faut créer un relationnel pour ouvrir un espace de parole

Françoise de Crozals, pharmacienne gérante à l’Institut du cancer Avignon-Provence Sainte-Catherine, à Avignon (84).

Comment parler aux patients sous hormonothérapie ?

L’hormonothérapie est un traitement de fond. Il faut discuter avec sa patiente quand elle vient renouveler son ordonnance pour savoir comment elle a vécu son traitement. Ce relationnel qui se crée ouvre un espace pour qu’elle puisse parler de son traitement et de la façon dont il impacte sa vie quotidienne. Parfois, si elle se plaint de diarrhées, le simple fait de changer de marque de génériques peut la faire disparaître. À chaque délivrance, ne pas rester indifférent et demander « Comment ça s’est passé ce mois-ci ? ». Cinq ans de tamoxifène, c’est long. Il faut stimuler les patientes car elles s’épuisent au fil du temps, notamment si les effets indésirables abîment leur qualité de vie. Il faut savoir faire de l’endurance avec ces patientes et être vigilant, notamment savoir dire quand un renouvellement n’a pas été pris : « Pourquoi n’êtesvous pas venue le mois dernier ? ». L’hormonothérapie adjuvante traite le cancer et les patientes doivent comprendre la nécessité de le prendre pendant cinq ans. Le long cours fait l’efficacité et il faut le réexpliquer si besoin en disant : « En arrêtant le traitement, cela ouvre grand les portes au cancer pour repartir. »

Quelles précautions donner en délivrant ?

Toujours se laver les mains avant et après la prise des comprimés. Sortir le fulvestrant du réfrigérateur 30 minutes avant l’injection car un produit froid fait davantage mal. En cas d’oubli d’un comprimé, le prendre dès que possible et reprendre le rythme d’administration sans doubler la dose. Oublier une fois n’est pas très grave, mais le noter pour voir combien de fois cela arrive dans le mois et en parler au cancérologue. Savoir remonter les effets indésirables qui impactent la qualité de vie permet d’en discuter afin de trouver une solution. Parfois, les femmes ne peuvent plus marcher à cause de leurs myalgies. À l’officine, le préparateur et le pharmacien peuvent dire : « Sachez nous faire savoir si ça ne va pas » afin de faire au besoin le relais avec l’équipe de soins.

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