Parlons de la mort avec les enfants - Porphyre n° 575 du 25/05/2021 - Revues
 
Porphyre n° 575 du 25/05/2021
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Thierry Pennable

Soutenir les enfants endeuillés. Offrir un temps pour s’exprimer à un enfant ou un adolescent qui a perdu un proche lui évite l’isolement délétère du silence. Même si l’on a peur de mal faire…

En discuter simplement

Éviter le silence

Certains adultes pensent protéger l’enfant en lui épargnant un sujet aussi douloureux que la mort d’un proche. C’est faux. Les enfants ressentent tout ce qui se passe dans la famille et la pire des choses serait de ne pas lui permettre d’exprimer ses questions et ses émotions. Le silence isole encore plus l’enfant, qui se sent déjà différent des autres parce qu’il a perdu un être cher. Et il renforce chez lui le sentiment de solitude et d’abandon.

Ne pas attendre un décès

Parler de la mort, c’est parler de la vie. La mort fait partie des questions existentielles fondamentales dans le développement d’un enfant. Sans attendre la survenue d’un décès douloureux, diverses occasions permettent d’ouvrir une discussion avec lui. Ce peut être la mort d’un animal de compagnie, mais aussi un insecte qu’on écrase ou des feuilles qui tombent d’un arbre…

Parler simplement

→ Utiliser les « vrais » mots. Chaque enfant est capable d’entendre les « vrais » mots concernant la perte d’un proche. Le terme « mort » peut être employé. Quel que soit son âge, l’enfant interprète ces « vérités » selon son niveau de connaissances et de développement. Mieux vaut être simple et clair : « Tu ne verras plus ton père », « Les câlins de ta sœur vont nous manquer » ou « Ton frère ne pourra plus jouer au foot avec toi ».

→ Éviter les périphrases. Inutile de chercher le bon mot ou les belles images. Les expressions comme « Maman est dans les étoiles » ou « Papi s’est endormi » n’ont pas de sens pour l’enfant. Certains scrutent le ciel en permanence, sont distraits à l’école parce qu’on leur a dit « Ton papa est au ciel ». D’autres ont des difficultés d’endormissement ou des troubles du sommeil parce que « Mamie s’est endormie pour toujours ».

→ Avec ses propres termes. Il est conseillé de dire clairement les choses aux enfants, les adultes s’exprimant ensuite avec leurs mots. La crainte de mal faire n’a pas sa place. L’officinal peut rassurer et déculpabiliser en disant : « Il vaut mieux parler de la mort avec vos mots, au risque d’être maladroit, plutôt que de laisser votre enfant seul face à cet événement douloureux ».

Mais c’est quoi la mort ?

De 3 à 5 ans

→ La mort est réversible. À l’âge préscolaire, l’enfant n’a pas la notion d’irréversibilité de la mort, qu’il ressent plutôt comme une séparation. Tout est possible. Si un parent s’en va, rien ne l’empêche de revenir. La personne morte continue à fonctionner et peut revivre. Il parle du parent décédé comme s’il était toujours là, parfois sans tristesse, rendant la communication difficile pour l’adulte bouleversé.

→ L’adulte sera amené à répéter à l’enfant que la personne aimée ne reviendra plus. Ici encore, les mots faciles à comprendre sont privilégiés : « Le corps de maman a cessé de fonctionner. Maman ne peut plus respirer, ni manger, ni bouger ».

De 5 à 8 ans

→ Un lien de causalité. À cet âge, l’enfant n’a pas conscience de sa propre finitude. La mort d’un proche ne le renvoie pas à la sienne et ne provoque pas d’angoisse existentielle. Sa peine et sa souffrance sont surtout liées à l’absence du parent. L’enfant peut développer un sentiment de culpabilité qui expliquerait pourquoi sa mère l’a abandonné, pourquoi son père l’a laissé tomber. Il peut se sentir coupable en imaginant un lien de causalité entre ses actions, des bêtises ou une mauvaise note à l’école, par exemple, et la survenue du décès.

→ L’adulte doit corriger cette idée de culpabilité, en répétant à l’enfant : « Tu n’es pas responsable de la mort de maman. Aucune de tes actions ou de tes pensées n’a pu causer sa mort ».

De 8 à 12 ans

→ La mort est définitive. Les enfants commencent à comprendre que tout le monde va mourir un jour et que c’est définitif. Ils peuvent avoir besoin de plus de détails : « Qu’est-ce qui s’est passé ? Comment c’est arrivé ? »

→ Des explications. Tout en respectant la vie privée de l’enfant de cet âge, des explications simples peuvent favoriser une communication ouverte au sujet de la mort : « Quand une personne décède, elle ne sent plus le chaud ni le froid, et elle n’a plus faim parce que son corps cesse de fonctionner », « Tatie Carole est morte parce qu’elle était très malade et que son corps s’est arrêté de marcher ». En rappelant constamment l’idée qu’il n’y a pas de questions idiotes.

De 12 à 18 ans

Les adolescents comprennent que la mort est définitive. Le décès d’un parent peut susciter nombre de réactions, comme le repli sur soi, la colère, la culpabilité ou la peur. Rappeler à l’ado qu’« il n’y a pas de bonne ou de mauvaise façon de faire son deuil. Certains souhaitent passer du temps seuls, quand d’autres ont besoin d’être entourés simplement pour parler ou chercher des conseils ou un soutien ».

Rassurer

Ta réaction est normale

Rappeler aux enfants que tout ce qu’ils éprouvent est normal et qu’il n’existe pas de bonne ou de mauvaise façon de se sentir dans ces circonstances : « Il n’y a aucun mal à pleurer, à se sentir triste, en colère ou un peu perdu ». L’adulte peut également exprimer ses émotions : « Je sais que tu es très triste et je suis triste moi aussi. Nous aimions beaucoup papa tous les deux et il nous aimait beaucoup ».

Tu ne l’oublieras pas

Les enfants ont peur d’oublier leur proche décédé au cas où ils se remettraient à vivre normalement après sa mort. Il faut essayer d’expliquer à l’enfant qu’il n’oubliera jamais son parent. En disant par exemple que « c’est un peu comme une cicatrice. Au début, la plaie est ouverte, puis se forme une cicatrice qui reste sur la peau mais qui n’empêche pas de continuer à vivre ». Pour son développement, il est important que l’enfant continue à s’autoriser à grandir, à jouer, à faire des bêtises…

On va continuer à s’occuper de toi

En grandissant, le sentiment d’indépendance augmente mais les parents restent un point d’ancrage. Certains enfants peuvent s’inquiéter d’être « abandonnés » après la mort d’un parent. Ils doivent entendre que les adultes vont continuer à s’occuper d’eux : « Tonton Farid ira te chercher à l’école, comme papi le faisait », ou « Je dois rester avec papi quelques jours. Papa et toi, vous allez être à la maison ensemble et vous prendrez soin l’un de l’autre. Je t’appellerai tous les jours et je serai de retour lundi ». Plus largement, l’enfant doit savoir que nombreux sont les adultes aimants qui prendront soin de lui, qu’ils soient de la famille, de l’école ou du club de sport. Les adultes qui prennent en charge l’enfant doivent être avertis du décès.

La mort n’est pas contagieuse

Une autre crainte, particulièrement chez les plus jeunes, réside dans l’idée que lorsqu’une personne décède, d’autres peuvent aussi mourir. Ils peuvent également s’inquiéter pour eux-mêmes et demander « Est-ce que je vais mourir ? ». Leur expliquer que « ce n’est pas parce que c’est arrivé à mamie que ça va t’arriver, ou que ça va arriver à tes parents ou à tes frères et sœurs ».

Soigner le dialogue

Disponibilité de l’adulte

Après une annonce simple et claire du type « J’ai une mauvaise nouvelle à t’annoncer, mamie est morte aujourd’hui », l’adulte fera une pause pour laisser à l’enfant le temps d’absorber ces paroles. Il doit rester disponible pour écouter les questions de l’enfant et y répondre.

Disponibilité de l’enfant

L’adulte doit s’enquérir du souhait de l’enfant d’aborder le sujet : « Est-ce que tu veux parler de ce qui est arrivé à mamie ? Je suis disponible pour en discuter avec toi ». Si l’enfant n’accroche pas, rien ne sert d’insister. L’adulte peut lui proposer d’en reparler plus tard, en rappelant qu’il reste disponible pour répondre à ses questions. Il faut privilégier un moment où l’enfant est seul. S’il y a une fratrie, il vaut mieux prendre individuellement chaque enfant. En présence de ses frères et sœurs, un enfant n’est pas complètement libre de poser les questions qui le préoccupent.

Un avis extérieur

Lors du décès de quelqu’un de proche, il est bénéfique qu’un adulte extérieur à la famille donne son avis sur l’état de l’enfant, une personne neutre et pas forcément impliquée dans le deuil. Par exemple, le médecin de famille peut s’assurer que l’enfant a bien compris ce qui se passe et qu’il n’a pas de questions à poser.

Avis de spé

Dr Agnès Suc, pédiatre, équipe Enfant-Do, CHU de Toulouse (31), coordonnatrice du dispositif d’accompagnement du deuil Histoire d’en parler.

Qui doit annoncer la mort d’un proche à un enfant ?

Il est préférable que l’enfant l’apprenne le plus tôt possible de la bouche de quelqu’un de très proche avant qu’il ne le découvre accidentellement. Les parents immédiats sont les interlocuteurs privilégiés, ce sont eux qui connaissent le mieux leurs enfants. Mais ils peuvent parfois ne pas être en mesure de s’adresser à l’enfant parce qu’ils sont eux-mêmes trop abattus. Dans ce cas, le parent peut solliciter un adulte de confiance, une personne ressource qui connaît bien l’enfant et en qui celui-ci a confiance. Il peut s’agir d’un oncle ou d’une tante, mais aussi de la maîtresse d’école, du médecin traitant, de l’entraîneur de foot ou de l’officinal qui gère l’enfant et la famille…

Avec l’aimable participation du Dr Agnès Suc, pédiatre, équipe Enfant-Do, CHU de Toulouse (31), coordonnatrice du dispositif d’accompagnement du deuil Histoire d’en parler, accessible par le site www.chu-toulouse.fr/-histoire-d-en-parler-?

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