Danger ou pas pour les AINS dans la Covid-19 ? - Porphyre n° 573 du 24/03/2021 - Revues
 
Porphyre n° 573 du 24/03/2021
 

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Décryptage

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont été écartés de la Covid-19 au début de la pandémie. Depuis, la France n’a pas levé cette précaution, en dépit d’études cliniques rassurantes et de la position contraire des autorités sanitaires internationales.

Pourquoi ne pas utiliser les AINS avec la Covid-19 ?

Depuis mars 2020, les AINS ont été suspectés d’être un facteur aggravant de la Covid-19. Leur utilisation en France a donc été proscrite, y compris en prise ponctuelle.

D’où vient cette éviction ?

Émise par la Direction générale de la santé (DGS) et le ministère de la Santé, cette recommandation est un principe de précaution. Elle repose en premier lieu sur l’analogie avec le rôle décrit des AINS dans la survenue de complications pulmonaires d’origine bactérienne (évaluation européenne en cours) ou de complications en cas d’infections cutanées, tel un risque de fasciite nécrosante lors d’une varicelle, d’où l’usage déconseillé des AINS depuis 2003 dans cette pathologie. Par ailleurs, des données expérimentales suggèrent que les AINS bloquent le processus normal d’inflammation au début d’une infection virale ou, plus spécifique de la Covid-19, augmenteraient l’expression de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II, qui serait une porte d’entrée du virus dans l’organisme. Enfin, une première analyse de 37 cas de déclarations de pharmacovigilance(1) suspecte l’implication d’AINS dans la survenue de formes plus graves qu’attendu.

Qu’en est-il à l’étranger ?

C’est différent. Comme d’autres autorités sanitaires internationales, l’Agence européenne du médicament (EMA) a considéré, dès mars 2020(2), que les patients pouvaient continuer à utiliser des AINS en l’absence de lien avec une aggravation de l’infection. Les AINS ont d’ailleurs été intégrés dans les recommandations de prise en charge des symptômes modérés de la Covid par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en mai 2020.(3)

Que disent les études récentes ?

Plus de 45 études cliniques internationales ont été analysées en janvier 2021 par le Grains, un groupe de réflexion multidisciplinaire pour le bon usage des AINS. Le Grains, soutenu par le laboratoire GlaxoSmithKline santé grand public, réunit des experts français (généraliste, pédiatre, rhumatologue, infectiologue, pharmacien, pharmacologue). Pour eux, aucune étude n’établit de lien entre AINS et risque d’aggravation de la Covid-19. Certaines études montrent que les patients infectés exposés aux AINS n’ont pas de risque accru d’hospitalisation et que la prise de naproxène ou d’ibuprofène est significativement retrouvée chez les personnes atteintes de formes modérées. « Si l’on considère les cohortes de patients sous traitement de fond rhumatologique, les AINS ne ressortent pas comme un facteur de risque de forme grave de l’infection, au contraire même dans certains cas », constate le Dr Laurent Grange, membre du Grains (voir Nos experts). Une étude montre un moindre risque de décès lié à la Covid chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde traités avec AINS.

Qu’en concluent ces experts ?

Que l’on peut se ranger à la position de l’EMA et de l’OMS. « Il ne faut pas se priver de cet arsenal thérapeutique juste à la lumière de ce qu’on craignait au départ et qui n’a pas été prouvé par les études. On peut utiliser des AINS en cas de fièvre mal tolérée ou de douleurs même en période de Covid », assure le Dr Grange. De façon raisonnée, en suivant les règles habituelles de bon usage, prescripteurs et pharmaciens du Grains plaident pour le retour d’un message rassurant auprès des patients. « L’ibuprofène nous manque en conseil pour des cas où le paracétamol est insuffisant ou moins efficace, mais il faudra du temps pour dissiper la communication négative autour des AINS, d’autant plus en l’absence de démenti des autorités », regrette Yorick Berger, pharmacien titulaire à Paris et membre du Grains.

Les recommandations vont-elle évoluer ?

Non. La position de la DGS reste conforme à l’avis du 28 janvier 2021(4) du Haut Conseil de la santé publique, qui actualise ses recommandations. Dans un condiv infectieux, des aggravations observées avec les AINS incitent à en limiter l’usage. Le paracétamol est à privilégier pour les symptômes des formes bénignes de la Covid, et tout symptôme fébrile hors Covid, mais le propos est nuancé. De la même façon qu’il est recommandé de ne pas stopper un traitement chronique par AINS, il est possible de les prescrire dans une indication relevant de son AMM.

(1) Anti-inflammatoires non stéroïdiens et Covid-19 - Expertise de pharmacovigilance, CRPV Tours-CRPV Marseille, mai 2020.

(2) EMA gives advice on the use of non-steroidal anti-inflammatories for Covid-19 , EMA, mars 2020.

(3) Clinical Management of Covid-19, OMS, 27 mai 2020.

(4) Avis relatif à l’actualisation des recommandations thérapeutiques dans la prise en charge du Covid-19, HCSP, 28 janvier 2021.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

→ Dr Laurent Grange, rhumatologue au CHU Grenoble-Alpes (38), président de l’Association française de lutte antirhumatismale (Aflar), membre du Grains.

→ Yorick Berger, pharmacien à Paris, membre du Grains.

→ Direction générale de la santé (DGS).

Repères

→ Mars 2020 : la Direction générale de la santé (DGS) recommande de proscrire les AINS.*

→ Juin 2020 : le Haut Conseil de la santé publique (HCSP)** réaffirme la recommandation d’écarter les AINS pour des symptômes précoces évocateurs de Covid-19, mais estime qu’ils peuvent être poursuivis, en raison du bénéfice attendu, en traitement chronique rhumatologique.

→ Deux mois après le premier confinement : chute de 80 % des délivrances d’ibuprofène.***

(*) Avis relatif aux recommandations thérapeutiques dans la prise en charge du Covid-19 , HCSP, 23 mars 2020.

(**) Avis relatif à l’actualisation des recommandations thérapeutiques dans le Covid-19 , HCSP, 17 juin 2020.

(***) Épi-Phare, 9 juin 2020.

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