Les dermocorticoïdes - Porphyre n° 572 du 18/02/2021 - Revues
 
Porphyre n° 572 du 18/02/2021
 

Savoir

Le point sur…

Auteur(s) : Florence Dijon-Leandro

Incontournables dans la prise en charge de nombreuses dermatoses, les dermocorticoïdes souffrent parfois d’une mauvaise réputation. Mieux les connaître permet de contrecarrer les idées reçues.

Définition

• Les dermocorticoïdes regroupent les glucocorticoïdes administrés par voie cutanéo-muqueuse.

• Leur utilisation à grande échelle a mis en lumière leurs effets secondaires, à l’origine d’une crainte appelée corticophobie.

• Pour limiter les peurs et les effets indésirables, une prescription adaptée du dosage et de la galénique, le respect du bon usage et une réévaluation du traitement sont indispensables.

Rappels de chimie

• Les corticoïdes sont des hormones stéroïdiennes sécrétées par les glandes corticosurrénales. Les stéroïdes sont des molécules au squelette chimique commun de vingt et un atomes de carbone (voir dessin). Il existe deux classes de corticoïdes selon leur principale activité.

→ Les glucocorticoïdes, dont le chef de file naturel est le cortisol, agissent sur le métabolisme glucidique et protéique. Ils sont hyperglycémiants, d’où leur nom, car ils accroissent la production du glucose (ils stimulent la néoglucogénèse) et diminuent sa consommation par les tissus périphériques. Les glucocorticoïdes augmentent le catabolisme azoté et provoquent une fonte musculaire. Ils redistribuent les graisses, avec accumulation au niveau de la face et du dos. Ils diminuent le nombre de lymphocytes, de mastocytes – d’où l’effet anti-allergique – et de macrophages, réduisant l’activité anti-infectieuse. Ils augmentent leucocytes et plaquettes.

→ Les minéralocorticoïdes, comme l’aldostérone, agissent sur le métabolisme hydrominéral, d’où leur nom. Ils favorisent la rétention d’eau et de sodium et la fuite de potassium. Ils augmentent l’élimination urinaire de calcium et de phosphore et réduisent l’absorption digestive de calcium. Ils accroissent la résorption de l’os et ralentissent sa formation.

• Des modifications chimiques sur la molécule de stéroïde telles qu’une double liaison, un groupement CH3 peuvent augmenter l’effet anti-inflammatoire et réduire l’effet minéralocorticoïde.

• Exemples de glucocorticoïdes seuls.

→ Naturels : le cortisol, appelé hydrocortisone, sous forme de sel dans Efficort, Locoïd…, et son métabolite, la cortisone, moins actif.

→ Sels de synthèse : bétaméthasone (dipropionate dans Diprosone, Diprosalic, Diprolène ; valérate dans Bétésil, Betneval), clobétasol propionate (Dermoval, Clarelux, Clobex), désonide (Locapred, Locatop, Tridésonit), diflucortolone valérate (Nérisone, Nérisone Gras), difluprednate (Epitopic), fluticasone propionate (Flixovate).

Mécanisme d’action

• Tous les corticoïdes agissent de la même façon, essentiellement par voie génomique. En clair, ils modulent l’expression de certains gènes, avec plusieurs effets au final. Ils interagiraient aussi avec l’électrophysiologie cellulaire.

• Les dermocorticoïdes ont quatre propriétés.

→ Anti-inflammatoire : la plus utile en pratique clinique. Ils augmentent la production de protéines anti-inflammatoires et diminuent celle de molécules pro-inflammatoires.

→ Immunosuppressive ou anti-allergique : cette propriété est intéressante dans les dermatoses mettant en jeu le système immunitaire, comme l’eczéma. Sinon, c’est plutôt un effet indésirable car le risque infectieux grimpe en raison de la baisse des défenses locales.

→ Anti-mitotique ou anti-proliférative : propriété intéressante quand le médecin cherche à atrophier une ou plusieurs couches cutanées et à limiter la multiplication de certaines cellules, tels les kératinocytes en cas de psoriasis. C’est aussi un effet indésirable, avec un risque d’atrophie cutanée, de vergetures, de dépigmentation quand les mélanocytes sont atteints.

→ Vasoconstrictrice : cette propriété est complémentaire de l’action anti-inflammatoire et sert au classement (voir Dico+).

Classification

• Les dermocorticoïdes sont classés en fonction de leur niveau de puissance ou de leur activité, qui représente leur pouvoir anti-inflammatoire. Dans la classification internationale, ce niveau est déterminé par le test de vasoconstriction de McKenzie et les résultats des essais cliniques. Il existe quatre classes.

→ Classe I = activité faible : Cortapaisyl, Corti-Sédermyl, Dermofenac, Hydrocortisone Kerapharm, Onctose hydrocortisone.

→ Classe I = activité modérée : Locapred, Tridésonit.

→ Classe III = activité forte : Bétésil, Betneval, Diprosalic, Diprosone et génériques, Efficort, Epitopic, Flixovate, Locatop, Locoïd, Nérisone, Nérisone Gras, Nérisone C.

→ Classe IV = activité très forte : Clarelux (la crème est un générique de Dermoval crème), Clobex, Dermoval, Diprolène.

• Ils ne sont pas classés par DCI car selon le sel, la concentration et les excipients, la molécule peut se retrouver dans plusieurs classes. Exemples : on retrouve le désonide dans Tridésonit, Locapred (classe II) et Locatop (classe III) ; la bétaméthasone dipropionate dans Diprosone, Diprosalic (classe III) et Diprolène (classe IV).

Formes galéniques

Les dermocorticoïdes existent en crème, pommade, lotion, emplâtre, shampooing, mousse… Les crèmes conviennent dans la plupart des situations, notamment sur les lésions suintantes et dans les plis. Pommades et autres crèmes grasses traitent les lésions très épaisses. Gel, lotion, shampooing et mousse conviennent au cuir chevelu.

Comment choisir ?

• Les dermocorticoïdes ne sont pas tous équivalents. Ils sont choisis pour la meilleure balance efficacité/risque d’effets indésirables.

• Le choix dépend de la dermatose, de la surface à traiter, de l’âge et du siège des lésions.

• Les galéniques ne sont pas interchangeables.

Indications

Les dermocorticoïdes sont très utilisés dans les dermatoses inflammatoires chroniques, tels eczéma et psoriasis, mais aussi dans le lupus cutané, les dermatoses bulleuses, les cicatrices hypertrophiques ou chéloïdes, les lymphomes cutanés. Un dermocorticoïde d’activité faible est conseillé dans les piqûres d’insectes par exemple.

Contre-indications

• L’hypersensibilité : des allergies sont possibles mais on peut changer de molécule.

• Les dermatoses infectieuses. Le traitement est en général suspendu le temps de les traiter.

• Les dermatoses ulcérées et/ou faciales : acné, rosacée, dermite péri-orale pouvant être provoquées et/ou aggravées par le dermocorticoïde.

• L’application sur les paupières, en raison du risque de glaucome et de cataracte. En pratique, ils sont parfois prescrits sur une courte période.

• L’application sous occlusion, en raison d’effets indésirables majorés. Elle reste possible dans le « wet wrapping », qui consiste à recouvrir la peau de crème et de bandages humides puis secs pour favoriser la pénétration des actifs et soulager l’eczéma sévère ou très étendu.

Effets indésirables

Ils sont très rares lorsque la corticothérapie est conduite conformément à la prescription.

• Effets locaux : atrophie et fragilisation cutanée, retard de cicatrisation, vergetures, défauts de pigmentation, hypertrichose, acné, rosacée, granulome glutéal infantile (voir Dico+)

• Effets généraux : insuffisance surrénalienne, diabète, retard de croissance… Ces effets restent exceptionnels, voire théoriques, par analogie avec la voie systémique. Dans le cas du retard de croissance chez un enfant atteint d’eczéma, il semble qu’il soit dû aux troubles du sommeil, aux allergies alimentaires et/ou aux régimes.

Mode d’emploi

• Se laver les mains : avant les soins pour éviter une surinfection des lésions, et après pour ne pas tacher les textiles. Les gants sont inutiles.

• Appliquer sur les lésions actives, une fois par jour après la toilette, sur peau humide, en couche mince, avec léger massage. Mieux, le soir au moment où le taux des corticoïdes endogènes est bas. Pas plus de deux fois par jour car la peau « relargue » progressivement le corticoïde par un effet réservoir. En cas d’eczéma, poursuivre tant qu’il y a des lésions, sans arrêt progressif. En cas de psoriasis, le traitement, long, justifie une décroissance progressive : un jour sur deux, puis un sur trois par exemple.

• L’unité phalangette. Une quantité de crème étalée équivalant à la longueur de la dernière phalange d’un index adulte, soit 0,5 g, traite une surface équivalant à deux mains d’adulte.

• Pas de précaution vis-à-vis du soleil, les dermocorticoïdes n’étant pas photosensibilisants.

Si la galénique n’est pas précisée, échanger avec le patient ou appeler le médecin.

• Lutter contre la corticophobie. Elle repose sur un amalgame avec les corticoïdes oraux, sources d’effets secondaires à long terme (voir « Les mots pour », Porphyre n° 523, juin 2016).

Dico +

→ Le test de McKenzie repose sur les propriétés vasoconstrictrices des dermocorticoïdes qui participent à leur effet anti-inflammatoire en diminuant rapidement érythème et œdème.

Ce test compare sur la peau humaine l’effet vasoconstricteur des différents corticoïdes en mesurant l’intensité du blanchiment obtenu après application cutanée sous occlusion.

→ Le granulome glutéal infantile est une dermatose rare du nourrisson, marquée par la présence de nodules au niveau du siège. Elle est favorisée par la macération et l’application de dermocorticoïdes sous la couche.

Info +

→ Les glucocorticoïdes sont associés à d’autres composés dans d’autres spécialités à usage topique. Exemples : bétaméthasone dipropionate + acide salicylique kératolytique (Diprosalic) ; diflucortolone valérate + chlorquinaldol antiseptique (Nérisone C) ; hydrocortisone acétate + méfénidramium méthylsulfate antihistaminique + lidocaïne chlorhydrate anesthésique (Onctose hydrocortisone) ; bétaméthasone + acide fusidique antibactérien (Dermafusone) ; triamcinolone + éconazole, antimycosique (Pévisone). L’association bétaméthasone dipropionate + calcipotriol, analogue de la vitamine D, dans Daivobet et génériques, Enstilar et Xamiol est réservée au traitement du psoriasis.

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