La France a choisi ses partenaires pour tester le cannabis - Porphyre n° 572 du 18/02/2021 - Revues
 
Porphyre n° 572 du 18/02/2021
 

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Auteur(s) : Christine Julien*, Jean-Baptiste Gallé**

L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a dévoilé la liste des entreprises retenues pour l’expérimentation du cannabis à usage médical. Six binômes fourniront et distribueront des médicaments pas comme les autres dès la fin du mois de mars.

Notices pour les patients, conditionnements, plateforme logistique, les derniers réglages sont en cours. Début mars, les stocks de médicaments à base de cannabis seront sur le territoire national. Prêts pour l’expérimentation dans cinq indications thérapeutiques chez 3 000 patients (voir encadré). Après un appel d’offres lancé en octobre 2019, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a fait son choix le 25 janvier 2021. Elle a publié la liste des fournisseurs de médicaments à base de cannabis et des exploitants chargés de les distribuer en France (voir encadré p. 7).

L’important est de participer

Les six binômes élus agiront pour les beaux yeux des patients. Le cannabis sera fourni et distribué à titre gratuit. « Nous sommes un partenaire très impliqué et très fier de participer. C’est un pari que l’on fait sur une thérapeutique avec un vrai futur », confirme Pierre-Hervé Brun, directeur général de Neuraxpharm France, partenaire de Panaxia, dont il distribuera les produits via un dépositaire. « C’est la reconnaissance de notre professionnalisme et de notre expérience en tant qu’entreprise de médicaments à base de plantes », souligne Jean-Christophe Bayssat, directeur général délégué et pharmacien responsable chez Boiron, qui distribuera les produits d’Emmac Life Sciences, fournisseur suppléant. Rien ne dit que ce test, aux coûts « non négligeables », aboutisse à des octrois d’AMM, mais l’envie est grande de participer à cette expérience unique en Europe de prescription et de délivrance de produits finis de cannabis à usage médical.

Un stupéfiant dans tous les sens du terme

Tchéquie, Canada, l’usage médical du cannabis existe dans plus de vingt pays et chacun définit ses règles.(2) Préparations magistrales en Allemagne délivrées par des pharmaciens, qui reconditionnent des fleurs achetées en grande quantité ou préparent des huiles à ingérer à partir d’extraits standardisés en THC* et en CBD*. Préparations magistrales aussi en Italie, où l’État cultive… La France, elle, a opté pour des produits finis. Des huiles par voie orale et des fleurs à vaporiser, sous statut de médicament stupéfiant. Bien que le cannabis soit une drogue interdite selon la Convention unique sur les stupéfiants (ONU) de 1961, une dérogation a été prise pour son usage médical en France. « Ce statut de médicament stupéfiant octroyé par la Direction générale de la santé, est temporaire », selon une source proche du dossier.

Des normes drastiques

Neuraxpharm distribuera les produits de Panaxia, le plus grand producteur de cannabis médical israélien. Parmi les six fournisseurs retenus, Panaxia est le seul laboratoire pharmaceutique. « Nous ne sommes pas des cultivateurs. Nous développons et produisons nos médicaments avec du cannabis thérapeutique avec les standards de qualité d’une entreprise pharmaceutique », précise le Dr Malgorzata Meunier, vice-présidente Innovation. Depuis onze ans, Panaxia fabrique des extraits standardisés de THC et CBD à partir de fleurs de cannabis achetées à des cultivateurs certifiés, israéliens et portugais. À chaque étape, des procédures et des pharmacopées. La pharmacopée allemande DAB (Deutsches Arzneibuch) pour la fleur de cannabis et les extraits, la pharmacopée européenne pour ce qui a trait à la fabrication et aux contrôles de produit à base de plante (EMA), puis les bonnes pratiques de fabrication israéliennes ou européennes (EU-GMP).

Le petit livre vert

À partir des fleurs, Panaxia réalise une extraction éthanolique. Ces extraits natifs « sont standardisés avec l’huile MCT [à triglycérides à chaîne moyenne, NDLR] pour obtenir un extrait hautement dosé en THC et un autre hautement dosé en CBD », explique le Dr Meunier. À partir de ces extraits standardisés, le laboratoire fabrique huiles, comprimés sublinguaux, suppositoires, ovules, distillats pour inhalation et topiques en « jouant » sur les proportions de THC et de CBD. Panaxia est aussi un grand fournisseur de données cliniques au « Green book ». Édité et régulièrement mis à jour par le ministère de la Santé israélien, ce document officiel collecte depuis plus de onze ans une masse phénoménale de données pharmacocinétiques et cliniques afin d’aider les prescripteurs. En France, Panaxia a été retenu pour des huiles orales, fluides, au nom de Naxiva-Panaxir en flacons de 10 et 30 ml, avec seringue graduée en 0,1 ml. Pour l’instant, les dosages précis THC/CBD ne sont pas communiqués.

Des cultivateurs généticiens

Le laboratoire Boiron exploitera et distribuera le cannabis du britannique Emmac, grâce à sa plateforme logistique des Olmes, à 30 km de Lyon. « Nous maîtrisons totalement la chaîne de distribution jusqu’aux pharmacies », précise Jean-Christophe Bayssat. Bien que suppléants, les deux partenaires se tiennent prêts. Un souci de livraison avec la Covid-19 est si vite arrivé… Présent au Royaume-Uni, en Allemagne, Italie, Portugal et Pologne, Emmac est un cultivateur producteur installé à Londres. Depuis 2014, son cannabis pousse au Portugal sur 2,8 hectares, sous serre, dans des copeaux de noix de coco, sans pesticides, où chaque cultivateur a sa parcelle attitrée ! Il y a trois récoltes par an. « Nous cultivons principalement trois variétés : deux à dominante THC, et une à dominante CBD et bientôt une autre équilibrée, explique François-Xavier Nottin, directeur d’Emmac France. Nous avons développé un système d’identification génétique pour assurer la standardisation de nos récoltes ». À la différence d’autres cultivateurs, Emmac « utilise toujours la même variété, ce qui assure un profil phytochimique stable », explique Barbara Pacchetti, responsable des affaires scientifiques. Emmac fait également des extraits titrés standardisés en respectant les normes européennes en Espagne et en Angleterre, et les présente sous forme d’huile avec différents ratios. Forte d’une vingtaine de produits, l’entreprise a été retenue pour ses formes orales, telles ses huiles Adven. Côté études, Emmac mène plusieurs programmes de recherche clinique avec l’Imperial College London et l’université de l’Insubrie, en Italie.

Après plus de deux ans de solide préparation, aux dires de nos interlocuteurs, c’est avant tout un modèle de prescription et de distribution qui sera expérimenté en France.

(2) Usage médical du cannabis et des cannabinoïdes – Questions et réponses à l’intention des décideurs politiques, Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, décembre 2018 (2019).

(*) Le THC (delta-9 tétrahydrocannabinol) et le CBD (cannabidiol) sont les principaux cannabinoïdes responsables des effets recherchés. La plante en contient plus de cent, ainsi que des terpènes et des flavonoïdes, qui contribueraient également à certaines activités biologiques de la plante.

Dans quelles indications ?(1)

Dans le cadre de l’expérimentation en France, les médicaments à base de cannabis seront prescrits dans :

→ les douleurs neuropathiques réfractaires ;

→ certaines formes d’épilepsie pharmaco-résistantes ;

→ certains symptômes rebelles en oncologie liés au cancer ou aux anticancéreux ;

→ les situations palliatives ;

→ la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques et des autres pathologies du système nerveux central ; et tous en cas de soulagement insuffisant ou d’une mauvaise tolérance des thérapeutiques.

(1) Journal officiel du 18 octobre 2020.

Lots et binômes

Le cannabis va être testé sous plusieurs formes (fleurs, huiles) et ratios de concentration en THC et CBD, appelés lots. Exemple : huile avec THC > 5 mg/ml et CBD < 1 mg/ml. Plusieurs fabricants se sont positionnés, certains sur plusieurs lots. Pour postuler, ils devaient proposer un partenaire distributeur en France. L’ANSM a choisi des binômes titulaires et des suppléants en cas de défaillance. Ont été retenus :

→ le canadien Aurora et Ethypharm pour trois lots ;

→ l’israélien Panaxia et le français Neuraxpharm pour quatre lots, dont deux en suppléants ;

→ le canadien Tilray et MediPharm pour quatre lots, dont deux en suppléants ;

→ l’australien Little Green Pharma et Intsel Chimos pour trois lots, dont un en suppléants ;

→ le britannique Emmac et Boiron pour deux lots en suppléants ;

→ l’australien Althea et Bouchara Recordati pour un lot comme suppléant.

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