Compléments alimentaires ou l’art de naviguer entre santé et marketing - Porphyre n° 572 du 18/02/2021 - Revues
 
Porphyre n° 572 du 18/02/2021
 

Comprendre

Enquête

Auteur(s) : Magali Clausener

Face au marketing et aux allégations parfois très alléchantes des compléments alimentaires, toujours plus nombreux, il est difficile de décrypter et de sélectionner les produits les plus sûrs et les plus efficaces. La vigilance s’impose. Nos conseils en 9 questions.

Avec près de 2 milliards d’euros de chiffre et d’affaires annuel (voir encadré p. 22), le marché français des compléments alimentaires se porte très bien, merci pour lui ! 46 % des Français en ont déjà consommé et 92 % reconnaissent les bénéfices de ces produits pour leur santé.

Les pharmacies représentent le premier réseau de distribution, avec quasiment la moitié des ventes, loin devant la grande distribution, les magasins spécialisés et la vente à distance. Pour autant, les compléments alimentaires suscitent parfois des polémiques sur leur efficacité, notamment par rapport aux promesses affichées, ou sur leurs dangers, comme les interactions avec les médicaments. L’offre abondante et le lancement permanent de nouvelles références alimentent également la controverse.

Il vous revient à vous, professionnels de santé, de sélectionner avec soin les compléments alimentaires proposés afin d’assurer le conseil le plus pertinent possible.

1 Qu’est-ce qu’un complément alimentaire ?

• La définition des compléments alimentaires est fixée par la directive européenne 2002/46/CE : « On entend par “compléments alimentaires” les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime alimentaire normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou combinés, commercialisés sous forme de doses ». Plusieurs ingrédients peuvent entrer dans leur composition : des nutriments que sont les vitamines et les minéraux, des plantes ou des préparations de plantes, des substances à but nutritionnel ou physiologique (caféine, glucosamine, oméga 3, acides aminés…), des ingrédients d’origine animale (gelée royale, propolis, huile de poisson…), des ferments et levures, des fruits et légumes.

• Ce ne sont pas des médicaments. µls ne peuvent pas renfermer une dose pour un effet physiologique correspondant à une dose médicamenteuse contenue dans un médicament avec un effet thérapeutique. « La frontière entre le médicament et le complément alimentaire est la dose la plus basse qui existe sur le marché du médicament. Par exemple, pour la mélatonine, la dose médicamenteuse est 2 mg (Circadin). La mélatonine contenue dans les compléments alimentaires doit être dosée à moins de 2 mg », souligne Pierre Champy, professeur de pharmacognosie à l’université Paris-Saclay/UFR Pharmacie.

Celui-ci observe cependant que la mise sur le marché de Slenyto, médicament à 1 mg de mélatonine indiqué chez certains enfants de 2 à 18 ans atteints d’autisme, remet en cause cette limite. Quoi qu’il en soit, les compléments alimentaires n’ont pas pour finalité de prévenir ou de guérir une maladie.

2 Quelles sont les allégations santé autorisées ?

La communication fait l’objet d’une réglementation. Les fabricants de compléments alimentaires ne peuvent pas dire n’importe quoi sur leurs produits. Ainsi, les allégations thérapeutiques sont interdites. Le fabricant ne peut pas prétendre que son complément alimentaire prévient ou guérit le cancer ou bien lutte contre l’obésité. Par exemple, annoncer que le calcium prévient l’ostéoporose est une allégation thérapeutique, elle est donc interdite.

• Seuls deux types d’allégations sont possibles : les allégations nutritionnelles et les allégations santé. Leurs formulations exactes et leurs conditions d’emploi sont définies par le règlement (CE) 1924/2006. En 2012, le règlement (CE) 432/2012 a établi une liste des allégations autorisées pour les minéraux, les vitamines et les substances.

→ Concernant les allégations nutritionnelles, un complément alimentaire peut afficher « source de » ou « riche en ».

→ Les allégations santé peuvent mettre en avant un bienfait sur la santé, comme « le magnésium contribue à réduire la fatigue ». Ces allégations doivent reposer sur des évaluations scientifiques.

• Cette réglementation comporte des failles, notamment pour les compléments alimentaires à base de plantes ou de substances d’origine végétale. La grande majorité des plantes enregistrées dans les compléments alimentaires ne bénéficie pas d’allégations de santé validées faute de procédure réellement adaptée. Dans l’attente d’une réévaluation de la méthode d’analyse des effets santé par l’European Food Safety Authority (EFSA), qui est l’autorité européenne de sécurité des aliments, beaucoup d’allégation sont tolérées. Elles sont alors dites « en attente ». « Il y a actuellement environ 2 000 allégations en attente », souligne Pierre Champy.

Les exploitants peuvent cependant utiliser des allégations relatives à une plante même si elles n’ont pas été validées. µls le font sous leur responsabilité et si elles sont conformes aux principes généraux du règlement (CE) 1924/2006, ainsi qu’aux dispositions nationales ou européennes. L’opérateur doit alors détenir un dossier bibliographique pour justifier que la plante permet d’avoir l’effet escompté et pour le présenter aux autorités en cas de contrôle. Pour autant, ces allégations ne peuvent pas faire référence à des propriétés de prévention, traitement ou guérison de maladie.

Attention ! Toutes les allégations de santé concernant les micro-organismes comme les « probiotiques » ont été rejetées, comme la plupart de celles portant sur les propriétés antioxydantes de substances ou de denrées alimentaires, précise la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

3 Comment sontils réglementés ?

Les compléments alimentaires n’étant pas des médicaments, leur réglementation est relativement souple, même si elle est encadrée par de nombreux divs, parfois contradictoires.

• N’importe quel ingrédient ne peut pas entrer dans la composition. Un arrêté du 9 mai 2006 fixe une liste des minéraux et vitamines autorisés, ainsi que les doses journalières maximales à ne pas dépasser, révisées depuis pour le rétinol. Ces vitamines et minéraux bénéficient d’allégations de santé autorisées au niveau européen par l’EFSA.

• Une autre liste recense les plantes considérées comme traditionnelles dans l’alimentation conventionnelle. Dans leur majorité, ces plantes sont médicinales et beaucoup figurent au monopole pharmaceutique. Selon le Synadiet, le syndicat national des compléments alimentaires, qui regroupe plus de 90 % des acteurs du marché, 64 % des compléments comprennent au moins une plante. L’arrêté du 24 juin 2014 a déterminé une première liste de 540 plantes autorisées en France. Une version actualisée de 1 011 plantes a été publiée par la DGCCRF en 2019. Elle est proche du projet BelFrIt, lancé avec l’Italie et la Belgique en 2012. « Cette liste n’a pas de valeur juridique. Une harmonisation européenne des listes de plantes est compliquée et n’est pas envisagée à court terme », commente Élodie Veyret, responsable des affaires réglementaires de Synadiet. « Une plante utilisée en µtalie qui n’était pas autorisée en France peut désormais entrer dans la composition d’un complément alimentaire », note le Pr Catherine Bennetau, responsable du parcours Plantes à valeur santé et biomolécules d’intérêt à l’université de Bordeaux (33).

Sur le plan sanitaire, on peut considérer que cette liste de plus de 1 000 plantes est moins consolidée que celle de l’arrêté « Plantes ». Catherine Bennetau conseille plutôt de recourir à la liste de l’arrêté de 2014, qui comprend les 540 plantes, car elle est légale et inattaquable en cas de problème sanitaire.

• Les substances à but nutritionnel ou physiologique autres que les minéraux et vitamines font aussi l’objet d’une liste : acide glutamique, arginine, pepsine, taurine, etc.

• Enfin, les plantes dont les huiles essentielles (HE) sont considérées comme traditionnelles ont aussi été listées par les autorités françaises. À noter que celles sous monopole pharmaceutique à cause de leur toxicité ne peuvent pas entrer dans la composition des compléments alimentaires. Le Synadiet a établi trois listes de plantes et parties de plantes dont les huiles essentielles sont utilisables dans les compléments alimentaires selon des scientifiques spécialisés en pharmacognosie. Elles aident les industriels à la formulation et à apposer les précautions d’emploi nécessaires. Elles sont reconnues par la DGCCRF, qui y fait référence sur son site. Les industriels se conformant à ces listes n’ont pas l’obligation d’effectuer une analyse de risque au moment de la déclaration d’un complément alimentaire comprenant une huile essentielle.

4 Comment sont-ils mis sur le marché ?

• Les fabricants de compléments alimentaires, quelle que soit leur composition, n’ont pas à demander une autorisation de mise sur le marché comme pour les médicaments. Les opérateurs ont seulement l’obligation (décret 2006/352 du 20 mars 2006) de déclarer à la DGCCRF la mise sur le marché (production, importation et première mise sur le marché). Cette procédure est dématérialisée depuis 2016. La DGCCRF a deux mois pour autoriser ou refuser la mise sur le marché après examen de la sécurité et de la conformité du produit.

• Le dossier doit notamment comprendre la liste détaillée des ingrédients et des plantes, les populations cibles, les objectifs et/ou effets attendus, les recommandations d’emploi, les mises en garde et les précautions d’emploi.

• Une étiquette doit aussi être jointe avec des mentions obligatoires : la dénomination légale de vente « complément alimentaire », qui peut être complétée par « à base de », la liste des ingrédients, où les allergènes doivent figurer en gras, le tableau de composition, les conseils d’utilisation et les portions journalières, les précautions d’emploi, le poids net, la date limite de consommation, le numéro de lot et le responsable de la mise sur marché. La présence de caféine doit être précisée. Les produits bio – plus de 95 % des ingrédients d’origine agricole bio – doivent comporter le logo UE bio. En revanche, les allégations nutritionnelles et de santé sont facultatives.

5 De quelle façon décrypter le marketing ?

• La réglementation souple mais parfois complexe pour les allégations nutritionnelles et de santé doit impliquer une vigilance certaine pour la vente en officine. La stratégie marketing des opérateur s, dans un marché très concurrentiel, peut être ambiguë, voire non conforme à la réglementation. La multiplication des nouveautés contenant de plus en plus d’ingrédients peut rendre l’offre confuse pour les consommateurs. Comment s’y retrouver alors ? « Le cadre réglementaire est le même pour tous les opérateurs, relève Grégory Dubourg, qui dirige l’agence de marketing Nutrikéo. Mais les opérateurs peuvent faire un mix entre les allégations de santé autorisées et celles en attente, et d’autres indices. »

• Pour un complément alimentaire contenant des minéraux et des plantes, l’exploitant peut afficher une allégation autorisée pour les minéraux et vitamines, mais mettre en avant les plantes qui le composent. « Or, les opérateurs sont tenus de faire clairement apparaître le/les nutriments ou la/les substances à l’origine de l’effet dans le libellé de l’allégation, af in de ne pas laisser croire au consommateur que le produit dans son ensemble est responsable de l’effet allégué », rappelle la DGCCRF.

• Quant aux indices, il peut s’agir par exemple d’une lune pour les produits visant à faciliter l’endormissement. Cette image est aussi soumise au règlement. Pour autant, le consommateur peut faire le lien entre une allégation de santé « favorise l’endormissement » et une certaine qualité de sommeil, alors que la promesse n’est pas de garantir un sommeil paisible. Si les agences de marketing doivent mettre en avant le respect de la réglementation, des opérateurs peuvent néanmoins ne pas être dans les clous. « Notre agence propose de travailler suivant une stratégie le plus possible conforme à la réglementation relative aux produits commercialisés par les opérateurs, explique Florence Charpentier, qui dirige l’agence de marketing digital Les Phytonautes. Cependant, ceux-ci restent libres de choisir leur positionnement par rapport à cette réglementation, mais dans l’ensemble, ils sont plutôt réceptifs à nos recommandations. Il faut préciser que la DGCCRF focalise de plus en plus ses contrôles sur les sites web marchands ». Le bilan des contrôles de la DGCCRF, notamment sur internet (voir encadré p. 23), incite à la prudence. Il démontre que certains acteurs utilisent des allégations interdites ou de façon non conforme. « Lorsqu’un délégué pharmaceutique présente des compléments alimentaires et parle de pathologies, de prévention, de guérison – ce qui est interdit –, il faut vraiment s’interroger sur cette communication. L’objectif du complément alimentaire est de maintenir une bonne santé », insiste Maggy Lebordais, consultante affaires réglementaires spécialisée, qui travaille avec l’agence Les Phytonautes.

6 Quelle est la stratégie des opérateurs ?

La communication étant limitée, voyons les moyens utilisés par les opérateurs.

• « L’innovation porte principalement sur les ingrédients et le sourcing », observe Claire Guignier, responsable des affaires publiques et de la communication de Synadiet. De nombreux produits comportent plusieurs ingrédients, parfois une douzaine, notamment des plantes. « Mieux vaut privilégier un complément alimentaire composé de trois plantes aux effets bien identifiés à un mélange improbable de quinze plantes, dont des exotiques », préconise Catherine Bennetau.

• Les opérateurs peuvent jouer sur les grandes tendances. Développer des produits bio, sans OGM, végans – sachant que certains produits à base de plantes le sont forcément –, sans additifs ou avec le moins possible, est à la mode. « Le concept de “Clean Label”, qui s’applique au marché alimentaire, émerge aussi pour les compléments alimentaires », constate Florence Charpentier, mais certains arguments sont à prendre avec précaution. « Actuellement, l’accent est mis sur le magnésium d’origine marine. Or, il n’est pas bien absorbé par l’organisme. Autre exemple, la vitamine C liposomale. Elle est bien absorbée mais moins efficace que la vitamine C courante », explique Florence, pharmacienne adjointe à Aix-en-Provence (13).

• L’innovation concerne aussi d’autres aspects : communication numérique avec site et réseaux sociaux, services personnalisés, formation apportée par les marques. « Des marques qui se sont développées via Internet et la vente en ligne cherchent à avoir une distribution physique, notamment dans les officines », ajoute le consultant Grégory Dubourg. Le marché bouge et peut constituer une opportunité pour les pharmacies, à condition de référencer des produits de qualité.

7 Quels sont les points de vigilance à avoir ?

Le grand point de vigilance porte sur les ingrédients et les informations fournies par les fabricants.

• Le premier réflexe est de lire attentivement l’étiquette du produit. « L’étiquetage n’est pas suffisant pour assurer des conseils pertinents, et des mises en garde sont manquantes. Beaucoup de plantes peuvent avoir des interactions avec les médicaments et des effets indésirables, non reportés sur les boîtes de compléments alimentaires. Il faut maîtriser les produits et analyser les formules », prévient néanmoins Pierre Champy.

• Prendre le temps de scruter la liste des ingrédients et leurs dosages. « Un produit est actif si ses composants sont à la dose voulue et biodisponibles », rappelle la spécialiste Catherine Bennetau.

« Les compléments alimentaires à base de plantes peuvent apporter celles-ci sous forme de poudre, partie de plante séchée et broyée en poudre, ou d’extrait, partie de plante ayant subi une ou des opérations d’extraction permettant de concentrer la plante ou la ou les substances actives qu’elle contient, note Maggy Lebordais, consultante en affaires réglementaires. C’est pourquoi il est difficile de comparer différentes marques. Ce qui peut être intéressant, c’est lorsque les ingrédients/plantes ont fait l’objet d’études cliniques pour mesurer leur (s) effet (s) sur une fonction physiologique définie. Ces données sont souvent disponibles auprès du fournisseur ou même sur internet. Ce sont ce que nous appelons les ingrédients objectivés ». Et Florence Charpentier d’ajouter : « Il faut aussi ne pas hésiter à demander des études de stabilité du produit. Ces études ne sont pas obligatoires, mais elles sont recommandées ».

• Certains ingrédients peuvent avoir des effets indésirables. Le dispositif Nutrivigilance, créé en 2010, permet de déclarer les effets indésirables des compléments alimentaires.

Les déclarations sont analysées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), qui émet ensuite des avis. La DGCCRF peut également saisir l’Anses sur l’utilisation de certains ingrédients.

Il est donc essentiel de faire une revue régulière des avis sur le site de l’Anses afin de conseiller vos clients au plus juste.

• Examiner la composition des produits est insuffisant. Lors du référencement d’un complément alimentaire ou d’une gamme de produits, il est nécessaire d’approfondir plusieurs sujets afin de poser des questions pertinentes aux représentants des laboratoires.

8 Quelles questions poser aux fabricants ?

Les laboratoires présents sur le marché depuis plusieurs années et bénéficiant d’une certaine notoriété sont un gage de sérieux. Être adhérent au Synadiet est un plus, mais « les petits laboratoires ne le sont pas toujours car c’est assez onéreux. Pour autant, ils sont sérieux », nuance Jean-Baptiste Gallé, pharmacien, producteur de plantes médicinales et expert en plantes de Porphyre.

• Préférer les laboratoires français peut aussi constituer une garantie, car ils sont soumis aux contraintes et au droit nationaux. Surfer sur le site des marques est un préalable, ne serait-ce que pour se faire une idée de la communication de l’exploitant. La nationalité ne doit pas occulter d’autres dimensions essentielles.

• Poser des questions précises au représentant du fabricant est essentiel, même si cela n’est pas toujours simple dans la pratique.

→ Vérifier le sourcing des ingrédients « et voir s’il est consolidé est le premier conseil que je donnerais », précise Catherine Bennetau. Quelle est leur origine ? Quelle est la traçabilité mise en œuvre ? Le sourcing est-il constant ? Un fabricant peut s’approvisionner auprès d’un fournisseur puis en changer. Or la qualité est importante. » D’autant que, comme le fait valoir Claire Guignier, 80 % des plantes sont importées. Des erreurs peuvent être commises par des fournisseurs. Catherine Bennetau évoque ainsi des plantes fournies à la place d’autres par des producteurs asiatiques.

→ La biodisponibilité est le deuxième point à vérifier. « Lorsque le laboratoire préconise de prendre deux gélules par jour, il doit pouvoir s’appuyer sur des études, sinon cela ne correspond à rien », insiste Catherine Bennetau. La biodisponibilité est aussi importante en termes d’effets toxiques et de iatrogénie médicamenteuse.

→ La qualité est essentielle. « En matière de qualité, il y a des divs réglementaires. Un contrôle qualité doit aussi être réalisé. Beaucoup d’opérateurs adhérant au Synadiet proposent des éléments satisfaisant à la qualité, relève Pierre Champy. Il faut demander au représentant du laboratoire quels sont les contrôles qualité mis en œuvre, qui les réalise et à quelle fréquence. Le laboratoire doit pouvoir fournir des bulletins de contrôle. S’il n’en a pas la capacité, on est en droit de s’interroger sur ses produits. » Élodie Veyret, responsable des affaires réglementaires de Synadiet, préconise de demander au fabricant le document qu’il reçoit des autorités comme quoi il a bien déclaré son complément alimentaire. « C’est un gage que le produit a été déclaré et contrôlé, mais ce document ne concerne que les compléments alimentaires mis sur le marché depuis 2016 ».

9 Quels conseils donner aux consommateurs ?

Dans ce condiv, le conseil donné aux clients est essentiel.

• Le besoin est relatif. « De façon générale, la population française n’est pas en situation de carence, sauf certaines catégories de population pour la vitamine D ou les vitamines B », relève Jean-Baptiste Gallé, expert en pharmacognosie et producteur. « Si les gens ont une alimentation variée et équilibrée, ils n’ont pas besoin de compléments alimentaires », insiste Florence, pharmacienne adjointe.

• Décrypter la demande. Beaucoup de demandes émanent des consommateurs. Ils sont motivés par un besoin et/ou influencés par la publicité ou par des proches. « En fait, ils ont souvent besoin de conseils nutritionnels et diététiques, et la proposition d’un complément alimentaire doit arriver dans un deuxième temps », estime la pharmacienne adjointe. Un officinal doit apporter des conseils pertinents avec un échange préalable avec le client, car les compléments alimentaires ne sont pas des produits anodins mais ont des effets !

• Déterminer les besoins exacts et à qui est destiné le produit : adulte en bonne santé, malade chronique, femme enceinte, enfant, personne âgée…

• Demander les traitements médicamenteux suivis. Les compléments alimentaires peuvent interagir avec les médicaments selon qu’ils renferment des ingrédients avec des effets inducteurs ou inhibiteurs enzymatiques tels que le millepertuis, la levure de riz rouge, le ginkgo biloba, le pamplemousse… µls peuvent aussi entraîner des effets indésirables en raison de la présence de caféine, excitante, de plantes à visée laxative, etc.

• Donner des informations fiables est impératif, en particulier sur les allégations de santé et la communication de la marque. Par exemple, il ne faut pas laisser croire à la personne que tel complément alimentaire va lui permettre de perdre du poids. Ou que le complément doit la dispenser d’adopter des mesures hygiéno-diététiques appropriées.

D’où l’intérêt de bien connaître les produits proposés au sein de la pharmacie et d’avoir vérifié les différents points évoqués. Le référencement de produits de qualité appelle forcément un conseil de qualité.

Le poids des compléments alimentaires

Le marché français des compléments alimentaires pèse près de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. En 2019, il a affiché une croissance de 2,98 %, contre 1,3 % en 2018. En 2020, par rapport à 2019, la Covid-19 a dynamisé les ventes, avec une hausse de 29 % sur la période d’avantconfinement, du 24 février au 13 mars, et de 6 % durant le confinement, du 16 mars au 30 avril. Les produits dédiés aux défenses immunitaires ont, eux, connu une envolée : + 221 % entre le 24 février et le 30 avril !

Bilan des contrôles DGCCRF

La DGCCRF contrôle les allégations de santé et nutritionnelles sur les sites web des exploitants de compléments alimentaires.

En 2017, sur 95 investigations menées sur des petits opérateurs, il est ressorti un taux de non conformité de 76 %. Les principales anomalies portaient sur l’utilisation :

→ d’allégations de santé non autorisées ou non conformes (64 % des sites contrôlés concernés). Par exemple, ces allégations étaient reliées aux plantes, aux produits de la ruche, ainsi qu’à certaines substances comme les polyphénols et le chitosan ;

→ d’allégations thérapeutiques interdites (49 % des sites contrôlés) ciblant une maladie, employant des termes en lien avec la thérapie (« qualité curative »), faisant référence à des effets pharmacologiques (« anti-inflammatoire ») ou à des symptômes (« recommandé en cas de douleurs articulaires »). Parmi les allégations interdites, beaucoup associaient une substance à une maladie, tels « canneberge/infection urinaire » et « curcuma/arthrite » ;

→ d’allégations dites « générales » non associées à des allégations de santé dûment autorisées (23 % des sites contrôlés). Seuls 13 sites présentaient des manquements dans l’usage d’allégations nutritionnelles.

Allégations de santé

Le règlement européen (CE) n° 1924/2006 sur les allégations nutritionnelles et de santé, entré en application le 1er juillet 2007 en France, définit plusieurs types d’allégations de santé.

→ Celles portant sur le rôle d’un nutriment ou d’une autre substance (article 13) dans la croissance, le développement et dans les fonctions de l’organisme ou les fonctions psychologiques et comportementales, ou encore l’amaigrissement, le contrôle du poids, la réduction de la sensation de faim, l’accentuation de la sensation de satiété ou la réduction de la valeur énergétique du régime alimentaire.

→ les allégations de santé génériques reposant sur des données en général admises (article 13.1) comme « le magnésium contribue à réduire la fatigue ». Actuellement, 229, portant surtout sur des vitamines ou minéraux, sont autorisées. Les autres sont en attente.

→ Celles qui s’appuient sur des données scientifiques nouvellement établies (article 13.5). Exemple de la DGCCRF : « Les flavanols de cacao aident à préserver l’élasticité des vaisseaux sanguins, ce qui contribue à une circulation sanguine normale ».

→ Les allégations relatives à la réduction d’un risque de maladie, par exemple le cholestérol (article 14.1a).

→ Celles concernant le développement et la santé des enfants (article 14.1b).

→ Les allégations de santé autorisées figurant dans le registre des allégations nutritionnelles et de santé de l’Union européenne.

Source : DGCCRF.

S’informer et se former

Sites internet

→ Concernant les ingrédients, le site de la DGCCRF propose une série de rubriques sur la réglementation, les allégations, les contrôles et les ingrédients autorisés : www.economie.gouv.fr/dgccrf > Sécurité

→ Produits alimentaires > Zoom sur les compléments alimentaires. Cliquer sur les ingrédients pour accéder aux listes.

→ Les directives européennes et le registre des allégations sont disponibles sur le site de la Commission européenne. L’EFSA a aussi une rubrique dédiée mais toutes les infos ne sont pas en français : www.efsa.europa.eu/fr

→ Informations et documents pédagogiques sur les étiquettes, choisir des compléments alimentaires réglementaires ou liste des huiles essentielles : www.synadiet.org

→ Les compléments alimentaires, rubrique « Qu’est-ce que c’est ? ».

→ Les avis de nutrivigilance, incontournables, sont disponibles sur www.anses.fr

Formations

Selon Pierre Champy, quatorze diplômes universitaires proposent de se former sur la phytothérapie, l’aromathérapie ou les compléments alimentaires, dont certains ouverts aux préparateurs. Citons par exemple le DU « Diététique, nutrition préventive et micronutrition » de la faculté de pharmacie de Besançon (25) (lire Porphyre n° 571, février 2021), le DU « Compléments alimentaires : sécurité, efficacité, innovation », dirigé par Catherine Bennetau à l’université de Bordeaux (33) avec Bordeaux Sciences Agro (lire Porphyre n° 528, déc. 2016-janv. 2017), le DU « Produits naturels et compléments alimentaires : connaître, comprendre, conseiller » de la faculté des sciences pharmaceutiques et biologiques de Lille (59). Le CFA de Paris propose, lui, « Nutrition et diététique à tous les âges de la vie », une formation de quinze jours qui aborde la micronutrition. Les facultés de pharmacie de Paris et de Châtenay-Malabry (92) et le CFA pharmacie de Paris-Planchat délivrent la licence de Conseiller spécialisé en herboristerie et produits de santé à base de plantes (lire Porphyre n° 559, février 2020). Les laboratoires reconnus comme PiLeJe ou Arkopharma proposent des formations bien construites et sérieuses. « La seule limite est que ces formations ne sont pas totalement indépendantes », tempère Florence, adjointe, qui suit le DU « Conseil en nutrition et micronutrition à l’officine » de Dijon (21) réservé aux pharmaciens.

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