Prêts pour la PrEP en ville ? - Porphyre n° 571 du 18/01/2021 - Revues
 
Porphyre n° 571 du 18/01/2021
 

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Décryptage

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Retardé par la Covid-19, le décret autorisant la primo-prescription de la prophylaxie pré-exposition au VIH (PrEP) en ville devrait paraître en ce début 2021. Le ministre de la Santé s’y est engagé le 1er décembre dernier, à l’occasion de la 32e Journée mondiale de lutte contre le sida.

Qu’est-ce que la PrEP ?

La PrEP s’intègre dans la stratégie de prévention diversifiée contre le VIH. Elle consiste, pour les personnes séronégatives ayant des rapports sexuels à risque, à prendre une association fixe de deux antirétroviraux, emtricitabine et ténofovir dans Truvada et génériques, en continu ou en discontinu (voir Porphyre n° 547, novembre 2018). Selon les études et l’observance, la PrEP réduit le risque de transmission du VIH de 75 à 90 %.

À qui s’adresse-t-elle ?

À toute personne jugée à haut risque d’acquisition du VIH par voie sexuelle, notamment les hommes ayant des rapports avec les hommes (HSH) ou personnes transgenres qui n’utilisent pas le préservatif, mais aussi, au cas par cas, toute autre situation : chemsex (usage de drogues durant les rapports), travailleurs du sexe originaires de régions à forte prévalence, partenaires multiples…

Quelle voie d’accès jusqu’ici ?

Sa primo-prescription est réservée aux services hospitaliers spécialisés VIH ou aux Cegidd(1). Elle est précédée d’une consultation d’information, avec dépistage VIH, autres infections sexuellement transmissibles (IST), bilan rénal, suivie un mois après d’une évaluation de l’observance et des effets indésirables. Le médecin généraliste peut ensuite la renouveler, un suivi biologique trimestriel, avec sérologies, bilan rénal…, étant recommandé.

Pourquoi changer ?

Pour le Dr Éric Billaud (voir Experts), la PrEP souffre d’un déficit de prescription en partie dû au manque de disponibilité des équipes hospitalières et des Cegidd : « Les délais d’attente constatés vont de quelques semaines à quelques mois selon les régions ». La primoprescription en ville ouvrirait aussi vers d’autres publics. « Si la communication passe bien dans la communauté des HSH, elle est insuffisante chez d’autres, comme les libertins, les prostitués, les personnes qui subissent des violences sexuelles… que les généralistes pourraient davantage toucher ». La crise sanitaire a également eu un impact sur les prescriptions, avec une chute de 50 % des initiations de PrEP durant le premier confinement et, au total, de plus de 27 000 délivrances par rapport à l’attendu(1). « Cette baisse n’a pas été totalement compensée à la sortie du confinement, de même que les dépistages des IST en général. Si on facilite l’accès à la PrEP, on ira vers une meilleure prise en charge de la sexualité en général et des pratiques à risque ».

Quelles modalités prévues en ville ?

Elles devraient être identiques à celles pratiquées jusqu’ici. La formation des généralistes, qui se fera par e-learning, ne sera pas obligatoire, mais fortement recommandée. « Les Corevih** seront un relais pour identifier les médecins généralistes qui s’impliquent », précise Éric Billaud.

Quels conseils à l’officine ?

Didier Chedorge, titulaire à Lyon (voir Experts), dispense régulièrement une centaine de traitements VIH et compte une quinzaine de patients sous PrEP. Outre la confidentialité, son premier conseil est de maîtriser les aspects techniques mais aussi le positionnement du traitement : « Certains officinaux ne perçoivent pas la PrEP comme un moyen de prévention comme les autres et la pensent réservée aux HSH. » Pour l’officinal, émettre des jugements ou de la gêne face aux pratiques sexuelles, c’est passer à côté de son rôle. « Il faut aborder les choses ouvertement quand on sait avoir affaire à une personne à risque ou à l’occasion de la vente d’un autotest… C’est une démarche centrée sur le patient, une relation de confiance ». Une campagne d’information grand public sur la « PrEP en ville » et des affiches en pharmacie seraient également les bienvenues.

Se former est-il recommandé ?

Julie Langlois (voir Experts), pharmacienne, l’assure : « C’est essentiel pour aborder la PrEP en particulier, et la santé sexuelle en générale ». Et de donner quelques pistes : la plateforme de formation à distance FormaPrEP (formaprep.org), ouverte à tout professionnel de santé, le diaporama(2) élaboré par le groupe Médicament/pharmaciens de la Société française de lutte contre le sida (SFLS, sur sfls.aei.fr) et la brochure du Cespharm, PrEP, Accompagner sa dispensation en pharmacie. Enfin, il ne faut pas hésiter à se tourner vers les Corevih, centres ressources régionaux (annuaire sur sfls.aei.fr).

(1) Utilisation des ARV et de la PrEP et recours aux tests VIH en laboratoire en France pendant l’épidémie de Covid-19, EPI-Phare, ANSM/CNAM, 8 octobre 2020.

(2) Rôle et implication du pharmacien d’officine dans la prise en charge des personnes vivant avec le VIH en 2020, SFLS. Sur http://sfls.aei.fr

(*) Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic.

(**) Comité de coordination de la lutte contre les infections sexuellement transmissibles et le virus de l’immunodéficience humaine.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

→ Dr Éric Billaud, médecin Pathologies infectieuses et tropicales, cliniques et biologiques, président du Corevih Pays de la Loire et membre de la Société française de lutte contre le sida (SFLS).

→ Didier Chedorge, pharmacien titulaire à Lyon (69), membre du groupe Médicament-pharmaciens de la SFLS.

→ Julie Langlois, pharmacienne, secrétaire du groupe du groupe Médicamentpharmaciens de la SFLS.

→ Repères

→ Janvier 2016 : la PrEP est accessible en France, Truvada est alors sous autorisation temporaire d’utilisation.

→ Mars 2017 : Truvada bénéficie d’une extension d’AMM dans la PrEP.

→ Au 30 juin 2020, 32 000 personnes avaient initié un traitement de PrEP (Truvada et génériques) en France depuis 2016(3), et plus de 21 000 étaient sous PrEP.

80 à 90 % des utilisateurs renouvellent leur traitement après initiation.(3)

(3) Suivi de l’utilisation de Truvada ou génériques pour une prophylaxie pré-exposition (PrEP) au VIH à partir des données du Système national des données de santé , EPI-Phare, décembre 2020.

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