Les vaccins contre la Covid-19 suscitent l’engouement - Porphyre n° 571 du 18/01/2021 - Revues
 
Porphyre n° 571 du 18/01/2021
 

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Actus

Auteur(s) : Lydia Pouga*, Anne-Lise Favier**, Magali Clausener***, Christine Julien****

En France, la vaccination contre le SARS-CoV-2 a débuté par les personnes les plus à risque de développer une forme grave et avec les vaccins à ARN messager. Elle se poursuit avec les professionnels de santé de plus de 50 ans… Le point sur les produits utilisés, et ceux à venir dans la stratégie vaccinale.

« C’est une source d’espoir énorme, a annoncé Dominique Le Guludec, présidente de la Haute Autorité de santé (HAS) le 8 janvier, après l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le vaccin Moderna. Les autres vaccins vont suivre » (voir encadré). Et la présidente de marteler : « Il s’agit de sauver le plus de vies possible. Pour nous, l’important est de faire vacciner les 16 millions de personnes les plus fragiles pour éviter ces catastrophes égrenées au quotidien ». Puis d’ajouter : « Il faut garder la colonne vertébrale de la priorisation. En substance, suivre les recommandations de la Haute Autorité de santé quant aux phases de vaccination, en donnant la priorité aux plus fragiles ».

L’arrivée des vaccins anti SARS-CoV-2

La vaccination a démarré avec le vaccin Comirnaty de Pfizer-BioNTech chez les personnes concernées par la première phase définie par la HAS(2), soit les personnes résidant en établissement d’hébergement collectif et les professionnels les plus exposés de plus de 65 ans et/ou avec des comorbidités. Depuis le 6 janvier, elle a été étendue aux pompiers, aux aides à domicile de plus de 50 ans et aux professionnels de santé de plus de 50 ans, préparateurs en pharmacie compris. D’autres personnes pourraient être incluses plus tôt. « Les vaccins arrivent plus vite que prévu, donc il n’est pas question d’attendre qu’une phase [de vaccination] soit terminée avant de passer à la suivante ».

Comirnaty et Moderna, même efficacité

Après Comirnaty, débuté le 27 décembre 2020, place à Moderna, qui porte le nom du laboratoire qui l’a conçu. Pour Moderna, « les résultats de l’étude de phase 3 concluent à une efficacité de 94 %, a pointé Élisabeth Bouvet, infectiologue et présidente de la Commission technique des vaccinations de la HAS . Elle s’exprime sur la réduction du nombre de cas symptomatiques et sur les formes les plus graves. Cet effet apparaît à partir du quatorzième jour après la deuxième dose chez ceux qui n’avaient pas eu d’infection. L’efficacité reste élevée, environ 86 %, sur les formes symptomatiques prouvées virologiquement ». Idem chez les personnes obèses. « Son efficacité est très bonne(3), équivalente à celle du vaccin Pfizer/BioNTech(4), comme son profil de tolérance ». Pour les plus de 75 ans, malgré le peu de personnes incluses dans les essais, « les données semblent excellentes, avec peu de perte d’immunité ». Quant aux femmes enceintes, elles ont été exclues des essais, mais leur vaccination, bien que déconseillée(5), est envisageable. Élisabeth Bouvet a ajouté qu’on ne peut pas comparer les deux vaccins ni opter pour l’un plutôt que l’autre « en dehors des critères de conservation ». Précisons que Moderna est, lui, prêt à l’emploi.

Deux doses dans tous les cas

Alors qu’un délai de 21 jours est requis entre les deux doses de Comirnaty, il est de 28 jours pour Moderna selon l’AMM. Si le délai est dépassé, il n’est pas nécessaire de recommencer le schéma vaccinal. À la question, peut-on aussi prolonger ce délai pour Moderna (NDLR : délai allongé à 42 jours pour Comirnaty), Élisabeth Bouvet a précisé que, bien qu’il faille respecter l’AMM, « il n’y a pratiquement jamais de problème à espacer les doses car l’immunité est déjà induite par la première dose et se poursuit au-delà. La deuxième dose vient renforcer et prolonger cette immunité. Actuellement, l’immunité est bonne et apparaît dix à douze jours après la première injection, et est maximale avec la deuxième dose ». Quant à savoir jusqu’à quand l’immunité est active pour les deux vaccins, « on ne le sait pas. On a un recul d’environ deux mois. Jusqu’à neuf semaines, l’immunité ne bouge pas. D’ici un mois ou deux, on en saura plus car on aura des données supplémentaires. Il n’est pas exclu qu’il faille revacciner [chaque année, comme pour la grippe] ». Quant à l’efficacité sur les variants du SARS-CoV-2, « il est extrêmement important d’avoir des données de séquençage des souches chez les personnes vaccinées pour savoir si la vaccination reste efficace ». Les premières constatations sont rassurantes, mais il faut attendre. Pour ces vaccins, le fait de travailler sur la séquence génétique permettrait de proposer rapidement – en six semaines – une nouvelle version adaptée à la mutation si besoin.

D’autres incertitudes

Comme il susbsiste une incertitude sur la durée de protection pour les deux vaccins, les mesures barrières devront être maintenues, même pour les personnes vaccinées. On ignore l’efficacité de ces vaccins à réduire la transmission du virus ou la mortalité liée à la Covid-19, et leur efficacité et leur innocuité chez les enfants, les femmes enceintes ou allaitantes, les personnes immunodéprimées et celles ayant déjà eu la Covid-19. Pour ces dernières, la HAS recommande d’attendre au moins trois mois après le début des symptômes avant de vacciner. Les agences du médicament insistent, elles, sur l’importance de la surveillance des effets de ces vaccins à long terme.

Les risques avec les vaccins à ARNm

Le risque d’intégration de l’ARN dans notre génome est peu probable car l’ARN devrait être transformé en ADN pour intégrer notre propre ADN, et nous ne possédons pas l’enzyme capable de faire cela.

Le risque de maladie aggravée par la vaccination est à surveiller. Certains vaccins peuvent induire une réponse immunitaire insuffisamment spécifique ou forte, ce qui conduit ultérieurement, lors d’une infection par le microbe visé par le vaccin, à une infection paradoxalement plus grave. Comirnaty répond par exemple aux critères fixés par la Food and Drug Administration (FDA) pour réduire ce risque. Il faudra néanmoins surveiller l’apparition de cet effet à long terme. Le risque d’auto-immunité paraît limité, c’est-à-dire que l’ARNm introduit dans nos cellules pourrait provoquer une réponse autoimmune qui serait dirigée contre l’ARNm lui-même, et donc contre nos propres molécules d’ARNm, créant ainsi une maladie auto-immune. Des études antérieures ayant utilisé des vaccins à ARNm n’ont pas montré d’augmentation des auto-anticorps chez les patients vaccinés.

Les commandes de la France

Selon le ministère de la Santé, d’ici au 1er juillet 2021, la France a contractualisé l’acquisition de 67,9 millions de doses, dont © iStock 16,4 millions BioNTech/Pfizer, 27,9 millions AstraZeneca, 6,9 millions Moderna, 8,3 millions Curevac et 8,4 millions Janssen. En tenant compte de la double injection, et d’éventuelles pertes, ces 67,9 millions de doses sécurisent en théorie 27 millions de vaccinations. Les livraisons se font au fil de l’eau, et sont ajustées. Ainsi, la Commission européenne a annoncé, vendredi 8 janvier, la conclusion d’un nouveau contrat avec Pfizer/BioNTech pour la livraison de 300 millions de doses supplémentaires, portant à 600 millions ses commandes potentielles à Pfizer/BioNTech. La France aura 15 % des plus de 2 milliards de doses commandées et optionnées par l’Europe, soit plus de 200 millions au final.

Sur rendez-vous à l’hôpital

La vaccination s’effectue sur rendez-vous dans les établissements hospitaliers dont la liste figure sur le site sante.fr. Avant l’injection, une consultation vérifie l’éligibilité et le consentement. La procédure est tracée via le système d’information Vaccin Covid, lancé le 4 janvier par la Caisse nationale d’assurance maladie. Le médecin, avec sa carte professionnelle, renseigne ce système à chaque étape : identification du patient, éligibilité et injections. Il y notifie les effets indésirables, qui peuvent être directement signalés sur le portail de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Pour l’heure, le vaccin est le seul moyen de protéger les personnes les plus vulnérables et la seule stratégie qui offre une perspective de retour à une vie normale.

(2) Stratégie de vaccination contre le SARS-CoV-2 , Recommandations préliminaires sur la stratégie de priorisation des populations à vacciner, HAS, 27 novembre 2020.

(3) FDA Briefing Document on Moderna COVID-19 Vaccine, 17 décembre 2020.

(4) Polack et al., 2020, The New England Journal of Medicine.

(5) Stratégie de vaccination contre la Covid, place du vaccin à ARNm Comirnaty (BNT 162b2) dans la stratégie, HAS, 23 décembre 2020.

Les 6 vaccins retenus par l’Union européenne(1)

→ Pfizer-BioNTech (Comirnaty) : vaccin à ARNm, 2 doses à 21 jours d’intervalle, étude clinique phase III avec 20 000 participants vaccinés, AMM du 22 décembre 2020.

→ Moderna (Moderna Covid-19 mRNA) : vaccin à ARNm, 2 doses à 28 jours, phase III avec 15 000 participants vaccinés environ, AMM du 6 janvier 2021.

→ AstraZeneca (AZD1 222) : vaccin à vecteur viral, 2 doses à 28 jours, phase III avec 5 800 vaccinés. AMM prévue fin janvier.

→ Jansenn, groupe Johnson & Johnson (Ad26.COV2.S) : vaccin à vecteur viral, 1 ou 2 doses à 56 jours, phase III avec environ 400 par ticipants vaccinés.

→ Sanofi-GSK (Sanofi-Recombinant-Covid) : vaccin à protéines recombinantes, 2 doses à 21 jours, reformulation en cours, résultats insuffisants dans une étude de phase I/II chez environ 400 participants.

→ CureVac (CVnCoV) : vaccin à ARNm, 2 doses à 28 jours, phase I avec 200 participants environ.

(1) Polack et al., NEJM, pour Pfizer-BioNTech; Jackson et al., NEJM , pour Moderna ; Voysey et al., The Lancet, pour AstraZeneca ; Sadoff et al., MedRxiv; Kremsner et al., MedRxiv, pour CureVac). Phase I : évaluation de la tolérance et pharmacodynamique du vaccin sur un petit groupe de participants ; phase II : évaluation de la dose optimale et de la tolérance ; phase III : dernière étape avant autorisation, avec évaluation de l’efficacité et de l’innocuité sur un grand nombre de participants en comparant le vaccin à un placebo.

Comirnaty versus Moderna

→ Comirnaty : dès 16 ans. À stocker entre - 60 et - 80 °C. À reconstituer. Contient 5 doses. À utiliser dans les 6 heures. Injecter 2 doses à 21 jours d’intervalle, voire jusqu’à 42 jours.

→ Moderna : dès 18 ans. À stocker entre - 25 et - 15 °C. 10 doses prêtes à l’emploi, à utiliser dans les 6 heures une fois le flacon ouvert. Deux injections séparées de 28 jours.

→ Effets indésirables (EI) des deux vaccins : douleur, rougeur, inflammation, maux de tête, fatigue, douleurs musculaires et articulaires, frissons et fièvre, diarrhées, un à deux jours après l’injection, résolution en deux jours. Quelques cas de paralysie faciale avec Comirnaty, mais lien direct non prouvé. Possibles réactions allergiques graves, mais rares(6). Les EI de Moderna pouvaient toucher sévèrement jusqu’à 17 % des participants après la seconde dose.

→ Technique d’injection : en intra-musculaire, surveillance de 15 minutes après. Ne pas administrer en même temps qu’un autre vaccin, intervalle de 14 jours nécessaire.

(6) www.ema.europa.eu/en/documents/assessment-report/comirnaty-epar-public-assessmentreport_en.pdf

Le point sur les vaccins contre la Covid-19

Toutes les stratégies vaccinales contre le SARS-CoV-2 visent à provoquer une réaction immunitaire contre la protéine Spike à la surface du virus, clé d’entrée dans les cellules pour les infecter(7).

Principe de la vaccination

Lorsque l’on injecte à un individu un microbe rendu non virulent (vaccin vivant atténué et vaccin inactivé) ou une partie de ce microbe (vaccin sous-unitaire et vaccin à protéines recombinantes), des cellules et des anticorps dirigés contre le microbe « imité » par le vaccin sont produits et cette réponse immunitaire est mémorisée. Lors d’un contact ultérieur avec le microbe, la réponse immunitaire adaptée capable de neutraliser ce microbe est efficace immédiatement. Comme le microbe n’a pas le temps de se multiplier, la personne contaminée qui a été vaccinée n’est ni malade, ni contagieuse en général. Le vaccin permet à l’échelle collective d’éviter la transmission pour les maladies à transmission humaine, et à l’échelle individuelle d’éviter les formes graves.

Les vaccins « génétiques » depuis les années 1990

En introduisant dans notre organisme le code génétique d’une partie du microbe, on fait produire à nos cellules une partie de ce microbe. Il s’agit de vaccins à ADN ou à ARN messager (séquence d’acide désoxyribonucléique ou ribonucléique codant la protéine du microbe) ou de vecteurs viraux (virus non pathogènes pour l’homme servant de transport à une séquence d’ADN codant pour une protéine du microbe). Comparés aux autres vaccins, ils sont plus faciles et moins dangereux à fabriquer car il n’y a pas de culture du microbe.

→ Virus atténué ou inactivé. Stratégie la plus ancienne contre la variole, la tuberculose ou la poliomyélite. Son efficacité contre le SARS-CoV-2 est encore inconnue. C’est la stratégie des chinois Sinopharm et Sinovac et de l’indien Bharat.

→ Vaccins à protéines. Ils contiennent des fragments de la protéine Spike conjugués à un adjuvant pour doper l’immunité. C’est la stratégie de Sanofi-GSK et Novavax. Les essais de Sanofi-GSK ont montré une immunogénicité insuffisante chez les personnes âgées, mais ils se poursuivent.

→ Vecteurs viraux. On injecte un virus rendu défectif, c’est-à-dire incapable de proliférer (on supprime les gènes le lui permettant) et modifié pour qu’il fabrique des protéines du virus, par exemple un adénovirus dans lequel on introduit la séquence génétique codant la protéine Spike. Ce virus inoffensif produit la protéine qui provoque alors une réaction immunitaire. Complexe, cette voie a été utilisée avec succès sur le virus Ebola, et induit une bonne immunogénicité. C’est la voie d’Astra Zeneca, Jansenn et du russe Spoutnik.

→ Vaccins à ARNm. On injecte un ARN messager codant la protéine Spike et notre organisme va la produire lui-même. Faciles à mettre en œuvre, ces vaccins sont à l’étude depuis vingt ans, sans développement jusque-là. C’est la stratégie de BioNTech/Pfizer, Moderna et CureVac. L’ARNm étant instable, il convient de garder ces vaccins à très basse température.

(7) www.who.int/publications/m/item/draft-landscape-of-covid-19-candidate-vaccines. Sur les 56 vaccins, 19 sont des vaccins sous-unitaires ou à protéines recombinantes, 15 des vecteurs viraux, 7 des vaccins à ADN et 7 à ARN, 7 sont des virus inactivés et un seul utilise un virus atténué. Voir aussi sur www.mesvaccins.net

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