Objectif formation ! - Porphyre n° 566 du 27/08/2020 - Revues
 
Porphyre n° 566 du 27/08/2020
 

Comprendre

Enquête

Auteur(s) : Anne-Charlotte Navarro

Comme tout professionnel, le préparateur doit se former régulièrement pour pouvoir entretenir ses connaissances et maintenir son employabilité. Une fois les études achevées, de multiples outils existent pour allier travail au comptoir et formation. Ces outils ont été repensés par la loi du 6 septembre 2018, dite Avenir professionnel, qui est désormais totalement opérationnelle en officine.

À l’officine, le salarié doit se former de façon régulière. Pour cela, il dispose de plusieurs dispositifs et de moyens : apprentissage, alternance Pro-A, qui est l’ex-période de professionnalisation, développement professionnel continu (DPC), formation des laboratoires pharmaceutiques à l’heure du déjeuner ou le soir, bilan de compétences ou validation des acquis de l’expérience (VAE). Ces dispositifs s’intègrent dans deux régimes juridiques.

Ils ont fait l’objet d’une grande réforme le 6 septembre 2018 par la loi dite Avenir professionnel. Depuis le 1er janvier 2019, les formations suivies par les salariés sont soumises à ces nouvelles règles. Pour l’officine, cette réforme sera totalement opérationnelle en ce mois de septembre. « Un délai a été nécessaire pour que nous puissions mettre en place les nouvelles exigences légales, entre autres sur la question du financement », précise Roland Scherding, préparateur et représentant du syndicat CFTC pour la pharmacie.

Le régime juridique auquel sera soumise la formation dépend de celui qui en est à l’origine. Quand l’employeur prévoit une formation pour les préparateurs de l’équipe, elle relève du plan de développement des compétences (PDC). Quand c’est le salarié qui demande à se former, elle est financée par le compte personnel de formation (CPF).

Le plan de développement des compétences (PDC)

Le plan de développement des compétences, ou PDC, sert aux formations à l’initiative de l’employeur.

Quelles sont les actions de formation du plan de l’employeur ?

Le Code du travail (Art. L. 6321-1) impose à l’employeur « d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. » En pratique, le titulaire doit former son équipe au logiciel métier, aux nouveaux produits, aux nouvelles techniques de vente, au matériel médical, etc. Cela peut être une formation sur place ou à distance, réalisée par un autre salarié de l’officine ou une personne extérieure. C’est le titulaire qui décide quand, comment, par qui et sur quoi elle portera.

Quelles conditions ?

Cette formation peut être prise en charge par l’opérateur de compétences (voir encadré) si elle rentre dans les conditions fixées. Si durant son contrat de travail le préparateur ne suit aucune formation pendant plusieurs années, il peut demander des dommages-intérêts à son employeur, car il n’a pas assuré son employabilité. Il y a des exemples de jurisprudence dans ce sens (voir sur legifrance.gouv.fr, Cour de cassation, chambre sociale, audience publique du 20 septembre 2017, numéro de pourvoi 16-10567).

Comment l’employeur choisit-il les actions de formation ?

L’officine est souvent une petite entreprise de moins de onze salariés. Il n’y a pas de comité social et économique (CSE, voir encadré p. 25) dans ce type de structure. Il revient donc au titulaire de déterminer les formations que devront suivre les salariés, et ce dans l’intérêt de l’entreprise. Si, par exemple, il veut implanter un rayon orthopédie sur mesure, il doit salarier une personne détentrice d’un DU d’orthopédie. Il peut donc obliger un salarié à l’obtenir. De même, s’il veut vacciner des patients contre la grippe, il doit former l’équipe. Il choisit les modalités de réalisation de la formation : à distance, en présentiel ou en situation de travail, c’est-à-dire à l’officine. Si la pharmacie dispose d’un CSE, l’employeur doit le consulter sur le plan de développement des compétences.

Qui finance ?

À l’officine, le financement est assuré par l’opérateur de compétences (OPCO) des entreprises de proximité, dit OPCO-EP (ex-Actalians). Cet organisme prend en charge les frais pédagogiques, la rémunération des salariés en formation, les frais annexes comme le transport, les repas, l’hébergement. Il revient au titulaire de faire ce dossier de prise en charge. « L’OPCO-EP décide annuellement des barèmes de prise en charge. Ainsi, une formation d’un laboratoire faite le midi pour l’équipe peut être prise en charge si le formateur et la formation ont un agrément car la distinction entre les formations nécessaires et utiles n’a pas été reprise par l’OPCO », précise Roland Scherding. Ainsi, cet orga nisme indemnise l’employeur dès lors que la formation répond au cahier des charges de l’OPCO-EP. Ce dernier tire ses ressources des cotisations versées par les officines. Ainsi, au 15 avril 2020, 23 940 752 € avaient été collectés pour le financement de la formation à l’officine.

Comment l’employeur choisit-il les salariés envoyés en formation ?

Comme toute décision concernant son entreprise, l’employeur sélectionne les salariés à former selon l’intérêt de son officine. Il ne peut pas envoyer ou exclure un salarié pour un motif discriminatoire, par exemple son âge, son orientation sexuelle, son état de grossesse. Le salarié peut se porter volontaire, mais le dernier mot revient à l’employeur.

Un salarié peut-il refuser de suivre une formation proposée par l’employeur ?

En principe, lorsque l’employeur demande à un salarié de suivre une formation destinée à être dispensée pendant son temps de travail, l’intéressé est tenu de s’y conformer. Un refus de sa part pourrait être qualifié de faute, susceptible de donner lieu à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Quand peut se dérouler une formation déterminée par l’employeur ?

Avant l’entrée en vigueur de la loi Avenir professionnel, les formations choisies par l’employeur pouvaient avoir lieu pendant le temps de travail ou en dehors du planning du salarié : entre midi et deux, le soir, un jour de repos, durant la pause. Ces formations hors planning pouvaient poser des problèmes de durée du travail. Par exemple, une pause de vingt minutes est obligatoire toutes les six heures de travail. Si le salarié est formé durant sa pause, il doit bénéficier d’une autre pause dans sa journée. De même, les règles de durée maximale du travail doivent être respectées.

Aujourd’hui, la loi distingue « les formations nécessaires pour l’exercice d’une activité ou d’une fonction en application des dispositions légales », qui doivent obligatoirement se dérouler pendant le temps de travail du salarié, et les « formations utiles à la pratique du salarié », qui peuvent, sous conditions, être réalisées en dehors du temps de travail.

Qu’est-ce qu’une formation utile à la pratique du salarié ?

Entrent dans cette catégorie les formations sur la prise en charge du patient, la santé numérique, les médicaments, l’anglais ou encore celles réalisées par les laboratoires en soirée ou durant l’heure du déjeuner par exemple. « La branche a détaillé les thèmes prioritaires pour 2020. Les formations dispensées par les laboratoires peuvent y entrer. C’est le cas par exemple d’une formation en diététique, en botanique ou en cosmétologie », détaille Roland Scherding. « Ce sont des formations en situation de travail très valorisantes pour la pratique du salarié mais elles ne doivent pas se faire au détriment du respect du droit du travail », ajoute-t-il.

Comment est payée une formation utile à la pratique du salarié en dehors du temps de travail ?

Avant l’entrée en vigueur de la loi Avenir professionnel, ce type de formation à l’initiative de l’employeur donnait lieu au paiement d’une allocation de formation égale à 50 % de la rémunération nette de référence du salarié.

Aujourd’hui, les choses ont changé La rémunération dépend de l’objectif de la formation. Ainsi, si elle est nécessaire pour l’exercice de la profession, par exemple un DU d’orthopédie, elle est rémunérée comme le temps passé au comptoir. En revanche, si elle est juste « utile pour la pratique du salarié », le Code du travail prévoit qu’elle ne sera pas rémunérée si elle a lieu hors du temps de travail. Il faut garder à l’esprit que, pour l’OPCO-EP, une formation est du temps de travail effectif, qu’elle soit réalisée à distance, sur un temps de pause. « Le titulaire va percevoir une indemnité correspondant au salaire des apprenants versés par l’OPCO-EP. Il n’est donc pas envisageable que le préparateur ne soit pas rémunéré pour son temps passé en formation », affirme Roland Scherding.

Qu’en est-il du développement professionnel continu (DPC) ?

L’article L. 4242-1 du code de la santé publique (CSP) impose au préparateur de réaliser une formation reconnue DPC tous les trois ans. Cette formation, rendue obligatoire par le CSP, rentre dans la catégorie des formations nécessaires à l’exercice de la profession. Le temps de formation est considéré comme du temps de travail effectif et doit être rémunéré comme tel. Si le préparateur n’a pas suivi de formation validant son obligation de DPC, il peut réclamer des comptes à son employeur car il n’aura pas maintenu son employabilité. Cette formation donne lieu à une prise en charge des frais par l’OPCO.

Cas pratiques

Magali est exclue de la formation sur le nouveau logiciel prévue quand elle sera en congé maternité. Est-ce normal ?

Non. Un salarié ne peut pas être exclu d’une formation pour

un motif sans lien avec le travail. Par exemple, il n’y a rien d’illégal à ce que la femme de ménage en soit exclue car elle n’aura pas à intervenir sur le nouveau logiciel. En revanche, aucun élément objectif ne semble justifier l’exclusion de Magali. Elle doit suivre la formation en même temps que ses collègues ou à son retour de congé maternité. Rappelons que la discrimination est une infraction pénale.

Diana peut-elle refuser de revenir à l’officine son jour de repos pour la formation d’un laboratoire ? Oui et non. Une formation dispensée par un laboratoire afin de faire connaître ses produits peut être qualifiée d’utile à la pratique du salarié. Elle peut être imposée si elle est donnée pendant son temps de travail. Si la formation est prise en charge par l’OPCO-EP, Diana sera payée pour ces heures intégrées à son planning. En revanche, si ce n’est pas le cas, faute d’agrément du laboratoire ou du formateur, Diana sera libre de la refuser si elle a lieu sur son temps libre.

Maxime a obtenu son DU d’orthopédie. Doit-il recevoir une rémunération supérieure ? L’employeur n’est pas tenu d’accorder de promotion ou d’augmentation au salarié qui a suivi une action du plan de développement des compétences. Bien sûr, l’employeur a pu prendre des engagements spécifiques via un accord signé avec le salarié.

Le CPF ou la formation au choix du salarié

Outre ces formations imposées par l’employeur, le salarié peut avoir envie de se former pour changer de voie, évoluer professionnellement ou acquérir de nouvelles compétences. Dans ce cas, il doit mobiliser son compte personnel de formation (CPF). Créé au 1er janvier 2015, le CPF permet aux travailleurs, tout au long de leur carrière, de bénéficier d’heures de formation. La principale nouveauté de la loi Avenir professionnel est la conversion des crédits d’heures du CPF en euros.

Comment profiter de son compte personnel de formation ?

Le préparateur doit créer son compte sur le site du ministère du Travail moncompteactivité.gouv.fr. Le numéro de Sécurité sociale du salarié permet au site de récupérer les données des cotisations versées à compter du 1er janvier 2015. Les heures acquises au titre du droit individuel à formation (DIF) avant le 31 décembre 2014 doivent être déclarées par le salarié au plus tard le 31 décembre 2020 pour être prises en compte. Une fois créé, le site propose au salarié de nombreuses formations, qu’il peut choisir librement.

Quel type de formation choisir ?

Depuis le 1er janvier 2019, sont éligibles au CPF, directement et sans autres conditions, les actions de formation sanctionnées par :

→ un diplôme ou un titre enregistré au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). À compter de ce mois de septembre, ce sera le cas de la formation de conseiller en herboristerie, de niveau licence pro (lire Porphyre , N° 559, février 2020) ;

→ une certification ou une habilitation inscrite au répertoire spécifique comprenant notamment la certification relative au socle de connaissances et de compétences professionnelles ;

→ une attestation de validation de blocs de compétences ;

→ les actions permettant de faire valider les acquis de l’expérience (VAE) ;

→ le bilan de compétences ;

→ la préparation de l’épreuve théorique du code de la route et de l’épreuve pratique du permis de conduire des véhicules du groupe léger et du groupe lourd.

Il n’y a aucune obligation à ce que la formation ait un lien avec le métier de préparateur.

De combien est crédité le compte chaque année ?

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Avenir professionnel, le compte n’est plus crédité en heures mais en euros, une fois par an. Si le préparateur a travaillé au moins 803 heures sur l’année civile, son compte est crédité de 500 €, dans la limite de 5 000 €. Cette durée correspond à au moins un mi-temps, soit 75,83 heures par mois. Si le salarié effectue moins de 75,83 heures par mois, le montant du crédit sera proratisé. Par exemple, Jessica a réalisé 600 heures de travail sur l’année. Elle recevra 187 € sur son compte, soit (600/1 607) × 500 €.

Les absences d’un salarié pour un congé maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, de présence parentale, de proche aidant ou un congé parental d’éducation ou pour une maladie professionnelle ou un accident du travail sont intégralement prises en compte pour le calcul de la durée de travail effectuée pour acquérir des droits sur son compte personnel de formation.

Quand le préparateur peut-il se former ?

S’il souhaite bénéficier d’une action de formation pendant tout ou partie de son temps de travail, le préparateur doit solliciter une autorisation d’absence auprès de son employeur. Un décret préci se que cet te demande doit être effectuée 60 jours calendaires avant le début de la formation si sa durée est inférieure à six mois, et 120 jours calendaires en cas de formation d’une durée égale ou supérieure. L’employeur n’a dorénavant plus à juger du contenu de la formation. S’il garde le silence pendant 30 jours calendaires, le salarié doi t cons idérer qu’il a accepté son départ. En revanche, s’il prévoit de réaliser sa formation en dehors de son temps de travail, il n’a aucune information à donner à son employeur.

Cas pratiques

Lydie a choisi de financer son permis mais l’auto-école demande 2 000 € pour cette formation.

Or elle n’a que 1 500 € sur son compte. Comment peut-elle faire ?

La loi prévoit qu’elle peut ajouter les 500 € manquants de sa poche. Lydie peut aussi demander à son employeur ou à l’OPCO-EP de rajouter des crédits via le site internet moncompteactivité.gouv.fr.

Bruno suit une formation via le plan de développement et a une heure de trajet pour s’y rendre. Sera-t-il rémunéré en temps de travail effectif pour ce trajet ?

L’OPCO-EP prévoit la prise en charge des frais de trajet pour une formation du plan de développement selon un barème révisé tous les ans.

Si Mathilde se forme le soir avec un labo après son boulot, son titulaire doit-il la rémunérer ?

Si cette formation répond au cahier des charges de l’OPCO-EP, l’employeur percevra une indemnité correspondant au salaire des apprenants, qu’il doit leur reverser.

Attention aux « formations plaisir » proposées par certains laboratoires : soirée musée, soirée restaurant, etc. Elles ne sont pas toutes reconnues par l’OPCO-EP. Si elles ne sont pas financées par l’OPCO-EP, les règles du Code du travail s’appliquent, donc elles ne sont pas automatiquement prises en compte. Il faut un accord entre le salarié et l’employeur.

Attention également à la législation anti-cadeaux !

Qu’est-ce qu’un opérateur de compétences ?

Le 1er avril 2019, ont été agréés onze opérateurs de compétences (OPCO), chargés d’accompagner la formation professionnelle. Ils remplacent les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Ces OPCO ont pour missions de financer l’apprentissage, d’aider les branches à construire les certifications professionnelles et d’accompagner les PME pour définir leurs besoins en formation. Près de 329 branches sont réparties dans 11 OPCO, au lieu des 20 OPCA qui existaient. Deux des onze OPCO ont un caractère interprofessionnel. La pharmacie dépend de l’OPCO-EP, dit opérateur de compétences des entreprises de proximité.

Représentation des salariés par le CSE

Le comité social et économique est l’instance de représentation du personnel dans l’entreprise. Le CSE doit être mis en place dans les sociétés qui salarient plus de onze personnes pendant douze mois consécutifs.

Ses membres sont élus par les salariés de l’entreprise pour une durée maximale de quatre ans. Cette organisation doit être régulièrement consultée par le chef d’entreprise. Elle permet d’associer les salariés à la gestion de la pharmacie.

La Pro-A, un autre dispositif

La Pro-A permet aux salariés, notamment ceux dont la qualification est insuffisante au regard de l’évolution des technologies ou de l’organisation du travail, de favoriser leur évolution ou promotion professionnelle et leur maintien dans l’emploi. Elle permet ainsi à une personne non diplômée d’obtenir le BP de préparateur. Un avenant au contrat de travail précisant la durée et l’objet de la formation doit être signé entre le titulaire et le salarié et déposé en même temps que le dossier de prise en charge auprès de l’OPCO-EP. La rémunération est maintenue, une partie pouvant être prise en charge par l’OPCO-EP.

Où s’informer ?

Consulter les organismes de formation dans la page Formation de Porphyre ou sur le site de l’Agence nationale du développement professionnel continu : www.agencedpc.fr.

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