Que sait-on du syndrome de détresse respiratoire aiguë ?* - Porphyre n° 562 du 27/04/2020 - Revues
 
Porphyre n° 562 du 27/04/2020
 

S’INFORMER

décryptage

Auteur(s) : Lydia Pouga

Comprendre comment l’infection à SARS-CoV-2 génère un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) permettra d’identifier les patients à risque et de donner des pistes thérapeutiques.

Qu’est-ce que le SDRA ?

Le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) apparaît lorsque le poumon est lésé. L’équilibre des liquides entre vaisseaux et tissus est compromis et le tissu pulmonaire se remplit d’eau (œdème). La respiration devient alors inefficace (détresse respiratoire). Il est peu fréquent au cours du Covid-19, mais redoutable. Il est la première cause de prise en charge en réanimation et conduit au décès dans 30 à 50% des cas.

Comment le virus rend-il malade ?

Le SARS-CoV-2 utiliserait l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE2 en anglais), qui est aussi un récepteur transmembranaire, pour pénétrer les cellules et se multiplier.(1) Ce récepteur est présent au niveau des oroet nasopharynx, conjonctives, poumons, intestin, foie, reins, coeur, cerveau.

Lors de l’incubation, de deux à quatorze jours, le virus prolifère au niveau des voies aériennes supérieures, par lesquelles il est entré. Puis le système immunitaire détecte le virus et produit des protéines pro-inflammatoires visant à arrêter la prolifération virale. Chez les patients asymptomatiques, les effets sont limités. Chez les symptomatiques, l’inflammation génère une fièvre et une destruction importante des cellules partout où le virus a pu proliférer, d’où la diversité des symptômes possibles du Covid-19: rhinopharyngite, conjonctivite, toux et dyspnée, diarrhée, cytolyse hépatique, insuffisance rénale aiguë, souffrance cardiaque, anosmie et céphalées.

Comment guérit-on du Covid-19 ?

Lorsque l’organisme a éradiqué le virus, l’inflammation s’arrête. Les patients symptomatiques Covid-19 non sévères guérissent en une semaine. La réapparition des symptômes et du virus, jusqu’à dix-sept jours après la fin des symptômes chez des patients non sévères (2), laisse penser que la guérison complète pourrait requérir plus de temps dans certains cas.

Pourquoi cela s’aggrave-t-il parfois ?

Chez 19% des patients symptomatiques Covid-19, l’inflammation perdure. Soit parce que la réponse immunitaire n’est pas assez efficace pour éliminer le virus, car altérée par le vieillissement, le diabète, les cancers. Soit parce que le virus a induit une réponse délétère car le poumon était déjà fragilisé par une pathologie chronique ou le tabac. Soit parce que certains patients auraient une sensibilité accrue d’origine génétique à la virulence du virus. Les lésions pulmonaires induites par une inflammation exacerbée sont responsables du SDRA. Lorsque l’inflammation liée à l’infection s’étend, on parle de sepsis. Lors du sepsis, d’autres organes vitaux peuvent dysfonctionner, avec un risque de défaillance multiviscérale au pronostic sombre.

À qui est destinée la réanimation ?

5% des patients symptomatiques Covid-19 nécessiteront d’être hospitalisés dans un service capable de suppléer les organes défaillants, appelé service de réanimation. La plupart sont des patients âgés et/ou avec des comorbidités.(3) Le signe précurseur faisant craindre une aggravation est la survenue d’une dyspnée tôt dans la maladie. La moitié des patients décèderont, et ce dans les sept jours suivant l’admission en réanimation dans 50% des cas ; les plus à risque étant les patients âgés et ceux avec un SDRA ou plusieurs organes défaillants.(4)

Quel est le rôle de la réanimation ?

Dans le Covid-19, où le principal organe touché est le poumon, la réanimation a pour but d’aider les patients à respirer grâce à la ventilation mécanique (VM) invasive. Elle consiste à introduire un tube dans la trachée et à le raccorder à un « respirateur ». En cas de SDRA, la VM est plus efficace et a moins d’effets délétères sur le poumon lorsqu’elle est pratiquée sur un patient endormi ; c’est pourquoi une sédation-analgésie profonde, ou « coma artificiel », est réalisée. Les curares, paralysants musculaires respiratoires, sont ajoutés dans le SDRA car ils diminuent le risque de lésions induites par la VM.

Y a-t-il d’autres traitements ?

Les anti-inflammatoires, et en particulier les corticoïdes, ne sont pas recommandés dans le SDRA du Covid-19 en France pour le moment.(5) Le recours à des antimicrobiens ou à des anticorps dans le cadre d’essais vise à aider le patient à éliminer le virus pour arrêter la réponse inflammatoire. Le coma artificiel permettrait aussi de mettre l’organisme au repos pour que les ressources soient allouées à la lutte contre l’infection.

(*) Au 20 avril 2020.

(1) Hoffmann et al., Cell , 2020.

(2) Ye et al., Journal of Infection , 2020.

(3) Wang et al., Jama , 2020.

(4) Yang et al., The Lancet Respiratory Medicine , 2020.

(5) Avis relatif à la prise en charge des cas confirmés d’infection au virus SARS-CoV-2 , Haut Conseil de la santé publique, 5 mars 2020.

(6) Rhodes et al., Intensive Care Medicine , 2012 : étude comparative la plus récente en Europe.

(7) Annonce faite par le Président Emmanuel Macron le 31 mars 2020.

(8) Santé publique France, Point épidémiologique COVID-19 au 14 avril 2020.

NOTRE EXPERTE INTERROGÉE

→ Dr Lydia Pouga, médecin virologue, lauréate de la faculté Paris-Descartes (pour ses travaux portant sur deux nouvelles mutations de résistance du VIH), postdoctorante de 2016 à 2018 à l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (stratégies thérapeutiques contre l’infection VIH).

Repères

Réanimation et respirateurs en France

11,6 lits en soins intensifs et réanimation/100 000 habitants, soit 7 540 lits (12e rang en Europe), contre 29,2 en Allemagne (1er rang) en 2012.(6)

7 000 respirateurs et 5 000 lits de réanimation en 2020, d’après la direction générale de la Santé.

Un consortium d’industriels créé pour pallier le manque de respirateurs en France est censé produire 10 000 respirateurs d’ici mai.(7)

Au 14 avril 2020, il y avait 6 730 patients en réanimation, dont 50% ont plus de 65 ans.(8)

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