“Je voudrais dormir !” - Porphyre n° 560 du 19/02/2020 - Revues
 
Porphyre n° 560 du 19/02/2020
 

Exercer

Au comptoir

Auteur(s) : Nathalie Belin

1 Je questionne

Préciser la demande

« Depuis quand dormez-vous mal ? » et « Avez-vous récemment changé certaines habitudes professionnelles, familiales, ou déménagé ? » recherchent des causes fréquentes de troubles du sommeil récents et passagers.

Rechercher certains critères

« Avez-vous aussi des troubles de l’humeur, un désintérêt pour vos activités habituelles… ? » aiguille si besoin vers un avis médical. « Avez-vous déjà pris quelque chose pour vous soulager ? », « Avez-vous tendance à vous coucher tard et à vous lever tard ? » et, selon le cas, « Êtes-vous enceinte ? » ou « Prenez-vous des médicaments ? » orientent l’automédication.

2 J’évalue

Les troubles du sommeil sont fréquents et peuvent être pris en charge à l’officine s’ils sont récents, et a priori liés à une cause identifiable : stress, soucis, voyage, déménagement par exemple. Dans tous les cas, des conseils d’hygiène du sommeil sont à rappeler, car ils sont indissociables d’un « bon repos » au long cours. Consulter si les troubles se prolongent plusieurs semaines, en cas de répercussions gênantes en journée telles que somnolence ou fatigue importante, en présence de signes évoquant une dépression ou si une origine médicamenteuse est suspectée : corticothérapie, bêta-bloquants, antidépresseurs, bronchodilatateurs, antiparkinsoniens, etc.

3 Je passe en revue

Un hypnotique faible

La doxylamine (Donormyl, par exemple) est un antihistaminique (anti-H1) de 1re génération. Elle réduit le délai d’endormissement et allonge la durée du sommeil. Elle est indiquée sur 5 jours au maximum dès 15 ans, mais déconseillée chez les personnes âgées en raison d’un risque de somnolence, de vertiges et de confusion. Effets indésirables : somnolence, constipation, sécheresse buccale, troubles visuels, palpitations cardiaques, risque de rétention urinaire. Contre-indications : risque de glaucome aigu par fermeture de l’angle et de troubles urétroprostatiques (adénome de la prostate, etc.). Interactions : déconseillée avec l’alcool et les autres médicaments sédatifs. Prudence avec d’autres médicaments anticholinergiques, car elle peut majorer les effets atropiniques, ou avec les anti-hypertenseurs en raison d’un risque d’hypo tension orthostatique.

Les plantes sédatives

• La valériane, plante la plus étudiée, améliore l’endormissement et la qualité du sommeil versus placebo. D’autres plantes sont traditionnellement indiquées lors de troubles du sommeil liés au stress ou à l’anxiété notamment : aubépine, ballote, coquelicot, eschcholtzia, houblon, mélisse, oranger, passiflore et tilleul.

• Les huiles essentielles de basilic, camomille romaine, lavande, mandarinier, marjolaine à coquilles, petit grain bigarade, verveine odorante, sont traditionnellement utilisées par voie orale et/ou locale. Exemples par voie orale : 1 goutte de camomille noble et 1 goutte de basilic tropical sur un comprimé neutre au coucher ; en complément alimentaire : Puressentiel Sommeil + Bio, Olioseptil Sommeil, Oleocaps 7 Sommeil & Stress, Capsules Détente Sommeil SOS aroma, Capsules Sommeil Phytosun arôms, Aroma Celte Sommeil en association à des plantes, etc. Exemples en application sur les poignets ou le plexus solaire : 3 à 4 gouttes d’huiles essentielles de petit grain bigarade et de mandarinier dans une demi-cuillère à café d’huile végétale. Particularités : l’aubépine est recommandée en cas de palpitations, la mélisse lors de spasmes intestinaux, le houblon dans un condiv de ménopause. Précautions : Le houblon est déconseillé chez la femme avec des antécédents de cancer hormono-dépendant du fait de ses propriétés estrogéniques. Ne pas utiliser la ballote plus de 15 jours en raison de possibles atteintes hépatiques. D’une manière générale, éviter les plantes au cours de la grossesse, de même que les huiles essentielles lors de grossesse et d’allaitement, ou en cas d’antécédents de convulsion.

Un régulateur du rythme veille/sommeil

La mélatonine est une hormone sécrétée par l’épiphyse et synthétisée à partir du L-tryptophane. Propriétés : sa libération débute le soir lorsque la lumière baisse, puis augmente avec un pic vers 2 ou 3 h du matin, contribuant au maintien du sommeil. Le taux de mélatonine sécrété par chaque individu lui est propre. Sa production est plus importante en hiver lorsque les jours sont plus courts, et la lumière artificielle comme celle des écrans la réduit, ce qui décale l’endormissement. Avec l’âge, sa synthèse tend à diminuer, expliquant en partie le sommeil fractionné dont se plaignent les personnes âgées. Deux types d’effets : la mélatonine a des effets chronobiotiques, c’est-à-dire régulateur s du r ythme veille/sommeil à faible dose, de 0,5 à 1 mg par prise. Dès 2 mg, elle a une légère action soporifique facilitant l’endormissement. Législation : la mélatonine est un médicament dès 2 mg par prise ; elle est autorisée en France dans les compléments alimentaires à des doses inférieures. Les autorités de santé européennes lui reconnaissent deux allégations : limiter les effets du décalage horaire dès 0,5 mg par prise, et favoriser l’endormissement à au moins 1 mg par prise. Galénique : à libération immédiate en comprimés à avaler en général 1 heure avant le coucher ou, selon le cas, lors de décalage horaire ou de retards de phase (voir encadré) ; en spray ou comprimés sublinguaux pour un effet plus rapide, 30 minutes avant le coucher, voire juste avant. À libération prolongée en comprimés : 1 heure avant le coucher. Effets indésirables : rares avec céphalées, vertiges, somnolence, tremblements, troubles digestifs, réversibles à l’arrêt des prises (1). Au long cours, ses effets sont mal connus, mais la prudence s’impose car la mélatonine module notamment le système immunitaire, la pression artérielle, possède une action proinflammatoire sur certains tissus et intervient dans la sécrétion des hormones sexuelles à l’adolescence. Précautions : l’emploi de mélatonine n’est pas recommandé chez l’enfant, l’adolescent, la femme enceinte ou allaitante, en cas de maladie inflammatoire ou auto-immune, et devrait suivre un avis médical pour les personnes asthmatiques, épileptiques ou souffrant de troubles de l’humeur. Par ailleurs, « prise au mauvais moment, la mélatonine peut dérégler les rythmes biologiques, voire aggraver les troubles », met en garde le Dr Sylvie Royant-Parola. Interactions : possibles avec les anticoagulants, antiagrégants plaquettaires, certains anti-dépresseurs et sédatifs par exemple.

Les acides aminés et vitamines

• Alpha-casozépine : hydrolysat de protéines de lait ayant montré des propriétés relaxantes lors d’études cliniques et faisant l’objet d’un dépôt de brevet (Lactium). Exemples : gamme Seriane, Granions Apaisia, etc. Pas de précautions ni de contre-indications particulières.

• L-tryptophane : acide aminé nécessaire à la synthèse de mélatonine et de sérotonine impliquée dans l’équilibre nerveux. Obtenu par synthèse ou extrait de Griffonia simplicifolia, plante originaire d’Afrique. Interactions : à éviter en association aux inhibiteurs de la recapture de la sérotonine en raison d’un risque de syndrome sérotoninergique.

• Magnésium et vitamines du groupe B : indispensables à la transmission de l’influx nerveux. Le magnésium intervient aussi dans la relaxation musculaire.

Les aides à l’endormissement

• Filtres ou lunettes anti-lumière bleue : ils limitent l’exposition à la lumière bleue émise par les écrans, qui a pour effet de retarder la sécrétion de la mélatonine. Toutefois, la stimulation cognitive ou émotionnelle liée à l’utilisation des écrans, qui va à l’encontre du processus d’endormissement, persiste…

• Biofeedback. Ce procédé consiste à enregistrer le fonctionnement cardiaque et la respiration (cardiofeedback) ou l’activité cérébrale via un électroencéphalogramme (neurofeedback). Il aide le patient à développer des stratégies de contrôle de ce système, par exemple grâce à des exercices visuels ou auditifs, afin d’envoyer des signaux de détente, de contrôle émotionnel, favorables à un bon sommeil. Plusieurs études montrent son efficacité contre l’insomnie. À raison d’une à trois séances hebdomadaires durant plusieurs semaines, réalisées par des spécialistes de centres du sommeil, les résultats obtenus sont bons. Des objets connectés permettent de reproduire ces exercices, comme le casque Urgonight.

• D’autres applications connectées, à télécharger via un smartphone, visent à analyser le sommeil, à intégrer à la literie masque de nuit, lunettes, etc, sans validation scientifique solide. Certaines, en voulant créer des atmosphères propices au sommeil avec sons, lumière ou température peuvent au contraire le perturber.

4 Je choisis

Selon le condiv

• Insomnie ponctuelle avec besoin de dormir ou de récupérer : doxylamine en traitement court si pas contre-indiquée.

• Face au stress ou à une anxiété : opter pour des plantes, voire des plantes associées à de la mélatonine.

• Tendance à se coucher et à se lever tard : mélatonine pour avancer l’heure de l’endormissement, éventuellement combinée à des plantes.

• Décalage horaire après un voyage vers l’est (voir encadré en page 49) : mélatonine pour avancer l’heure du coucher.

Selon le patient

• Troubles urétroprostatiques et/ou personne âgée : pas de doxylamine, opter pour des plantes ou de l’alpha-casozépine.

• Grossesse : les huiles essentielles sont contre-indiquées, et les plantes exclues par manque de données. La doxylamine, si nécessaire et sur une courte durée, fait l’objet de résultats rassurants quel que soit le terme de la grossesse, mais à éviter les jours qui précèdent l’accouchement.

5 J’explique

Ces traitements peuvent aider à passer un cap, associés aux mesures d’hygiène de vie qui, seules, aident à retrouver un sommeil réparateur sur le long terme.

6 Je conseille

Modalités de prise

• Plantes : leur action se manifeste après quelques jours d’usage régulier, notamment pour la valériane dont l’effet est pleinement ressenti après 2 à 4 semaines.

• Huiles essentielles : limiter à 10-15 jours.

• Mélatonine. Pour tirer pleinement bénéfice de ses propriétés, mettre l’organisme dans des conditions propices au repos : activité physique en journée et exposition à la lumière du jour, réduction des bruits et de l’éclairage, extinction des écrans l’heure précédant le coucher, etc. Débuter par 1 mg avant d’augmenter la dose si besoin. À utiliser de quelques jours à 4 ou 6 semaines au maximum. Interrompre si aucune amélioration après 7 jours.

Hygiène du sommeil

• Rythme de vie. Se lever et prendre ses repas à heures régulières pour structurer la journée et réguler l’horloge biologique interne. Éviter les siestes prolongées, pas plus de 30 minutes au maximum, et/ou après 16 h.

• Recréer une association positive entre le lit et le sommeil. Pas d’écran ni de télévision dans la chambre. Ne se coucher que lorsqu’on se sent vraiment somnolent. Ne pas rester couché si on met plus de 20 minutes à s’endormir. Dans ce cas, changer de pièce et lire, par exemple. Dédramatiser les éveils nocturnes qui sont « normaux » s’ils restent brefs.

• Favoriser l’endormissement. Pas d’excitants tels que café, thé, coca-cola après 17 h. Éviter l’alcool au dîner qui provoque un sommeil plus léger et fragmenté. Bain ou douche chauds juste avant le coucher élèvent la température corporelle, s’opposant ainsi à l’endormissement. Maintenir dans la chambre une température d’environ 18 °C. Pratiquer une activité sportive régulière, mais pas durant les 3 à 4 heures qui précèdent le coucher, et s’exposer à la lumière, participent à la synchronisation de l’horloge interne.

• Cas particuliers. Chez la personne âgée en avance de phase, à l’inverse des consignes habituelles, une activité stimulante le soir, comme l’usage d’une tablette, une soirée en groupe de type bridge, cinéma, peut aider à retarder l’heure du coucher. Recommander d’enlever tous les obstacles pouvant favoriser les chutes entre le lit et les toilettes : descente de lit, tapis, chaise, meuble, etc. Chez l’adolescent ou le jeune adulte en retard de phase, l’exposition à la lumière le matin, par le biais d’une activité de groupe comme le jogging ou un sport d’équipe, est bénéfique.

Méthodes de « lâcher-prise »

Méditation pleine conscience, sophrologie, hypnose, ciblent le relâchement en se fondant souvent sur des techniques de respiration. À essayer et à combiner aux conseils d’hygiène de vie ou à une thérapie cognitivo-comportementale.

La méditation pleine conscience, ou mindfulness, qui repose sur l’auto-contrôle, vise à ramener systématiquement l’attention sur l’instant présent de manière à « contrôler » le flot des pensées et les ruminations.

Le condiv

→ Les besoins et le rythme en matière de sommeil sont propres à chacun et déterminés génétiquement. Un « bon sommeil » est réparateur et procure un état de bien-être. Des difficultés d’endormissement, des réveils nocturnes ou un éveil trop précoce peuvent être à l’origine du mauvais sommeil. Les répercussions en journée sont plus ou moins importantes : fatigue, irritabilité, difficulté de concentration, manque de motivation à pratiquer ses activités ou ses tâches quotidiennes, etc.

→ Les causes d’un mauvais sommeil sont multiples : stress, anxiété, environnement (bruit, lumière), etc. Chez la personne âgée, le sommeil se morcelle, les éveils physiologiques entre chaque phase d’assoupissement sont davantage perçus, entraînant une impression de mauvais sommeil.

L’avis du spé

CONSEILLER LA MÉLATONINE

• En libération immédiate, la mélatonine est intéressante :

→ chez les personnes en retard de phase, c’est-à-dire qui se couchent et se lèvent très tard. « C’est l’une de ses indications principales, liée à son effet chronobiotique », précise le Dr Vecchierini, neuropsychiatre à l’Hôtel-Dieu (Paris). Elle peut être proposée une à deux heures avant l’heure habituelle du coucher, par exemple à minuit si on s’endort à 2 h du matin, afin d’avancer le moment de l’endormissement ;

→ pour limiter les effets liés au décalage horaire, à faible dose (0,5 à 1 mg), lors d’un voyage vers l’est. Elle aide alors à avancer l’heure du coucher. « Il convient de la prendre vers 20 h, heure locale de sa destination, le jour du départ et le lendemain », conseille le Dr Royant-Parola, psychiatre et présidente du Réseau Morphée. Pour un voyage vers l’ouest, son utilisation étant plus complexe, mieux vaut s’en passer et retarder l’heure du coucher en faisant du sport et/ou en s’exposant à la lumière.

• En libération prolongée, elle agit sur les troubles du sommeil susceptibles d’être liés à une baisse de sa sécrétion. « Une forme à libération prolongée prise une heure avant le coucher est préférable pour une action potentiellement plus durable », souligne le Dr Vecchierini. En revanche, la mélatonine n’est pas efficace lors d’insomnies en rapport avec l’anxiété. De nombreuses formules l’associent donc à des plantes relaxantes dans le but d’agir sur cette composante anxieuse… « au risque de banaliser son emploi ! », avertit l’experte.

(1) L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) a reçu 90 déclarations d’effets indésirables entre 2009 et 2017 susceptibles d’être liés à la consommation de compléments alimentaires contenant de la mélatonine.

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