Le suivi de la grossesse - Porphyre n° 559 du 20/01/2020 - Revues
 
Porphyre n° 559 du 20/01/2020
 

Savoir

La patho

Auteur(s) : Florence Leandro

La grossesse n’est pas une maladie mais un état physiologique à risque et particulier dans la vie d’une femme, avec son lot de petits et parfois de grands maux, d’examens et de questionnements. Les officinaux sont en première ligne pour conseiller les femmes enceintes et les accompagner.

La grossesse

L’état de grossesse

Définition

La grossesse est l’état physiologique transitoire de la femme enceinte, de la fécondation jusqu’à l’accouchement, durant lequel un être humain se développe dans l’utérus, qualifié de gravide.

Être enceinte

Comment savoir ?

Le début de la grossesse peut s’accompagner de signes cliniques dus aux modifications hormonales : seins gonflés, fatigue, nausées, humeur labile, fringales… Un test de grossesse détecte la sous-unité bêta de la gonadotrophine chorionique humaine (hCG, voir Info+) dans les urines. Un test positif est confirmé par une prise de sang, qui décèle la même hormone mais de façon plus précise, et/ou une échographie.

Comment compter ?

• Les semaines d’aménorrhée (SA) se comptent à partir de la date de début des dernières règles. C’est le mode de calcul privilégié par les médecins et les sages-femmes.

• Le nombre de semaines de grossesse effective se compte à partir de la fécondation, soit environ deux semaines plus tard.

• Une grossesse complète de neuf mois correspond à 41 SA ou à 39 semaines de grossesse effective. Exemple : Céline démarre sa 18e semaine d’aménorrhée, c’est donc sa 16e semaine de grossesse effective, elle est dans son quatrième mois.

Quelques étapes clés

• Dès la fécondation, le cycle menstruel s’interrompt. La progestérone, « l’hormone de la grossesse », est sécrétée par le corps jaune, puis plus tard par le placenta (voir Dico+ p. 30).

L’étape de nidation, ou implantation, débute environ une semaine après la fécondation.

• La période embryonnaire est la phase de développement des organes du bébé. Elle dure huit semaines et se poursuit jusqu’à la 10e SA.

• La fin de la période embryonnaire est marquée par l’étape de différenciation sexuelle. Le phénotype sexuel (voir Dico+ p. 30) est dans un premier temps complètement indifférencié en termes de gonades (voir Dico+ p. 31) et de voies génitales. Celles-ci sont doubles et portent le nom de canaux de Wolff et canaux de Müller.

→ La présence du gène SRY sur le chromosome Y du garçon conduit à la synthèse de la protéine TDF, responsable de la différenciation des gonades en testicules. Ceux-ci sécrètent l’hormone anti-müllerienne et la testostérone, responsables de la différenciation des canaux de Wolff en voies génitales mâles (épididyme, spermiducte…) et la régression des canaux de Müller.

→ Chez la fille, la différenciation sexuelle se fait « par défaut ». L’absence de chromosomeY conduit à la différenciation des gonades en ovaires. De même, l’absence de l’hormone anti-müllerienne et de testostérone provoque la différenciation des canaux de Müller en voies génitales femelles (trompes, utérus, vagin…) et la régression des canaux de Wolff.

• La période fœtale succède à la période embryonnaire et se poursuit jusqu’à la fin de la grossesse. C’est une phase de croissance et de maturation des organes.

• La grossesse se termine par l’accouchement. Une fois le col dilaté jusqu’à 10 cm, le bébé, d’abord descendu de façon assez passive, est expulsé grâce à la poussée de la mère. Puis, il y a l’expulsion du placenta et des membranes.

Les « petits » maux de la grossesse

Sauf cas particuliers, ce ne sont pas de véritables maladies mettant en jeu la vie de la mère ou du futur bébé, mais plutôt des désagréments. Ils résultent de modifications physiologiques liées à la grossesse, en particulier les perturbations hormonales et la prise de poids. La survenue de tel ou tel symptôme varie d’une femme à l’autre et d’une grossesse à l’autre.

Nausées et vomissements

Ils sont très fréquents au premier trimestre et disparaissent neuf fois sur dix au quatrième mois. Les mécanismes d’apparition ne sont pas élucidés mais semblent regrouper plusieurs facteurs : hausse de l’hormone hCG et de la progestérone, grande fatigue, sensibilité accrue aux odeurs, sensibilité familiale ou psychologique. Consulter en cas de vomissements incoercibles (voir Dico+ p. 31), de persistance, d’apparition ou de réapparition tardive en cours de grossesse.

• Pour les limiter. Fractionner et alléger les repas, éviter le ventre vide le matin (prévoir des biscuits secs près du lit), les mets trop épicés ou trop gras, de s’allonger après le repas. Fuir les fortes odeurs, boire surtout entre les repas.

• Pour les traiter. Le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) privilégie le métoclopramide sur ordonnance et la doxylamine, un anti-histaminique en vente libre mais hors AMM en France. Le gingembre s’utilise frais ou séché, en cuisine, en infusion ou en complément alimentaire (Maternov nausées, Nauziaphyto…), mais il a des propriétés anticoagulantes.

Constipation

Un tiers des femmes enceintes sont touchées. Le fer peut aggraver les symptômes.

• Pour les limiter. Boire entre 1,5 et 2 L d’eau par jour, en privilégiant une eau riche en magnésium, Hépar, Contrex. Enrichir l’alimentation en fibres : céréales complètes, légumes verts, pruneaux, huile d’olive… Marche, natation, vélo d’appartement, aquagym, au moins trois fois par semaine en l’absence de contre-indications.

• Pour les traiter. Des laxatifs osmotiques type macrogol ou lactulose créent un appel d’eau dans l’intestin et augmentent l’hydratation des selles. Ils agissent en un à deux jours. Les laxatifs de lest (graines de lin, psyllium…) gonflent en présence d’eau, d’où la prise avec un grand verre d’eau, et améliorent le volume et la consistance des selles en un à trois jours. Les laxatifs lubrifiants, type huile de paraffine, agissent en quelques heures mais ne doivent pas être pris au long cours en raison du risque de malabsorption des vitamines liposolubles. Un lavement ou micro-lavement, à action quasi immédiate, s’utilise ponctuellement en cas de difficulté d’exonération. Les stimulants sont à éviter car irritants pour les intestins, même si le Crat propose de privilégier le séné en cas de constipation opiniâtre, mais orienter vers le médecin.

Reflux gastro-œsophagien (RGO)

Il concerne une femme sur deux, et surtout au troisième trimestre.

• Pour le limiter. Mêmes conseils qu’en cas de nausées et de vomissements. Supprimer café et tabac. Bien mâcher les aliments en comptant jusqu’à 10 avant d’avaler. Surélever la tête du lit de 20 cm avec un oreiller.

• Pour le traiter. Un antiacide d’action locale à la demande et à distance des autres médicaments, pour tapisser la muqueuse gastrique et vite soulager. Le médecin peut ajouter un traitement de fond anti-H2 (ranitidine…) ou inhibiteur de la pompe à protons (oméprazole…).

Jambes lourdes

L’insuffisance veineuse favorise les complications thromboemboliques graves, phlébites et/ou embolies pulmonaires, lorsqu’un caillot obstrue un vaisseau. La grossesse est une période à risque. Les modifications hormonales diminuent le retour veineux et accroissent la dilatation des veines. L’utérus gravide comprime de gros vaisseaux abdominaux. Jouent aussi la prise de poids et le volume de sang augmenté.

• Pour les limiter. Activer le retour veineux en appuyant le pied sur le sol en marchant régulièrement. Ne pas rester trop longtemps debout ou assise. Limiter bains chauds, sauna et la prise de poids. Masser les jambes du bas vers le haut, avec un gel ou le jet d’eau. Surélever les pieds du lit. Se coucher sur le côté gauche pour éviter de comprimer la veine cave inférieure, qui participe au retour veineux.

• Pour les traiter. La compression veineuse est la plus efficace, pendant la grossesse et en postpartum (six semaines si accouchement par voie basse, six mois si césarienne). Chaussettes, bas ou collants sont prescrits par le médecin ou la sage-femme, en classe 2 (15-20 mmHg), et classe 3 (20-36 mmHg) en cas de maladie veineuse chronique. Parmi les veinotoniques oraux, le Crat privilégie la diosmine notamment. Des gels (Rap Phyto gel…) soulagent localement.

Hémorroïdes

Elles sont favorisées par la constipation et la faiblesse du retour veineux.

• Pour les limiter. Idem constipation et jambes lourdes. Éviter les irritants : épices, café… Laver la région anale en douceur et porter des sousvêtements en coton.

• Pour les traiter. Par voie locale, les actifs agissent sur l’inflammation, la douleur ou l’irritation. Crèmes et suppositoires tels que Titanoréine (mucoprotecteur +/- anesthésique local), Tronothane (anesthésique local), Rectoquotane (anesthésique local + antiseptique), et sur ordonnance Deliproct et Ultraproct (corticoïde + anesthésique local) peuvent être utilisés d’après le Crat. Par voie orale, les mêmes veinotoniques que pour les jambes lourdes.

Troubles cutanés

Masque de grossesse

Appelé aussi chloasma, il se caractérise par des taches brunes au visage, dues à un excès d’activité des mélanocytes, plus ou moins rapidement réversibles après l’accouchement.

• Pour le limiter. Se protéger du soleil et appliquer une crème solaire haute protection.

• Pour le traiter. Si les taches ne disparaissent pas ou peu après l’accouchement, proposer des soins dépigmentants, ou voir un dermatologue.

Acné

Pendant la grossesse, les follicules pilo-sébacés sont hyperactifs, d’où une hyperséborrhée et l’apparition de boutons.

• Pour la limiter. Choisir des cosmétiques non comédogènes, de texture légère et non grasse.

• Pour la traiter. Peu de traitements anti-acné sont utilisables. Le Crat cite le peroxyde de benzoyle, l’érythromycine, le zinc à partir du troisième trimestre, les macrolides per os. Proposer un soin lavant et une crème adaptés : Effaclar de la Roche-Posay, Phys-Ac d’A-Derma, Cleanance d’Avène, en évitant TriAcnéal expert à cause du rétinaldéhyde, les rétinoïdes et leurs dérivés étant contre-indiqués car tératogènes.

Vergetures

Elles correspondent à la rupture des fibres élastiques de la peau, sous l’effet des hormones et de la soudaine prise de poids. Des marques apparaissent, d’abord rouges ou violettes, puis plus fines et blanchâtres. Les vergetures touchent surtout hanches, ventre, seins et cuisses.

• Pour les limiter. Éviter de prendre trop de poids. Hydrater la peau avec un produit spécifique (Mustela maternité crème ou huile vergetures, Weleda maternité huile vergetures…) ou de l’huile végétale d’argan ou d’amande douce.

• Pour les traiter. Une fois installées, les vergetures sont difficiles, voire impossibles à déloger… Des traitements dermatologiques type laser peuvent être tentés après l’accouchement si la gêne esthétique est trop importante.

Troubles du système nerveux central (SNC)

Anxiété et humeur basse

Ces troubles sont plus fréquents en cas de terrain déjà anxieux et/ou dépressif, d’antécédents personnels ou familiaux de grossesses et/ou d’accouchements difficiles.

• Pour les limiter. Encourager les futurs parents à exprimer leurs craintes, à poser leurs questions, par exemple lors des séances de préparation à la naissance et à la parentalité.

• Pour les traiter. Psychothérapie, hypnose, acupuncture, sophrologie sont privilégiées. Au besoin, des antidépresseurs, tels fluoxétine, paroxétine…, et des anxiolytiques, tels oxazepam, hydroxyzine…, peuvent être prescrits.

Sommeil

Au premier trimestre, la future maman tend à être très fatiguée et à beaucoup dormir. Par la suite, elle dort moins et moins bien, à cause des reflux, des lombalgies, des crampes, de l’anxiété ou encore des mouvements du bébé.

• Pour les limiter. Adopter les mesures classiques : pas d’écrans, d’excitants…

• Pour les traiter. Le Crat suggère la doxylamine ou un hypnotique (zopiclone, zolpidem) sur une durée la plus courte possible.

Suivi médical

Avant la grossesse(1)

• La consultation préconceptionnelle permet au médecin généraliste, gynécologue médical, gynécologue-obstétricien ou sage-femme de délivrer des messages de prévention, d’effectuer ou de proposer certains examens cliniques, gynécologiques et biologiques (groupe sanguin, sérologie toxoplasmique, rubéole, VIH…), d’identifier les situations à risque comme la présence de maladies chroniques, d’antécédents gynécologiques ou obstétricaux, d’addictions…, de prescrire de l’acide folique et de compléter le carnet de vaccination (voir plus loin).

• La présence du père est souhaitable, lui aussi étant concerné par la prévention et par certains examens : groupe sanguin, dépistage des infections sexuellement transmissibles (IST)…

Pendant la grossesse

Calendrier précisv

• Les examens de suivi de la grossesse suivent un calendrier établi par la Haute Autorité de santé (HAS).(2) Le suivi est assuré par l’un des professionnels de santé cités ci-dessus, sauf en cas de grossesse à risque, qui nécessite un suivi par un gynécologue-obstétricien.

• Le calendrier de la HAS prévoit sept consultations prénatales : une au premier trimestre puis une par mois, auxquelles s’ajoutent une consultation précoce avant 10 SA pour confirmer et dater la grossesse, trois échographies (une par trimestre), et huit séances de préparation à la naissance et à la parentalité. La première séance porte le nom d’« entretien du quatrième mois », à faire seule ou en couple.

Dépistage de la trisomie 21(3)

Le dépistage combiné du premier trimestre associe la mesure de la clarté nucale du fœtus (voir Dico+ p. 32) à l’échographie, le dosage de marqueurs sériques dans le sang maternel et l’âge de la mère car le risque augmente avec les années. Selon les résultats, le couple se voit proposer un test complémentaire de dépistage, avec la mesure de l’ADN libre circulant de la trisomie 21 dans le sang de la mère, et/ou un examen de confirmation du diagnostic, amniocentèse ou choriocentèse (voir Dico+) pour établir le caryotype du futur bébé.

Prévention de l’allo-immunisation fœto-maternelle anti-D

La détermination du groupe sanguin des parents et la recherche d’anticorps appelés agglutinines irrégulières dans le sang de la mère détectent une incompatibilité rhésus : mère rhésus – ou « d » et père rhésus + ou « D ». Si l’enfant hérite du rhésus de son père, alors la mère risque de s’immuniser contre les globules rouges du fœtus lors d’une éventuelle mise en contact des deux sangs. Lors d’un second contact ou d’une seconde grossesse, la mère produit des anticorps capables de détruire les globules rouges du futur bébé dans la circulation fœtale. Pour l’éviter, un traitement préventif à base d’immunoglobulines anti-D (Rhophylac) est proposé à la 28e SA.

Prévention bucco-dentaire

Une consultation prise en charge à 100 % est prévue à partir du quatrième mois et jusqu’à douze jours après l’accouchement. Hormones car œstrogènes et progestérone ont des récepteurs au niveau des gencives, grignotages en tout genre, reflux ou encore vomissements favorisent la survenue de caries, gingivites ou érosion dentaire pouvant compliquer la grossesse ou l’accouchement.

Consultation de pré-anesthésie

Elle est obligatoire quel que soit le choix de la patiente concernant la pose ou non d’une péridurale le jour J. Elle a lieu au huitième mois.

Suivi des infections

• Quatre pathologies infectieuses font l’objet d’un dépistage prénatal obligatoire : la toxoplasmose, la rubéole, la syphilis et l’hépatite B.

• La HAS prévoit le dépistage des infections urinaires tous les mois grâce à une bandelette urinaire. En cas de positivité et/ou de facteurs de risque tels que diabète, antécédents d’infections urinaires…, un examen cytobactériologique des urines (ECBU) est réalisé.

• Entre la 35e et la 38e SA, un prélèvement vaginal recherche un portage asymptomatique du streptocoque B afin de proposer le démarrage d’une antibioprophylaxie quelques heures avant l’accouchement pour éviter la colonisation, voire l’infection du bébé.

Supplémentation ou pas ?

• La seule supplémentation systématique est celle d’acide folique ou vitamine B9. Une carence au cours de la phase d’organogenèse accroît le risque d’anomalie de fermeture du tube neural, qui donnera le futur système nerveux central. Idéalement, la supplémentation couvre les quatre semaines précédant la conception. Elle démarre un mois avant l’arrêt de toute contraception et se poursuit jusqu’à huit semaines après la conception. La dose est de 0,4 mg par jour en population générale et de 5 mg pour les populations à risque, notamment les femmes avec antécédent personnel de grossesse avec anomalie de fermeture du tube neural et celles sous traitement à risque de carence, comme les antiépileptiques ou les immunosuppresseurs.

• Parmi les autres vitamines et minéraux.

→ Vitamine D : une dose unique en ampoule type Uvedose (cholecalciférol 100 000 UI) est souvent proposée, lors d’une faible exposition au soleil, de grossesse hivernale ou de peau foncée.

→ Fer : il est prescrit au cas par cas, selon les risques de carence, antécédents d’anémie, faibles apports alimentaires en fer, grossesses rapprochées… La HAS prévoit un bilan sanguin au sixièmemois mais les patientes à risque doivent bénéficier d’un bilan plus précoce.

→ Autres : calcium, iode, là encore au cas par cas.

Pathologies graves

Diabète gestationnel

• C’est un trouble de la tolérance glucidique conduisant à une hyperglycémie de sévérité variable, débutant ou diagnostiqué lors de la grossesse. Le diabète gestationnel disparaît après l’accouchement, sauf s’il s’agissait d’un diabète de type 2 préexistant.

• Dépistage. Idéalement, les femmes à risque (plus de 35 ans, surpoids, antécédents familiaux de diabète…) doivent faire une glycémie à jeun en préconceptionnel pour vérifier l’absence de diabète. Pendant la grossesse, la recherche mensuelle de sucre dans les urines avec une bandelette est un premier niveau de surveillance. Chez les femmes à risque, une glycémie à jeun est effectuée en plus au premier trimestre et/ou un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale entre la 24 et la 28e SA.

• Risques. Pour la mère : hypertension artérielle gravidique et pré-éclampsie (voir plus loin), césarienne, récidive du diabète gestationnel, diabète de type 2. Pour le bébé : macrosomie (poids supérieur à 4 kg), hypoglycémie néonatale, voire complications métaboliques à plus long terme, avec surpoids, diabète de type 2.

• Prise en charge : mesures hygiéno-diététiques couplées à l’autosurveillance glycémique puis, si nécessaire, recours à l’insuline.

Hypertension artérielle gravidique

• L’hypertension artérielle gravidique est une HTA qui apparaît durant la grossesse après 20 SA et disparaît en général en post-partum. Elle peut s’accompagner d’une atteinte rénale, avec un risque d’évolution vers une pré-éclampsie.

• La pré-éclampsie associe hypertension gravidique et protéinurie, et apparaît à la fin du deuxième ou au troisième trimestre. Dans la plupart des cas, un suivi évite les complications graves mais, dans un cas sur dix, une forme sévère survient, avec des complications mettant en jeu la vie de la mère et du fœtus.

• Complications de la pré-éclampsie. L’éclampsie correspond à l’apparition de crises convulsives chez la mère liées à une HTA intracrânienne. Le syndrome HELLP associe hémolyse, cytolyse hépatique et thrombopénie avec un risque accru d’hémorragie. L’hématome rétroplacentaire perturbe les échanges materno-fœtaux et peut conduire à la mort in utero. La coagulation intravasculaire disséminée peut compliquer ces situations, avec des manifestations thrombotiques et hémorragiques majeures.

• Dépistage. À chaque consultation sont effectuées la mesure de la pression artérielle et la recherche de la présence de protéines dans les urines. L’interrogatoire piste des facteurs de risque (antécédents d’HTA…) et des signes cliniques (céphalées, œdèmes…).

• Prise en charge. En cas d’HTA gravidique, arrêt de travail, repos et surveillance tensionnelle sont de mise, ainsi que des antihypertenseurs centraux (alpha-méthyldopa), des bêta-bloquants (labétalol) ou des anticalciques (nicardipine, nifédipine). En cas de pré-éclampsie, la patiente est hospitalisée pour une surveillance rapprochée et traitement de l’HTA. Extraire le fœtus et le placenta est le seul moyen de sauver la mère.

Menace d’accouchement prématuré

• Elle est due à la survenue de contractions utérines douloureuses, régulières et persistantes avant la 37e SA, en lien avec des modifications cervicales risquant d’entraîner un accouchement prématuré.

• Dépistage. Un monitoring confirme la présence de contractions et leur fréquence, tandis que l’échographie du col utérin apprécie les modifications cervicales. La cause initiale est recherchée : infection, diabète…

• Risques. La prématurité (avant 37 SA), surtout grande (avant 32 SA), voire très grande (avant 28 SA), augmente le risque de mortalité néonatale et de séquelles neurologiques.

• Prise en charge. Traitement de la cause si identifiée, repos, administration d’un tocolytique, qui diminue les contractions utérines, tels les anticalciques, les bêtamimétiques, les antagonistes de l’ocytocine…, et corticothérapie pour accélérer la maturation pulmonaire fœtale.

Médicaments et grossesse

Un peu de pharmacologie

Pendant la grossesse

Les risques liés à la prise médicamenteuse pendant la grossesse dépendent de :

• la molécule. Son caractère tératogène ou fœtotoxique, son poids moléculaire car seules les grosses molécules type insuline ou héparine ne traversent pas le placenta, et sa demi-vie. Plus elle est longue et plus le médicament reste dans l’organisme maternel ;

• la chronologie. La période entre J0 (fécondation) et J12 (fin de l’implantation) est critique car les médicaments peuvent modifier l’expression de certains gènes, notamment du développement. Entre J13 et la fin de la période embryonnaire, le risque malformatif lié aux médicaments tératogènes est maximal. Durant la période fœtale, les médicaments fœtotoxiques perturbent la croissance et/ou le fonctionnement des organes et peuvent aussi conduire à des malformations. Ainsi, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et de l’angiotensine II sont contre-indiqués aux deuxième et troisième trimestres en raison d’un risque de toxicité rénale et d’hypoplasie des os de la voûte crânienne.

En périnatalité

Il existe des effets(4) :

• néonataux, essentiellement dus aux médicaments pris en fin de grossesse ou durant l’accouchement. Ainsi, les benzodiazépines peuvent entraîner chez le bébé un syndrome d’imprégnation, avec risque de dépression respiratoire et/ou un syndrome de sevrage ;

• à distance : détectés plus tardivement et sans lien identifié avec une période d’exposition. Par exemple, l’acide valproïque et dérivés sont tératogènes et entraînent des troubles du neuro-développement avec autisme, retard dans les apprentissages… Les effets peuvent aussi concerner la génération suivante, tel le distilbène, prescrit aux femmes enceintes jusqu’en 1977 en France, qui a causé des anomalies génitales chez les enfants et petits-enfants des femmes exposées.

Conduite à tenir

En cas de traitement chronique

L’étape préconceptionnelle est essentielle. Le médecin spécialiste est parfois amené à modifier le traitement, les molécules et/ou les posologies. Par exemple, une patiente sous méthotrexate doit changer de traitement avant de concevoir car il est tératogène. Si c’est le futur papa qui en prend, lui aussi devra arrêter avant de concevoir car cette molécule est mutagène.

En automédication

Pas d’automédication durant la grossesse. Toute prise médicamenteuse se fait en demandant conseil à un professionnel de santé. Tous les traitements comptent, y compris locaux. Attention aux AINS, contre-indiqués dès le début du sixième mois et à éviter dès le début de la grossesse, notamment en prises chroniques.

Sur les médicaments à risque

• Le Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) informe sur les risques liés à une prise médicamenteuse et propose des alternatives compatibles avec la grossesse. Les contacter via le site www.lecrat.fr.

• Le Réseau français des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV) répond à toute question relative aux médicaments pendant la grossesse. Les contacter via le site www.rfcrpv.fr.

• Le résumé des caractéristiques du produit (RCP) des médicaments est le document de référence et le seul opposable. À la rubrique « Fertilité/grossesse/ allaitement », une conduite à tenir est proposée selon les données disponibles lors du dépôt de dossier d’AMM. Les données sont souvent limitées car les femmes enceintes sont exclues des essais cliniques, d’où des avis la plupart du temps assez « frileux ».

• Les logos. Depuis fin 2017 et l’affaire des « enfants Depakine », les laboratoires doivent apposer des logos sur les boîtes de médicaments tératogènes ou fœtotoxiques. À l’origine destinés à mieux informer les patientes enceintes ou en âge de procréer, ces logos concernent désormais de nombreuses spécialités alors même que les molécules véritablement dangereuses pendant la grossesse représentent seulement 10 % du marché(5). À la clé, un risque de susciter peur et inobservance.

Conseils aux femmes enceintes

« Alcool, tabac, drogues, même combat »

• L’alcool ingéré par la mère passe dans le sang fœtal via le placenta. Les taux d’alcoolémie s’équilibrent de part et d’autre, mais le fœtus est incapable d’éliminer l’alcool comme un adulte. Les conséquences peuvent aller jusqu’au syndrome d’alcoolisation fœtale (voir Dico+).(6)(7)

• Le tabagisme actif ou passif est un facteur de risque de grossesse extra-utérine (risque multiplié par deux), de fausse couche (multiplié par trois), mais aussi de prématurité et de petit poids à la naissance. Inciter à consulter pour une prescription de substituts nicotiniques. Le tabacologue envisagera ou non le vapotage pour au moins éviter monoxyde de carbone et goudrons.

• La prise en charge de la dépendance aux opiacés (héroïne…) est primordiale en cours de grossesse. Buprénorphine et méthadone sont utilisables tout au long de la grossesse.

« Quels vaccins faire ? »

Avant

• Le ROR (rougeole-oreillons-rubéole), car la rubéole durant la grossesse peut entraîner de graves malformations. Les femmes nées avant 1980 et non vaccinées doivent recevoir une dose de vaccin trivalent (Priorix, M-M-RvaxPro), sauf si une analyse de sang montre la présence d’anticorps contre la rubéole. Après 1980, tout le monde devrait avoir reçu deux doses de vaccin trivalent à au moins un mois d’intervalle.

• La varicelle, pour celles ne l’ayant jamais eue car elle peut provoquer des embryopathies. Deux doses espacées de quatre et huit semaines (Varivax) ou de six à dix semaines (Varilrix).

En post-partum immédiat

• La coqueluche. La stratégie du « cocooning » consiste à vacciner les parents et l’entourage du bébé pour éviter de lui transmettre la maladie le temps de le vacciner. Chez les moins de 25 ans, une dose de dTcaPolio (Repevax, Boostrixtetra) si le dernier rappel remonte à plus de cinq ans ; chez les plus de 25 ans, une dose si le dernier rappel a plus de dix ans. Cette vaccination peut également se faire à par tir du deuxième trimestre dans des cas particuliers.

Pendant la grossesse

• Le vaccin antigrippal est recommandé quel que soit le terme.

• Les vaccins vivants atténués (ROR, BCG, varicelle, fièvre jaune…) sont contre-indiqués, sauf fièvre jaune si séjour en zone à risque.

« Et les huiles essentielles ? »

Le risque de confusion entre huiles essentielles autorisées comme le citron ou contre-indiquées comme la menthe poivrée, les posologies à « la louche » et les voies d’administration est trop grand. Par précaution, les déconseiller.

« La toxoplasmose, c’est dangereux ? »

• Cette parasitose très courante est due à Toxoplasma gondii. Le cycle de transmission comprend des hôtes définitifs comme le chat et des hôtes intermédiaires comme l’homme, qui s’infeste par des aliments ou des mains souillés. La toxoplasmose reste en général asymptomatique et immunise à vie. Chez la femme enceinte non immunisée, elle peut entraîner la mort in utero ainsi que des troubles neurologiques et/ou oculaires graves.

• S’en prémunir. Consommer la viande bien cuite, laver voire éplucher fruits et légumes pour éliminer toute trace de terre, porter des gants pour jardiner ou changer la litière du chat.

« Dois-je arrêter de manger des œufs et du fromage ? »

La listériose et la salmonellose sont deux infections d’origine alimentaire dues à des bactéries, respectivement Listeria monocytogenes et celles du genre Salmonella.

• Les risques. Les conséquences de la listériose peuvent être redoutables pendant la grossesse, avec fausse couche, accouchement prématuré, listériose néonatale avec sepsis, méningite. La salmonellose peut aussi compliquer la grossesse et conduire dans de rares cas à la mort in utero.

• S’en prémunir.

→ Pour éviter la listériose : assurer une bonne hygiène de la cuisine et du réfrigérateur, lavage des mains, des fruits et légumes, respect de la chaîne du froid et des dates limites de consommation, auxquelles s’ajoutent des mesures spécifiques comme éviter de consommer de la charcuterie, de la viande ou du poisson cru ou peu cuit. Éviter les fromages au lait cru, à pâte molle ou vendus râpés, et retirer les croûtes. Consommer rapidement les restes et les faire systématiquement recuire.

→ Pour éviter la salmonellose : conserver les œufs au frais, éviter de consommer des œufs crus ou peu cuits, ne pas casser l’œuf en bordure de récipient car la salmonelle peut se loger sur la coquille.

« Combien de kilos prendre ? »

• 12 kg en moyenne, en fonction des femmes et de leur corpulence initiale. Une femme très mince (IMC inférieur à 18) pourra prendre 18-20 kg, une autre avec un IMC supérieur à 30 ne devra pas prendre plus de 9 kg.

• Les besoins caloriques augmentent durant la grossesse mais ne doublent pas ! Il ne faut pas « manger pour deux » mais « manger mieux ». Trop grossir augmente le risque de diabète gestationnel, de mal de dos, de vergetures…

« Quelle activité physique pratiquer ? »

• Bouger améliore le retour veineux et la qualité du sommeil, limite la prise de poids et la survenue d’un diabète gestationnel.

• Prévoir 30 minutes d’activité modérée par jour : marche, natation, cours de gym « spécial grossesse »… Arrêter temporairement les sports à risque de chutes ou de chocs : ski, équitation, sports collectifs, de combat… et la plongée.

Pour en savoir plus sur l’activité physique, ainsi que sur l’alimentation, vous pouvez vous référer au site www.mangerbouger.fr.

Info+

→ La gonadotrophine chorionique humaine, en anglais Human Chorionic Gonadotropin (hCG), est une hormone glycoprotéique sécrétée par l’embryon dès le début de la nidation pour assurer le maintien du corps jaune. Cette hormone est aussi produite par certaines tumeurs et joue alors le rôle de marqueur tumoral.

Dico+

→ Corps jaune : nom donné au follicule ovarien une fois qu’il a libéré l’ovule qu’il contenait (ovulation). Un corps jaune se forme chaque mois et sécrète de la progestérone pour préparer la cavité utérine et l’endomètre à une éventuelle grossesse. En l’absence de fécondation, le corps jaune régresse et un nouveau cycle menstruel démarre.

→ Placenta : organe temporaire qui relie le futur bébé à la paroi utérine, et donc à la mère.

→ Phénotype sexuel, ou sexe phénotypique : ensemble des caractères sexuels (organes reproducteurs, organes génitaux internes et externes…) qui se développent dès le stade embryonnaire et jusqu’à la puberté, à partir du génotype sexuel, ou sexe génotypique (chromosomes sexuels XX chez la fille et XY chez le garçon).

Dico+

→ Gonades : organes reproducteurs, ovaires chez la femme et testicules chez l’homme.

→ Vomissments incoercibles : vomissements graves et intenses qui s’accompagnent de signes cliniques tels que perte de poids et/ou déshydratation. On parle aussi d’hyperémèse gravidique.

Info+

→ Environ 5 % des grossesses s’accompagnent de pré-éclampsie. Responsable d’un tiers des naissances de grands prématurés en France, ce syndrome est une cause majeure de retard de croissance intra-utérin. Il est la deuxième cause de décès maternels en France (20 décès environ par an), après les hémorragies de délivrance (source : inserm.fr).

Dico+

→ Clarté nucale : espace situé sur la nuque du fœtus, visible à l’échographie et dont la mesure en millimètres participe au dépistage de la trisomie 21.

→ Amniocentèse : prélèvement d’un échantillon de liquide amniotique pendant la grossesse, en passant à travers le ventre de la mère avec une aiguille adaptée.

→ Choriocentèse : prélèvement d’un échantillon de placenta pendant la grossesse, en passant par voie abdominale ou vaginale. Cet examen s’apparente à une biopsie mais rien n’est prélevé sur le bébé.

En savoir+

→ Sites

www.cespharm.fr

Le Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française propose des brochures pour les femmes enceintes.

www.has-sante.fr

Suivi et orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées, Haute Autorité de santé, mai 2016.

www.lecrat.org

Interrompre la grossesse

→ L’interruption volontaire de grossesse (IVG) est possible par voie médicamenteuse jusqu’à la 9e SA, ou chirurgicale jusqu’à la 14e SA.

→ L’interruption médicale de grossesse pour raisons médicales concernant la mère ou l’enfant, comme par exemple une malformation grave ou une maladie incurable, peut avoir lieu à n’importe quel moment de la grossesse.

Dico+

→ Syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) : forme la plus sévère des troubles causés par la consommation d’alcool pendant la grossesse. Il regroupe dysmorphie faciale, retard de croissance et troubles du développement neurologique. En France, 1,3 ‰ des naissances vivantes par an sont concernées par un SAF.

En savoir+

→ Livres Médicaments et grossesse : prescrire et évaluer le risque, Annie-Pierre Jonville-Bera et Thierry Vial, Éd. Elsevier Masson. Gynécologie et obstétrique, Michèle Boiron, Christelle Charvet et François Roux, éd. Le Moniteur des pharmacies. À commander sur www.lemoniteur despharmacies.fr> Boutique.

À RETENIR

→ La fécondation marque le début de la grossesse. On parle d’embryon pendant les huit premières semaines de gestation, puis de fœtus jusqu’à la fin de la grossesse.

→ Un calendrier très précis des examens à réaliser mois par mois a été établi par la Haute Autorité de santé (HAS).

→ La seule supplémentation systématique est celle à base d’acide folique.

→ L’apparition de certaines maladies telles que le diabète, l’hypertension… pendant la grossesse peut avoir des conséquences graves pour la mère et/ou pour le bébé.

→ Certaines molécules ont des effets tératogènes ou fœtotoxiques.

→ Ne pas arrêter les traitements chroniques sans avis médical.

→ Pas d’automédication pendant la grossesse. Toujours demander conseil à un professionnel de santé avant de prendre un médicament.

→ Éviter la consommation de substances toxiques : alcool, tabac, drogues.

→ Une alimentation équilibrée et le maintien d’une activité physique participent à une grossesse harmonieuse

Avec l’aimable participation de Marie-Agathe Alary et Marie Alberto, pharmaciennes à Marseille (13), Lauriane Cotrel, sagefemme à l’hôpital Saint-Joseph à Marseille, Justine Dijon, médecin généraliste à Marseille, Cécile Fukari, pharmacienne et naturopathe à Marseille, Dr Marie-José Gervoise-Boyer, du Centre régional de pharmacovigilance Marseille Provence Corse, Mathilde Marchais-Leonelli, sage-femme libérale à La Ciotat (13) et Céline Piquet, infirmière à l’hôpital Bonnet à Fréjus (83).

(1) Projet de grossesse : informations, messages de prévention, examens à proposer, Document d’information pour les professionnels, HAS, septembre 2009.

(2) Suivi et orientation des femmes enceintes en fonction des situations à risque identifiées , Synthèse des recommandations professionnelles, HAS, mai 2016.

(3) Le dépistage de la trisomie 21 , HAS, décembre 2018.

(4) ANSM et collège de la médecine générale, Médicaments et grossesse, mode d’emploi.

(5) Pictogrammes « Grossesse » sur les conditionnements extérieurs des médicaments : l’intention est bonne, le résultat est calamiteux, Crat, février 2018.

(6) T roubles causés par l’alcoolisation fœtale : repérage, HAS, fiche mémo, juillet 2013.

(7) L’essentiel sur… alcool, tabac, cannabis et grossesse , Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), mars 2019.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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