Le certificat d’herboristerie est mort, vive le diplôme de conseiller spécialisé ! - Porphyre n° 559 du 20/01/2020 - Revues
 
Porphyre n° 559 du 20/01/2020
 

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Auteur(s) : Christine Julien

Les facultés de pharmacie de Châtenay-Malabry et de Paris et le CFA de Planchat créent une licence professionnelle de conseiller spécialisé en herboristerie et produits de santé à base de plantes. Des savoirs scientifiques qui offrent une opportunité de spécialisation pour les préparateurs et un levier de croissance pour les officines.

La licence professionnelle de conseiller spécialisé en herboristerie et produits de santé à base de plantes est bien plus qu’un certificat d’herboriste revisité. Ce nouveau diplôme en alternance est sans doute la première formation scientifique dédiée aux plantes qui établit un pont entre les acteurs de la filière phyto (voir encadré p. 7). Elle sera proposée dès septembre 2020 dans les trois lieux où exercent ses créateurs : les facultés de pharmacie de Paris Descartes et de Châtenay-Malabry (92) et le CFA pharmacie de Planchat, à Paris (voir modalités p. 52). Les besoins, l’envie, et un poil de frustration sont sans doute à l’origine de sa naissance.

Une envie de se mettre au « vert »

Tout d’abord, les besoins. « Il y a une demande énorme de formations dans le domaine des plantes médicinales pris au sens large. Et nous voyons une offre commerciale se développer sans formation universitaire », constate Sabrina Boutefnouchet, maître de conférences en pharmacognosie (voir lexique) à la faculté Paris Descartes et co-responsable pédagogique de la licence. En 2018, 1200 personnes se sont formées dans l’une des cinq écoles d’herboristerie et, chaque année, près de 600, la plupart pharmaciens ou préparateurs, s’inscrivent dans l’un des treize diplômes universitaires de phyto-aromathérapie(1).

Côté grand public, la demande est forte aussi. Le marché des médecines naturelles compterait 25 % d’acheteurs en France(1). Celui de la santé et de la beauté des produits à base de plantes pèserait 3 milliards d’euros… Petit bémol, selon le rapport du Sénat de 2018 sur l’herboristerie(1), « le regain d’intérêt de nos concitoyens pour les soins à base de plantes ne trouve pas toujours l’écho suffisant chez les professionnels de santé en raison souvent d’un manque de connaissances ». Malgré près d’une centaine d’heures dédiées à la botanique, à la pharmacognosie ou à l’aromathérapie sur les six ans d’études de pharmacie, et deux fois moins en deux ans de BP. « Peu d’officines ont choisi de se spécialiser et de proposer une offre d’herboristerie importante, relève Sabrina Boutefnouchet. Cette activité est souvent délaissée. »

Beaucoup de grand n’importe quoi

Quid des savoirs et de la formation des employés de magasins de diététique ou des vendeurs de plantes sur les marchés ? « Il existe des formations d’herboristes, de naturopathes, mais il n’y a pas de référentiel de formation. Chacun y va de son discours », constate la maître de conférences. La législation n’arrange rien. « Les plantes médicinales relèvent pour la plupart du monopole pharmaceutique, mais elles peuvent être autorisées dans des produits hors monopole et vendues n’importe où par n’importe qui. La législation est très complexe et souvent aberrante », déplore Pierre Champy, professeur de pharmacognosie à l’université Paris-Saclay à Châtenay-Malabry (92), co-responsable pédagogique et président de l’Association francophone pour l’enseignement et la recherche en pharmacognosie (Aferp). Ainsi, un producteur-cueilleur qui mettrait du bleuet dans un mélange de plantes serait condamné ! Tandis que n’importe qui peut vendre un complément alimentaire à base d’algues et très riche en iode, au risque d’interactions médicamenteuses ou de surcharge iodée! « Les dispositions réglementaires relatives au conseil et aux mises en garde sont insuffisantes, notamment en termes d’étiquetage. Il y a un énorme besoin de formation », poursuit le Pr Champy. Sans compter la méconnaissance et l’absence de remontées vers les systèmes de vigilance. « Il est très important que les déclarations d’effets indésirables ou d’interactions médicamenteuses soient faites aux autorités sanitaires pour améliorer le paysage global de la phyto-aroma. »

Un constat, une frustration et un besoin

Qui mieux que les enseignants de pharmacie pour digérer les savoirs traditionnels, la nombreuse littérature scientifique et les études cliniques, pour parler interactions et effets indésirables ? Et pour faire respecter les frontières entre le conseil de prévention et le domaine thérapeutique ? « Nous sommes un peu les seuls à avoir toute cette connaissance et à pouvoir former sur ces différents aspects, souligne Sabrina Boutefnouchet. En tant que professionnels de santé sensibilisés à la santé publique, nous nous sentions un peu responsables et légitimes pour monter une formation universitaire. » Tout en y accueillant des intervenants cultivateurs-cueilleurs pour qu’ils parlent approvisionnement et ressources locales. « L’idée est de rétablir des ponts entre les acteurs. Les personnes nouvellement formées seraient à même de participer à ces interactions bénéfiques », suggère Pierre Champy.

Multiplication des échanges

Un enseignement sur les plantes serait incomplet sans l’expérience des préparateurs. Philippe Klusiewicz, préparateur, enseignant au CFA de Planchat à Paris et en DU de phytothérapie, est l’un des papas de cette licence : « Nous sommes excités par ce projet, sur lequel nous travaillons depuis des années avec Pierre et Sabrina. » Mélanges de plantes ou d’huiles essentielles et autres préparations, sorties botaniques et législation, l’enseignant a mitonné le programme : « Cette licence est une belle opportunité pour les préparateurs. Une façon de reconnaître leurs compétences au-delà d’un diplôme de niveau IV. » La licence est aussi un atout pour le CFA, qui enrichit son offre. « Nous avons co-construit cette formation avec les facultés de pharmacie. Nous sommes complémentaires, explique Philippe Plisson, son directeur. C’est une opportunité pour échanger sur nos méthodes pédagogiques et mieux nous connaître. » Une bonne chose en ces temps d’expérimentations… La branche a reconnu la licence comme prioritaire. « Le pharmacien disposera d’un professionnel autonome à même de mettre en place un rayon spécialisé », avance Sabrina Boutefnouchet. Aux officinaux de s’en emparer pour que croix verte rime avec main verte…

Pour la petite histoire(1)

Le certificat d’herboriste créé le 11 avril 1803 l’autorise à délivrer des plantes médicinales. L’examen consiste à reconnaître 50 plantes fraîches et 50 plantes sèches. Il se déroule sous le contrôle de l’Académie de pharmacie, qui délivre le diplôme. Cependant, l’herboriste est relégué « dans un espace incertain entre le commerce et le soin […] tirant parti d’un statut flou et ambigu. »(1) Leur vision du populaire et du traditionnel entre en conflit avec celle moderne et scientifique revendiquée par les pharmaciens. La loi du 11 septembre 1941 supprime ce certificat. Il y a alors 4 500 herboristes en France. Le dernier est mort en 2018…

Les métiers de l’herboristerie

Il y a trois grands types d’acteurs de l’herboristerie.

→ Les pharmaciens, chargés de la délivrance des plantes médicinales à usage thérapeutique.

→ Les herboristes de comptoir : herboristeries traditionnelles (50 environ), magasins d’alimentation biologique et diététique, négociants qui vendent des plantes médicinales hors monopole.

→ Les producteurs ou cueilleurs de plantes médicinales, environ 750, cultivent, cueillent puis transforment les espèces végétales, qu’ils vendent en direct sur le Net, les foires, marchés ou coopératives.

Lexique

→ L’herboristerie est le commerce des plantes médicinales pour un usage traditionnel.

→ La phytothérapie, littéralement « soin par les plantes », désigne la médecine fondée sur les plantes et les extraits de plantes.

→ La pharmacognosie est la science appliquée traitant des matières premières et des substances à potentialité médicamenteuse d’origine naturelle.

(1) Rapport d’information du Sénat au nom de la mission d’information sur le développement de l’herboristerie et des plantes médicinales, des filières et métiers d’avenir, par les sénateurs Corinne Imbert et Joël Labbé, N° 727, 25 septembre 2018.

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