Robert, insuffisant cardiaque, change de traitement - Porphyre n° 550 du 20/02/2019 - Revues
 
Porphyre n° 550 du 20/02/2019
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Florence Leandro

Depuis 10 ans, Robert, 70 ans, est sous ramipril, bisoprolol et furosémide pour une insuffisance cardiaque. Ses symptômes se sont aggravés depuis un mois et son cardiologue prescrit un nouveau traitement.

Ce que je dois savoir

Législation

Le bisoprolol doit initialement être prescrit par un médecin spécialiste en cardiologie ou en médecine interne, ce qui est le cas ici ; son renouvellement est possible par tout médecin.

Condiv

C’est quoi ?

• L’insuffisance cardiaque (IC) est un syndrome clinique traduisant l’incapacité du cœur à assurer un débit sanguin suffisant et adapté aux besoins de l’organisme. Le débit sanguin cardiaque diminue. La pression intravasculaire augmente en amont du cœur, ce qui se traduit par une accumulation de liquide dans les membres inférieurs et dans les poumons.

• Il existe deux formes d’insuffisance cardiaque d’un point de vue physiopathologique :

→ l’IC systolique ou à fraction d’éjection (FE) altérée correspond à une difficulté du cœur à se vider en raison d’une altération des capacités de contraction ventriculaire. Caractérisée par une baisse de la FE < 40-50 %, elle représente 60 % des cas ;

→ l’IC par défaut de remplissage ou à FE conservée. Ici, le cœur présente des difficultés à se remplir du fait d’une perte d’élasticité de ses parois. Les capacités de relaxation du myocarde sont altérées. La fonction systolique est préservée, et par là même, la fraction d’éjection.

• En fonction du ventricule défaillant, on distingue l’insuffisance ventriculaire gauche ou droite. L’insuffisance est dite globale quand les deux ventricules sont défaillants.

• En cas d’IC, l’organisme « compense » et stimule plusieurs systèmes neuro-hormonaux : le système sympathique pour augmenter la fréquence cardiaque, le système rénine-angiotensine-aldostérone pour augmenter la volémie, et les peptides natriurétiques vasodilatateurs mais dont l’activité bénéfique est limitée par une enzyme appelée néprilysine.

Robert souffre d’une IC chronique (voir plus loin) à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG, voir Dico+) altérée, c’est-à-dire inférieure à 40 %, et de type II (1) : essoufflement à l’effort important, réduction modérée de l’activité physique (lire la Patho, Porphyre n° 509, février 2015).

Quels signes cliniques ?

Ils sont variés, plus ou moins présents en fonction du type d’IC et du degré de gravité : asthénie, dyspnée, prise de poids et œdèmes des membres inférieurs, turgescence jugulaire, râles crépitants, hépatomégalie…

L’IC est dite chronique en cas de stabilité des symptômes mais le patient peut à tout moment décompenser, par exemple lors d’une infection.

Quels traitements ?

Les médicaments de l’IC s’opposent à la surstimulation des systèmes neuro-hormonaux. En première intention est utilisé le trio bêta-bloquant (bisoprolol) + inhibiteur de l’enzyme de conversion (ramipril) contre le système rénineangiotensine-aldostérone (SRAA) + diurétique de l’anse (furosémide) contre les œdèmes et les signes congestifs pulmonaires.

Objectifs

Le traitement vise à améliorer les symptômes, à ralentir la progression de la maladie et à diminuer la morbi-mortalité.

Médicaments

Bisoprolol

Ce bêta-bloquant est un antagoniste compétitif spécifique des récepteurs ß-adrénergiques. Il s’oppose à l’activation excessive du système sympathique, notamment au niveau cardiaque en diminuant la contraction cardiaque (effet inotrope négatif) et la fréquence cardiaque (effet chronotrope négatif).

Furosémide

Ce diurétique de l’anse favorise l’élimination rénale de l’eau, du sodium et du potassium, il est donc hypokaliémiant, et il diminue la rétention hydrosodée liée à l’IC.

Sacubitril /valsartan (Entresto)

Le sacubitril est un inhibiteur de la néprilysine qui renforce l’action vasodilatatrice des peptides natriurétiques en augmentant leur demi-vie. Le valsartan est un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2 qui s’oppose à l’activation excessive du système rénine-angiotensine-aldostérone en empêchant la fixation de l’angiotensine 2 vasoconstrictrice à ses récepteurs AT1, notamment présents au niveau des cellules musculaires lisses des vaisseaux sanguins.

Repérer les difficultés

• L’arrêt du ramipril : il doit intervenir au moins 36 h avant la première prise d’Entresto, en raison du risque majoré d’angio-œdème par double blocage du SRAA et accumulation de bradykinine vasodilatatrice. Si Robert a pris son dernier comprimé de ramipril jeudi matin, proposer de démarrer Entresto le vendredi soir.

• Diminuer le furosémide : Robert prenait 80 mg de furosémide par jour (40 le matin, 40 le midi). Sous Entresto, la dose totale diminue en général de 25 %, ce qui est bien le cas ici.

• Entresto est démarré à petites doses, 24 mg/26 mg deux fois par jour, car Robert présente une insuffisance rénale modérée avec une clairance inférieure à 60 ml/min. Au bout de 4 semaines, si tout va bien, il pourra passer à 49 mg/51 mg puis 97 mg/103 mg encore 4 semaines après, avec deux prises par jour.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Le cardiologue a changé votre traitement, que vous a-t-il dit ? » évalue le niveau de compréhension du patient sur les modalités d’initiation d’Entresto, notamment. « Le nouveau médicament nécessite d’arrêter le ramipril au moins 36 h avant. L’avez-vous pris ce matin ? » permet d’établir un nouveau plan de prise.

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

« Le nouveau médicament a une double action. Il soulage le cœur et lui évite de se fatiguer trop vite. Il renforce l’action du bisoprolol. Et le furosémide vous aide à éliminer l’eau en excès. »

Modes d’administration

• Bisoprolol : le matin au petit déjeuner.

• Furosémide : 40 mg le matin et 20 mg à midi. Pas le soir au risque de se réveiller pour uriner.

• Sacubitril/valsartan : bi-prise quotidienne, sans doubler la dose en cas d’oubli.

Effets indésirables

• Bisoprolol : bradycardie, fatigue, impuissance, hypotension, vertiges…

• Furosémide : troubles hydro-électrolytiques, hypotension orthostatique, déshydratation…

• Sacubitril/valsartan : hypotension, hyperkaliémie et altération de la fonction rénale.

J’accompagne

Observance

• Conseiller de rapporter les boîtes de ramipril à la pharmacie pour éviter tout risque d’erreur.

• À la surveillance biologique s’ajoute une autosurveillance. Robert doit se peser et prendre sa tension au moins une fois par semaine.

Hygiène de vie

• Proposer une aide pour arrêter de fumer et des alternatives au sel : épices, jus de citron, aromates… Robert n’est pas en surpoids, il se promène tous les jours avec son chien. Il ne boit pas plus d’un verre de vin le midi. En revanche, il fume environ 5 cigarettes par jour et re-sale tous ses plats. Rappeler que le tabac et plus de 6 g/j de sel aggravent son insuffisance cardiaque.

Attention : ne pas proposer de sel de régime riche en potassium qui risque de modifier la kaliémie, d’autant plus avec le furosémide hypokaliémiant et le valsartan hyperkaliémiant.

• Le patient et son entourage doivent reconnaître les signes d’une décompensation : rétention hydrosodée associée à une prise de poids excessive et rapide,à savoir plus de 2 kg en moins d’une semaine, aggravation des symptômes, ajout d’oreillers pour dormir en position très relevée…

• Lui rappeler de se faire vacciner, l’hiver, contre la grippe et le pneumocoque.

Vente associée

Proposer un auto-tensiomètre et une balance pour mieux suivre la maladie au quotidien ; un pilulier pour éviter tout oubli et notamment la nouvelle prise du soir ; des patchs nicotiniques pour arrêter de fumer.

(1) Selon la New York Heart Association (NYHA).

Avec l’aimable participation du Dr Jennifer Cautela, cardiologue à l’Hôpital Nord à Marseille (13), et de Mathilde Jau, pharmacienne.

Prescription

Dr C., cardiologue.

Robert A., 70 ans, 1,73 m, 80 kg.

• Bisoprolol 7,5 mg (Cardensiel)

1 comprimé le matin.

• Furosémide 40 mg (Lasilix)

1 comprimé le matin.

• Furosémide 20 mg (Lasilix)

1 comprimé le midi.

• Entresto

1 comprimé matin et soir, pendant 4 semaines.

À démarrer 36 h au moins après l’arrêt de ramipril 5 mg (Triatec).

QSP 1 mois.

Dico +

→ La fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) correspond au pourcentage de sang expulsé par le cœur gauche par rapport au sang qu’il contient avant de se contracter. La valeur normale de la FEVG tourne autour de 60 %.

Le patient me demande

« Le valsartan est-il dangereux ? »

Fin 2018, de nombreux médicaments contenant du valsartan seul ou en association ont fait l’objet d’un rappel de lots en raison de la présence d’impuretés classées comme potentiellement cancérigènes pour l’homme par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Entresto, dont le valsartan est directement produit en France par Novartis, n’est pas concerné pas ces rappels de lots.

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