Le Brexit est une source potentielle de « manquants » - Porphyre n° 550 du 20/02/2019 - Revues
 
Porphyre n° 550 du 20/02/2019
 

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Auteur(s) : Anne-Charlotte Navarro

Sauf nouvel accord trouvé avant cette date, à compter du 30 mars 2019, le Royaume-Uni ne sera plus membre de l’Union européenne. Ce Brexit pourrait conduire à des pénuries de médicament dans les officines françaises. Une situation que les professionnels tentent d’anticiper.

En juin 2016, près de 52 % des Britanniques ont voté pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne (UE). Or, de nombreux laboratoires ont leur unité de production ou de recherche au Royaume-Uni(1). L’agence européenne du médicament est elle-même basée à Londres. Le Leem (Les Entreprises du médicament)(2) rappelle que le Royaume-Uni est le 4e partenaire commercial de la France à l’exportation et le 7e à l’importation. Telle qu’elle est prévue à l’heure où nous imprimons, la sortie brutale du Royaume-Uni de l’UE annulera les procédures communes d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) européenne ou de libération de production. Et l’importation d’un médicament produit au Royaume-Uni donnera lieu à des frais de douane. Dans ces conditions, le Brexit(3) aura des conséquences préjudiciables sur le marché français du médicament, notamment un risque de ruptures d’approvisionnement.

Pas d’arrangement ?

Un premier accord négocié entre le Royaume-Uni et l’UE prévoyait une période de transition avant la sortie du Royaume-Uni. Il a été rejeté le 15 janvier 2019 par les parlementaires britanniques. Cet accord aurait permis au Royaume-Uni de continuer à appliquer le droit européen jusqu’au 31 décembre 2020. Cette période renouvelabl e une fois avait pour but de permettre aux entreprises d’organiser leur activité et aux États de négocier un accord commercial. Il prévoyait également que l’UE et le Royaume-Uni conservent une zone de libre-échange pour certains secteurs, qui aurait pu concerner le marché du médicament. Suite au rejet des parlementaires, les négociations entre le Royaume-Uni et l’UE ont repris mais, si aucun nouvel accord n’est trouvé avant le 29 mars 2019 au plus tard, soit le Royaume-Uni quittera l’UE sans accord – on parle alors de « Brexit dur » –, soit le Royaume-Uni et l’UE s’accorderont sur un délai de négociation supplémentaire.

Plus de 3 000 médicaments « so British »

La législation dispose que l’ AMM d’un médicament, attribuée selon une procédure européenne, n’est valable sur l’ensemble du territoire européen qu’à con dition que son titulaire, c’est-à-dire le laboratoire, soit juridiquement basé au sein de l’UE. De fait, en cas de « Brexit dur » sans nouvel accord, le Royaume-Uni deviendra un « pays tiers » à compter du 30 mars 2019 et ne bénéficiera plus de la réglementation européenne. En cons équence, un médicament élaboré ou produit au Royaume-Uni ne sera plus commercialisable en Europe, donc en France, ce qui concernerait plus de 3 000 médicaments selon un recensement effectué par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Exit vers une AMM européenne

Actuellement, les laboratoires sont organisés de telle façon que ce sont le plus souvent leurs filiales britanniques qui sont titulaires de l’AMM. Afin d’éviter un arrêt de commercialisation vers l’Europe, les laboratoires sont déjà en train d’organiser le transfert de leurs AMM vers leurs autres filiales européennes. Certains produits comme les vaccins ou les médicaments dérivés du sang doivent faire l’objet d’une libération de lots. Cette opération, régie par le droit européen, permet de garantir que tous les lots de vaccins ou de médicaments dérivés du sang mis sur le marché européen ont fait l’objet d’un contrôle de qualité par une autorité nationale. Si le lot est conforme, un certificat de libération de lot est établi. Les produits peuvent ainsi circuler librement sur l’ensemble du marché européen. Or ces règles de libération ne permettront plus la libre circulation des produits si le Royaume-Uni sort de l’UE. En outre, l’éventualité que le Royaume-Uni devienne un « pays tiers » oblige les laboratoires pharmaceutiques à aussi anticiper un potentiel rétablissement des frais de douane et de contrôle aux frontières qui pourraient retarder les livraisons de plusieurs jours.

Les autorités françaises sur le pont

Dans une communication de décembre 2018, l’ANSM a déclaré qu’il était de la responsabilité des « titulaires d’AMM de procéder aux changements nécessaires, et notamment à leurs répercussions au niveau de leurs AMM avant le 30 mars 2019 afin de garantir la continuité de l’approvisionnement aux États membres de l’Union européenne ». C’est ainsi que le laboratoire AstraZeneca (Atacand, Bricanyl, Inexium, Mopral, Xeroquel…) a déclaré au journal Les Échos « qu’il s’était préparé à un “hard Brexit” en por tant le s tock de médicaments à 6 semaines et en préparant une duplication des unités de contrôle qualité en Suède ». Malgré ces précautions, l’absence d’accord laisse craindre des ruptures d’approvisionnement. La ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, travaille avec les professionnels du secteur pour déterminer les produits qui pourraient être en tension d’approvisionnement. Un groupe de travail a été mis en place au sein du Leem pour trouver une solution de substitution…

(1) Le Royaume-Uni est composé de l’Écosse, du Pays de Galles, de l’Irlande du Nord et de l’Angleterre.

(2) Le Leem, organisation professionnelle des entreprises du médicament, représente 270 entreprises réalisant un chiffre d’affaires de 23 milliards d’euros.

(3) Le terme « Brexit » est une abréviation de « British Exit » pour désigner la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

Chronologie d’une sortie de l’Union européenne

→ 23 juin 2016 : les Britanniques votent le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne.

→ 29 mars 2017 : le représentant du Royaume-Uni remet officiellement la lettre de détachement au président du Conseil européen, conformément à la procédure de l’article 50 du traité sur l’Union européenne.

→ 25 novembre 2018 : lors d’un sommet extraordinaire, les 28 États entérinent l’accord négocié qui doit être ratifié par les parlements britannique et européen.

→ 15 janvier 2019 : la Chambre des communes (parlement britannique) rejette l’accord en votant contre la ratification.

→ 29 janvier 2019 : les députés britanniques adoptent deux amendements par lesquels ils rejettent notamment le principe d’une sortie sans accord.

→ 7 février 2019 : le gouvernement britannique souhaite un report de la date de sortie de l’Union européenne de 8 semaines.

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