Quentin, atteint d’une maladie de Crohn, débute l’Humira - Porphyre n° 543 du 01/06/2018 - Revues
 
Porphyre n° 543 du 01/06/2018
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Nathalie Belin

Quentin, 25 ans, sous corticothérapie depuis trois semaines pour sa maladie de Crohn, est toujours gêné par des douleurs abdominales et des diarrhées. Le gastro-entérologue met en route un nouveau traitement.

Ce que je dois savoir

Législation

Les anti-TNF alpha comme l’adalimumab sont des médicaments d’exception. Ils nécessitent une prescription initiale hospitalière valable un an. Leur prescription est réservée à certains spécialistes, notamment en gastro-entérologie.

Condiv

C’est quoi ?

La maladie de Crohn fait partie, avec la rectocolite hémorragique, des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Multifactorielle, elle fait intervenir des gènes de susceptibilité et des facteurs environnementaux, tel le mode de vie occidental, qui expliqueraient les anomalies du microbiote (dysbiose) observées chez les patients atteints de MICI.

Quels sont les signes cliniques ?

• La maladie de Crohn se caractérise par des symptômes digestifs, douleurs abdominales, diarrhées, évoluant par poussées plus ou moins sévères, entrecoupées de périodes de rémission. Fatigue et fièvre sont fréquentes lors des poussées.

• Outre une localisation préférentielle au niveau de l’intestin, la maladie peut atteindre l’ensemble du tube digestif, de la bouche à l’anus, entraînant parfois nausées, vomissements et brûlures gastro-œsophagiennes. Des manifestations articulaires avec arthrite, oculaires, telle une uvéite, cutanées ou hépatobiliaires sont présentes chez 25 à 30 % des patients.

Quelle est l’évolution ?

• Le tabac expose à une évolution plus sévère de la maladie. Quentin ne fume pas, sinon un sevrage tabagique serait fortement recommandé.

• Des lésions ano-périnéales surviennent plus ou moins rapidement : fissures, abcès périnéaux, fistules et sténoses (voir Lexique à droite).

• Risque accru de thrombose veineuse profonde et d’embolie pulmonaire par rapport à la population générale, surtout au cours de poussées sévères de la maladie, et d’ostéoporose, liée à l’inflammation chronique, aux traitements cortisoniques et/ou aux carences possibles en vitamines et minéraux. Il existe un risque accru de cancer colorectal ou de l’intestin grêle.

Objectifs

• Calmer les symptômes et obtenir une rémission clinique. La corticothérapie prescrite à Quentin est le traitement de référence d’une première poussée, sauf en cas de maladie sévère d’emblée, qui peut nécessiter un traitement plus « agressif » : immunosuppresseur, voire anti-TNF alpha. En cas de corticorésistance (voir Lexique), comme c’est le cas de Quentin, un anti-TNF alpha est justifié afin d’induire une rémission, et de la maintenir.

• Viser une « cicatrisation muqueuse » afin de prévenir les récidives. Rémission clinique n’est pas forcément synonyme de rémission de l’inflammation intestinale. Si cette dernière se poursuit, les lésions intestinales progressent et de nouvelles poussées sont à craindre. Aujourd’hui, les anticorps monoclonaux, dont les anti-TNF alpha, sont les plus efficaces pour cicatriser des lésions endoscopiques.

Médicaments

Prednisolone

Ce glucocorticoïde par voie générale est utilisé pour son effet anti-inflammatoire.

Adalimumab

Cet anticorps monoclonal se lie au TNF alpha et l’empêche de se fixer sur ses récepteurs cellulaires et d’exercer son action inflammatoire.

Repérer les difficultés

• Les injections d’Humira. Le patient peut les réaliser. Même si le médecin ou l’infirmière à l’hôpital lui a montré comment procéder, il est nécessaire d’en rappeler les modalités.

• La prévention du risque infectieux d’un anti-TNF alpha. Ce risque est d’autant plus important que le médicament est associé à d’autres immunosuppresseurs, comme ici la corticothérapie.

• La posologie dégressive du corticoïde. Ne pas l’arrêter brutalement, au risque d’exacerber les symptômes et d’induire une insuffisance surrénalienne.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Que vous a dit le médecin à propos de ce nouveau traitement ? », « A-t-il évoqué le risque infectieux ? Et vous a-t-il expliqué comment réaliser les injections ? » vérifient les informations reçues. « J’imagine que le médecin a fait le point sur vos vaccinations et que vous avez passé une radiographie des poumons ? » aborde le bilan à réaliser avant la mise en route d’un anti-TNF alpha, avec notamment la recherche d’une tuberculose latente, la mise à jour du calendrier vaccinal et la réalisation le cas échéant des vaccins contre l’hépatite B, le pneumocoque et la grippe.

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

• Le corticoïde exerce une puissante action antiinflammatoire globale, mais insuffisante dans votre cas pour faire disparaître les symptômes.

• L’adalimumab a une action spécifique sur un composant présent naturellement dans l’organisme, le TNF alpha, qui joue un rôle important dans l’inflammation intestinale.

Mode d’administration

• Prednisolone : prendre les comprimés au petit déjeuner après dilution dans un peu d’eau. Respecter la décroissance de posologie indiquée.

• Adalimumab : le stylo, à usage unique, se conserve entre + 2 et + 8 °C ou durant quatorze jours maximum à température ambiante < 25 °C. Pour la première dose, deux injections de 40 mg sont réalisées en deux sites différents. En pratique : sortir le stylo du réfrigérateur 15 à 30 minutes avant l’injection. Se laver les mains et désinfecter le site d’injection, devant des cuisses ou abdomen, avec le tampon d’alcool fourni. Positionner le stylo contre la peau avec un angle de 90°, pousser le bouton déclencheur et maintenir le stylo 10 secondes environ. Après l’injection, placer quelques minutes une compresse sur la zone concernée sans masser.

Effets indésirables

• Prednisolone : sur quelques jours à quelques semaines, nervosité, troubles du sommeil, prise de poids, gonflement du visage, poussées d’acné. Le risque infectieux augmente à partir de doses supérieures à 10 mg par jour.

• Adalimumab : risque d’infections virale et bactérienne et de réactions au point d’injection, céphalées, douleurs musculo-articulaires, troubles gastro-intestinaux et cutanés à type de rashs sont fréquents lors des premières injections. Les signaler au médecin. Il existe un risque accru de lymphomes et de cancers cutanés. L’anti-TNF alpha peut réactiver une hépatite B chez les patients porteurs chroniques.

J’accompagne

Surveillance

• Prévenir le risque infectieux. Un contrôle dentaire est recommandé avant le début du traitement pour prendre en charge un éventuel foyer infectieux. Éviter d’approcher à moins d’un mètre des personnes avec grippe, gastro-entérite… Se laver régulièrement les mains dans la journée et systématiquement après les repas, être allé aux toilettes… Bien faire cuire la viande et le poisson et respecter la chaîne du froid pour éviter toute intoxication alimentaire.

• Pas de vaccins vivants, formellement contre-indiqués car risque d’infections disséminées.

• Savoir réagir. Tout signe d’infection tel que fièvre, toux, maux de gorge impose un avis médical. Selon le cas, en attendant, suspendre l’injection d’Humira.

Hygiène de vie

• Se protéger du soleil. Prévoir des vêtements couvrants et une crème solaire très haute protection en cas d’exposition au soleil.

• Alimentation. Limiter sucres rapides et graisses tant que la corticothérapie se poursuit. Un régime pauvre en sel ne semble pas avoir d’intérêt ; s’en référer aux conseils du médecin. Durant les poussées, supprimer les aliments mal tolérés tels que légumineuses, fruits… En dehors des poussées, avoir une alimentation la plus équilibrée possible pour éviter toute carence.

Vente associée

Des pochettes isothermes sont en général fournies par les laboratoires, sinon en proposer : pochettes Igloo, Frio… Il n’y a pas de preuves de l’efficacité des probiotiques au cours des MICI. Cependant, certains patients rapportent une amélioration de leurs symptômes.

Prescriptions

Ordonnance 1

Dr G., gastroentérologue

Centre hospitalier.

Quentin D., 25 ans, 66 kg, 1,80 m.

• Prednisolone (Solupred) 20 mg cp effervescent

Passer à 40 mg par jour, puis diminuer de 10 mg chaque semaine au début des injections d’Humira.

Ordonnance 2 d’exception

Dr G., gastroentérologue

Centre hospitalier.

Quentin D., 25 ans, 66 kg, 1,80 m.

• Humira 40 mg/ 0,4 ml stylo

80 mg la première injection (S0), puis 40 mg deux semaines plus tard (S2).

Poursuivre ensuite à raison de 40 mg toutes les deux semaines.

Qsp 3 mois.

Lexique

→ Fistule : conduit anormal faisant communiquer une cavité ou un organe avec un autre ou avec l’extérieur de l’organisme et pouvant donner passage à un liquide physiologique.

→ Sténose intestinale : rétrécissement du diamètre intestinal à l’origine d’un syndrome occlusif ou subocclusif.

→ Corticorésistance : patient gardant une maladie active malgré une corticothérapie jusqu’à 0,75 mg/kg par jour pendant une période de quatre semaines.

Question de patient

« Je me suis foulé la cheville, ce n’est pas enflé mais un peu douloureux. Pouvez-vous me donner du Nurofen ? »

Il est préférable d’éviter la prise d’AINS car ils pourraient favoriser les poussées de la maladie de Crohn. Si des prises ponctuelles restent possibles, une utilisation régulière est déconseillée. Si la douleur est peu importante, je vous conseille un AINS sous forme topique et la prise de paracétamol si besoin.

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