Un jour l’abstinence viendra, en attendant réduisons les risques ! - Porphyre n° 542 du 23/04/2018 - Revues
 
Porphyre n° 542 du 23/04/2018
 
ÉCHANGE DE SERINGUES EN OFFICINE

S’informer

Actus

Auteur(s) : Christine Julien

« Les pharmaciens ont toujours eu à voir avec les toxicomanes. À leur corps défendant ! », a plaisanté Laurent Decoust, directeur du Resad. Le Réseau santé addictions-VIH-hépatites (Resad), avec l’association Aides, a organisé mi-mars une rencontre à l’hôpital de Carpentras (84) sur « Le pharmacien d’officine face aux addictions ». Après des rappels pratiques sur les traitements de substitution aux opiacés (TSO), les intervenants ont souligné l’importance des actions de réduction des risques (RDR) dans la prise en charge des usagers de drogues par voie veineuse. « Il s’agit de garder en vie la personne le plus longtemps possible car si elle veut s’arrêter un jour, il faut qu’elle puisse le faire », a pointé Laurent Marill, d’Aides 84. En 1985, 40 % des usagers de drogues par voie veineuse étaient infectés par le VIH. Cela a chuté, mais 60 % des usagers sont aujourd’hui infectés par le VHC à cause de la réutilisation ou du partage du matériel, notamment.

Limiter les réutilisations de matériel

La RDR est une stratégie de santé globale avec l’accès au matériel d’injection, aux préservatifs et aux traitements, TSO et antiviraux. Depuis 1994, Aides a mis en place des programmes d’échanges de seringues dans ses locaux, dans des distributeurs et dans les officines. « En 2016, 258 pharmacies ont distribué gratuitement 118 900 kits, soit 237 800 seringues », indique Christian Andreo, directeur général adjoint d’Aides. Seringues, tampons alcoolisés, eau PPI, etc., le kit comprend le nécessaire pour une injection la plus sûre possible.

Il y aurait 80 000 à 100 000 injecteurs de drogue en France. « Malgré l’offre de disposer de seringues stériles, il y a des réutilisations, explique Antoine Lelarge, chargé de projet Caarud.(1) 13,8 millions de seringues sont vendues pour 60 à 100 millions d’injections. Une seringue sert pour cinq à huit injections. De plus, les injecteurs de cocaïne augmentent. » Et cela nécessite de réitérer les injections. « L’officinal est un professionnel incontournable pour tout usager. La pharmacie évite le phénomène d’exclusion et c’est un espace non stigmatisant, un lieu privilégié pour les nouveaux injecteurs et les jeunes. » Et d’insister : « La gratuité est importante. À raison de trois injections par jour, et un Steribox à 1,50 €, cela fait 67,50 € par mois. Le coût pèse dans la décision de la réutilisation. »

C’est le rôle du pharmacien

Marie-France Gervais, titulaire de la pharmacie Centrale de Carpentras, délivre « une centaine de kits par semaine, mais aussi des Sterifiltres et des petites doses de crème, parfois un garrot. Cela pour une dizaine de personnes. La plupart vivent dans la rue. » C’est Aides qui lui livre le matériel. Pour la pharmacienne, impliquée dans cette démarche depuis quatre ans environ, cela fait partie de son rôle de santé publique : « Ce sont des actions de prévention fondamentales. Le rôle du pharmacien est là. Si on ne le fait pas, on passe à côté de quelque chose d’essentiel. » Elle délivre les kits plutôt au comptoir isolé de sa pharmacie de quartier, dans un sac en papier pour la discrétion. Cette population, parfois un peu pressée mais aussi gênée par le regard des autres clients, n’a pas remplacé celle qui achète des Steribox. Si la titulaire est occupée, elle dit d’attendre un peu ou de repasser. Elle propose systématiquement une boîte Dasri, « certains acceptent, d’autres non ». Grâce à ces courts échanges, elle a déjà adressé un usager à une association pour les personnes dans le besoin, et lui a pris rendez-vous avec un addictologue. C’est elle qui l’appellera pour lui rappeler l’heure du rendez-vous. Comme le disait le Dr Annie Mino, éminente psychiatre suisse addictologue décédée en 2015, « certains usagers ne peuvent ou ne veulent pas, pendant un temps donné, arrêter leur consommation de drogues illégales. Dès lors, il faut en priorité reconnaître leurs droits de citoyens et porter toute l’attention nécessaire à leur santé et leurs droits sociaux. » Si vous êtes intéressé(e) par les kits, contactez Aides de votre région sur www.aides.org

(1) Les Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) sont des établissements médico-sociaux destinés à accueillir des usagers de drogues créés à la suite de l’institutionnalisation de la politique de RDR en 2004-2005. Certains sont gérés par Aides, association de lutte contre le sida et les hépatites fondée en 1984.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !