Plus de génériques, ça se mérite - Porphyre n° 542 du 23/04/2018 - Revues
 
Porphyre n° 542 du 23/04/2018
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Délivrer les génériques. Pour donner une nouvelle impulsion à l’adhésion à la substitution, consolidez les acquis, réorientez le message et levez les derniers blocages.

La confiance progresse

Voilà près de vingt ans que le droit de substitution existe en France. Depuis 1999, les officinaux usent leur salive à le promouvoir, et les autorités mènent campagne très régulièrement… Pas en vain. Le taux de substitution a dépassé les 80 % et la confiance des Français dans les médicaments génériques progresse : 73 % acceptent d’y avoir recours quand ils sont malades et 51 % n’indiquent pas de préférence entre princeps et génériques.(1) Même les réserves des médecins s’estompent, avec 26 % de réticents en 2017, contre 39 % en 2016.(1)

Le dialogue demeure l’élément clé de la confiance, il est même de plus en plus présent. En 2017, 83 % des pharmaciens ont fait état de discussions fréquentes avec leurs patients à propos des génériques, contre 76 % en 2016.

Consolider les bons réflexes

Vous êtes convaincu(e) et la substitution est votre quotidien, mais n’oubliez pas que ce n’est pas forcément le cas pour les patients. Voici le B.A.BA à suivre dans tous les cas pour éviter ou du moins limiter leurs réticences.

Annoncer sans s’excuser

→ Informer. Pas de substitution sans en informer le patient.

→ Haro sur le négatif. Sortez des considérations négatives qui expriment une contrainte ou une punition, comme « Je crains de devoir vous mettre un générique…  », « Excusez-moi mais je dois vous délivrer un générique…  »

→ Pas non plus de questions fermées du style « Vous prenez le générique ?  », qui sous-entend un choix. Pour donner confiance, montrez votre conviction : « Je vous délivre un médicament générique.  »

Parler en DCI

La prescription en DCI (dénomination commune internationale), théoriquement obligatoire depuis janvier 2015, est un excellent levier pour la substitution. Délivrer un produit dont le nom est inscrit sur l’ordonnance force la confiance. Accentuez l’effet en parlant davantage en DCI : amoxicilline, ibuprofène… les noms de molécule qui font leur place dans le langage quotidien sont plus facilement substituables.

Favoriser la stabilité

Lors des renouvellements, limitez l’effet « girouette » en consultant l’historique ou le dossier pharmaceutique du client.

L’attachement à sa « boîte » fonctionne comme un levier supplémentaire de confiance pour le patient. Si l’officinal s’y est engagé dans le cadre de la convention nationale avec l’Assurance maladie pour les traitements chroniques des plus de 75 ans, c’est un réflexe à généraliser.

Inscrire sur les boîtes

Attitude à consolider systématiquement et même lors des renouvellements pour les patients à risque de confusion : personnes âgées, troubles de l’humeur…

(Ré)orienter l’argumentaire

Fini le « tout économique »

→ Mollo sur les économies. On a encore tendance à s’appuyer sur l’argument économique des génériques en indiquant qu’ils sont « en moyenne 30 % moins chers, génèrent une économie de 1,3 milliard en moyenne par an  », ou « que c’est profitable pour la collectivité, la pérennité du système de santé, la recherche et le développement de nouveaux médicaments…  » Oui, mais ce n’est pas la préoccupation principale du patient, qui veut avant tout être soigné. Ces arguments peuvent être avancés, en dernier, comme une sorte de « cerise sur le gâteau ».

→ Éviter le chantage au tiers payant. « Si vous ne prenez pas le générique, vous avancerez les frais…  » C’est vrai également, mais totalement contre-productif pour favoriser l’adhésion du patient.

Recherche et écoute des objections

→ Pas question d’imposer un générique, l’observance reste la priorité. Pour vous en assurer et laisser s’exprimer les objections, demander systématiquement lors de la première dél ivrance : « Vous connaissez les médicaments génériques ? Vous avez des questions ?  »

Montrer que vous les prenez en compte en les reformulant : « J’entends bien votre questionnement…  », « Vous vous demandez si les génériques sont soumis aux mêmes contrôles que les autres médicaments  »…

→ Avant tout, c’est un médicament comme les autres. C’est le cœur du défi. Il faut rassurer en positionnant le générique comme un médicament, aussi efficace et sûr que le princeps. À rappeler à chaque fois : « Le générique est un médicament. Il contient le même produit actif que le médicament d’origine et la même quantité. Il est aussi efficace, tout aussi sûr et il est soumis aux mêmes contrôles que tout autre médicament.  »

→ Des avantages sécurité. Qui dit générique dit recul de vingt ans au moins, ce qui est un argument à mettre en avant : « Le médicament générique est d’autant plus sûr qu’on a aujourd’hui un recul d’utilisation de plus de vingt ans. On connaît bien son efficacité et sa tolérance, davantage d’ailleurs que pour des innovations thérapeutiques.  »

Mais, attention à la sémantique. Préférez le terme de médicament « qui a fait ses preuve s » plutôt qu’« ancien  » à la connotation de « vieux coucou  » !

→ Des arguments plus ciblés. Après avoir repris les fondamentaux, ciblez les interrogations du patient.

Une doute sur leur contrôle ? Dites : « Les génériques font l’objet de contrôles tout au long de leur chaîne de production et sur le médicament fini, exactement comme les autres médicaments…  »

Une question sur le prix ? Répondez : « Si certains génériques sont au même coût que le produit d’origine, c’est parce que le laboratoire de ce dernier a décidé de baisser son tarif pour s’aligner.  »

Et sur les excipients ? Dites : « Les excipients sont des substances inertes qui ne participent pas à l’effet thérapeutique, c’est pour cela qu’ils peuvent différer, alors que deux médicaments ont la même efficacité  »…

Impossible de faire une liste exhaustive des questions des clients, mais vous pouvez préparer des argumentaires en vous aidant de la plate-forme interactive de questions/réponses en ligne sur le site du ministère de la Santé : www.solidaritessante.gouv.fr>Soins et maladies>Médicaments>Les médicaments génériques. À conseiller aussi à vos patients pour une information à tête reposée !

Lever les blocages

Malgré toute votre conviction, des blocages peuvent subsister, voire apparaître chez des utilisateurs réguliers de génériques. Voici quelques exemples.

« Le générique sera-t-il aussi efficace ? »

C’est sans doute la première crainte exprimée. Parler « bioéquivalence » au comptoir est possible à condition d’employer des mots simples : « Un médicament générique ne peut être commercialisé qu’après avoir prouvé qu’il est bioéquivalent au médicament d’origine, c’est-à-dire qu’il contient le même principe actif, en même quantité et qu’il a les mêmes effets sur votre organisme. C’est la garantie qu’il est aussi efficace et aussi sûr même si sa forme, sa couleur, sa boîte peuvent différer.  »

« Avec le générique, j’ai des effets indésirables… »

→ Prétendue ou non, la plainte doit être entendue. Un patient peut aussi être plus attentif aux effets ressentis (effet nocebo) avec un générique simplement parce qu’il est méfiant. Pour autant, son ressenti est réel. À bannir : « Mais non, vous vous faites des idées !  »

→ Repositionner le générique comme médicament : « Comme tous les autres médicaments, le générique peut entraîner des effets indésirables mais ils ne sont pas spécifiques au générique.  » Puis, traitez la plainte : « Que ressentez-vous exactement ? Depuis quand ? Qu’avez-vous changé dans votre vie quotidienne ?, etc.  »

« J’ai peur de l’allergie aux excipients à effet notoire »

→ Replacer le générique comme un médicament : « Les excipients sont présents dans tous les médicaments, qu’ils soient ou non génériques.  »

→ Relativiser : « Pour la plupart des excipients, certains sont en quantité bien plus importante dans votre alimentation… Si vous étiez allergique, vous le sauriez sans doute déjà.  »

→ Rassurer : « Beaucoup de génériques contiennent moins d’excipients à effets notoires que le produit d’origine car ils ont été développés plus récemment, en profitant des progrès de formulation pharmacologique  »… Si la personne est très inquiète ou renfermée, dites : « Mais c’est possible que vous soyez allergique à un excipient. Vérifions ensemble. Et s’il s’avère que vous êtes allergique à l’un d’entre eux, je ne vous donnerai pas de médicament qui en contient.  »

« “Non substituable”, ça veut dire que le générique n’est pas bon ? »

→ Expliquer : « Non, le médecin utilise cette mention pour des raisons médicales spécifiques à chaque patient : une allergie à un constituant, un traitement difficile à équilibrer  »…

→ Enfoncer le clou. « Il peut d’ailleurs employer cette mention pour un générique aussi s’il juge qu’il convient mieux à un patient que le produit d’origine.  »

Non, c’est non !

Inutile d’insister, refuser le générique est un droit et pas question de perdre un patient fidèle.

→ Se montrer compréhensif : « Je sais bien que changer ses habitudes n’est pas si facile…  »

→ Laisser une porte ouverte : « Nous pouvons en reparler quand vous le désirez. Je vous invite également à en discuter avec votre médecin.  »

→ Puis, aborder le côté administratif avec regret : « Je vous délivre le produit mais vous devrez faire l’avance des frais (uniquement pour les spécialités sous TFR, NDLR) et la différence de prix éventuelle restera à votre charge. Croyez bien que je le regrette mais c’est la réglementation qui l’impose, ce n’est pas de mon fait.  »

Avec l’aimable participation du Pr Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux (33), de Catherine Bourrienne-Bautista, déléguée générale du Gemme (association Générique même médicament).

(1) Baromètre des connaissances, perceptions et pratiques du public et des professionnels de santé (médecins généralistes et pharmaciens d’officine) à propos des médicaments génériques, Institut BVA pour la Cnamts. Enquête réalisée par téléphone en mars 2017.

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