Monsieur R., 55 ans, fait une crise de goutte - Porphyre n° 540 du 22/02/2018 - Revues
 
Porphyre n° 540 du 22/02/2018
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Après une marche avec des chaussures serrées, Monsieur R. est réveillé par une douleur au gros orteil. Ayant arrêté de lui-même son Zyloric, il reconnaît les signes d’une crise de goutte et revoit aussitôt son rhumatologue.

Ce que je dois savoir

Législation

L’ordonnance ne pose pas de problème.

Condiv

Monsieur R. est suivi pour la goutte depuis quatre ans, et est sous Amlor car il est hypertendu. Un traitement de fond par Zyloric 200 mg/jour (allopurinol) a été mis en place après la troisième crise de goutte, mais Monsieur R. l’a arrêté car il n’avait plus de crises.

C’est quoi ?

• La goutte est une maladie rhumatismale inflammatoire qui résulte d’un excès prolongé d’acide urique dans le sang et de son accumulation sous forme de microcristaux d’urate de sodium au niveau des articulations. L’acide urique est un produit de dégradation des purines, composant de certains éléments comme l’ADN, libéré dans le sang lors du renouvellement cellulaire. La cristallisation dans les tissus intervient quand son seuil dépasse 70 mg/litre (hyperuricémie).

• La goutte peut être liée à un défaut du métabolisme ou secondaire à une maladie (insuffisance rénale, hémopathie…) ou à un médicament (diurétique, antiviraux…). L’alimentation riche en purines (voir plus loin) la favorise.

Quels sont les signes cliniques ?

• Après plusieurs années, parfois suite à un stress, un traumatisme local ou une déshydratation, apparaît la crise de goutte, ou accès goutteux.

• Cette crise se manifeste par une inflammation locale douloureuse, souvent au niveau de l’orteil. Elle se résout spontanément en quelques jours. À la longue, sans traitement, les dépôts cristallins s’accroissent, avec un risque de répétition des crises et de complications : articulation raide et douloureuse, déformation voire destruction articulaire, coliques néphrétiques, insuffisance rénale.

Objectifs

• Le traitement de la crise, de courte durée, vise à calmer la douleur avec anti-inflammatoires, colchicine ou AINS, voire cortisone. Peuvent s’y associer d’autres antalgiques, une immobilisation de l’articulation et l’application de froid.

• Le traitement de fond, en cas de crises récidivantes, vise à abaisser l’uricémie à moins de 50-60 mg/litre pour prévenir la formation et favoriser la dissolution des cristaux d’urate. Poursuivi à vie, il guérit la majorité des cas. Il s’appuie sur des hypo-uricémiants, qui inhibent la synthèse de l’acide urique, ou des uricosuriques, qui favorisent son élimination. La prescription simultanée de colchicine les premiers mois prévient l’apparition de crises, fréquentes au début, en raison d’une libération rapide des micro-cristaux dans les articulations. Les mesures hygiéno-diététiques, notamment alimentaires, sont indissociables.

Médicaments

Colchicine + méthylsulfate de tiémonium et poudre d’opium (Colchimax)

Antigoutteux anti-inflammatoire, la colchicine empêche la phagocytose des micro-cristaux par les polynucléaires et stoppe l’inflammation. Tiémonium et poudre d’opium, ralentisseurs de transit, minimisent les diarrhées, principal effet indésirable de la colchicine. Ce traitement de la crise est d’autant plus efficace débuté dans les douze heures après les signes. Il est aussi indiqué au long cours (six mois), en prévention des accès goutteux à l’installation d’un traitement de fond.

Paracétamol + tramadol (Ixprim)

Antalgique de palier 2 associant paracétamol, antalgique périphérique, et tramadol, opioïde d’action centrale, dans le traitement symptomatique des douleurs modérées à intenses.

Fébuxostat (Adenuric)

Cet hypo-uricémiant qui inhibe la synthèse de l’acide urique en bloquant la xanthine oxydase, enzyme qui catabolise le métabolisme des purines en acide urique, est indiqué dans le traitement de fond de l’hyperuricémie chronique, associé à la colchicine durant six mois.

Repérer les difficultés

• Marge thérapeutique étroite de la colchicine. Les surdosages peuvent être graves, voire mortels (choc septique, arrêt respiratoire…). Les signes annonciateurs sont à expliquer.

• S’assurer de la compréhension du timing : colchicine à posologie dégressive de suite contre la crise, puis traitement de fond après résolution de la crise, avec colchicine maintenue à 1 mg/jour.

• Observance. L’arrêt spontané du Zyloric montre un souci. Rappeler l’intérêt du traitement au long cours et les règles diététiques.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

"Bonjour. Vous boitez et vous avez une nouvelle ordonnance du rhumatologue ? C’est une crise de goutte ? Vous ne preniez pas du Zyloric ? » pour confirmer l’arrêt. « Il a prescrit d’autres médicaments, que vous a-t-il expliqué ? » recherche la compréhension. « Il y a d’abord un traitement pour vous soulager » rassure le patient qui souffre. « Puis un autre à prendre quand ça ira mieux. C’est lui qui peut guérir la maladie et éviter le retour des crises s’il n’est pas arrêté » introduit l’observance. « Je vous rappelle aussi l’intérêt de limiter certains aliments » reprend les règles hygiéno-diététiques.

J’explique le traitement

Mécanismes d’action

• Colchimax va vite soulager votre crise. Si la douleur est trop intense au départ, vous pouvez ajouter un antalgique supplémentaire, Ixprim.

• Le traitement de fond évite que de nouveaux cristaux se forment dans vos articulations, empêchant ainsi de nouvelles crises et des complications articulaires. Paradoxalement, au début, il peut entraîner une crise. C’est pour l’éviter que vous continuerez à associer du Colchimax à petite dose durant quelques mois.

Mode d’administration

• Colchimax : respecter la posologie dégressive les trois premiers jours. Jamais plus de 3 mg par jour et de 1 mg/prise, donc répartir les prises matin, midi et soir en commençant ce matin, puis matin et soir, puis un le soir, aux repas. En cas d’oubli, ne pas doubler la prise suivante.

• Ixprim : 2 par prise, à renouveler si besoin après au moins six heures, et maximum 8 comprimés/ 24 heures.

• Adenuric : à ne commencer que dans quinze jours après résolution de la crise, à raison de 1 comprimé par jour, le soir, durant ou hors repas.

Effets indésirables

• Colchimax : diarrhées, nausées et vomissements, qui sont aussi les premiers signes de surdosage. Tiémonium et opium : sécheresse buccale, épaississement des sécrétions bronchiques, diminution de la sécrétion lacrymale, troubles de l’accommodation, tachycardie, palpitations, constipation, irritabilité, confusion mentale.

• Ixprim : vertiges, somnolence, céphalées, confusion, nervosité, nausées, vomissements, diarrhées, constipation, sécheresse buccale, dyspepsie.

• Adenuric : crise de goutte à l’instauration, céphalées, diarrhées, nausées. Réactions rares mais potentiellement graves d’hypersensibilité et risque de choc anaphylactique. Arrêter et vite consulter si éruption cutanée, œdème et fièvre.

J’accompagne

Surveillance

• Arrêter et consulter si : diarrhées profuses, nausées, vomissements sous colchicine (risque de surdosage) et éruption cutanée et/ou œdème sous Adenuric, notamment le premier mois.

• Signaler la prise de colchicine aux prescripteurs, car risque de surdosage mortel, notamment avec les macrolides et la pristinamycine.

• Ne pas arrêter le traitement de fond en cas de survenue d’une nouvelle crise.

Hygiène de vie

• Repos et froid. L’effet antalgique est renforcé en laissant l’articulation au repos le plus possible et en appliquant du froid régulièrement.

• S’hydrater : boire plus d’un litre d’eau par jour.

• Limiter les aliments riches en purines : sardines, harengs, crustacés, abats, potages type consommés et de légumes secs, charcuterie, viandes faisandées, lapin, agneau, beurre, asperges, champignons, épinards, pois secs, lentilles… Privilégier laitages, oeufs, fruits frais, pâtes, pain. Proscrire bière, même sans alcool, alcools forts, sodas et jus de fruits riches en fructose, dont l’excès augmente l’uricémie.

• Maintenir une activité régulière non traumatisante pour les articulations, avec des chaussures pas trop serrées : marche, vélo…

Vente associée

Une poche de glace ou un pack pour cryothérapie maintient l’articulation au froid : Axmed, Nexcare Cold-hot… Un arceau de lit peut éviter les frottements douloureux du drap la nuit.

Prescription

Dr B., rhumatologue. Christian R., 55 ans, 1,76 m, 92 kg.

• Colchimax 1 mg 1 comprimé matin, midi et soir le premier jour, puis 1 comprimé matin et soir les deux jours suivants, puis 1 comprimé par jour.

• Ixprim

Si douleurs intenses, 2 comprimés, à renouveler si besoin après six heures. Maximum 8 comprimés par 24 heures.

• Adenuric 80 1 comprimé par jour, à débuter dans quinze jours.

Reconsulter dans un mois.

Le patient me demande

« C’est vrai que la vitamine C peut m’aider ? »

Oui, plusieurs études montrent que la vitamine C favoriserait l’élimination de l’acide urique par les reins. Certains médecins recommandent d’en prendre 500 mg/jour.

Info+

→ crisedegoutte.fr est un site consacré aux arthropathies microcristallines. Il est placé sous l’autorité de l’association Cristal, pour Club rhumatologique pour l’information sur les arthropathies microcristallines.

→ L’hyperuricémie étant corrélée à l’hypertension, la correction de cette dernière est une part importante de la prise en charge. Certains anti-hypertenseurs majorent le risque d’hyperuricémie (diurétiques, bêtabloquants…), le choix de l’inhibiteur calcique (Amlor) pour Monsieur R. s’avère judicieux.

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