Les antitussifs - Porphyre n° 539 du 29/01/2018 - Revues
 
Porphyre n° 539 du 29/01/2018
 

Savoir

Le point sur…

Auteur(s) : Nathalie Belin

Indiqués dans le traitement symptomatique de la toux sèche, les antitussifs, des opiacés sur prescription, aux références disponibles en conseil, méritent toute votre attention pour sécuriser leur délivrance.

À action centrale

Opiacés

• Molécules : codéine, codéthyline (ou éthylmorphine), pholcodine, dextrométhorphane, noscapine avec prométhazine uniquement dans Tussisédal sur liste I.

• Législation : sur prescription médicale, depuis 2011 pour la pholcodine, suite au risque de sensibilité croisée avec les curares (voir Dico +) exposant à des réactions anaphylactiques lors d’interventions chirurgicales, et depuis 2017 pour les autres molécules, en raison de mésusage des opiacés (Purple drank, voir Dico +).

Mode d’action. Ils induisent une dépression du réflexe de la toux au niveau central, avec des particularités :

→ la codéine est une prodrogue métabolisée en morphine par le CYP 2D6. Certains patients, métaboliseurs rapides, sont à risque de pic plus précoce et plus élevé en morphine, d’où la possibilité d’effets indésirables, et notamment de dépression respiratoire. Ce risque concerne notamment les moins de 12 ans. À l’inverse, des métaboliseurs très lents tirent peu de bénéfice à un traitement par la codéine ;

→ la pholcodine : des réactions croisées sont possibles avec les curares du fait de ressemblance structurelle ;

→ le dextrométhorphane inhibe la recapture de la sérotonine.

• Effets indésirables : troubles digestifs à type de nausées, vomissements, constipation, et neuropsychiques avec somnolence, sensation de vertiges, moins marqués pour le dextrométhorphane, et de dépression respiratoire, sauf pour le dextrométhorphane et la noscapine aux doses thérapeutiques. Possibles réactions allergiques cutanées. Aux doses antitussives, ces molécules ne sont pas considérées toxicomanogènes.

• Contre-indications : insuffisance respiratoire, asthme, allaitement ; enfants 30 mois, ou, pour la codéine, < 12 ans. En plus, pour la codéine : patients connus comme « métaboliseurs ultrarapides » des substrats du CYP 2D6.

• Interactions : tous sont déconseillés avec l’alcool, car majoration de l’effet sédatif. Prudence en association à d’autres médicaments sédatifs. Dextrométhorphane : du fait du risque de sur venue d’un syndrome sérotoninergique (voir Dico +), contre-indiqué avec les IMAO irréversibles (iproniazide), déconseillé avec les IMAO A (linézolide, moclobémide), prudence avec les antidépresseurs IRS, IRSNA, triptans… Contreindiqué avec le cinacalcet (risque de surdosage en dextrométhorphane). Noscapine : déconseillée avec les AVK car risque hémorragique.

Anti-H1 anticholinergiques

• Molécules : chlorphénamine, mépyramine, oxomémazine, prométhazine.

• Mode d’action : ils s’opposent aux effets de l’histamine en se fixant sur les récepteurs H1 de la trachée et des bronches. Ils ne sont pas spécifiques des récepteurs anti-H1, contrairement aux molécules de deuxième génération (cétirizine, loratadine…), et ont aussi des effets anticholinergiques. Lipophiles, ils passent la barrière hémato-encéphalique, d’où des effets centraux. Ce sont des molécules de structure phénothiazine, donc avec effet anti-dopaminergique.

• Effets indésirables : somnolence, plus rarement réactions paradoxales de type excitation ; risque d’effets anticholinergiques (ou atropiniques) périphériques avec sécheresse buccale, constipation, rétention urinaire, mydriase, troubles de l’accommodation, et centraux avec confusion, désorientation, hallucinations…; hypotension orthostatique, tremblements ou incoordinations motrices, risque de photosensibilisation et de troubles hématologiques (leucopénie, voire agranulocytose).

• Contre-indications : nourrissons de moins de 2 ans, antécédents d’agranulocytose à des phénothiazines, risque de glaucome par fermeture de l’angle ou de rétention urinaire.

• Interactions : contre-indiqués avec les médicaments dopaminergiques hors Parkinson (cabergoline, quinagolide) ; déconseillés avec l’alcool et d’autres médicaments sédatifs.

• En pratique au comptoir : nombreux effets indésirables. À éviter chez les personnes âgées, car risque de chute.

Autres

• Molécules : pentoxyvérine et oxéladine.

• Mode d’action : non opiacés et non antihistaminiques, ils dépriment directement le centre de la toux et ont aussi des propriétés spasmolytiques locales au niveau des bronches. La pentoxyvérine a des propriétés anticholinergiques.

• Effets indésirables. Pentoxyvérine : de type atropinique avec sécheresse buccale, constipation, plus rarement somnolence, rétention urinaire… Risque de troubles cardiaques. Chez les enfants, des cas d’hypoventilation résultant d’un surdosage ont été rapportés.

• Contre-indications. Pentoxyvérine : insuffisance respiratoire, asthme, risque de glaucome par fermeture de l’angle ou de rétention urinaire.

• Interactions. Pentoxyvérine : alcool.

• En pratique au comptoir : avoir en mémoire les effets anticholinergiques et le risque d’insuffisance respiratoire de la pentoxyvérine.

À action périphérique

• Hélicidine : réactions allergiques possibles ; contre-indiquée chez les moins de 2 ans.

• Plantes : lierre grimpant, thym, plantain, réglisse, plantes à mucilage (mauve, guimauve…), etc. Lierre grimpant : réactions allergiques. Réglisse : peut favoriser une hypertension artérielle et des troubles cardiaques liés à la glycyrrhizine à doses importantes et au long cours.

• Miel, propolis : contre-indiqués chez les personnes sensibles aux produits de la ruche.

• Huiles essentielles de thym, serpolet, pin sylvestre… : quelle que soit la voie d’administration, prudence avant 7 ans et pas d’utilisation en cas d’asthme ou d’antécédents de convulsions.

• Glycérol : agent apaisant local parfois associé à d’autres composants.

Conseils

En conseil, limiter le traitement à cinq jours. Recommander un avis médical en cas de toux isolée durant plus d’une semaine, car suspicion de toux coquelucheuse. Après trois semaines, il faut rechercher une étiologie autre qu’infectieuse.

Chez les nourrissons < 2 ans

• Tous les médicaments antitussifs sont contreindiqués. Des détresses respiratoires sévères ont été signalées.

• Certains antitussifs d’action mécanique sous le statut de dispositifs médicaux sont indiqués mais, faute de recul, la prudence s’impose.

• Seules des mesures simples ont montré leur efficacité pour réduire l’encombrement bronchique à cet âge : désobstruction nasale pluriquotidienne, hydratation régulière, température de la chambre à 19 °C maximum, éviction du tabac.

Au cours de la grossesse

• Selon le Centre de référence sur les agents tératogènes (www.lecrat.org), la codéine ou le dextrométhorphane sont les antitussifs les mieux connus chez la femme enceinte. Ils peuvent être utilisés sur une courte durée, quel que soit le terme. À l’approche de l’accouchement, des doses importantes peuvent toutefois entraîner un syndrome de sevrage chez le nouveau-né.

• Les antihistaminiques anti-H1 phénothiaziniques sont moins bien évalués. De plus, ils exposent à un risque de syndrome extrapyramidal et/ou atropinique (hypertonie, troubles respiratoires…) chez le nourrisson en cas de prise dans les jours précédant l’accouchement.

• Les plantes ainsi que l’hélicidine (peu de données) sont à éviter.

• Ne proposer que des sirops qui ne renferment pas d’alcool !

Dico +

Syndrome sérotoninergique : résultant d’une imprégnation sérotoninergique excessive, il se manifeste par des diarrhées, une tachycardie, des sueurs, tremblements, une confusion, voire un coma.

Curares : médicaments induisant un état de relaxation musculaire facilitant par exemple l’intubation endotrachéale.

Purple drank : la codéine notamment est associée à un anti-H1 type prométhazine et mélangée à des sodas ou à de l’alcool pour confectionner un cocktail nommé « purple drank », à l’origine d’un effet bien-être et euphorisant.

Des intoxications graves et des morts ont été recensés.

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