Quelles sont les alternatives au Cytotec en gynécologie ? - Porphyre n° 538 du 29/11/2017 - Revues
 
Porphyre n° 538 du 29/11/2017
 

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Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

L’usage du Cytotec en gynécologie entraînerait, dans certaines conditions, des risques de surdosage nocifs pour la mère et l’enfant. Le 19 octobre, l’ANSM a annoncé la décision de Pfizer de retirer son produit du marché en mars 2018.

Qu’est-ce que le Cytotec ?

Le Cytotec contient 200 µg de misoprostol, un analogue de la prostaglandine El dont l’action antisécrétoire et cytoprotectrice est mise à profit dans le traitement préventif et curatif des lésions gastroduodénales selon son autorisation de mise sur le marché (AMM).Le misoprostol a de plus une action utérotonique, c’est-à-dire qu’il entraîne des contractions du muscle utérin et un relâchement du col utérin.D’où son utilisation hors AMM en gynécologie, notamment dans l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et le déclenchement du travail à terme, mais aussi en cas d’interruption médicale de grossesse (IMG) ou de fausse couche.

D’autres prostaglandines ont-elles l’AMM en gynécologie ?

Pour le déclenchement à terme, la dinoprostone, une prostaglandine E2, est commercialisée en France en usage hospitalier, en tampon et gel vaginal (Propess, Prostine…). Dans l’IVG, d’autres spécialités à base de misoprostol ont l’AMM par voie orale : Gymiso 200 µg et Misoone 400 µg. « Deux spécialités qui ont obtenu l’AMM sans étude scientifique mais sur un dossier établi d’après les études menées avec le Cytotec, ce sont des génériques “à l’envers”, trente fois plus chers que le princeps », précise le Dr Israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).

Pourquoi utiliser du Cytotec ?

Dans l’IVG par voie orale, il s’agit d’une habitude de prescription et d’un souci d’économie, avec 30 centimes le comprimé de Cytotec contre 6,95 € pour Gymiso. Pour les autres indications, le CNGOF estime que « à chaque fois qu’il faut obtenir des contractions de l’utérus, le misoprostol est la prostaglandine la plus efficace et la mieux tolérée(1). Dans ses recommandations(2), le CNGOF intègre son utilisation hors AMM, par voie orale ou vaginale, la voie vaginale permettant, en prise unique, de « diminuer le pic plasmatique, tout en augmentant la biodisponibilité et en maintenant une concentration efficace plus longtemps »(1) « 8 000 femmes par an ont besoin d’une IMG pour malformation fœtale et il n’y a aucune AMM pour elles, elles ont juste été oubliées », ajoute le Dr Nisand. En l’absence de spécialités disponibles à base de misoprostol, le CNGOF refuse d’être taxé d’utilisation « dévoyée » du Cytotec(3).

Que dit l’ANSM de cette pratique ?(4, 5, 6)

Depuis 2005, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) met en garde contre ces pratiques, notamment dans le déclenchement du travail à terme, estimant qu’« il n’y a pas de données de sécurité d’emploi qui présagent d’un rapport bénéfice/risque favorable du Cytotec dans cette indication […] quelle que soit la voie d’administration » et que « cette utilisation hors AMM peut entraîner des effets indésirables graves pour la mère et l’enfant ».

Quels sont ces effets indésirables ?

L’ANSM a alerté sur le risque d’une rupture utérine, d’hémorragies ou d’anomalies du rythme cardiaque fœtal (4, 5). Maman d’un enfant souffrant de séquelles neuromusculaires suite à des contractions trop fortes et une privation d’oxygène, la fondatrice de l’association Timéo accuse le Cytotec et a remporté une bataille juridique en 2016. Le surdosage est particulièrement incriminé. Le CNGOF recommande(2) 25 µg de miso-prostol toutes les trois à six heures par voie vaginale dans le déclenchement du travail. Ce qui implique, sauf de faire conditionner le médicament par la pharmacie de l’hôpital, de couper les comprimés bisécables de Cytotec en huit.

Quelles alternatives sont proposées ?

« Voilà deux ans, lors d’une réunion à l’ANSM, il avait été décidé de créer une RTU pour le misoprostol mais rien n a été fait depuis », regrette le Dr Nisand. Et Pfizer ne souhaite pas modifier son AMM, sous la « pression médiatique » et compte tenu des éventuelles « retombées négatives de l’implication du produit dans l’IVG », estime le CNGOF(3). L’ANSM demande dorénavant d’utiliser les spécialités avec AMM pour l’IVG et le déclenchement du travail(6). Elle évalue la mise à disposition d’Angusta 25 µg de misoprostol par voie orale, spécialité d’Europe du Nord, dans le déclenchement du travail.Ce qui peut régler le problème du dosage pour déclencher le travail à terme, mais pas ceux des autres indications en gynécologie, ni de la voie d’administration…

(1) État des lieux et expertise de l’usage hors AMM du misoprostol en gynécologie-obstétrique, CNGOF, 2014.

(2) Grossesse prolongée et terme dépassé, recommandations pour la pratique clinique, CNGOF, 2011.

(3) Non, les médecins n’ont pas fait une utilisation dévoyée du Cytotec , communiqué du CNGOF, oct. 2017.

(4) IVG médicamenteuse : rappel des conditions d’utilisation de la mifépristone et du misoprostol , Lettre aux professionnels, ANSM, oct. 2005.

(5) Mise en garde sur les risques potentiels liés à l’utilisation hors AMM du Cytotec (misoprostol) dans le déclenchement de l’accouchement et toute autre utilisation gynécologique , ANSM, fév. 2013.

(6) Cytotec : arrêt de commercialisation à compter du 1er mars 2018 , communiqué, ANSM, oct. 2017.

(7) Point d’information sur les données de sécurité d’emploi de la spécialité Cytotec 200 microgrammes, comprimé sécable , Commission de suivi du rapport bénéfice/risque des produits de santé, mai 2013.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

→ Dr israël Nisand, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).

→ L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Repères

→ 80 % du Cytotec prescrit seraient utilisés en gynécologie.

→ 300 000 femmes environ en recevraient chaque année en France (1, 7).

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