L’infection à VIH du sujet âgé - Porphyre n° 538 du 29/11/2017 - Revues
 
Porphyre n° 538 du 29/11/2017
 

Savoir

La patho

Auteur(s) : Lydia Pouga

Grâce aux médicaments, l’espérance de vie des personnes infectées par le virus de l’immunodéficience humaine est similaire à celle de la population générale. En revanche, l’infection elle-même, les antirétroviraux et certaines comorbidités exposent les personnes de 50 ans et plus à des complications.

La maladie

Définition

• L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est une infection chronique durant laquelle les défenses immuniatires s’affaiblissent progressivement en l’absence de traitement.

• Le terme de sida, pour syndrome d’immuno-déficience acquise, s’applique aux stades les plus avancés de l’infection, définis par la survenue d’une ou de plusieurs infections opportunistes (voir Info+ p. 32) ou de certains cancers.

Physiopathologie

Le VIH est un virus à ARN appartenant à la famille des rétrovirus, appelés ainsi en raison de la présence d’une transcriptase inverse, enzyme qui a la propriété de transcrire le matériel génétique viral (ARN) en ADN capable de s’intégrer dans le génome de la cellule infectée grâce à une enzyme virale, l’intégrase.

Cellules cibles

• Comme tous les virus, le VIH doit infecter une cellule hôte pour se répliquer. Des protéines de son enveloppe interagissent avec des molécules de surface particulières, dont la principale est le récepteur CD4. Les cellules cibles du VIH sont celles présentant à leur surface des récepteurs CD4. Les principales sont :

→ les lymphocytes T CD4 ;

→ les monocytes/macrophages ;

→ et d’autres : cellules de Langerhans, cellules dendritiques présentes dans les centres germinatifs des ganglions et les cellules microgliales (voir Dico+) du cerveau.

• Les lymphocytes T CD4 – qu’on appelait avant T4 – régulent la réponse immunitaire de l’organisme. Leur destruction par le virus diminue la résistance immunitaire de la personne atteinte, qui se trouve exposée aux maladies dites « opportunistes » qui caractérisent le sida.

Ces maladies sont appelées ainsi car elles sont dues à des microbes qui n’entraînent pas de maladies graves chez ceux dont le système immunitaire fonctionne bien. Elles ne sont donc pas contagieuses et ne justifient en rien la peur qui a entouré les malades du sida.

• De plus, pour échapper aux défenses immunitaires de l’hôte, le VIH présente une variabilité génétique très importante, à l’origine notamment de résistances aux médicaments.

Réplication du VIH

• Le virus se réplique dans de nombreux tissus et liquides biologiques de l’organisme dans lesquels on retrouve les cellules cibles : sang, ganglions lymphatiques, cerveau, muscles…

• Du fait de son tropisme pour les récepteurs CD4, le VIH colonise dès les stades précoces de l’infection les organes lymphoïdes (ganglions, tissu lymphoïde du système digestif, cellules microgliales), qui sont le siège de la production et de la maturation des cellules du système immunitaire. Il se constitue ainsi « des réservoirs viraux » (voir ci-dessous), pour le moment inaccessibles aux traitements. Ces réservoirs expliquent qu’on parvient seulement à contrôler la maladie et pas à l’éradiquer.

• Les réservoirs du VIH sont constitués majoritairement de lymphocytes T CD4 infectés présents dans le sang et dans de nombreux tissus : tube digestif, ganglions, rate, foie, poumons et système nerveux central. La longue durée de vie de ces cellules latentes infectées et leur capacité proliférative sont la principale cause de la persistance virale dans l’organisme.

• En l’absence de traitement, la réplication constante du virus sollicite en permanence le système immunitaire et détruit progressivement les lymphocytes T CD4, dont le nombre diminue.

Modes de transmission

• Par voie sexuelle : principalement lors de la pénétration vaginale ou anale, mais aussi de rapports bucco-génitaux. La salive n’est pas contaminante. La transmission est favorisée par la présence d’infections génitales.

• Par voie sanguine, la plus contaminante.

• La transmission mère-enfant : essentiellement au moment de l’accouchement ou au cours de l’allaitement.

Histoire naturelle de la maladie

Rappel

• Après la primo-infection (voir Info+), qui dure environ deux semaines, et en l’absence de traitement, s’installe une phase chronique généralement sans symptômes ou marquée par des manifestations cliniques liées à une baisse de l’immunité : récidives d’herpès, de candidose buccale, dermite séborrhéique, verrues… Il existe aussi une plus grande fragilité face aux infections en général : grippe, pneumonies, IST, transmission d’une hépatite B ou C. Cette phase peut durer plusieurs années.

• À terme, la multiplication du virus et la destruction des lymphocytes conduisent au stade sida, caractérisé par l’apparition d’infections opportunistes (voir Info+) et/ou de cancers dits « classant sida ».

Infections opportunistes

• Ce sont des infections le plus souvent bénignes chez le sujet immunocompétent mais qui peuvent être potentiellement graves chez la personne immunodéprimée, ce qui est le cas au stade sida.

• Elles apparaissent lorsque le taux de T CD4 devient inférieur à 200/mm3 : candidoses buccales ou encore passage d’une tuberculose latente à une maladie active. Elles deviennent d’autant plus graves que ce taux diminue avec candidoses oesophagiennes, pneumocystose (voir Dico+ p. 33)… Lorsque le taux de T CD4 est inférieur à 100/mm3, des maladies potentiellement létales en l’absence de traitement et pouvant laisser des séquelles neurologiques sévères surviennent : toxoplasmose cérébrale, infection à CMV (cytomégalovirus), cryptococcose neuroméningée (voir Dico+ p. 33), etc.

Cancers « classant sida »

Le déficit de l’immunité réduit aussi les capacités de l’organisme à éliminer les cellules anormales pouvant dégénérer en cancers. Les cancers liés au stade sida sont dus à des virus très répandus au sein de la population :

• le lymphome de Burkitt, cancer développé à partir de lymphocytes, est associé à l’EBV (Epstein-Barr virus), virus très fréquent et généralement inoffensif en population générale ;

• la maladie de Kaposi, qui est liée à un herpès virus ;

• le cancer du col de l’utérus ou du canal anal, qui est lié au papillomavirus qu’une grande majorité de personnes rencontrent au cours de leur vie sexuelle et éliminent.

Évolution

• En l’absence de traitement, l’évolution de l’infection par le VIH se fait en une dizaine d’années vers le stade sida, puis vers un décès dû principalement aux infections opportunistes.

• Lorsque le traitement est entrepris avant le stade sida, l’infection peut être contenue et les complications liées au sida peuvent être évitées.

• L’espérance de vie des personnes infectées par le VIH et traitées est la même que celle de la population générale.

Surveillance de l’infection

La progression de la maladie et l’efficacité des thérapeutiques sont surveillées grâce à deux examens réalisés dans le même laboratoire.

• La quantification de l’ARN plasmatique, encore appelée charge virale du VIH, est le meilleur marqueur de la réplication virale.

→ La fréquence recommandée est semestrielle. Elle peut être plus rapprochée lors de l’initiation d’un traitement ou de la survenue d’un échappement virologique.

→ Les résultats sont exprimés en nombre de copies d’ARN du VIH-1 par millilitre de plasma (cp/ml) ou en log du nombre de cp/ml. Les tests actuels ont un seuil de détection de 20 cp/ml.

• Le nombre de lymphocytes T CD4 permet d’évaluer l’état de la fonction immunitaire en dénombrant les T CD4 restants.

D’autres paramètres sont surveillés du fait des complications métaboliques engendrées par les traitements : perturbations glucidiques et lipidiques, atteintes pancréatique et hépatique, thrombopénie et anémie.

De plus, beaucoup de patients sont co-infectés par les virus hépatiques B et C, ce qui implique des surveillances particulières.

Chez le sujet vieillissant

Qui sont les patients âgés ?

• Les personnes vivant avec le VIH depuis plusieurs années. Ces patients affrontent des problèmes liés à la maladie mais aussi socio-économiques, conditions d’hébergement, baisse des revenus… « Ces personnes diagnostiquées jeunes sont souvent isolées parce qu’elles ont perdu des proches eux-mêmes touchés par la maladie ou parce qu’elles ont subi un rejet de leur famille, note le Dr Favier, médecin infectiologue au CHRU de Montpellier (34). Et ce sont souvent des personnes avec des parcours difficiles et chaotiques qui n’ont pas pu toujours se réinsérer professionnellement ». Les enquêtes épidémiologiques révèlent que les patients âgés infectés auraient moins d’aides humaines et matérielles que les non malades du même âge.

• Les patients de 50 ans et plus nouvellement diagnostiqués. Leur proportion augmente du fait d’une moindre sensibilisation aux risques de contamination : moins de port du préservatif et de dépistage par les professionnels de santé. Elles sont diagnostiquées plus tardivement, avec le risque de ne pas parvenir à restaurer une immunité efficace. S’ajoutent les comorbidités liées au vieillissement. Ainsi, ces patients doivent bénéficier d’un bilan pré-thérapeutique plus extensif, être suivis plus souvent et avoir un traitement adapté à leurs comorbidités.

Un vieillissement plus rapide

• Chez un individu en bonne santé, on estime que, vers 65 ans en moyenne, les capacités de l’organisme à lutter contre des infections ou des maladies sont diminuées. Conséquence du vieillissement, nos organes ne fonctionnent plus de manière optimale, d’où l’installation possible et progressive de comorbidités : insuffisances rénale, hépatique, hypertenstion artérielle…

• L’inflammation chronique et la fragilisation du système immunitaire, ainsi que les traitements pris au long cours (voir plus loin) sont responsables d’un vieillissement prématuré, avec des impacts sur l’os, le coeur, les vaisseaux, le cerveau et le métabolisme. Globalement, les comorbidités liées au vieillissement surviennent dix à quinze ans plus tôt que dans la population générale, soit vers 50 ans.

• Chez un patient non traité, l’inflammation chronique de l’organisme entraîne par exemple une dyslipidémie athérogène. Mais, même sous traitement efficace, il persiste une inflammation délétère pour le système cardio-vasculaire.

Ainsi, l’ostéoporose et les pathologies cardiovasculaires, infarctus du myocarde notamment, apparaissent plus tôt et sont plus fréquentes dans la population infectée par le VIH que dans la population générale.

• Le déclin cognitif sur la mémoire, la rapidité psychomotrice, la prise de décision et les démences de type Alzheimer sont également plus précoces chez les séropositifs.

Une population plus exposée au tabac

Le tabagisme est généralement plus fréquent chez les patients séropositifs, d’où un sur-risque de pathologies cardio-vasculaires, et potentiellement de cancers broncho-pulmonaires. Un tabagisme actif est recensé chez 43,2 % des sujets selon une étude(1).

Une plus grande fréquence de certains cancers

• La diminution de la mortalité des personnes vivant avec le VIH a révélé l’apparition d’autres types de cancers chez ces personnes que les cancers « classant sida ». Ils sont nommés cancers « non classant sida ». Plus fréquents que dans la population générale, il s’agit principalement de la maladie de Hodgkin (voir Dico+ p. 33), du cancer bronchique, du cancer du canal anal, notamment chez les hommes homosexuels, et de l’hépatocarcinome pour les personnes coinfectées par le virus de l’hépatite B ou C.

Impact des antiviraux au long cours

• Si les troubles métaboliques de type lipodystrophie (voir Dico+ p. 33), sur-risque de diabète, hyperlipidémie, très fréquents sous antirétroviraux de première génération, tels stavudine, zidovudine, didanosine, sont bien moindres avec les antirétroviraux plus récents, il existe une hausse du risque cardio-vasculaire au long cours sous certaines molécules. En particulier les inhibiteurs de protéases IP (voir Traitement), notamment amprénavir, fosamprénavir et lopinavir.

• Il faut tenir compte aussi du risque osseux, sous ténofovir surtout, et rénal sous ténofovir et certains IP, tels indinavir et atazanavir.

Diagnostic

Le VIH est le plus souvent découvert au décours d’une manifestation clinique d’immunodépression comme le zona, plus rarement lors du diagnostic d’une infection opportuniste. Toutefois, chez les personnes âgées, le diagnostic de la maladie est souvent réalisé plus tardivement car les infections évocatrices chez un sujet jeune, comme le zona, sont plus courantes dans cette tranche d’âge (voir Prévention).

Prévention

• Sensibiliser les personnes âgées. Le diagnostic à un stade avancé de l’infection concerne plus particulièrement les personnes de 50 ans et plus. Ces derniers, sans doute moins sensibilisés que les jeunes, fréquentent peu les centres de dépistage, dont l’âge moyen de fréquentation est d’environ 30 ans.

Il existe également une réticence des médecins à proposer un dépistage du VIH à leurs patients âgés, comme le reconnaît le Dr Carine Favier : « Cependant, certains confrères généralistes incluent désormais dans leur bilan de santé le dépistage du VIH, qu’ils proposent à tous leurs patients quel que soit leur âge ou le condiv. Cela permet de sortir le VIH de la marginalité. »

• Certaines maladies liées à la baisse de l’immunité induite par le virus sont aussi plus courantes à partir de 50 ans, du fait d’une immunosénescence (voir Dico+ p. 35). C’est le cas par exemple d’un zona. Chez un adulte jeune, il fera immédiatement évoquer le diagnostic d’infection à VIH, mais pas forcément chez une personne âgée.

• La progression de l’infection est plus rapide.

→ La réponse immunitaire de l’organisme diminue avec l’âge. Ainsi, du fait d’un système immunitaire fragilisé (plus grande difficulté à lutter contre le virus), la progression de l’infection par le VIH est plus rapide chez les personnes âgées : le délai entre la contamination et le stade sida peut être plus court, de l’ordre de deux à trois ans, au lieu de dix ans en moyenne.

→ Le risque d’infections opportunistes est également plus fréquent, avec notamment un nombre plus élevé de maladies de Kaposi et d’infections à cytomégalovirus. Ce fait pourrait être lié au dépistage tardif constaté dans cette population, mais aussi au fait qu’il soit plus difficile chez ces patients de restaurer le taux de CD4 en dépit d’un traitement bien conduit.

Ces données impliquent que les personnes âgées devraient être traitées plus rapidement, donc dépistées plus tôt, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.

Son traitement

Objectif

Le but est d’empêcher la progression vers le stade sida, et donc le décès :

→ en réduisant au maximum la charge virale à moins de 50 copies/ml, ce qui a pour effet également de prévenir le risque de transmission de l’infection ;

→ et en restaurant une fonction immunitaire suffisante pour prévenir des infections opportunistes, avec T CD4 > 500/mm3.

Mais les traitements sont inefficaces sur les réservoirs viraux, si bien que tout arrêt de traitement conduit inévitablement à la reprise de la multiplication virale.

Stratégie thérapeutique

Trithérapie

Le traitement repose sur une combinaison de deux ou trois antirétroviraux : par exemple deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI) et un troisième agent appartenant à une autre classe médicamenteuse, un inhibiteur de protéases (IP), un inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI) ou un anti-intégrase.

Optimisation du traitement en cas de succès virologique

Une fois obtenu le succès virologique (CV < 50 copies/ml), une modification du traitement antirétroviral peut s’avérer utile ou nécessaire. Il s’agit d’individualiser le traitement pour gagner en tolérance et/ou simplicité d’administration, tout en maintenant l’efficacité immunovirologique, par exemple :

→ améliorer la qualité de vie en réduisant le nombre de prises et/ou d’unités de prises ;

→ corriger ou prévenir des effets indésirables ou des interactions médicamenteuses.

→ Cela peut être l’occasion de prendre en compte le coût des antirétroviraux pour essayer de réduire celui du traitement chronique, avec un taux de CD4 > 200/mm3.

Corriger et prévenir la toxicité

« Un des critères de changement de molécule est de prévenir la toxicité pour ne pas aggraver l’altération de certaines fonctions de l’organisme liée au viellissement », explique le Dr Favier.

• Toxicités rénale et hépatique. Le risque d’insuffisance rénale augmente avec le temps d’exposition aux antirétroviraux, en particulier avec le ténofovir et les IP. La réversibilité de l’atteinte rénale est inconstante. Ainsi, une surveillance régulière de la fonction rénale est nécessaire, avec adaptation des doses au débit de filtration glomérulaire, reflet de la fonction rénale. Selon le cas, il faudra changer le traitement.

L’abacavir, les INNTI, le maraviroc et certains IP peuvent être toxiques pour le foie, d’où la surveillance des transaminases. Selon le cas, une autre classe, dolutégravir…, sera utilisée.

• Toxicité osseuse. Ténofovir et IP sont délétères pour l’os et à éviter en cas de facteurs de risque.

• Toxicité neurologique. Dépister des troubles neuropsychiques sous INNTI et inhibiteur de l’intégrase est systématique. Tout signe neuro-psychique tels que dépression, plaintes mnésiques, etc. doit conduire à changer le médicament.

• Toxicité métabolique, surtout sous IP. La modification du métabolisme des lipides, dyslipidémie notamment, et des glucides (diabète) augmente le risque de maladies cardio-vasculaires. Les mesures hygiéno-diététiques restent à ce jour le moyen de prévention le plus efficace. En l’absence de leur efficacité, un IP peut être remplacé par un INNTI.

Médicaments

Pour les antirétroviraux, prescription initiale hospitalière (PIH) annuelle, sauf Celsentri, sur prescription hospitalière.

Inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI)

• Molécules : didanosine, stavudine et zidovudine. Ces molécules de première génération, à l’origine de lipodystrophies, ne sont plus utilisées.

• Mode d’action : blocage de l’enzyme permettant au virus de transcrire son matériel génétique : arrêt de synthèse de l’ADN viral.

• Principaux effets indésirables : troubles gastrointestinaux, lipodystrophie pour les anciennes molécules et toxicité mitochondriale (voir Dico+), surtout zidovudine (moindre avec les autres), risque de troubles hépatiques ou rénaux (surtout ténofovir). Risque osseux (ténofovir).

Inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (INNTI)

• Molécules : éfavirenz, étravirine, névirapine et rilpivirine.

• Mode d’action : idem INTI.

• Principaux effets indésirables : rashs cutanés parfois sévères imposant l’arrêt (surtout névirapine). Troubles hépatiques (éfavirenz, névirapine), neuropsychiatriques (anxiété, dépression, rêves anormaux, vertiges…) et métaboliques (dyslipidémie…), surtout avec éfavirenz.

Inhibiteurs de protéases (IP)

• Molécules : atazanavir, darunavir, fosamprénavir, lopinavir-ritonavir, tipranavir.

• Mode d’action : blocage d’une enzyme permettant l’assemblage et la maturation des virus nouvellement produits (virions).

• Particularités. Du fait d’une biodisponibilité médiocre de ces molécules, elles sont co-prescriptes avec le ritonavir (Norvir), inhibiteur de protéase et puissant inhibiteur enzymatique du CYP 3A. Le ritonavir a pour principal effet de potentialiser l’action de l’IP qui lui est associé. Dans Kaletra, le ritonavir est présent dans la spécialité.

• Principaux effets indésirables : troubles gastrointestinaux, métaboliques (dyslipidémies, anomalies glucidiques, moindres avec l’atazanavir) et rénaux, éruptions cutanées, toxicité osseuse.

Inhibiteurs de l’intégrase (INI)

• Molécules : dolutégravir, raltégravir.

• Mode d’action : inhibent l’enzyme qui permet l’intégration du matériel génétique du virus dans le génome de l’hôte.

• Principaux effets indésirables : troubles digestifs surtout, troubles neuropsychiques.

Inhibiteur de fusion

• Molécule : enfuvirtide.

• Mode d’action : empêche la fusion entre la membrane du virus et la cellule de l’hôte.

• Principaux effets indésirables : réactions au point d’injection, diarrhées, nausées, neuropathies périphériques.

Inhibiteur du CCR5

• Molécule : maraviroc.

• Mode d’action : inhibe la pénétration de certaines souches de VIH dans la cellule de l’hôte.

• Principaux effets indésirables : nausées, diarrhées, fatigue, céphalées, rashs, élévation des transaminases.

Conseils aux patients

Observance

Il est préférable de traiter le plus rapidement possible pour éviter la constitution d’un réservoir important.

Les recommandations insistent sur l’observance du traitement antirétroviral car son défaut conduit à l’émergence de virus résistants qui compromettent les options thérapeutiques ultérieures : allégement du traitement, modification suite aux effets indésirables, etc. Ce qui signifie une observance d’au moins 95 % : ne pas rater plus de trois doses par mois si bi-prise journalière ou pas plus de deux en monoprise.

Une fois acquise, l’indétectabilité de la charge virale se maintient aussi longtemps que le traitement est correctement pris. Ce qui implique également le contrôle de toute interaction médicamenteuse qui pourrait compromettre son efficacité.

Automédication

• En raison de nombreuses interactions possibles avec certaines molécules, informer tout professionnel de santé du traitement antirétroviral suivi. La réglette d’Actions Traitement est un bon outil pour vérifier les interactions (voir En savoir + p. 39).

• L’automédication est à proscrire car il existe des risques d’interactions médicamenteuses plus ou moins importants selon les molécules :

→ attention en particulier aux inducteurs ou inhibiteurs enzymatiques (voir tableaux p. 36-37) : éviter dans ces situations la consommation de pamplemousse (inhibiteur enzymatique) ou la prise de ginkgo biloba (inducteur enzymatique) ou de millepertuis ;

→ certains antirétroviraux sont à proscrire avec les inhibiteurs de la pompe à protons : rilpivirine, atazanavir ;

→ prudence avec les AINS, qui peuvent augmenter la toxicité rénale de certains antirétroviraux, en particulier ténofovir et IP.

Vie quotidienne

Hygiène de vie

Il est primordial de sensibiliser le patient qui vieillit à une bonne hygiène de vie pour limiter l’impact de la maladie et des traitements sur le risque osseux (ténofovir), cardio-vasculaire et le risque de cancer du poumon notamment.

• Sevrage tabagique : les patients VIH fumeurs ont un risque élevé de pathologies cardio-vasculaires et de cancer du poumon. Pour réduire ces risques, l’arrêt du tabac s’impose. Substituts nicotiniques et médicaments sont utilisables.

• Alimentation : les mesures de bon sens s’imposent. Limiter les aliments gras et très sucrés et privilégier féculents, fruits et légumes, viandes peu grasses et poissons.

• Bouger : une activité physique régulière, au moins 30 minutes par jour, contribue à limiter la hausse de la pression artérielle, atténue la prise de poids, améliore le profil lipidique et l’équilibre glycémique.

• Le risque osseux : une carence en calcium et/ou en vitamine D, l’alcoolisme, le tabagisme et la toxicomanie sont des facteurs favorisants de l’ostéoporose.

Une alimentation adaptée permettant d’apporter 800 à 1 000 mg de calcium par jour s’impose. On en trouve dans certaines eaux minérales, les produits laitiers, les fruits et légumes. Si besoin, une supplémentation en vitamine D est proposée.

Suivi particulier

Un suivi médical régulier s’impose pour dépister les comorbidités chez le patient vieillissant : bilans lipidiques, glucidiques réguliers, mesure du taux de vitamine D une fois par an, dépistage par frottis des cancers du col utérin, examen cutané régulier pour dépister des cancers de la peau…

Vaccinations

Les vaccinations contre le pneumocoque et la grippe annuelle sont recommandées. Tout patient vivant avec le VIH, même bien contrôlé par le traitement avec une charge indétectable, reste fragile. Et d’autant plus qu’il vieillit ! D’où l’importance de ces vaccinations.

Pour les patients non immunisés, les vaccinations contre l’hépatite A et l’hépatite B sont recommandées.

Transmission de l’infection

La transmission sexuelle du VIH est considérablement réduite si l’infection est contrôlée par un traitement antirétroviral. Cependant, même en cas de charge virale indétectable, le risque de transmission de l’infection n’étant pas nul, les cliniciens restent partagés quant à la suppression du préservatif au sein des couples stables.

Défis de demain

• Les préoccupations. L’arrivée vers l’âge de la retraite est source d’inquiétude pour les patients vivant depuis longtemps avec le VIH. « Vous m’avez donné des années de vie mais qu’est-ce que je vais en faire si je n’ai pas de quoi vivre ? », confie le Dr Favier, qui rapporte les propos de ses patients âgés.

L’enquête menée sur l’hébergement des patients avec VIH en 2013 par le Corevih Languedoc-Roussillon(2) souligne la nécessité de mieux former le personnel des établissements accueillant des personnes âgées car les refus de recevoir des patients VIH sont très souvent liés à des croyances erronées.

• Vers qui se tourner ? Il n’existe pas en France d’associations consacrées aux personnes âgées atteintes de VIH, mais l’association Aides participe depuis plusieurs années à des enquêtes et à la rédaction de dossiers consacrés à la question du vieillissement des personnes vivant avec le VIH. Le site Seronet qu’elle a lancé en 2008 permet aux personnes séropositives au VIH, ainsi qu’à leurs proches, de partager l’expérience du vécu de la maladie sur des blogs ou en direct via les chats sur www.vih.org

(1) Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH, recommandations du groupe d’experts, sous la direction du Pr Philippe Morlat et sous l’égide du CNS et de l’ANRS, 2017.

(2) L’hébergement des personnes vivant avec le VIH, enquête auprès des établissements sociaux et médico-sociaux d’hébergement du Languedoc-Roussillon, rédigée par Nawal Tahi, stagiaire Corevih LR (Coordination régionale de lutte contre le VIH en Languedoc-Roussillon), avril-août 2013.

Info+

→ Il existe plusieurs VIH, dont le VIH de type 1, à la distribution mondiale, et le VIH de type 2, essentiellement retrouvé en Afrique de l’Ouest. L’épidémie mondiale est due au VIH-1.

→ Parmi les personnes suivies en 2015(1) en France, 49 % ont plus de 50 ans et 16 % plus de 60 ans, contre 35 et 11 % en 2011.

→ 6 000(1) nouveaux diagnostics environ en 2015 en France, avec 30 % de femmes, 19 % de personnes de 50 ans et plus et 43 % d’homosexuels hommes.

Dico+

→ Cellules microgliales : cellules spécifiques du système nerveux central jouant un rôle important dans les défenses immunitaires du cerveau.

Info+

→ Les infections opportunistes peuvent aussi survenir chez des patients pris en charge lors d’un défaut d’observance par exemple.

→ La phase aigüe, ou primo-infection, correspond à une forte réplication virale. Parfois asymptomatique, elle peut se manifester par des signes non spécifiques, donc passe souvent inaperçue : fièvre surtout, éruption cutanée généralisée, polyadénopathie, pharyngite, amaigrissement, ulcérations génitales ou buccales, syndrome pseudo-grippal supérieur à sept jours, diarrhée, vomissements, rares signes neurologiques ou pulmonaires.

Témoignage

Sophie, 53 ans, séropositive depuis trente ans, traitée depuis vingt-trois ans

« J’ai peur de ce qui pourrait arriver de plus »

« Quand j’ai appris ma séropositivité, à la fin des années 1980, seule l’AZT existait. Vivre longtemps n’était pas au programme. J’ai commencé par une mono-, puis bi-thérapie. J’ai connu les médicaments à conserver au frigo, le sirop Norvir qui donnait envie de vomir, le Sustiva qui rend folle… Bref, pour être observante, j’ai dû m’accrocher. En trithérapie depuis 2002, sous Kaletra, Ziagen et Epivir en deux prises par jour, je ne vais pas trop mal malgré des sinusites et pneumonies chaque hiver en dépit de la vaccination. Depuis deux ans, mon médecin me parle de risque cardio-vasculaire et souhaite que je change de médicaments. Je ne veux pas. Je me sens bien comme ça. Ménopausée, j’ai arrêté de fumer et je fais un peu de sport. Cela contribue à diminuer le risque. Je ne souhaite pas non plus de génériques car je suis équilibrée et j’ai peur de ce qui pourrait arriver de plus… Je lis que certains cancers seraient plus fréquents et que les patients comme moi vieillissent plus vite. Je suis triste quand j’entends les gens dirent que le sida est une maladie comme les autres. »

Dico+

→ Pneumocystose : maladie due à un champignon ubiquitaire de l’environnement, pouvant engager le pronostic vital. La seule prévention est de prescrire du cotrimoxazole à tout patient ayant un taux de CD4 < 200/mm3.

→ Cryptococcose neuroméningée : mycose cérébrale grave touchant essentiellement le sujet immunodéprimé.

→ Maladie de Hodgkin : forme particulière de lymphome, cancer du sang.

→ Lipodystrophie : trouble de la répartition des graisses, avec notamment risque d’accumulation au niveau abdominal ou cervical (bosse de bison) et perte des graisses au niveau des membres inférieurs et de la face. À l’origine d’une hausse du risque cardio-vasculaire.

Info+

→ La résistance du VIH aux antirétroviraux est la cause majeure d’échec thérapeutique. Différents tests sont effectués pour évaluer les mutations du virus et choisir de nouvelles molécules en cas de résistances.

Les différents tests VIH

→ Tests rapides d’orientation diagnostique. Les autotests VIH disponibles en pharmacie permettent un auto-dépistage chez soi. Ils consistent à déposer une goutte de sang prélevé au doigt sur une bandelette et à lire la réponse en 15 minutes. Il met en évidence des anticorps anti-VIH, ce qui implique que le test doit être répété en cas d’exposition de moins de trois mois (risque de faux négatif). Tout test positif doit être confirmé par le test de référence.

→ Test de dépistage de référence. Il recherche la présence d’anticorps dirigés contre le virus et celle d’un antigène du virus. En cas d’exposition inférieure à six semaines, ce test est à renouveler car il peut être faussement négatif au début. Il est réalisé de façon gratuite et anonyme dans les Centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic des infections par le VIH, les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles (CeGIDD) ou prescrit par un médecin et pris en charge à 100 % dans un laboratoire.

→ Test de confirmation. Si le test de dépistage est positif, on fait un test de confirmation utilisant une autre technique sur le même prélèvement car il existe de rares faux positifs. S’il est positif, on le refait sur un autre prélèvement afin d’éliminer une erreur d’identité.

Interview

« Les patients âgés VIH + traités sont observants mais ils peuvent négliger leurs autres traitements »

Dr Carine Favier, infectiologue au CHRU de Montpellier (34).

Pourquoi la population VIH vieillit-elle ?

L’arrivée de nouveaux traitements et de la trithérapie en 1996 a permis d’offrir aux personnes atteintes de VIH une espérance de vie similaire au reste de la population. Il y a aussi le fait que les seniors ne se sentent pas concernés par le VIH. Une de mes patientes est une mère de famille qui avait pourtant l’habitude de « bourrer les poches de ses enfants de préservatifs », comme elle le disait. Lorsque l’infection a été diagnostiquée chez elle vers l’âge de 50 ans, elle n’a pas compris. Pour elle, les préservatifs et la prévention étaient pour les jeunes.

La prise en charge est-elle différente ?

Le bilan pré-thérapeutique est approfondi. Les recommandations hygiéno-diététiques pour prévenir les maladies cardio-vasculaires ne sont pas différentes de celles données à la population générale, sauf que ces patients ont souvent cru ne pas vivre âgés et n’ont pas forcément été sensibilisés à cela. Il faut également veiller aux fonctions rénales et hépatiques plus fragiles chez eux. Le risque d’interactions médicamenteuses est plus élevé car les patients âgés ont souvent plusieurs traitements mais il n’est pas difficile d’adapter les posologies, d’autant que les nouveaux traitements présentent moins d’effets secondaires et moins d’interactions.

Quel rôle peut jouer l’officinal dans cette prise en charge particulière ?

Il m’est arrivé que le pharmacien m’appelle pour me dire que tel patient était allé voir un autre médecin sans lui parler de sa pathologie VIH et que ce médecin lui avait prescrit un médicament potentiellement incompatible avec son traitement antirétroviral. Globalement, les patients âgés sont davantage observants. Ils savent que le traitement leur a sauvé la vie. À tel point qu’il leur arrive parfois de négliger leurs autres traitements. Là encore, l’officinal joue un rôle clé dans la vigilance de la bonne observance médicamenteuse chez des patients souvent polymédiqués.

Dico+

→ Immunosénescence : vieillissement physiologique du système immunitaire, lié à l’âge.

Dico+

→ Toxicité mitochondriale : rare avec les molécules récentes, elle se traduit par une altération inexpliquée de l’état général, des myalgies, des troubles digestifs, une dyspnée précédant la survenue d’une acidose lactique potentiellement fatale.

Principales contre-indications

→ Insuffisance hépatique sévère ou modérée à sévère : abacavir (INTI) ; névirapine, éfavirenz (INNTI) ; IP.

→ Insuffisance rénale : lopinavir buvable (Kaletra car présence de propylène-glycol, IP).

→ Grossesse : névirapine, rilpivirine (INNTI) ; éfavirenz au premier trimestre (INNTI).

→ Troubles cardiaques (allongement QT, bradycardie sévère, insuffisance cardiaque…) : saquinavir (IP ; plus utilisé).

→ Éruption cutanée sévère ou forte augmentation des transaminases lors d’un précédent traitement : névirapine (IP).

Info+

→ Des formes injectables sont en cours d’évaluation (2020) et pourraient être intéressantes en cas de prise quotidienne difficile.

→ Le saquinavir (Invirase, un IP) n’est quasiment plus utilisé en raison d’un risque de trouble du rythme.

→ On a observé un niveau de présence virale très bas chez quelques personnes traitées très tôt et ne prenant plus de traitement depuis plusieurs années, mais ces cas restent rares et il s’agit de rémission et non de guérison. En aucun cas, un traitement ne doit être interrompu.

À RETENIR

→ Le VIH est un virus qui altère le système immunitaire. Sans traitement, l’infection, qui peut rester silencieuse pendant des années, conduit à l’apparition d’infections opportunistes et de cancers qui caractérisent le stade sida.

→ On recense une proportion croissante de séropositifs de plus de 50 ans parce que les nouveaux traitements ont augmenté l’espérance de vie et que les seniors sont de plus en plus touchés.

→ La maladie progresse plus rapidement chez la personne âgée.

→ Les 50 ans et plus sont souvent diagnostiqués tard. Or, la réponse au traitement dépend de la précocité de la prise en charge.

→ Un traitement antirétroviral (ARV) est débuté chez tout patient quels que soient l’âge, la charge virale et le taux de CD4.

→ Les traitements permettent de rendre le virus indétectable dans le sang, mais pas de guérir.

→ Les nouveaux traitements présentent moins d’effets secondaires et de risques d’interactions.

→ Signaler la prise d’antirétroviraux à tout professionnel de santé et proscrire l’automédication.

→ En cas de doute sur une possible interaction médicamenteuse, contacter le médecin référent ou prescripteur, qui pourrait ignorer le traitement ARV.

→ Les signes d’évolution de la maladie, d’effets secondaires des ARV et de vieillissement sont souvent intriqués et source d’angoisse pour le patient.

→ Les associations attirent l’attention des pouvoirs publics sur les principales préoccupations des patients âgés atteints de VIH que sont l’hébergement et les sources de revenu.

En savoir+

→ Actions Traitements www.actionstraitements. org/reglette

Ce site gratuit donne les interactions médicamenteuses existant entre les antirétroviraux et un autre médicament en entrant le nom de la molécule.

→ L’association Aides www.aides.org

Aides participe depuis plusieurs années à des enquêtes et à la rédaction de dossiers consacrés à la question du vieillissement des personnes vivant avec le VIH.

→ Le site Seronet www.seronet.info

Lancé par Aides, il permet aux personnes séropositives au VIH, ainsi qu’à leurs proches, de partager leurs expériences.

→ Le Réseau expert national pour les patients infectés par le VIH et atteints de cancer a édité une brochure pour les patients. Sur www.cancervih.org

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