Les « vieux », je sais leur parler ! - Porphyre n° 537 du 25/10/2017 - Revues
 
Porphyre n° 537 du 25/10/2017
 

Exercer

Les mots pour…

S’adresser aux personnes âgées. Fini le « papi-mamie » et le « parler mémé ». Nos aînés ont droit à un vocabulaire positif, non infantilisant, qui fait la part belle à l’autonomie.

La vieillesse

Qui est âgé ?

→ Si l’on s’en tient à la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), une personne est âgée à partir de 60 ans. Pour autant, l’âge de l’état civil ne détermine pas à lui seul l’entrée dans la vieillesse, dont l’installation, progressive et très variable selon les individus, se réfère davantage à une perte des capacités fonctionnelles.

→ Des « old » plus ou moins jeunes. En 1984, le National Institute of Aging de l’Institut national de la santé aux États-Unis s’est orienté vers une classification en trois âges démographiques : les young old (65- 74 ans), les old old (75-84 ans), ou les vieux en passe de le devenir, et les oldest old (85 ans et plus, appelés parfois very old), les vieillards proprement dit(1).

Une rupture

Certains changements objectifs caractérisent le vieillissement et signent une rupture anxiogène entre la pleine jouissance et la diminution de ses capacités :

→ sanitaires, avec apparition de problèmes de santé ;

→ sensorielles, avec baisse d’acuité visuelle, auditive…;

→ motrices, avec moins d’aisance pour se mouvoir, moins de souplesse, de force, de motricité fine…;

→ cognitives, avec un ralentissement dans le traitement de l’information qui peut être une conséquence naturelle du vieillissement. À ne pas confondre avec la sénilité, la perte de mémoire ou les troubles du raisonnement, qui sont des processus physio-pathologiques distincts ;

→ sociales, avec difficultés économiques, isolement social, solitude… Les personnes âgées sont plus angoissées par le déclin psychique que par les affections physiques, la démence étant plus redoutée que la souffrance ou le cancer (source : Fondation Korian pour le bien vieillir, voir encadré ci-dessous).

Le poids des mots

Les mots que l’on emploie, consciemment ou non, reflètent nos représentations sociales, culturelles et psychologiques des autres. Mal choisis face aux seniors, ils peuvent accentuer la sensation de rupture et de vulnérabilité. Recourir à des mots moins stigmatisants relève de la bientraitance. Tout autant que le soin, c’est un volet du « bien vieillir », c’est-à-dire le droit de bien vivre cette période, en gardant une place reconnue dans la société, un rôle actif, une utilité et le plus d’autonomie possible.

Adoucir la rupture

En avant les « aînés »

« Les vieux », « Les ancêtres », « Les anciens », « Le troisième ou le quatrième âge », « Les octo-/nonagénaires »… oubliez ! Même les « seniors », plus respectueux, et les « papis/mamies », plus affectueux, restent dans l’évocation négative d’une « dernière tranche de vie ». Selon l’étude « Les mots du bien vieillir » de la Fondation Korian, les principaux intéressés plébiscitent le terme d’« aînés », plus valorisant, qui traduit une forme de sagesse et a le mérite de s’adapter à tous les âges, car on est toujours l’aîné de quelqu’un. À proscrire : « Les personnes dépendantes », qui résonne avec leur principale crainte.

Dans la continuité

D’après la même étude, il faut privilégier les mots qui évoquent la continuité de vie. Optez pour les verbes actifs « continuer », « maintenir », « garder » ou les tournures actives. « Vous avez besoin d’aide pour remplir votre pilulier… » plutôt que « Vous ne pouvez plus remplir seul votre pilulier ».

Face à la déficience

Si elles doivent être abordées, les déficiences ont également leurs termes moins anxiogènes. La Fondation Korian propose « t roubles cogni t i f s » plutôt que « démence », « confiné au lit » plutôt que « grabataire », « perte d’autonomie » plutôt que « dépendance », « souffrir de la maladie d’Alzheimer » plutôt qu’« être Alzheimer », « t rouble de la cont inence » plutôt qu’« incontinent ». Et de bannir le terme « invalide ».

Stopper l’infantilisation

Une relation adulte/adulte

Si l’âge peut diminuer la vitesse de traitement de l’information, les aînés ne sont pas des êtres régressifs ni des enfants. Ils gardent le plus souvent leurs capacités de raisonnement. Adoptez les bons réflexes suivants.

→ S’adresser directement à eux et non à leur accompagnant et les interpeller par leur nom, sans diminutif (« Tiens, voilà papy Jean »), pour maintenir l’identité et la place dans la société.

→ Bannir le pronom collectif « on » : « On a changé de traitement ? », « On est prêt pour l’examen médical ? »… et les termes qui renvoient à l’enfance. Utiliser « protection » plutôt que « couche ou change », « urine » plutôt que « pipi », « la personne qui vous aide » et non « qui vous garde »…

→ Gare au « petit » qui se glisse partout : la petite seringue, la petite boîte… qui infantilisent également !

Pas de parler « mémé »

Une tendance à sur-accommoder systématiquement son langage face à une personne âgée s’observe dans la vie de tous les jours : parler doucement, plus fort, en articulant exagérément, avec des expressions simplistes, « le cachet rose », « la carte verte », « des sous de votre poche »… Même si ça part d’une bonne intention, présumer que l’aîné a besoin d’une accommodation est une forme de discrimination. Le ton condescendant renforce l’idée d’une perte de compétences et nuit finalement à l’estime de soi.

La bonne attitude : parler normalement, sans présumer d’une perte de capacités, et accommoder, si besoin, par la suite (voir plus loin). Et partir du principe qu’un aîné est capable de comprendre et d’apprendre de nouveaux mots.

Maintien du libre arbitre

Les mots du « bien vieillir », c’est aussi redonner aux aînés un rôle de partenaire et non d’objet de soins.

→ Privilégier les expressions qui favorisent l’initiative et le libre arbitre : le « guide des mots du bien vieillir » de la Fondation Korian propose notamment de remplacer « adapter » par « personnaliser », « maintien à domicile » par « rester à domicile », « placement » par « solliciter un accueil », « interdiction » par « recommandation/prescription/ conseil ».

→ Abandonner la morale ou le chantage : « Le médecin ne sera pas content si… » devient « J’entends votre point de vue, qu’en pense votre médecin ? »

→ Remplacer le dirigisme par la recherche de consensus : « Vous devez le prendre avant le repas… » devient « Si cela ne vous coupe pas l’appétit, il est préférable de le prendre avant le repas ».

→ Attention à la « prise en charge », expression chérie du monde médical qui peut être perçue comme passive par le patient âgé. Préférer « prendre soin de » qui englobe les soins médicaux, l’attention, l’écoute, l’accompagnement quotidien.

Éviter le trop technique

Les aînés, qui ont tendance à intégrer moins rapidement les informations, seront plus vite perdus par des termes médicaux trop techniques. Des enquêtes montrent par ailleurs qu’ils sont particulièrement angoissés par la sur-médication, les différents scandales sanitaires, les effets indésirables…

Au comptoir, et plus encore que pour tout autre malade, il faut :

→ vulgariser et expliquer : « C’est un produit contre le reflux gastro-oesophagien, il empêche les remontées acides pendant la digestion »… ;

→ parler bénéfices : « Il va soulager les douleurs dont vous vous plaignez depuis quelque temps… » ;

→ éviter les catalogues d’effets indésirables, très anxiogènes, et préférer « Si vous ressentez quelque chose d’anormal, venez m’en parler… »

Accommoder… si besoin !

Procéder avec tact, au détour du dialogue : « Avec ce brouhaha, je ne sais pas si vous m’entendez correctement », « C’est écrit petit sur ces ordonnances, c’est bon pour vous ? », « Il y a beaucoup d’ informations, peut-être trop aujourd’hui ? »… Et s’adapter aux éventuelles difficultés.

→ Auditives : proposer un endroit calme, élever un peu la voix sans hurler, écrire les informations importantes…

→ Motrices : proposer une chaise, s’assurer des possibilités de manipulation (« Ces emballages sont difficiles à percer, vous voulez tester avec moi ? »). Proposer de l’aide : « Y a-t-il des gestes pour lesquels je peux vous apporter mon aide ? »…

→ Visuelles : écrire plus gros sur les boîtes, réécrire l’ordonnance en gros caractères, insister sur la galénique : « Ce comprimé est plus gros et plus lisse, vous ne devriez pas le confondre avec… »

→ Cognitives : capter l’attention en accrochant le regard, avec un sourire, en tenant la main si besoin. Privilégier les phrases courtes, simples, reformuler systématiquement : « C’est le médicament antidouleur » et « Il va vous soulager quand vous avez mal ». Laisser du temps entre chaque explication pour faciliter leur intégration.

(1) www.cairn.info

Lexique du « bien vieillir »

• La Fondation Korian pour le bien vieillir propose un « guide des mots du bien vieillir », avec un lexique très pratique des expressions à bannir ou à privilégier pour adapter positivement notre langage. Sa réalisation s’appuie sur une étude, « Les mots du bien vieillir », qui a analysé le ressenti d’un échantillon de 1 000 Français vis-à-vis de 185 mots autour de la vieillesse.

Pour en savoir plus et télécharger ce guide, rendez-vous sur le site de la Fondation, http://fondation-korian.com

POUR ALLER PLUS LOIN, UN LIVRE À COMMANDER SUR NOTRE SITE

Éducation thérapeutique, 3e édition, D. Simon, P.-Y. Traynard, F. Bourdillon, R. Gagnayre et A. Grimaldi, Ed. Elsevier Masson, 41 €.

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