Le psoriasis - Porphyre n° 536 du 03/09/2017 - Revues
 
Porphyre n° 536 du 03/09/2017
 

Savoir

La patho

Auteur(s) : Florence Leandro

Fréquente, cette dermatose inflammatoire chronique peut être associée à des rhumatismes et à une profonde altération de la qualité de vie. Les traitements sont à la fois locaux, oraux et injectables. Les biothérapies ont révolutionné la prise en charge des formes modérées à sévères.

La maladie

Définition

Le psoriasis associe une inflammation cutanée et un dérèglement de la prolifération et de la maturation des kératinocytes, cellules épidermiques. La lésion élémentaire obtenue est une plaque érythémato-squameuse, bien délimitée et plus ou moins prurigineuse.

Physiopathologie

• À l’origine de la maladie, des lymphocytes T s’activent. Ils sécrètent des molécules pro-inflammatoires variées : interféron, TNF alpha (Tumor Necrosis Factor : facteur de nécrose tumorale), facteurs de croissance, interleukines…, d’où le recrutement d’autres cellules immunitaires et le développement de l’inflammation.

• Les kératinocytes s’emballent à leur tour. Ils mettent trois-quatre jours pour se renouveler, au lieu de vingt-huit habituellement, ce qui conduit à un épaississement de la peau et à la formation de squames. Les kératinocytes participent aussi au recrutement de cellules inflammatoires et à la persistance des lésions. Celles-ci finissent néanmoins par disparaître, sans cicatrice, sous l’action de mécanismes régulateurs.

• Les antigènes responsables de l’activation des lymphocytes T sont encore mal connus, mais seraient peut-être des auto-antigènes. Le psoriasis n’est pas une maladie auto-immune pour autant, puisqu’il n’y a pas de production d’auto-anticorps. Par contre, c’est une maladie inflammatoire avec une forte participation de l’immunité, d’où l’efficacité des traitements immunomodulateurs.

Étiologies

• Environ 30  % des patients ont des antécédents familiaux de psoriasis, ce qui suggère une origine génétique de la maladie. Le Dr Nathalie Quilès, dermatologue à l’hôpital Saint-Joseph de Marseille (13) précise : « On estime que si l’un des parents est atteint, l’enfant a environ 15  % de risque de développer la maladie. Si ce sont les deux, ce risque dépasse les 40  % ». Mais, gare aux amalgames : « On n’hérite pas directement du psoriasis. Il s’agit plutôt de la transmission de gènes de prédisposition qui, associés à des facteurs environnementaux, vont provoquer la maladie ».

• Les agents potentiellement responsables des poussées, c’est-à-dire ceux qui les induisent ou les aggravent sont souvent multiples, associés et variables d’un patient à l’autre : des infections bactériennes (streptocoques) ou virales (VIH) ; des médicaments (bêta-bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, lithium, corticoïdes arrêtés brutalement…) ; les conditions climatiques, comme le froid et l’humidité ; des toxiques, notamment alcool et le tabac ; les traumatismes cutanés (phénomène de Koebner, voir Dico+) ; le stress. Ce dernier est souvent accusé de tous les maux « mais le psoriasis n’est pas une maladie psychosomatique ! », rappelle le Dr Quilès.

Signes cliniques

Il existe plusieurs manifestations cliniques.

• Psoriasis vulgaire ou en plaques : c’est la forme classique (80  %). Il se caractérise par des plaques plus ou moins symétriques sur les coudes, les genoux, la région lombo-sacrée, les faces d’extension des membres…

• Psoriasis en gouttes : les lésions, nombreuses et mesurant quelques millimètres seulement, apparaissent sur un mode éruptif au niveau du tronc et du visage, surtout chez l’enfant, l’adolescent, le jeune adulte, et souvent suite à une infection bactérienne streptococcique.

• Psoriasis inversé : plus rare, il atteint les plis, aux niveaux interfessier, inguinal, axillaire, sousmammaire… Chez le petit enfant, il s’agit du « psoriasis des langes ».

• Autres localisations possibles : l’atteinte du cuir chevelu est présente dans 50 à 80  % des cas, n’entraîne pas d’alopécie mais peut conduire à la formation d’un véritable casque adhérent. Les ongles sont touchés dans la moitié des cas, et de façon très polymorphe avec un aspect en « dé à coudre », épaississement, décollement… L’atteinte palmo-plantaire, des organes génitaux externes ou du visage est possible, de façon isolée ou associée aux autres formes de psoriasis.

• Il existe des formes graves pouvant causer une altération de l’état général et engager le pronostic vital : le psoriasis érythrodermique, au cours duquel la peau du patient est atteinte dans sa quasi-totalité, et le psoriasis pustuleux, avec la présence de pustules ou « bulles » aseptiques localisées aux paumes, plantes et extrémités, ou généralisé.

Évolution

Les poussées inflammatoires symptomatiques alternent avec des périodes de rémission.

Complications

• Rhumatisme psoriasique. Au cours de la maladie, il existe un risque d’apparition d’un rhumatisme inflammatoire, dit rhumatisme psoriasique. Celui-ci touche environ 15  % des malades, les chiffres variant entre 5 et 30  % selon les études. Ce risque semble augmenter avec les années mais pas forcément avec la sévérité de la maladie. Dans 70  % des cas, il apparaît après les lésions cutanées, mais peut aussi les précéder (15  %) ou se développer en même temps qu’elles (15  %).

L’atteinte peut être axiale, avec douleurs de la colonne vertébrale, prédominance des symptômes la nuit et phénomène de « dérouillage matinal », et/ou périphérique, avec doigts et orteils gonflés « en saucisse », douleurs et tendinites à répétition. Il est plus fréquemment associé aux atteintes des ongles, du cuir chevelu et des plis. Le rhumatisme peut entraîner des déformations et des destructions articulaires sur le long terme.

• Risque de comorbidités. Le psoriasis, notamment lorsqu’il est sévère, est plus fréquemment associé à l’obésité, au diabète, à l’hypertension… Autant de comorbidités qui augmentent le risque d’événements cardio-vasculaires.

• Stigmatisation. Les lésions affichantes et la présence de squames entraînent la peur du regard des autres et des idées reçues (« C’est contagieux, c’est sale… »), une per te de confiance en soi, des difficultés dans les relations sociales, professionnelles, amicales ou amoureuses. Le prurit ressenti a longtemps été sousestimé, alors qu’il fait partie intégrante de la maladie et peut lui aussi avoir un impact majeur sur la qualité de vie. Le psoriasis sévère est plus souvent associé à des troubles neuropsychiques (dépression, anxiété) et à des conduites addictives.

Diagnostic

• Essentiellement clinique – la biopsie est rarissime –, le diagnostic est complété par une évaluation objective de la maladie, c’est-à-dire sa sévérité. Elle s’évalue :

→ d’après le pourcentage de surface corporelle atteinte. Un psoriasis est sévère si cette surface est de plus de 10  % ;

→ selon un score type PASI (Psoriasis Area and Severity Index) prenant aussi en compte les degrés de rougeur, d’épaississement ou encore de desquamation ;

→ une évaluation subjective grâce à des échelles de qualité de vie type DLQI (Dermatology Life Quality Index).

• Pour le rhumatisme psoriasique, le diagnostic est lui aussi clinique, mais parfois beaucoup plus complexe que celui de l’atteinte cutanée. Il n’existe pas de marqueur spécifique de la maladie. Le rhumatologue prescrit un bilan biologique à la recherche d’un syndrome inflammatoire et des examens d’imagerie (radiographies, IRM, échographies…) des articulations douloureuses. Il doit s’assurer qu’il ne s’agit pas d’une autre pathologie telle que douleurs post-traumatiques, arthrose, goutte, polyarthrite.

• D’autres explorations repèrent les comorbidités ou préparent une mise sous traitement ; on parle alors d’un bilan pré-thérapeutique.

Suivi

• Le psoriasis est une maladie essentiellement suivie par un dermatologue, en ville ou à l’hôpital, notamment pour les formes sévères et pour le démarrage et/ou l’administration de certains traitements, mais la prise en charge est pluridisciplinaire : médecin généraliste, infirmière, psychologue ou psychiatre, diététicien, rhumatologue…

• La mise en affection de longue durée (ALD) est possible, notamment en cas de rhumatisme psoriasique (ALD 27 des spondylarthrites graves). « Il est très rare que les patients ayant un psoriasis cutané pur bénéficient d’une ALD, il s’agit alors de cas sévères », explique le Dr Quilès. Certains patients passent en invalidité ou bénéficient du statut de travailleur handicapé.

• Les services hospitaliers proposent parfois des séances d’éducation thérapeutique faisant partie intégrante du parcours de soins du patient. Au cours de ces ateliers, le patient approfondit ses connaissances sur la maladie et les traitements, rencontre d’autres malades, partage son vécu et les « trucs et astuces » pour mieux vivre avec le psoriasis au quotidien.

Son traitement

Objectif

Le traitement est symptomatique et vise à obtenir le contrôle, voire la disparition ou le blanchiment des lésions, et à améliorer la qualité de vie du patient.

Stratégie thérapeutique

Le traitement du psoriasis en plaques de l’adulte est individualisé, discuté avec le patient, et réajusté dans le temps, en fonction de l’évolution de la maladie, des comorbidités, de l’efficacité et de la tolérance. L’observance, notamment des traitements locaux, doit être évaluée avant de parler d’échec et de passer à un autre traitement.

• Formes peu étendues : abstention thérapeutique si le patient ne souhaite pas de traitement, ou traitement topique avec dermocorticoïdes et dérivés de la vitamine D3. Les kératolytiques et les rétinoïdes locaux peuvent également être utilisables.

• Formes plus sévères ou en cas d’échec des thérapies locales : photothérapie ou rétinoïde oral (acitrétine) ou immunomodulateur (méthotrexate, ciclosporine, aprémilast), voire biothérapie en cas d’échec, contre-indication ou intolérance à au moins deux traitements systémiques non biologiques ou à base de photothérapie.

Médicaments

Topiques

Dermocorticoïdes

• Molécules : désonide (Tridésonit, Locatop, Locapred), bétaméthasone (Betneval, Diprosone), hydrocortisone (Efficort, Locoïd), fluticasone (Flixovate)…

• Mode d’action : principalement génomique, c’est-à-dire par modulation de l’expression de certains gènes. Ils affichent des propriétés antiinflammatoires, immunosuppressives et antiprolifératives sur tous les composants cellulaires de la peau.

• Indications :

→ Les classes (voir Info+ p. 32) II (Tridésonit, Locapred) et III (Betneval, Diprosone, Locatop, Nérisone…) sont utilisées sur les plis, le visage ou les régions pileuses.La classe IV (Dermoval, Diprolène…) sur les coudes, les genoux, la paume des mains ou la plante des pieds.

→ La forme crème est préférable sur les lésions peu squameuses et dans les plis.

→ Les formes pommade et crème lipophile s’utilisent sur les lésions épaissies, hyperkératosiques.

→ Les lotions ou gels s’emploient sur toutes les régions pileuses.

Il existe également des formes spécifiques pour le cuir chevelu (shampooing : Clobex, mousse : Clarelux), ou les zones difficiles à traiter (emplâtre : Bétésil).

La posologie usuelle est d’une application par jour jusqu’à blanchiment des lésions, puis décroissance progressive.

→ Effets indésirables : principalement locaux, et observés pour des applications importantes et prolongées avec acné/rosacée, défauts de pigmentation de la peau, atrophie cutanée, vergetures, infections cutanées, possible rebond de la dermatose en cas d’arrêt brutal… Les effets indésirables systémiques restent rares et surviennent surtout en cas de traitement de grandes surfaces ou sous occlusion, insuffisance surrénalienne, déstabilisation d’un diabète…

Dérivés (ou analogues) de la vitamine D3

• Molécules : calcipotriol, seul dans Daivonex pommade ou associé à la bétaméthasone dans Daivobet gel ou pommade et Xamiol gel ; calcitriol (Silkis pommade).

• Mode d’action : stimulation de la différenciation des kératinocytes et inhibition de leur prolifération. L’effet sur le psoriasis est moins rapide que les dermocorticoïdes.

• Indications : une à deux fois par jour en fonction des spécialités. Du fait de leur bonne tolérance au long cours et de l’absence de rebond à l’arrêt, les analogues de la vitamine D sont intéressants en entretien.

• Effets indésirables : irritation cutanée avec prurit, sensation de brûlure…, notamment en début de traitement. Pour des doses élevées et/ou en cas de surdosage, une hypercalcémie est possible, réversible à l’arrêt du traitement.

Autres topiques

• Le tazarotène (Zorac gel, 0,05 % ou 0,1 %) est un rétinoïde local indiqué dans le psoriasis, mais souvent mal toléré, avec irritations, photosensibilité, dessèchement de la peau…

• Les kératolytiques (acide salicylique, urée) sont associés à des dermocorticoïdes dans plusieurs spécialités, telles Diprosalic, Localone, ou à une base grasse telle que vaseline ou cold cream dans des préparations magistrales, pour traiter des lésions très épaisses.

• Le recours à des émollients, en association et en relais des différents traitements, est recommandé (voir Conseils aux patients).

Traitements systémiques non biologiques

Acitrétine (Soriatane)

• Mode d’action : analogue de synthèse de l’acide rétinoïque (vitamine A) aux propriétés kératinolytiques mais au mécanisme exact encore mal connu. Normalisation des processus de prolifération cellulaire, de différenciation et de kératinisation de l’épiderme.

• Indication : notamment en cas de psoriasis pustuleux, à forte dose.

• Effets indésirables : essentiellement cutanéomuqueux, en général réversibles à l’arrêt du traitement mais pouvant altérer la qualité de vie. Il s’agit de chéilite (inflammation des lèvres) et fissures des commissures labiales, desquamat ions sur tout le corps, sécheres se des muqueuses, chute de cheveux, fragilité des ongles, dermites. Autres : atteinte hépatique, élévation des triglycérides et du cholestérol. Attention : molécule tératogène soumise à un programme de prévention de la grossesse (PPG, voir encadré).

• Surveillance : dosage des transaminases avant traitement, tous les quinze jours lors des deux premiers mois de traitement, puis tous les trois mois, du cholestérol total et des triglycérides sériques avant traitement, au bout d’un mois puis tous les trois mois, notamment chez les sujets à haut risque (obésité, diabète…).

• Législation : prescription initiale annuelle réservée aux spécialistes en dermatologie. Renouvellement non restreint.

Méthotrexate (Imeth, Novatrex, Metoject…)

• Mode d’action : antifolique inhibant la synthèse d’ADN, et donc la prolifération cellulaire.

• Indication : traitement systémique de référence du psoriasis et du rhumatisme psoriasique, seul ou en association aux biothérapies. La forme injectable semble plus efficace que les formes orales. Les effets indésirables sont limités par la prise d’acide folique (Spéciafoldine et génériques), en général 24 à 48 heures après et parfois plusieurs fois par semaine.

• Effets indésirables : risque infectieux, hématotoxicité (cytopénies, agranulocytose), hépatotoxicité, risque cancérigène, notamment lymphomes cutanés, troubles digestifs, aphtes, alopécie, réactions cutanées parfois graves, fibrose pulmonaire. Risque tératogène, donc poursuivre une contraception efficace durant le traitement et trois mois après l’arrêt chez la femme, cinq mois en cas de traitement chez l’homme. Les données du Centre de référence sur les agents tératogènes (sur https://lecrat.fr) sont plus souples : contraception pendant le traitement chez la femme et jusqu’à trois mois après l’arrêt chez l’homme.

• Surveillance : bilan pré-thérapeutique complet comprenant notamment un bilan rénal car la toxicité est majorée en cas d’insuffisance rénale. Surveillance hépatique et hématologique hebdomadaire puis mensuelle.

Ciclosporine (Néoral)

• Mode d’action : immunosuppresseur du groupe des inhibiteurs de la calcineurine. En particulier, limitation de la production d’interleukine 2, et donc de la réponse lymphocytaire T.

• Indication : traitement d’induction qui permet de « passer un cap », mais ne doit pas être poursuivi au long cours du fait d’une certaine toxicité, notamment rénale et vasculaire. Éviter de dépasser deux ans de traitement. La prescription est possible chez la femme enceinte.

• Effets indésirables : le plus souvent dosedépendants. Néphrotoxicité, HTA, hirsutisme, hyperplasie gingivale, troubles digestifs, fatigue, céphalées, myalgies, tremblements, hépatotoxicité, perturbations biologiques dont hyperglycémie, risque infectieux. Augmentation potentielle du risque de lymphomes et autres cancers, donc à éviter chez les patients ayant reçu de fortes doses de photothérapie.

• Surveillance : fonctions rénale et hépatique, mesure de la pression artérielle.

• Législation : prescription initiale hospitalière semestrielle.

Aprémilast (Otezla)

• Mode d’action : inhibition de la phosphodiestérase 4, une enzyme prédominante dans les cellules inflammatoires, d’où une régulation des taux des médiateurs pro-inflammatoires et anti-inflammatoires.

• Indication : en cas d’atteinte cutanée et/ou rhumatismale, efficacité modeste mais bonne tolérance et absence de surveillance. En seconde intention par rapport aux autres traitements systémiques non biologiques mais en amont des biothérapies pour éventuellement retarder leur prescription.

• Effets indésirables : surtout digestifs, avec diarrhées, nausées, céphalées, perte de poids. Idées et comportements suicidaires ont été rapportés (ANSM, 24 novembre 2016).

• Législation : prescription réservée aux spécialistes en dermatologie, en médecine interne et en rhumatologie.

Biothérapies

Médicaments d’exception à prescription initiale hospitalière annuelle réservée à certains spécialistes, et notamment dermatologues, rhumatologues, médecins internistes…, variables en fonction de la spécialité, et renouvellement restreint à ces mêmes spécialistes. Ils se conservent entre + 2 et + 8 °C.

Anti-TNF alpha

• Molécules : infliximab à l’hôpital (Remicade et biosimilaires, en intraveineux), adalimumab et étanercept en ville (Humira et Enbrel, en sous-cutané).

• Mode d’action : l’infliximab et l’adalimumab sont des anticorps monoclonaux (voir encadré à droite) se liant au TNF alpha et l’empêchant d’agir ; l’étanercept est une protéine de fusion fixant le TNF alpha circulant et l’empêchant de se fixer sur ses récepteurs membranaires.

• Effets indésirables : augmentation du risque infectieux avec tuberculose surtout à dépister avant l’instauration du traitement, infections des voies respiratoires supérieures, sinusites, infections cutanées, cystites, voire pneumonies, septicémies, réactivation d’hépatite B…, réactions au point d’injection, douleurs musculo-squelettiques, réactions allergiques, vertiges, fatigue, céphalées, prise de poids, risque potentiel de lymphomes ou de cancers cutanés (légèrement augmentés au long cours), troubles hématologiques (neutropénie, anémie…), maladie interstitielle pulmonaire. Tout signe infectieux, neurologique (confusion, fourmillements, faiblesse musculaire…) ou de décompensation d’une insuffisance cardiaque (œdème, essoufflement…) impose l’arrêt du traitement et la consultation d’un spécialiste.

• Surveillance : avant la mise en route du traitement, recherche et traitement de toute infection, sérologies virales, mise à jour des vaccinations. Ensuite, la surveillance clinique et biologique est centrée sur le risque infectieux.

Inhibiteurs d’interleukines

• Molécules : ustékinumab (Stelara), sécukinumab (Cosentyx), ixékizumab (Taltz).

• Mode d’action : inhibition des interleukines pro-inflammatoires 12 et 23 (ustékinumab) ou 17A (sécukinumab, ixékizumab).

• Effets indésirables et surveillance : ils sont globalement similaires à ceux des anti-TNF alpha, même si le recul est insuffisant pour ces molécules très récentes.

Autre traitement

Photothérapie

• L’exposition au soleil a tendance à améliorer les patients atteints de psoriasis, notamment grâce aux vertus anti-inflammatoires et immunosuppressives des UV.

• La photothérapie est un traitement loco-régional parfois proposé aux patients, par exemple durant la saison hivernale lorsque l’exposition solaire diminue. L’irradiation se fait avec des UVB à spectre étroit ou des UVA après administration d’une molécule photosensibilisante (puvathérapie, voir Info+).

• Chaque cure comprend une vingtaine de séances, à raison de plusieurs chaque semaine. Le vieillissement cutané, les atteintes oculaires et le risque de cancer sont les principaux éléments limitant la répétition des cures chez un même patient.

Conseils aux patients

Observance

Traitements locaux

• Leur observance est souvent difficile à obtenir, par lassitude, à cause de textures pas toujours très agréables, des effets indésirables ou la peur de ceux-ci avec la corticophobie (lire « Les mots pour », Porphyre n° 523, juin 2016).

• L’application se fait de préférence le soir, sur les lésions uniquement, en massant légèrement pour faire pénétrer. Bien se laver les mains, sauf en cas d’atteinte des mains, pour éviter tout contact avec le visage et les yeux.

Traitements oraux

• La contraception sous acitrétine démarre au moins quatre semaines avant le début du traitement, se poursuit pendant toute sa durée (y compris en cas d’infertilité ou d’absence d’activité sexuelle) et jusqu’à trois ans après l’arrêt. Ce délai de trois ans s’applique aussi pour tous les patients, concernant l’interdiction de donner de donner son sang. En effet, l’acitrétine est métabolisée en étrétinate, une molécule également tératogène mais qui peut être stockée pendant des mois voire des années dans le tissu adipeux.

• Attention au méthotrexate : une seule prise par semaine ! Des erreurs de prise quotidienne au lieu d’hebdomadaire ont été à l’origine de plusieurs décès (ANSM, point d’information du 14 novembre 2016). Bien noter le jour de prise sur la boîte. En cas d’oubli, prendre le traitement le plus vite possible et décaler le jour de prise hebdomadaire, plutôt que de doubler la dose suivante.

Injection sous-cutanée en pratique

Sortir le médicament du réfrigérateur 15 à 30 minutes avant l’injection, se laver les mains et désinfecter le site d’injection, à changer à chaque fois : cuisse, abdomen… et à espacer d’au moins 3 cm. Pincer la peau et piquer au sommet du pli avec l’angle indiqué par la notice, relâcher la peau et injecter lentement. Une poche de froid peut être utile avant et après l’injection. Solliciter un proche ou une infirmière si besoin. Jeter les aiguilles usagées dans un conteneur Dasri adapté.

Sous immunosuppresseurs

Sous biothérapies, méthotrexate et ciclosporine, deux points méritent une vigilance accrue : le risque infectieux et les vaccinations.

• Prévenir le risque infectieux. Appliquer les règles de bon sens : bien se laver les mains, ne pas tarder à désinfecter une plaie… Informer l’ensemble des professionnels de santé du traitement en cours. Recommander de bien faire cuire les viandes et de respecter la chaîne du froid. Tout symptôme évocateur d’une infection telle que fièvre, mais également toux, mal de gorge, rhume, signes urinaires…, impose de consulter rapidement le médecin. Sous anti- TNF alpha, suspendre l’injection en attendant d’avoir un avis médical. Enfin, un bilan buccodentaire est recommandé avant la mise en route du traitement.

• Mise à jour et contre-indications des vaccins. Tous les vaccins vivants tels que BCG, varicellezona… sont contre-indiqués durant ces traitements. Ils doivent être réalisés au moins trois semaines avant la mise en route de l’immunosuppresseur ou seulement trois mois au moins après l’arrêt du traitement. Le calendrier vaccinal doit être mis à jour avant le début du traitement immunosuppresseur. Les vaccinations contre la grippe saisonnière et le pneumocoque sont recommandées.

Automédication

• Pas d’alcool chez la femme en âge de procréer.

L’alcool favorise la transformation de l’acitrétine en étrétinate. Ce composé, dont la demi-vie est prolongée à 120 jours, expose à un risque tératogène majeur. Il faut proscrire les aliments et les médicaments à ingérer en contenant, notamment certains sirops, certaines teinturesmères… pendant le traitement et jusqu’à deux mois après l’arrêt.

• Contre les effets indésirables cutanéo-muqueux de l’acitrétine : conseiller des larmes artificielles, un spray isotonique à l’eau de mer, un baume pour les lèvres, un vernis fortifiant…

• Attention aux nombreuses interactions médicamenteuses de la ciclosporine, car cette molécule est à la fois substrat et inhibiteur du CYP3A4 et de la glycoprotéine P.

En vente libre, penser au millepertuis, puissant inducteur enzymatique, mais également aux AINS car risque de cumul de la néphrotoxicité. Ne pas consommer de jus et de fruit de pamplemousse.

• Ne pas négliger le phénomène de nomadisme médical et la recherche, parfois intense, de thérapeutiques alternatives.

Vie quotidienne

Hygiène et soins de la peau

• Prendre des douches rapides et tièdes, avec des produits adaptés aux peaux pathologiques, sans parfum, sans colorant, sans alcool… et surgras, pour ramollir les squames et favoriser leur élimination. Éviter les gommages. Un rasage très doux – manuel ou électrique – semble la meilleure solution pour ne trop agresser la peau.

• En cas de psoriasis du cuir chevelu. Conseiller des shampooings riches en agents kératolytiques, tels Kertyol PSO de Ducray, Nodé K de Bioderma, etc.

• Contre les squames dans les sourcils, appliquer une compresse tiède imbibée de sérum physiologique trois fois par jour.

• Sécher la peau en douceur par tamponnement, sans arracher les squames, qui s’élimineront d’elles-mêmes, au risque de réactiver une poussée.

• Appliquer quotidiennement un émollient sur la peau légèrement humide, idéalement le soir après la douche. Certains produits sont enrichis en agents kératolytiques : baume Iso-Urea MD de La Roche-Posay, crème Akérat 30 d’Avène…

Se protéger du soleil. Le soleil et la mer tendent à améliorer le psoriasis de certains patients. Cependant, cela ne dispense pas de recourir à une protection solaire adaptée, notamment sous traitement à risque comme la ciclosporine. Après la plage, bien se rincer et appliquer une crème hydratante.

Psychologie

• Le psoriasis est une maladie affichante et de nombreuses idées reçues existent à son sujet. Le patient peut avoir l’impression de devoir se justifier, ou au contraire de se cacher pour ne pas subir le regard des autres.

• Certaines activités deviennent parfois problématiques : sports collectifs, vie de famille, sexualité… Le patient doit être encouragé à consulter un spécialiste en cas de mal-être trop important. Orienter si possible vers une association de patients (voir En savoir +) et/ou un programme d’éducation thérapeutique.

Avec l’aimable participation du Dr Nathalie Quilès, dermatologue à l’hôpital Saint-Joseph de Marseille (13).

Info +

→ Le psoriasis touche environ 4 % de la population française, soit 3 millions de personnes(1) et autant les hommes que les femmes. Il peut apparaître à tout âge, même s’il existe des pics d’incidence dans l’enfance et avant 20 ans, autour de 30 ans, puis autour de 50 ans.

(1) Étude « Objectif peaux » 2017, Société française de dermatologie (SFD).

Dico +

→ Le phénomène de Koebner est le développement d’une plaque de psoriasis à l’endroit d’un traumatisme cutané, même minime : égratignure, plaie, irritation…

Info +

→ Chez le petit enfant, les traitements locaux sont privilégiés.

Chez le plus grand et l’ado, les traitements systémiques sont initiés par des centres spécialisés et particulièrement encadrés, en raison de leur toxicité à plus ou moins long terme. Les biothérapies sont peu utilisées par manque de recul mais l’adalimumab, l’étanercept et l’ustékinumab sont respectivement indiqués dès 4, 6 et 12 ans d’après les RCP.

Témoignage
Nathalie Fossati, 47 ans, déléguée régionale de l’association France Psoriasis, Marseille (13).

“La gêne esthétique est majeure”

« La maladie a démarré autour de 12 ans au niveau du cuir chevelu. Après plusieurs années de répit, j’ai développé un psoriasis en plaques vers 25 ans. Les lésions du cuir chevelu sont revenues, avec en plus une atteinte des ongles et du psoriasis en gouttes. Je suis surveillée pour ne pas qu’on passe à côté d’un rhumatisme psoriasique, car j’ai déjà ressenti des douleurs… Aujourd’hui, la maladie ne s’étend plus. J’ai des traitements locaux et j’ai suivi plusieurs cures thermales qui m’ont permis de stabiliser la maladie, mais ce n’est pas simple tous les jours. Avec les squames, on ne peut pas s’habiller comme on veut, il y en a partout dans la maison. Les démangeaisons sont parfois intenses et les lésions font mal. La gêne esthétique est majeure surtout quand on rencontre beaucoup de monde, dans le cadre du travail par exemple. Les gens pensent encore parfois que c’est une maladie contagieuse ! »

Traitement du rhumatisme psoriasique

Le traitement est personnalisé et progressif selon la réponse, à l’image de la forme cutanée : d’abord des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), puis méthotrexate (MTX) si échec, puis biothérapie et enfin parfois MTX + biothérapie.

→ Symptomatique : antalgiques avec des propriétés anti-inflammatoires (AINS, infiltrations de corticoïdes).

→ De fond : certains médicaments possèdent la double indication psoriasis cutané/rhumatisme psoriasique (méthotrexate ; anti-TNF alpha : infliximab à l’hôpital, adalimumab, étanercept ; inhibiteurs des interleukines : ustekinumab anti-IL-12 et anti-IL-23, sécukinumab anti-IL-17A ; apremilast), d’autres sont indiqués uniquement dans le rhumatisme (anti-TNF alpha : certolizumab ou Cimzia, golimumab ou Simponi ; autres immunosupresseurs : léflunomide ou Arava). Des bithérapies sont possibles, notamment méthotrexate + biothérapie.

→ Non médicamenteux : séances de kinésithérapie, port d’attelles, ergothérapie, voire chirurgie.

Conseils au patient : une activité physique, même modérée, permet de garder la mobilité des articulations et peut même avoir un effet antalgique. Acupuncture, cures thermales… sont utilisables. Un soutien psychologique est nécessaire, notamment lorsque le rhumatisme impacte sur la vie socio-professionnelle (reclassement, invalidité, arrêt d’un sport…) ou affective (difficultés pour s’occuper de ses enfants…).

Contre-indications médicales des médicaments (hors hypersensibilité)

→ Dermocorticoïdes : dermatoses infectieuses ou surinfectées, lésions ulcérées, acné/rosacée.

→ Dérivés de la vitamine D : hypercalcémie.

→ Tazarotène : grossesse et allaitement. Molécule tératogène imposant la mise en place d’une contraception efficace chez les femmes en âge de procréer.

→ Acitrétine : femme enceinte ou allaitante, en âge de procréer sauf si toutes les conditions requises par le « programme de prévention de la grossesse » sont remplies ; insuffisance hépatique ou rénale sévère, hypervitaminose A, hyperlipidémie.

→ Méthotrexate : insuffisance rénale sévère, atteinte hépatique sévère, insuffisance respiratoire chronique, alcoolisme, atteinte hématologique préexistante, grossesse et allaitement, syndrome d’immunodéficience acquise (sida) et autres infections sévères aiguës ou chroniques.

→ Aprémilast : grossesse.

→ Biothérapies : infection active sévère, dont tuberculose, insuffisance cardiaque modérée à sévère (adalimumab).

Acitrétine et femme en âge de procréer

→ Délivrance : il faut une ordonnance d’un mois non renouvelable devant dater de moins de sept jours et accompagnée d’un carnetpatiente dûment complété.

→ Lors de la première prescription, signature de l’accord de soins et de contraception ; mise en place d’au moins une méthode de contraception efficace depuis au moins un mois ; évaluation du niveau de compréhension de la patiente ; date et résultat du test de grossesse datant de moins de trois jours.

→ Lors des prescriptions suivantes, la contraception efficace doit être poursuivie et les date et résultat du test de grossesse sanguin datant de moins de trois jours, vérifiés.

Info +

→ Classes de dermocorticoïdes

Classification internationale : classe I = activité faible, classe II = activité modérée, classe III = activité forte, classe IV = activité très forte. Dans la classification française encore parfois utilisée, la classe I devient celle d’activité très forte, la classe IV celle d’activité faible.

Info +

→ La puvathérapie est une technique de photothérapie. Elle signifie l’administration d’une molécule photosensibilisante (lettre P) avant l’administration des UVA (UVA thérapie), d’où le terme puvathérapie.

Anticorps monoclonaux

→ Un anticorps monoclonal (suffixe -mab : « monoclonal antibody ») est un groupe homogène d’anticorps issus d’un seul clone de lymphocytes B et dirigés contre un antigène unique.

→ On distingue les anticorps murins (= issus de la souris ou du rat en laboratoire) avec le suffixe -omab, chimériques murinshumains (-ximab), humanisés (-zumab) et entièrement humains (-umab). L’humanisation progressive a notamment permis d’augmenter l’efficacité et la tolérance, tout en diminuant le risque d’immunisation du patient. Concrètement, le patient tend à moins s’immuniser contre les anticorps humains. Contre les murins, comme c’est très différent de lui, le patient peut développer une réponse immunitaire et sécréter des anticorps antianticorps monoclonaux. Avec les anticorps humains, le risque existe mais il est réduit.

En savoir +

→ Association France Psoriasis (ex-Association pour la lutte contre le psoriasis) aide les patients et les familles à mieux vivre leur maladie au quotidien et souhaite faire reconnaître le fardeau de la maladie psoriasique. Sur francepsoriasis.org

À RETENIR

→ Le psoriasis est une dermatose inflammatoire chronique caractérisée par un renouvellement accéléré de la peau et à l’expression clinique variable.

→ La forme la plus fréquente est le psoriasis en plaques, avec des lésions érythématosquameuses sur les coudes, les genoux, la région lombosacrée et les faces d’extension des membres. D’autres zones du corps peuvent être atteintes : le cuir chevelu, les ongles, les mains et les pieds, les plis… Au-delà de l’atteinte cutanée, un rhumatisme peut apparaître.

→ Le psoriasis est multifactoriel. Il est à la fois dû à des prédispositions génétiques et à des facteurs environnementaux tels que des infections, certains médicaments, le stress…

→ Les traitements, nombreux, s’adaptent à chaque patient, et notamment à la sévérité de la pathologie (étendue ou altération de la qualité de vie) : locaux, oraux, voire injectables, photothérapie. De nombreuses mesures hygiéno-diététiques les accompagnent, par exemple l’hydratation cutanée quotidienne.

→ Les biothérapies sont efficaces mais augmentent le risque infectieux, d’où une vigilance accrue de la part du patient et des professionnels de santé.

→ On constate souvent une dégradation importante de la qualité de vie au quotidien, notamment sur les plans intime, social et professionnel.

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


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