Comment éviter le choc toxique menstruel ? - Porphyre n° 536 du 03/09/2017 - Revues
 
Porphyre n° 536 du 03/09/2017
 

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Décryptage

Auteur(s) : Christine Julien

Malgré une hausse du nombre de déclarations depuis 1990, une étude du Centre national de référence des staphylocoques montre que les tampons périodiques et les coupes utilisés en période de règles ne favorisent pas le choc toxique menstruel.

Qu’est-ce qu’un choc toxique menstruel ?

C’est une maladie infectieuse liée à certaines souches bactériennes de staphylocoques dorés, Staphylococcus aureus, productrices d’une toxine responsable du choc. Un S.aureus sur cinq possède le gène codant cette toxine.

Quel est son mécanisme ?

Lorsqu’une femme colonisée au niveau vaginal avec la souche de staphylocoque producteur de la toxine utilise une protection périodique intravaginale, tampon ou cup, le fluide menstruel reste bloqué à 37 °C. Le S.aureus utilise les nutriments apportés par ce fluide et se multiplie. Lorsque sa concentration atteint environ 108 par ml, il fabrique la toxine, qui traverse la paroi vaginale. Une fois dans le sang, la toxine active les leucocytes, entraînant une inflammation massive de l’organisme et la survenue du choc.

Quels sont les signes cliniques ?

Les premiers sont peu spécifiques : sensation de malaise, fièvre, syndrome grippal, ou « gastro », avec nausées, vomissements, céphalées, puis sensation de faiblesse dans les jambes avant l’hypotension sévère. Le signe très évocateur est une éruption cutanée comme un coup de soleil. Sans prise en charge, le pronostic vital peut être mis en jeu.

Quelle est l’implication du tampon ou d’une cup ?

Ces dispositifs bloquent le fluide menstruel. « Pour que S.aureus se multiplie, il a besoin de nutriments et de temps. Plus un tampon est gardé longtemps, plus la bactérie a de chances de se multiplier », précise le Pr Lina, responsable de l’étude (voir plus loin). Beaucoup de S. aureus sont absorbés par le tampon, d’où une charge bactérienne importante. Enfin, le sang des règles « tamponne » le pH acide du vagin pour le ramener autour de 7, favorable à la croissance de S.aureus.

Mais la cup n’absorbe pas le sang ?

Oui, mais la nuit le sang n’est plus collecté et reste au niveau de la paroi vaginale. « Car la femme est en position horizontale ». Le sang dépasse le réceptacle de la cup. Un cas avec cup a été décrit au Canada et un autre en France en 2015 (non publié).

Et avec une serviette périodique ?

Le fluide vaginal contaminé par le staphylocoque est éliminé naturellement et recueilli au niveau de la serviette à l’extérieur. « Même s’il y a une production de toxine, elle aura plus de mal à passer dans l’organisme »(1).

Les protections internes sont-elles en cause dans la hausse des déclarations ?

Non. Le Centre national de référence des staphylocoques des Hospices civils de Lyon a collecté près de 700 protections vaginales usagées fin 2016. Celles testées (Tampax, o.b, Be’Cup et Meluna…) ne stimulent pas la prolifération d’une souche de staphylocoque doré productrice de la toxine incriminée.

Pourquoi Staphylococcus aureu s fabrique-t-il la toxine ?

Une personne sur trois et en bonne santé est porteuse de S.aureus, le plus souvent de façon transitoire : nez, tube digestif, périnée, vagin. Dans l’étude, 4 à 5 % des femmes étaient porteuses de la souche productrice de toxine mais « heureusement, très peu font des chocs. Donc, d’autres éléments interviennent ou pas dans sa survenue ». Les hypothèses actuelles s’orientent vers des modifications de la flore vaginale ou l’alimentation, mais le mécanisme semble multifactoriel. D’autres études sont d’ailleurs en cours.

Que dire aux femmes ?

« Déjà, ne pas s’affoler car le choc toxique menstruel est très rare. Ce qui est important, c’est l’éducation à l’emploi des protections périodiques », en ciblant les nouvelles utilisatrices et les femmes qui, faute de temps ou d’endroit pour le faire, les gardent longtemps. Préconiser de les changer toutes les quatre à six heures . Éviter ce mode de protection la nuit. Et être à l’écoute de son corps. Avoir le réflexe d’enlever le tampon ou la cup et de mettre une serviette en cas d’apparition de signes (voir plus haut). Pour la cup, l’idéal est de bien la nettoyer en la faisant bouillir pour enlever le biofilm(2) et d’en avoir deux. « Il n’y a pas de données scientifiques suffisantes pour préconiser des compléments alimentaires avec des lactobacillus, ni des tampons imprégnés », complète le Pr Lina.

(1) De rares cas de chocs toxiques ont été décrits avec serviette, mais douteux selon le Pr Lina.

(2) Amas structurés de cellules bactériennes enrobés d’une matrice polymérique et attachés à une surface qui protège les bactéries.

NOTRE EXPERT INTERROGÉ

Pr Gérard Lina, médecin, responsable de la recherche sur le choc toxique menstruel au Centre national de référence (CNR) des staphylocoques à Lyon (69), président de la Société française de microbiologie (SFM).

Repères

Choc toxique menstruel

→ Nombre de cas en France : 0 en 1990, 1 en 1994, 2 en 1999, 5 en 2004, 19 en 2011, 22 en 2014, 19 en 2016 (source : CNR Lyon).

→ incidence dans le monde : entre 1 pour 100 000 et 1 pour 1 000 000 de femmes porteuses de la souche incriminée.

→ Années 1980 : retrait du marché aux États-Unis du tampon Rely, qui multipliait par 10 la croissance et la production de toxine (un composant, le polyacrylate relarguait des ions).

→ 1998 : une Américaine, Robin Danielson, décède d’un choc toxique lié aux règles.

→ 2012 : un mannequin américain perd une jambe.

→ 2016 : en France, une étudiante lance une pétition pour que Procter & Gamble indique la composition sur les boîtes de Tampax.

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