Le syndrome de l’intestin irritable - Porphyre n° 535 du 31/08/2017 - Revues
 
Porphyre n° 535 du 31/08/2017
 

Savoir

Le point sur…

Auteur(s) : Nathalie Belin

La colopathie fonctionnelle est un syndrome fréquent, dont le retentissement sur la qualité de vie des patients peut être majeur. La prise en charge associe mesures hygiéno-diététiques et traitements symptomatiques.

Qu’est-ce que c’est ?

• Le syndrome de l’intestin irritable (SII), aussi appelé colopathie fonctionnelle ou troubles fonctionnels intestinaux, est caractérisé par des douleurs abdominales chroniques associées à des troubles du transit.

• Il affecte 5 à 10 % de la population et deux fois plus souvent la femme que l’homme. Il est en général diagnostiqué vers 30-40 ans.

Quelles sont les étiologies ?

L’origine du trouble est multifactorielle.

• Troubles de la motricité intestinale : une augmentation des contractions intestinales est observée chez les patients souffrant de SII.

• Troubles de la sensibilité intestinale : des perturbations neuronales modifient les échanges intestin-cerveau, d’où une perception inconfortable ou douloureuse de phénomènes digestifs physiologiques normaux.

• Inflammation : il existe parfois une réaction inflammatoire chronique de la paroi intestinale, avec infiltration de lymphocytes et mastocytes, même si celle-ci est bien moindre que dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (Crohn et rectocolite hémorragique).

• Un déséquilibre prolongé de la flore intestinale, ou microbiote, pourrait favoriser une réaction inflammatoire locale.

• Autres : l’exposition répétée au stress semble associée à des symptômes plus sévères. Une plus forte prévalence de troubles anxio-dépressifs est aussi observée chez ces patients, comme une aggravation de l’inconfort digestif après ingestion de certains aliments.

Quels sont les signes ?

Des douleurs abdominales et des modifications du transit sont systématiquement présentes, à des degrés variables.

• Douleur abdominale : d’une simple gêne à très gênante, elle peut toucher tout l’abdomen.

• Troubles du transit : constants, ils peuvent se manifester par une constipation (moins de trois selles par semaine et/ou troubles de l’évacuation), une diarrhée, ou l’alternance des deux.

• Un ballonnement intestinal est aussi fréquent. C’est le deuxième motif de consultation après les douleurs abdominales.

• D’autres symptômes sont parfois rapportés : pesanteur gastrique, voire signes extra-digestifs dans les formes sévères, avec céphalées, fatigue… Ces signes évoluent de façon chronique, avec des épisodes d’exacerbation. Le retentissement sur la qualité de vie peut être important.

Comment le diagnostiquer ?

• Le diagnostic est clinique. Il repose sur la présence d’une douleur abdominale évoluant depuis au moins six mois ou présente au moins un jour par semaine les trois derniers mois, et associée à au moins deux des critères suivants : une douleur abdominale en relation avec la défécation, ou une modification de la fréquence des selles ou de leur consistance.

• Ces critères permettent de distinguer trois formes cliniques de SII : à constipation prédominante, à diarrhée prédominante, avec alternance de diarrhée-constipation. Certains patients toutefois ne présentent pas de symptômes « typiques » permettant de les « rattacher » à ces formes.

• Le bilan biologique standard, avec numération formule sanguine et protéine C réactive ou CRP (voir Dico+) est normal et élimine atteinte organique, anémie ou syndrome inflammatoire. Dosage de la TSH, coproculture, recherche d’anticorps de l’intolérance au gluten… peuvent être proposés en cas de diarrhée chronique, pour éliminer hyperthyroïdie, diarrhée infectieuse, intolérance au gluten, qui peut être plus fréquente chez les patients avec SII.

• Des signes d’alarme font réaliser d’autres explorations, dont une coloscopie : sang dans les selles, amaigrissement, apparition ou modification persistante de symptômes, notamment chez les plus de 50 ans, en cas d’antécédents familiaux de cancers colorectaux, anémie.

Quelle est la prise en charge ?

Elle associe règles hygiéno-diététiques et médicaments symptomatiques pour améliorer les douleurs abdominales et les troubles du transit, voire une prise en charge psychologique.

• Mesures hygiéno-diététiques. Elles reposent sur des conseils simples de bon sens :

→ repas à heures fixes, dans le calme, avec une mastication suffisante ;

→ éviter grignotages et repas trop copieux ou riches en graisses, qui aggravent les troubles ;

→ limiter l’alcool et le café ;

→ moins de fibres limite ballonnements et diarrhée. En cas de constipation prédominante, elles ont toutefois un effet bénéfique. Un régime varié est dans tous les cas recommandé ;

→ réduire l’apport en sucres fermentescibles ou FODMAPs (Fermentable Oligo-, Di-, Monosaccharides and Polyols, voir Dico+ et tableau) pour améliorer les ballonnements.

• Médicaments. Il peut être nécessaire d’en tester plusieurs et d’en changer avec le temps.

→ Contre les douleurs abdominales et les ballonnements : antispasmodiques musculotropes (trimébutine, pinavérium, mébévérine, phloroglucinol…), seuls ou associés à la siméticone (Météospasmyl) ou à des pansements gastrointestinaux (montmorillonite, attapulgite…).

→ En cas de constipation : privilégier les laxatifs de lest type ispaghul, psyllium, sterculia, macrogols, moins objets de fermentation contrairement aux polyols type sorbitol, lactulose…

→ En cas de diarrhée : un ralentisseur du transit type lopéramide peut être utilisé à dose minimale pour ne pas favoriser une constipation.

→ En cas d’échec : antidépresseurs tricycliques et inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine hors AMM et sur avis spécialisé agissent sur la composante neuropathique de la douleur.

• Probiotiques. Ils tiennent une place de plus en plus importante (voir interview).

• Autres. Faute d’efficacité suffisante des traitements conventionnels, les patients recourent à des thérapies alternatives. L’hypnose, la mieux évaluée, semble améliorer significativement certains patients. Ostéopathie, sophrologie, acupuncture… pourraient être bénéfiques.

Quels conseils donner ?

• Encourager une activité physique régulière car elle semble jouer un rôle bénéfique.

• Essayer des suppressions et réintroductions progressives d’aliments, mais attention aux larges exclusions, sources de carences. L’avis d’un diététicien est recommandé.

→ Privilégier les fibres solubles - psyllium, ispaghul, avoine, orge… -, mieux tolérées que les insolubles - blé, son de blé, épeautre… -, qui aggravent les ballonnements. Et un apport progressif.

Avec la collaboration du Pr Jean-Marc Sabaté, gastro-entérologue à l’hôpital Avicenne, Bobigny (93).

Dico+

→ Protéine C réactive ou CRP : synthétisée surtout par le foie, marqueur d’une inflammation mais non spécifique d’une pathologie.

→ FODMAPs : sucres fermentescibles (fructose, polyols…), lentement absorbés dans l’intestin grêle et servant de substrats à la fermentation bactérienne colique.

L’avis du spé
“Une souche peut être efficace chez l’un et pas chez l’autre”

Pr Jean-Marc Sabaté,

gastro-entérologue à l’hôpital Avicenne (Bobigny, 93).

Quels sont les probiotiques efficaces ?

Il est difficile de connaître l’efficacité d’une souche par rapport à une autre car il existe peu d’études de bonne qualité méthodologique. Les produits finis n’ont pas toujours été étudiés chez l’homme ou l’animal. De plus, on ne peut pas extrapoler les résultats d’une souche à l’autre. On sait même que si l’une peut être bénéfique, elle ne l’est plus forcément, associée à d’autres, dans une même formule. Et les concentrations les plus fortes ne sont pas toujours les plus efficaces ! Enfin, l’efficacité est souvent jugée sur des critères globaux ou isolés, douleur abdominale par exemple, mais le profil des patients, à tendance diarrhéique ou constipé, est peu pris en compte… Malgré tout, certaines souches ont fait l’objet d’études randomisées versus placebo, c’est le cas de Bifidobacterium infantis 35624 et de certaines souches de Bifidobacterium animalis.

Comment les conseiller en pratique ?

Un complément alimentaire peut être efficace chez un patient et pas du tout chez un autre, donc il peut être nécessaire d’en essayer plusieurs. La cure est d’un mois minimum. En l’absence d’amélioration, orienter vers une autre formule. Si les symptômes s’améliorent, poursuivre trois à quatre mois, voire plus car, en général, dès qu’on arrête, le bénéfice observé disparaît. On manque de données sur leurs effets indésirables possibles au long cours mais ils semblent bien tolérés. Par prudence, les déconseiller chez les immunodéprimés.

En savoir +

→ Livre

Intestin irritable, les raisons de la colère, Pr Jean-Marc Sabaté, Ed. Larousse, 2016.

→ Association des patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable (Apssii) : www.apssii.org

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