Le cancer du col de l’utérus - Porphyre n° 534 du 28/06/2017 - Revues
 
Porphyre n° 534 du 28/06/2017
 

Savoir

La patho

Auteur(s) : Florence Leandro

Ce cancer touche la muqueuse recouvrant le col de l’utérus. Il est dû à certaines formes de Papillomavirus humains. C’est un cancer qui évolue très lentement et pour lequel il existe deux moyens de prévention, la vaccination et le frottis cervico-utérin. Il se traite par chirurgie, chimiothérapie et/ou radiothérapie.

La maladie

Rappels

Anatomiques

• Le col de l’utérus est la partie inférieure et étroite de l’utérus reliant le vagin et l’utérus. C’est par lui que les spermatozoïdes gagnent l’utérus pour féconder - ou pas - un ovocyte. Lors de l’accouchement, le col se dilate pour permettre le passage du bébé.

• De 2 cm environ de long et surtout constitué de tissu conjonctif et de muscles, le col est divisé en deux parties principales :

→ l’endocol : la partie interne qui tapisse le canal menant à l’utérus ;

→ ’exocol : partie externe du col, ronde et semblable à une lèvre et qui avance dans le vagin. Le canal endocervical est le passage allant de l’utérus au vagin.

• Les principaux types de cellules du col sont :

→ les cellules cylindriques : ces cellules glandulaires tapissent le canal endocervical et fabriquent du mucus ;

→ les cellules malpighiennes, plates et minces, tapissent l’exocol et le vagin.

• La région du col de l’utérus où les cellules malpighiennes rejoignent celles cylindriques est appelée jonction pavimento-cylindrique, ou zone de transformation, puisque les grandes cellules cylindriques se transforment constamment en cellules malpighiennes, en particulier à la puberté et en période de fécondité. Les changements précancéreux et la plupart des cancers du col de l’utérus prennent naissance dans cette zone de transformation.

Sur l’oncogenèse

Un cancer a toujours pour origine une mutation génétique, héritée (prédispositions familiales) ou induite par l’environnement. L’oncogenèse (du grec ontos = tumeur) est l’ensemble des mécanismes et des facteurs à l’origine de la transformation d’une cellule normale en cellule tumorale. Cette cellule modifiée perd ses caractéristiques, notamment la capacité d’apoptose (voir Dico+), et devient immortelle.

États pré-cancéreux et phase initiale du cancer

• Hyperplasie : cette cellule transformée prolifère de façon exagérée, faisant apparaître une hyperplasie, un tissu avec un nombre élevé de cellules, ou tumeur (= enfler) bénigne..

• Dysplasie : dans ce trouble du développement, des cellules perdent tout ou en partie leurs fonctions originelles et deviennent anormales.

• Cancer in situ : la tumeur grandit mais ne franchit pas l’épithélium. C’est un carcinome in situ. C’est en général à ce stade qu’une ablation clinique prophylactique est effectuée car le risque d’évolution vers un cancer invasif est bien plus élevé qu’aux stades antérieurs.

Stades cancéreux

• Tumeur maligne : quand le carcinome devient invasif, c’est le premier stade cancéreux invasif. La tumeur, alors dite « maligne », envahit les tissus environnants. Elle peut se déplacer dans le corps à plus ou moins longue distance et dans différents organes, via les vaisseaux sanguins, lymphatiques ou les nerfs. Elle possède éventuellement un potentiel métastatique.

• Cancer métastatique : dernier stade cancéreux.

Les cellules cancéreuses ont acquis la capacité de se propager et d’atteindre de nouveaux organes, qu’elles vont envahir (foie, os, poumons, cerveau, reins). Elles quittent la tumeur primitive (ou primaire), survivent dans la circulation san guine, pour aller former de nouveaux foyers tumoraux, les métastases (« déplacement », « changement » en grec).

Types de cancer

Il y a quatre grandes familles de cancers selon la nature du tissu dans lequel ils se développent.

• Les carcinomes ou épithélioma désignent une tumeur maligne développée à partir des tissus épithéliaux, avec :

→ les carcinomes épidermoïdes ou pavimenteux ou malpighiens : sur la peau, les voies aérodigestives supérieures, le col utérin, l’oesophage ;

→ les carcinomes glandulaires ou cylindriques ou adénocarcinomes : ils naissent à partir des muqueuses glandulaires (bronches, muqueuse digestive, endomètre, sinus de la face) ou des glandes (sein, prostate, thyroïde, pancréas, ovaire, rein, foie).

• Les sarcomes grandissent aux dépens du tissu conjonctif, surtout les tissus mous (muscle, graisse, vaisseaux sanguins) : ostéosarcome (os), rhabdomyosarcomes (muscles striés)…

• Les cancers hématopoïétiques affectent un organe producteur d’éléments du sang : leucémies touchant la moelle osseuse et lymphomes (organes du système lymphatique).

• Les cancers neuroectodermiques se développent à partir de cellules nerveuses (médulloblastomes du cervelet, astrocytomes…).

La plupart des cancers sont solides, c’est-à-dire qu’ils se présentent sous forme d’une masse de cellules cancéreuses, ou tumeur maligne, par opposition aux cancers hématopoïétiques.

Définition de la maladie

Le cancer du col de l’utérus est un cancer solide qui touche la muqueuse recouvrant le col de l’utérus.

• Environ 85 % sont des carcinomes épidermoïdes se développant à partir de l’épithélium malpighien de l’exocol.

• 15 % sont des adénocarcinomes, prenant naissance dans l’épithélium glandulaire de l’endocol.

Épidémiologie en France(1)

• Le nombre de nouveaux cas de cancers du col de l’utérus en 2015 dans notre pays est estimé à 2 797, et celui des décès à 1 092.

• En 2012, l’âge moyen au diagnostic est de 51 ans et celui au décès est de 64 ans. La survie nette moyenne est de 66 % à cinq ans et de 59 % à dix ans.

Le Dr Jean-Claude Darmon, chirurgien cancérologue à l’Institut du sein et de chirurgie gynécologique à Avignon (84), note « l’existence d’une discordance Nord-Sud. Dans les pays en voie de développement, le cancer du col est un véritable problème de santé publique. Dans des pays comme la France, les chiffres sont en baisse du fait de la mise en place de mesures de prévention, et le cancer du col de l’utérus est une bataille en voie d’être gagnée ». Le cancer du col est ainsi le quatrième cancer le plus fréquent chez les femmes dans le monde, mais « seulement » le onzième en France.

Étiologie

• Le principal facteur de risque identifié dans la genèse de ce cancer est l’infection persistante par certains Papillomavirus humains ou HPV pour Human Papillomavirus. Parmi les quelque 120 types que compte le genre Papillomavirus, environ 80 sont humains et 40 se retrouvent dans les voies génitales. La plupart sont dits « à bas risque » (6,11…). Ils sont responsables de lésions bénignes, et notamment de condylomes (voir encadré ci-dessous). Les autres, 15 en tout, sont oncogènes et dits « à haut risque », avec principalement des types 16 et 18, responsables de 70 % des cancers du col.

• Par contre, « l’infection est nécessaire mais non suffisante pour développer la maladie », explique le Dr Darmon. 80 % des femmes sont infectées par un ou plusieurs HPV au cours de leur vie, mais toutes ne développeront pas un cancer du col !

• Il existe d’autres facteurs de risque : les caractéristiques du virus, c’est-à-dire son type, sa charge virale (voir Dico+ p. 26) et l’intégration ou non de son génome dans la cellule hôte, les caractéristiques du système immunitaire de l’individu, des facteurs environnementaux comme le tabagisme, la multiparité (voir Dico+), l’usage prolongé de contraceptifs oraux, des facteurs nutritionnels (malbouffe, carences, surpoids…), le comportement sexuel.

Une femme ayant eu ses premiers rapports assez jeune, puis des partenaires multiples et/ou d’autres infections sexuellement transmissibles a davantage de risques de développer un cancer du col de l’utérus.

Développement de la maladie

Ce cancer évolue selon un mode tout à fait particulier. Son développement est très lent. « Le délai entre le moment de l’infection et la déclaration de la maladie cancéreuse est d’environ dix ans, voire plus, ce qui laisse le temps d’agir et de modifier l’histoire naturelle de la maladie », explique le Dr Darmon.

L’infection peut même disparaître toute seule, selon un mécanisme appelé clairance, ou persister, et ce à tous les stades évolutifs de la maladie précancéreuse.

Contamination

La transmission sexuelle du virus est le principal mode de contamination. Celle-ci se produit souvent dès le début de la vie sexuelle, « voire avant ! Les ados se contaminent les uns les autres, par simple contact humain », explique le Dr Darmon. La contamination peut se faire « sans pénétration », à la faveur de micro-lésions cutanéo-muqueuses, voire de contact avec des surfaces ou objets contaminés. Le spécialiste remarque « une persistance accrue du virus chez les jeunes femmes ». Cette persistance de l’infection est le principal facteur de risque des lésions précancéreuses.

Lésions pré-cancéreuses

Le plus souvent, le virus HPV infecte des cellules de l’épithélium malpighien, qui deviennent anormales et prolifèrent.

• Les lésions correspondantes sont appelées néoplasies cervicales intraépithéliales, ou CIN pour Cervical intraepithelial neoplasia, lésions préinvasives, ou tout simplement dysplasies.

• En fonction du degré d’atteinte de l’épithélium initial, les CIN sont dites légères (CIN1), moyennes (CIN2) ou sévères (CIN3).

• Une seconde classification, tout autant utilisée, distingue les lésions de bas grade CIN1 de celles de haut grade CIN2 et CIN3. Les lésions CN1 régressent dans plus de la moitié des cas. Les lésions CIN2 et CIN3 décroissent moins souvent et risquent plus fortement d’évoluer vers un cancer.

Cancer in situ à invasif

Les cellules malades envahissent tout l’épithélium. Le cancer est dit in situ dans sa forme la plus précoce, et invasif lorsqu’il franchit la membrane basale qui sépare l’épithélium du tissu conjonctivo-vasculaire sous-jacent. Il touche alors plus profondément la muqueuse du col utérin.

Signes cliniques

• L’infection par le HPV est asymptomatique. De même, il n’y a en général pas de signes d’infection persistante, ni d’évolution vers des lésions précancéreuses.

• Par la suite, les symptômes développés sont non spécifiques : saignements gynécologiques anormaux en dehors des règles, après un rapport sexuel, pendant la ménopause… leucorrhées, dyspareunies (voir Dico+), troubles divers au moment d’uriner ou de déféquer, avec gêne, douleurs, présence de sang…, douleurs lombaires, pertes vaginales plus abondantes…, voire symptômes extra-gynécologiques dans les formes les plus avancées, avec fatigue, perte d’appétit et de poids, fièvre, douleurs…

Diagnostic

Plusieurs étapes

• Confirmer. Le plus souvent suite à un examen clinique et/ou à un frottis cervico-utérin (voir p. 29) anormaux, « on réalise une colposcopie, un examen très simple qui consiste à explorer le col avec une grosse loupe », explique le Dr Darmon. Des réactions simples de coloration sont réalisées dans le même temps pour mettre en évidence les cellules saines ou malades. La biopsie et l’examen anatomopathologique confirment le diagnostic de cancer et précisent l’histologie des lésions.

Préciser l’étendue. L’examen de référence est l’IRM, parfois complété par d’autres explorations. La classification Figo (Fédération internationale de gynécologie et d’obstétrique) de 2009 propose de classer les cancers des stades I (tumeur strictement limitée au col) à IV (extension jusqu’à la vessie ou au rectum, métastases plus éloignées). « En France, on ne dispose pas de registre national pour étudier les cas en fonction du stade, mais seulement du registre des décès », regrette le Dr Darmon. Aux États-Unis, par exemple, plus d’un tiers des cas sont à un stade avancé.

• Choisir le traitement. Le bilan pré-thérapeutique repère des contre-indications à certains traitements.

Réunions de concertation

Une fois le diagnostic posé, un dispositif spécifique encadre l’annonce à la patiente. Le choix des traitements se fait lors de réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) entre spécialistes : gynécologue, chirurgien… La patiente reçoit un protocole personnalisé de soins exposant les modalités du traitement. Elle bénéficie d’une prise en charge à 100 % au titre de l’affection de longue durée (ALD) 30, « cancer invasif du col utérin ». Le médecin traitant doit être impliqué à chaque étape de la maladie.

Suivi médical

Une fois le traitement effectué, le suivi dépend de chaque patiente, mais repose en général sur des consultations médicales, complétées si besoin par des examens biologiques ou d’imagerie tous les quatre mois pendant deux ans, puis tous les six mois pendant trois ans, puis annuellement.

Son traitement

Objectifs

Pour les stades débutants, notamment celui Ia avec tumeur microscopique, « la guérison est la règle », assure le Dr Darmon. Par contre, « les chiffres de survie se dégradent très vite après ». Ainsi, la survie globale à cinq ans d’un stade IV est de seulement 20 %. L’objectif n’est alors plus la guérison mais plutôt le ralentissement de la progression tumorale, la diminution des symptômes et l’amélioration de la qualité de vie.

Stratégie thérapeutique

En cas de lésions précancéreuses

D’abord primum non nocere, c’est-à-dire ne pas nuire.

• Lésions de bas grade : une simple surveillance suffit, notamment si la femme est jeune et souhaite des enfants plus tard. La guérison spontanée est encore possible. « On se laisse dix-huit mois, voire plus, avant d’envisager un traitement », explique le Dr Darmon.

• Lésions de haut grade : pas d’urgence non plus. Une conisation est souvent proposée. Cette intervention chirurgicale très rapide consiste à retirer une partie du col de l’utérus, en réalisant une découpe en forme de cône. La conisation a un rôle diagnostique, en complétant de manière exhaustive la biopsie, et thérapeutique.

Traiter le cancer en fonction du stade

Il n’y a « pas de grande nouveauté, on retrouve les trois grandes familles chimiothérapie, radiothérapie et chirurgie », remarque le Dr Darmon. Les stades débutants, avec des tumeurs de moins de 4 cm, sont traités le plus souvent par chirurgie. Les stades intermédiaires, avec tumeurs de plus de 4 cm et/ou propagation au petit bassin ou pelvis (vessie, rectum), bénéficient d’une radiochimiothérapie concomitante. Les stades métastatiques sont traités par de la chimiothérapie et/ou de la radiothérapie. La participation à des essais cliniques est possible.

Chirurgie

• Il s’agit le plus souvent de retirer l’utérus, les paramètres, tissus fibreux se comportant comme des ligaments de part et d’autre de l’utérus, et le haut du vagin dans le cadre d’une colpohystérectomie élargie par voie abdominale ou vaginale. Un curage ganglionnaire, c’est-à-dire le retrait des ganglions lymphatiques du pelvis, est parfois nécessaire.

• D’autres types d’intervention sont possibles, notamment des méthodes plus conservatrices pour les femmes souhaitant des enfants et dont la tumeur est de petite taille : conisation (voir plus haut) ou trachélectomie, c’est-à-dire le retrait du col utérin, plus ou moins élargie.

Radiothérapie

Deux techniques cohabitent

• La radiothérapie externe vise à irradier la tumeur avec des rayons ionisants fabriqués par un accélérateur de particules.

• La curiethérapie, ou radiothérapie interne, consiste à introduire des éléments radioactifs, c’est-à-dire producteurs de rayonnements ionisants, à l’intérieur de l’organisme.

Les deux types de radiothérapie sont parfois utilisés successivement, voire associés à la chimiothérapie lors de la radiochimiothérapie concomitante, mais peuvent aussi être employés seuls : radiothérapie externe pour certains stades avancés, curiethérapie réalisée en amont de certaines interventions chirurgicales, pour diminuer le volume de la tumeur.

Médicaments

La chimiothérapie s’étale sur plusieurs semaines et repose le plus souvent sur des sels de platine, éventuellement associés au 5-fluoro-uracile, tous deux à l’hôpital.

Sels de platine

• Molécules : cisplatine et carboplatine.

• Mécanisme d’action : agents alkylants, c’està- dire molécules inhibant la réplication en formant des liaisons covalentes avec les acides nucléiques de l’ADN.

• Effets indésirables : nausées et vomissements, néphrotoxicité, surtout sous cisplatine, neurotoxicité, ototoxicité (avec troubles de l’audition), myélotoxicité.

5-fluoro-uracile (5-FU)

• Mécanisme d’action : antimétabolite pyrimidique jouant le rôle de leurre biochimique et bloquant la synthèse des acides nucléiques et des protéines.

• Effets indésirables : cardiotoxicité, neurotoxicité au niveau du cervelet.

Autres médicaments

D’autres cytotoxiques peuvent être utilisées, dont le paclitaxel, du groupe des taxanes, et le topotécan, du groupe des inhibiteurs de topoisomérases.

Le bévacizumab (Avastin) est un anticorps monoclonal inhibant spécifiquement l’angiogenèse, c’est-à-dire le développement des vaisseaux sanguins tumoraux. Il est utilisé en association à d’autres molécules en cas de cancer du col persistant, en rechute ou métastatique.

Prévention

Vaccination

• Les recommandations. La vaccination anti- HPV existe depuis dix ans en France. Prise en charge à 65 %, elle est recommandée(2) pour les jeunes filles de 11 à 14 ans, en deux doses, avec rattrapage possible entre 15 et 19 ans, en trois doses. Le vaccin est d’autant plus efficace, c’està- dire générateur d’anticorps protecteurs, qu’il est administré à un âge précoce et avant le début de l’activité sexuelle.

• Les deux vaccins anti-HPV disponibles en France depuis 2007 (voir tableau p. 30) sont issus de la recombinaison génétique, protégeant contre deux ou quatre types de HPV selon la spécialité, mais toujours contre les types 16 et 18. La protection obtenue ne dispense pas de faire un frottis tous les trois ans. Un troisième vaccin, le Gardasil 9, protégeant contre les types 6,11,16,18, 31, 33, 45, 52 et 58, dispose d’une AMM européenne mais n’est pas encore vendu en France. Il pourrait prochainement faire son arrivée(3).

• L’efficacité de ces vaccins a été prouvée, avec une baisse significative des lésions HPV, dans des pays comme l’Australie, où la vaccination des jeunes filles est massive avec 60 % de participation chez les moins de 18 ans. En France, « la participation est faible, de l’ordre de 15 %, explique le Dr Darmon. Aucun impact ne peut être obtenu avec un si faible taux ». Celui-ci est sans doute dû en grande partie à la peur des effets indésirables, comme par exemple le syndrome de Guillain-Barré (voir Dico+), fortement médiatisé alors que la pharmacovigilance n’a pas mis en évidence de sur-risque. Le rapport bénéfice/risque reste favorable, avec pour principaux effets indésirables des réactions au point d’injection, de légers malaises ou de la fièvre. « Il faudrait pouvoir vacciner beaucoup plus jeune et en milieu scolaire pour toucher plus efficacement la cible ». Le but étant de passer à au moins 60 % de participation avant la fin de l’actuel Plan cancer, en 2019…

• Et les garçons ? Un récent avis du Haut Conseil de la santé publique(4) recommande de vacciner les hommes homosexuels de moins de 26 ans gratuitement au sein des centres publics de vaccination (cela a été retenu dans le calendrier vaccinal 2017), en plus des jeunes filles et des sujets immunodéprimés des deux sexes (transplantation d’organe, infection VIH).

La population homosexuelle masculine a plus de risques de développer un cancer anal. La vaccination anti-HPV pour tous les jeunes garçons est déjà en place dans des pays comme l’Australie ou le Canada.

Frottis cervico-utérin

• Recommandations. La Haute Autorité de santé (HAS) préconise un frottis cervico-utérin tous les trois ans entre 25 et 65 ans, suite à deux frottis normaux à un an d’intervalle(5).

Dans la pratique, les taux de dépistage restent insuffisants, et 40 % des femmes ne font pas de frottis ou alors pas assez, « alors qu’elles ne sont pas particulièrement démédicalisées. Elles vont chez le médecin quand elles ont une angine et des droits ouverts », constate le Dr Darmon.

• Éfficacité. Le frottis cervico-utérin permettrait d’éviter neuf cancers sur dix, et un meilleur taux de dépistage diminuerait de 30 % l’incidence de la maladie et les décès associés.

À l’inverse, de nombreuses femmes font un tel frottis tous les ans alors que ça ne présente que peu d’intérêt, sauf cas particuliers ; par exemple, en cas de baisse des défenses immunitaires : séropositivité, greffe…

• Vers une généralisation. Début 2017, une vaste campagne de communication a visé les femmes de plus de 45 ans qui négligent le dépistage : ménopause, absence de rapports sexuels…

Le dépistage devrait se généraliser en 2018(6), à l’instar de ce qui se fait déjà dans le cancer du sein car, selon le Dr Darmon, « la clé du dépistage, c’est de “frotter” toutes les femmes, les jeunes, les moins jeunes, les homosexuelles, elles sont toutes concernées ».

Conseils aux patients

Gestion des effets indésirables

• De la chirurgie. Tout dépend du type d’opération. En dehors des risques d’hématome et d’infection au niveau de la plaie, la patiente peut ressentir des troubles urinaires et de la fatigue.

• De la radiothérapie. La radiothérapie externe irradie la tumeur mais aussi tout le pelvis et expose la patiente à des effets indésirables de type troubles digestifs (hémorroïdes, douleurs abdominales, diarrhées), cutanés (érythème…), génito-urinaires (envie fréquente d’uriner…). Le traitement est le plus souvent basé sur des mesures hygiéno-diététiques, par exemple une bonne hydratation de la peau après chaque séance (et non avant), et sur des médicaments symptomatiques (antalgiques, antidiarrhéiques…) prescrits. Consulter en cas de fièvre, de saignements importants dans les selles ou dans les urines, ou de persistance des symptômes, prenant notamment au-delà de la période de radiothérapie.

La curiethérapie est plus ciblée. Elle permet une irradiation plus forte avec moins d’effets indésirables, notamment la forme d’une accentuation des symptômes du cancer avec saignements, pertes vaginales.

• De la chimiothérapie. Elle a souvent lieu en hôpital de jour, permettant de rentrer chez soi après, mais les effets indésirables, notamment au niveau digestif, sont plus ou moins gênants. Les sels de platine provoquent quasi systématiquement nausées et vomissements, le 5-FU plutôt des mucites et des diar rhées. Le 5-FU est également responsable de photosensibilisation et d’un syndrome main-pied. Il s’agit d’une éruption cutanée de prédominance palmo-plantaire, de la simple rougeur à une atteinte plus sévère gênant la marche. Suggérer de manger froid ou tiède en petites quantités. Opter pour une hygiène bucco-dentaire douce, une hydratation suffisante, une protection solaire, des soins de la peau… Des antiémétiques, bains de bouche, antidiarrhéiques… sont associés et leur intérêt doit être bien compris par la patiente.

Automédication

Tout au long de ces différents traitements, pas d’automédication sans avis médical, et orienter vers le médecin devant tout symptôme anormal ou persistant.

Vie quotidienne

Fertilité

La plupart des traitements, et notamment la chirurgie, avec l’ablation ovarienne, et la radiothérapie externe, peuvent entraîner une ménopause précoce et empêcher de mener à bien une grossesse. L’arrêt de production des hormones féminines entraîne bouffées de chaleur, troubles de la libido, sécheresse vaginale, prise de poids, fatigue, troubles de l’humeur… Conseiller des lubrifiants si besoin.

La radiothérapie de la région pelvienne entraîne l’irradiation des ovaires et de l’utérus, avec ménopause et infertilité. Certaines patientes ont déjà « passé l’âge » d’avoir des enfants, mais cela peut représenter une vraie souffrance psychologique, puisqu’il s’agit d’une véritable atteinte au corps et à la féminité. Quant aux jeunes femmes nullipares, « tout est mis en œuvre pour que la fertilité soit préservée », explique le Dr Darmon, notamment en décalant au maximum les traitements. « Si des lésions précancéreuses sont découvertes pendant la grossesse, on laisse celle-ci suivre son cours et on traite ensuite ».

Sexualité

Pas d’activité sexuelle pendant la radiothérapie, pour ne pas risquer d’aggraver les symptômes gynécologiques dus à cette technique : sécheresse, irritation, dyspareunie… L’activité sexuelle peut reprendre au bout de quelques semaines après la chirurgie et la radiothérapie sur avis médical.

Des troubles de la libido peuvent apparaître, du fait des traitements, mais également pour des raisons psychologiques : baisse de l’estime de soi, perte de féminité, notion de maladie sexuellement transmise… Ne pas hésiter à en parler à un médecin spécialiste des troubles sexuels.

Prévention en officine

• Inciter toutes les femmes à consulter régulièrement un gynécologue.

• Rappeler l’intérêt du frottis lors de la délivrance d’une pilule contraceptive ou autre traitement gynécologique, pendant la ménopause… Rassurer et expliquer le déroulement de l’examen.

Le frottis est réalisé par les gynécologues et, sous couvert d’une formation complémentaire, par les médecins généralistes et les sagesfemmes, voire dans certains centres de santé et laboratoires d’analyse médicale. C’est un examen rapide et indolore. Les cellules prélevées sont envoyées au laboratoire pour analyse, les résultats sont connus au bout de quelques jours. Éviter de le faire durant la période des règles, en cas d’infection génitale et de rapport sexuel 24 à 48 heures avant le prélèvement.

• Évoquer la vaccination anti-HPV lors du rappel de la vaccination diphtérie-tétanos-poliomyélitecoqueluche chez les jeunes filles dès 11 ans. Face aux interrogations des parents sur la vaccination, adopter un discours clair et neutre (voir « Les mots pour », Porphyre n° 531).

• Informer que le préservatif ne protège pas de l’infection HPV, et donc du cancer du col. Le préservatif ne semble pas être une protection efficace contre l’infection HPV car la peau proche de la zone génitale peut aussi être contaminée, et donc contaminante.

Avec l’aimable participation du Dr Jean-Claude Darmon, chirurgien cancérologue à l’Institut du sein et de chirurgie gynécologique à Avignon (84).

(1) Les cancers en France, les données , Institut national du cancer, édition 2015 sur www.e-cancer.fr.

(2) Avis du Haut Conseil de la santé publique relatif à la révision de l’âge de la vaccination contre les infections à papillomavirus humains des jeunes filles , 28 septembre 2012.

(3) Avis du Haut Conseil de la santé publique relatif à la place du vaccin Gardasil 9 dans la stratégie actuelle de prévention des infections à papillomavirus humains , 10 février 2017.

(4) Avis du Haut Conseil de la santé publique relatif aux recommandations vaccinales contre les infections à papillomavirus humains chez les hommes, 19 février 2016.

(5) État des lieux et recommandations pour le dépistage du cancer du col de l’utérus en France , Haute Autorité de santé, juillet 2010.

(6) Vers la généralisation du dépistage organisé du cancer du col de l’utérus , Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 23 janvier 2017 sur http://invs.santepubliquefrance.fr.

Dico +

→ Apoptose : normalement, l’organisme maintient un nombre à peu près constant de cellules dans l’organisme adulte, une partie mourant naturellement. C’est l’apoptose, ou mort cellulaire programmée.

Info +

→ Ne pas confondre avec le cancer de l’endomètre.

L’endomètre, muqueuse qui tapisse la cavité utérine, peut être le siège d’un processus de cancérisation, à l’origine du cancer de l’endomètre ou du corps utérin, qui touche surtout les femmes ménopausées. Il est le plus fréquent des cancers gynécologiques après celui du sein : 8 151 nouveaux cas en 2015 (1).

Info +

→ Le lien entre certains papillomavirus humains (HPV) et le cancer du col de l’utérus a été confirmé par les travaux d’un médecin allemand, Harald zur Hausen, ce qui lui a valu le prix Nobel de médecine en 2008.

→ Les virus HPV sont aussi impliqués dans la genèse d’autres cancers, génitaux (vagin, vulve, anus) ou non (cancers ORL).

Zoom sur les condylomes

Acuminés, papuleux ou plans en fonction de leur aspect, les condylomes, ou verrues génitales, sont des infections sexuellement transmissibles (IST). Ces lésions génitales externes touchent aussi bien l’homme que la femme. Bénignes, elles peuvent également être associées à des lésions précancéreuses ou cancéreuses. Les patients peuvent ressentir de la douleur, de la gêne, de la honte aussi. Plusieurs traitements locaux sont disponibles mais les récidives sont fréquentes. « Il ne faut pas uniquement considérer l’impact du HPV sur le plan cancérologique », souligne le Dr Darmon, chirurgien et cancérologue.

Viabilité du HPV

→ Les papillomavirus humains (HPV) sont des virus résistant dans le milieu extérieur car non enveloppés. Ils résistent à la chaleur et à la dessiccation, et peuvent survivre sur des objets inertes (vêtements, peau…), même si la durée exacte de survie n’a pas été déterminée.

→ Ils se montrent insensibles aux antiviraux et résistent à la majorité d’entre eux.

→ L’exposition à de l’éthanol à 90 % durant au moins 1 minute, au glutaraldéhyde à 2 % et/ou à l’hypochlorite de sodium à 1 % peut inactiver le virus, ainsi que le chauffage à 100 °C.

Source : Agence de la santé publique du Canada (www.phac-aspc.gc.ca/lab-bio/res/psds-ftss/papillome-fra.php ou http://bit.ly/2r3Krtr)

Dico +

→ Charge virale : quantité de virus présente chez l’individu infecté. Dans le cancer du col, plus la charge virale est élevée, plus le risque de cancer est élevé, c’est ce qu’on appelle un gradient biologique.

→ Multiparité : le fait d’avoir eu plusieurs grossesses et plusieurs enfants.

→ Dyspareunie : douleurs pendant les rapports sexuels.

Info +

→ Il existe un marqueur tumoral associé au cancer du col, le SCC pour Squamous cell carcinoma, mais uniquement pour le suivi des cancers épidermoïdes. Un nouvel outil diagnostic est à l’étude, basé sur la détection d’ADN viral circulant, via une simple prise de sang.

Témoignage
Jeune femme anonyme, 22 ans

« Ne pas culpabiliser »

« Lorsque j’ai appris que j’étais porteuse d’une forme cancérigène de Papillomavirus, je n’avais pas eu de copain depuis un moment. Je ne saurais pas dire où je l’ai “attrapé”, peut-être dans des toilettes publiques… J’ai très mal vécu l’annonce, d’autant que j’ai été vaccinée à l’adolescence. Seulement, le vaccin ne protège pas contre toutes les formes cancérigènes. Je me suis sentie très sale. Je ne pensais pas forcément au cancer, mais plus au risque de devenir stérile. Heureusement, aujourd’hui, je ne suis plus porteuse, j’ai éliminé le virus, c’est assez courant. Je voudrais que les femmes cessent de culpabiliser car il n’existe pas à l’heure actuelle de protection 100 % efficace. »

Dico +

→ La prévention primaire protège et empêche l’apparition d’une maladie ou d’une lésion. C’est notamment le cas de la vaccination.

→ La prévention secondaire permet la détection précoce d’une maladie, c’est le dépistage, ici réalisé par frottis cervicoutérin.

→ Le syndrome de Guillain-Barré, ou polyradiculonévrite aiguë inflammatoire ou post-infectieuse, est une affection neurologique inflammatoire, touchant les nerfs périphériques et pouvant entraîner des paralysies survenant souvent suite à une infection bactérienne ou virale, bénigne ou non.

Info +

→ La transmission materno-fœtale des HPV semble possible lors d’un accouchement par voie basse et peut conduire à une papillomatose pharyngienne chez l’enfant.

Vaccins anti HPV disponibles

Ils se présentent en suspension injectable en seringue préremplie. Ils se conservent entre + 2 et + 8 °C et s’administrent par voie intramusculaire, le plus souvent au niveau du muscle deltoïde. Ils sont contre-indiqués en cas de réaction d’hypersensibilité lors d’une précédente injection et, pour Gardasil, de maladie fébrile aiguë sévère, où il faudra différer la vaccination. Le vaccin quadrivalent Gardasil a aussi une AMM pour la prévention des verrues génitales (condylomes acuminés) dues à des types HPV spécifiques.

À RETENIR

→ Le cancer du col est un cancer exclusivement féminin touchant la muqueuse recouvrant le col de l’utérus. Chaque année, le nombre de nouveaux cas est d’environ 3 000 et celui des décès d’environ 1 000.

→ Les principaux agents responsables du cancer du col sont des virus du genre Papillomavirus.

→ Le cancer du col évolue lentement, sur plusieurs années. Les stades précancéreux peuvent régresser plutôt que de passer au stade évolutif suivant.

→ Le traitement dépend du stade et repose sur la chirurgie, la radiothérapie et la chimiothérapie.

→ Il existe des moyens de prévention validés, avec la vaccination contre les Papillomavirus d’une part et la réalisation régulière d’un frottis cervico-utérin d’autre part.

L’information des femmes est essentielle dans ce domaine.

En savoir +

→  www.mesvaccins. net Site indépendant du Groupe d’études en préventologie pour informer les patients sur les vaccins et le calendrier vaccinal.

→ www.vaccinationinfo- service.fr du ministère de la Santé et de Santé publique France.

→ www.cespharm.fr Le site du Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française, branche de l’ordre des pharmaciens, permet de commander pour l’officine affiches et plaquettes informatives sur la vaccination et le frottis.

→ www.oneway-prod. com/oncosud2016 Pour visionner les vidéos des 11es Rencontres de cancérologie de l’association Oncosud, dont le thème était « Virus et cancers ».

Pourrez-vous respecter la minute de silence en mémoire de votre consœur de Guyane le samedi 20 avril ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !