Thomas, 18 ans, souffre d’une acné sévère - Porphyre n° 533 du 29/05/2017 - Revues
 
Porphyre n° 533 du 29/05/2017
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Florence Leandro

Thomas vient à l’officine depuis quelque temps déjà pour soigner son acné. Après plusieurs traitements par voie locale puis orale, son médecin décide de lui prescrire de l’isotrétinoïne, un rétinoïde oral.

Ce que je dois savoir

Législation

La prescription initiale de rétinoïdes oraux, en raison notamment de leur caractère tératogène, est réservée aux dermatologues. Leur renouvellement peut être effectué par tout médecin. Pour les femmes en âge de procréer, des mesures supplémentaires sont mises en place (voir Info+). Ce n’est pas le cas de Thomas, dont l’ordonnance peut être établie pour douze mois.

Condiv

Qu’est-ce que l’acné ?

C’est une dermatose chronique qui touche de 75 à 95 % des adolescents, mais également des adultes.

• Signes cliniques. L’acné se manifeste par une hyperséborrhée, des lésions folliculaires, rétentionnelles (comédons) et/ou inflammatoires (papules, pustules et nodules) aux endroits riches en follicules pilo-sébacés : visage, dos, épaules et face antérieure du thorax.

• Physiopathologie. Les lésions sont liées à l’hyperséborrhée et à des anomalies de la kératinisation de l’épithélium du canal du follicule pilo-sébacé induisant la formation du comédon, lésion rétentionnelle ouverte (point noir) ou fermée (point blanc). Les lésions inflammatoires (boutons) apparaissent suite à la prolifération de Propionibacterium acnes, bactérie saprophyte qui va coloniser et proliférer dans le comédon.

• Impact. Légère, modérée, sévère comme chez Thomas, ou très sévère avec nodules et abcès, l’acné peut avoir un impact sur la qualité de vie et l’estime de soi. Le risque cicatriciel est d’autant plus important que l’acné est sévère et que l’adolescent « tripote » ses lésions.

• Traitement. Il est local et/ou général et dépend du type de lésions et de leur sévérité (plus ou moins de papules, nodules, etc.).

Pourquoi passer à un rétinoïde oral ?

Rétinoïdes locaux, peroxyde de benzoyle, antibiothérapie, gluconate de zinc, dermo-cosmétique adaptée, Thomas a « tout essayé ». L’observance a été difficile, et les traitements locaux quotidiens irritaient sa peau. Le peroxyde de benzoyle tachait ses vêtements et ses draps. L’antibiothérapie orale a peu amélioré ses lésions… Depuis qu’il a une petite amie, Thomas recommence à appliquer les crèmes mais cela s’avère insuffisant. Il est retourné voir son dermatologue.

Objectifs

Le traitement vise à limiter, voire à faire disparaître les lésions. Les rétinoïdes oraux sont le traitement de deuxième intention des formes sévères.

Médicaments

Isotrétinoïne (Curacné)

L’isotrétinoïne est un dérivé de la vitamine A. Elle agirait surtout en réduisant la production de sébum, principal substrat de P. acnes, d’où une action plus globale et notamment anti-inflammatoire.

Repérer les difficultés

• Bon dosage. La posologie initiale recommandée est de 0,5 mg/kg, soit 40 mg pour Thomas. Cette dose peut être ajustée selon la réponse et la tolérance. La dose cumulée ne devrait pas dépasser 120 à 150 mg/kg pour une cure complète car aucun bénéfice notable n’est observé au-delà. Une cure de 16 à 24 semaines suffit habituellement à atteindre la rémission. Comme l’amélioration de l’acné peut se poursuivre jusqu’à huit semaines après l’arrêt, une nouvelle cure ne doit pas être envisagée avant la fin de ce délai.

• Troubles psychologiques. Au cours et même après traitement, Thomas pourrait ressentir des symptômes psychologiques : changement de l’humeur, troubles du sommeil, désintérêt, voire idées suicidaires et passage à l’acte…

• Fragilité cutanée. Les effets indésirables de l’isotrétinoïne sur la peau et les yeux nécessitent une prévention appropriée. Lui demander s’il porte des lentilles.

• Risque d’interactions. L’association de l’isotrétinoïne est contre-indiquée avec les tétracyclines, en raison du risque majoré d’hypertension intracrânienne, et les autres rétinoïdes oraux, dont la vitamine A, à cause du risque d’hypervitaminose A. Attention donc aux complexes vitaminiques « conseils ».

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

Valorisez ses efforts : « Tu as suivi correctement ton traitement ces derniers mois mais ça n’a pas très bien fonctionné. Tu as bien fait de retourner voir ton dermatologue, car d’autres solutions existent ». Puis, « Je vois qu’il a modifié ton traitement. Que t’a-t-il dit à propos de ce médicament ? » Assurez-vous que Thomas a été averti de possibles répercussions sur son humeur et ajoutez : « Si tu observes des changements d’humeur ou un mal-être, signale-le à ton médecin car cela pourrait venir du médicament. Il modifierait alors ta prise en charge ». Évitez : « Ce médicament est dangereux » ou « Avec ça, tu n’auras plus d’acné » car les rétinoïdes oraux sont parfois inefficaces ou génèrent trop d’effets indésirables pour être poursuivis.

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

Rester concret : « L’isotrétinoïne va avoir une action globale sur les lésions d’acné, notamment en limitant la production de sébum ». Pour éviter tout arrêt intempestif, dites : « Une poussée d’acné et une exacerbation des lésions peuvent survenir en début de traitement, sans qu’il soit nécessaire de s’en inquiéter ».

Horaires d’administration

Prendre 1 capsule de Curacné par jour au cours d’un repas.

Effets indésirables

Outre le risque tératogène et les troubles psychologiques, les principales atteintes sont cutanéo-muqueuses : peau fragilisée et irritée, chéilite (inflammation des lèvres), sécheresse oculaire, photosensibilité, altération de la vision nocturne… Douleurs musculo-squelettiques, hausse des lipides sanguins et des enzymes hépatiques, hypertension intracrânienne bénigne sont possibles…

J’accompagne

Surveillance

→ Mettre à contribution l’entourage pour repérer d’éventuels changements d’humeur.

→ Thomas a fait une prise de sang avant de démarrer son traitement pour contrôler les enzymes hépatiques et les lipides. Il devra en refaire une prochainement pour s’assurer de l’absence de perturbations majeures.

→ Imprimer et lui donner le feuillet patient « Ce qu’il faut savoir avant de commencer un traitement par isotrétinoïne orale », disponible sur le site de l’ANSM : http://bit.ly/2pttgDG

Conservation

Ramener les capsules non utilisées à l’officine. Ne pas les donner à une autre personne, notamment à une femme en âge de procréer.

Hygiène de vie

• Des soins apaisants adaptés. Le passage aux rétinoïdes oraux ne dispense pas Thomas de poursuivre ses efforts en termes d’hygiène et de soins ! Auparavant, il utilisait un gel moussant et une crème pour peaux acnéiques. Désormais, il choisira des soins compensateurs hydratants et apaisants, adaptés sous rétinoïdes : Effaclar H (La Roche-Posay), Cleanance Hydra (Avène), Phys-AC Hydra (Aderma)…

• Protéger la peau du soleil, et pas seulement à la plage ! Et de tout ce qui pourrait l’agresser un peu plus : gommage, laser…

• Se raser au plus doux. Espacer autant que possible les séances de rasage. Rester très doux avec la peau, sans appuyer. Recourir à des gels plutôt qu’à des mousses, et préférer le rasoir électrique, moins agressif. Demandez-lui s’il s’épile : si c’est le cas, lui dire d’éviter, et ce jusqu’à six mois après l’arrêt, au risque d’abîmer sa peau.

• Surveiller les yeux. En cas de gêne oculaire, éviter les lentilles, employer des lubrifiants oculaires. Consulter en cas de troubles visuels plus graves. Faire attention la nuit en conduisant.

• L’alimentation doit rester variée et équilibrée. Ne pas accuser ni proscrire chocolat et produits gras, qui restent à consommer modérément.

Vente associée

Les produits utiles ne manquent pas : larmes artificielles, stick hydratant labial, protection solaire, eau thermale apaisante, maquillage médical correcteur… Sélectionner des produits non-comédogènes et non-irritants.

Prescription

Dr P., dermatologue.

Thomas S., 18 ans, 1,82 m, 80 kg.

Ordonnance

• Curacné 40 mg capsules molles 1 capsule par jour pendant trois mois.

Le patient me demande

« Ma copine et moi nous n’utilisons plus de préservatif. Y a-t-il un risque pour elle avec ce médicament ? »

Le sperme d’un homme sous rétinoïdes oraux ne conduit pas à une hausse du risque pour la partenaire. Pour les couples voulant un enfant, le risque pour le bébé n’est pas accru, mais je ne pense pas que tu sois concerné ! Je t’informe que tu ne dois pas donner ton sang lors du traitement et jusqu’à quatre semaines après son arrêt car le médicament reste dans le sang et pourrait contaminer une femme enceinte et être toxique pour son fœtus.

Femmes et rétinoïdes oraux

→ La prescription de rétinoïdes oraux ne peut dépasser un mois chez une femme en âge de procréer, qui doit préalablement signer un accord de soins et démarrer une contraception efficace. Dans les trois jours précédant la prescription, un test de grossesse doit être réalisé en laboratoire. La patiente a sept jours pour se faire délivrer l’ordonnance. Tout est consigné dans le carnet-patiente.

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