L’épilepsie - Porphyre n° 532 du 02/05/2017 - Revues
 
Porphyre n° 532 du 02/05/2017
 

Savoir

La patho

Auteur(s) : Clarisse Feuvrier

L’épilepsie est une maladie neurologique. Les médicaments visent à supprimer ou à espacer les crises. Leurs effets indésirables sont parfois importants et pris en compte. En cas de pharmaco-résistance, d’autres thérapeutiques sont parfois proposées.

La maladie

Définition

• L’épilepsie est une affection neurologique chronique. Elle se caractérise par la répétition plus ou moins fréquente et imprévisible de crises, allant de quelques secondes à plusieurs minutes. Leur manifestation, très variée, va de l’absence – le patient a l’air « dans la lune » –, aux convulsions et à la perte de connaissance.

• Une crise d’épilepsie correspond à la survenue transitoire de signes ou symptômes liés à une activité excessive et/ou anormalement synchrone (voir Dico+) d’un groupe de neurones cérébraux.

• Mécanismes et étiologies étant nombreux, parler « des épilepsies » serait plus adéquat.

Physiopathologie

Une maladie électrique

• Les crises sont déclenchées par un dysfonctionnement des neurones cérébraux. Au cours d’une crise, leur activité est anormale, excessive et synchronisée, en un point localisé ou très étendu. « Ça crée une sorte d’orage électrique », illustre le Dr Claudine Fayard, neurologue au centre hospitalier de Chalon-Sur-Saône (71).

• Ces décharges électriques résultent d’une dépolarisation neuronale excessive et prolongée (voir encadré p. 26). Les flux d’ions calciques, sodiques et potassiques sont perturbés. La raison pour laquelle les neurones se mettent dans cet état d’hyperexcitation est encore mal connue.

• L’épilepsie n’est pas une maladie psychiatrique. Hallucinations visuelles ou auditives, sensation de lévitation, langage étrange…, certains symptômes sont provoqués par des phénomènes physiques et non psychiques.

De multiples atteintes neuronales

Les décharges électriques peuvent avoir lieu dans différentes parties du cerveau, d’où la variabilité des manifestations cliniques selon les cellules cérébrales touchées.

• Si l’origine de la crise est localisée et contenue dans une zone spécifique, ce sont des crises partielles ou focales. Selon la zone atteinte, il en découle un raidissement ou des secousses du pouce ou des doigts, des hallucinations auditives, visuelles, voire gustatives, avec sensation de mauvais goût, des gestes inadaptés et répétés…

• Si la décharge électrique concerne d’emblée une large plage cérébrale, il s’agit d’une crise généralisée.

• Une crise localisée peut se généraliser secondairement. Elle se propage alors à l’ensemble du cortex. Les deux hémisphères cérébraux sont concernés simultanément.

Un déséquilibre entre systèmes activateurs et inhibiteurs

Au niveau des synapses, à l’état physiologique, il existe un équilibre dans la libération de neurotransmetteurs excitateurs, tel le glutamate, et inhibiteurs, tel l’acide gamma aminobutyrique (GABA). Dans l’épilepsie, il semble que cet équilibre entre les systèmes activateurs de la dépolarisation neuronale soit rompu.

Étiologies

Le mécanisme aboutissant à ces courts-circuits électriques est mal connu, mais grâce aux outils de diagnostic, différents types d’épilepsie sont distingués selon l’existence ou non d’une pathologie ou d’un problème cérébral.

Épilepsies génétiques

Anciennement idiopathiques, ces épilepsies ont en général pour origine un « dérèglement » provisoire du cerveau. Aucune pathologie n’est retrouvée et l’imagerie cérébrale ne montre rien de particulier. Souvent bénignes, elles disparaissent à la puberté ou chez le jeune adulte.

Épilepsies structurelles-métaboliques

Elles sont dues à une anomalie du métabolisme (hypo- ou hyperglycémie avec acidocétose, hyponatrémie…) ou à une anomalie morphologique cérébrale. La lésion a alors pour origine une malformation congénitale, les séquelles d’une souffrance à la naissance, un traumatisme crânien, un accident vasculaire cérébral, une encéphalite, une tumeur, une infection du système nerveux central ou des maladies neurologiques évolutives.

Épilepsies de causes inconnues (ex-cryptogéniques)

Ces épilepsies peuvent être d’origine génétique, structurelle ou métabolique. Cependant, de moins en moins de cas sont classés ainsi grâce à l’amélioration des moyens de diagnostic.

Facteurs de survenue

• Environnement. Chez un épileptique, la fréquence des crises peut être influencée par le stress, le manque de sommeil, une émotion forte, une stimulation visuelle intense (lumière intermittente…), l’hyperventilation chez l’enfant…

• Prise de substances. Une crise peut survenir après une consommation de cocaïne ou une prise massive et rapide d’alcool. Et rester unique.

• Facteurs métaboliques. Une crise peut être provoquée par une hypo- ou une hyperglycémie, un trouble de la calcémie, de la natrémie, une hypomagnésémie…

• Médicaments. « La prise de médicaments pro-convulsivants peut également être à l’origine du déclenchement d’une crise », précise le Dr Fayard. Neuroleptiques, anti-H1 sédatifs, antidépresseurs imipraminiques et inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine, tramadol, méfloquine, chloroquine, fluoroquinolones… et surtout chez l’enfant : camphre, eucalyptol, niaouli, menthol.

Signes cliniques

La crise provoque autant de symptômes qu’il existe de points de départ potentiels dans le cerveau : troubles du langage, moteurs, sensoriels ou sensitifs, de la mémoire… On distingue deux grands types de crises.

Crises partielles ou focales

Crises partielles simples

Elles n’affectent pas la conscience et provoquent des symptômes discrets comme des hallucinations, même si tous les sens peuvent être touchés, des contractions musculaires, des fourmillements dans les membres ou des bouffées d’émotion inattendues.

Crises partielles complexes

Elles touchent des structures centrales profondes du cerveau qui régissent la conscience. Elles se traduisent par un regard fixe, des gestes « automatiques » répétés (tirer sur ses vêtements, marcher au hasard…) qui peuvent ressembler à un état d’ébriété ou à une intoxication par des drogues. Ce type de crise entraîne des altérations ou des pertes de la conscience. Certaines peuvent évoluer vers une crise généralisée tonico-clonique ou « convulsive ».

Crises généralisées

Elles peuvent s’accompagner de signes annonciateurs toujours identiques d’une crise à l’autre, ou aura. Hallucinations, nervosité, sentiment de peur, de déjà-vu, douleur à l’épigastre… correspondent en général à une crise partielle, qui peut se généraliser. Il existe plusieurs types de crises généralisées.

Crises tonico-cloniques

Autrefois appelées « grand mal », ces crises sont les plus connues et les plus impressionnantes. Elles se caractérisent par l’enchaînement de trois phases.

• Phase tonique de10 à 20 secondes. Le patient subit une contraction intense généralisée de tous les muscles, il est en apnée et risque de se mordre la langue.

• Phase clonique de 5 minutes au maximum. Le patient a des convulsions, qui diminuent progressivement. Il bleuit, il est en cyanose.

• Phase résolutive. C’est un coma profond, avec une respiration qui rappelle les ronflements, une perte d’urine est possible, la salive accumulée dans la bouche s’évacue. Le patient reprend progressivement conscience en 15 à 60 minutes. Il ne se souvient pas de la crise mais peut présenter céphalées, nausées et vomissements.

Ce type de crise cède généralement d’elle-même. La chute liée à la perte de connaissance peut être à l’origine de blessures.

Absences généralisées (ex-« petit mal »)

Ce sont des crises sans convulsions. Le patient perd le contact avec son entourage pendant quelques secondes, son regard est fixe, dans le vague, il cligne des paupières… Ce phénomène peut se répéter plusieurs fois par jour ou, parfois, par heure. Cette « épilepsie absence » touche surtout les enfants entre 5 et 12 ans. Cette attitude est parfois prise à tort pour un caractère rêveur. Durant la crise, l’enfant n’est pas « conscient », il n’interagit pas avec son entourage.

Crises myocloniques

Elles se traduisent par des secousses musculaires brusques et répétées, au niveau des bras, des jambes, du cou et/ou du tronc. Le patient en est conscient mais ne peut les contrôler, provoquant un risque de chute. Cette forme de crise s’observe particulièrement dans l’épilepsie myoclonique juvénile (voir ci-dessous).

Crises atoniques

Elles durent quelques secondes et se traduisent par une perte soudaine de tonus musculaire. Les jambes se dérobent, les bras tombent ballants. Le risque de chute est majeur.

Particularités chez l’enfant

Certains types d’épilepsies sont spécifiques à l’enfance. Leur survenue et leur évolution sont très influencées par la maturation cérébrale. Les plus rencontrées sont les suivantes.

• L’« épilepsie absence » est l’une des plus fréquentes : liée à une immaturité cérébrale, elle persiste classiquement jusqu’à 12 ans. « Dans neuf cas sur dix, elle disparaît avec le temps. Un traitement relativement léger permet en général un parcours scolaire normal, avec un bon contrôle des crises », précise le Dr?Fayard.

• L’« épilepsie à paroxysmes rolandiques » : elle se traduit par des crises partielles provoquant la nuit, ou juste avant le réveil, des mouvements de la mâchoire ou un engourdissement de la bouche par exemple. Elle disparaît spontanément à l’adolescence, en général sans séquelles.

À noter : la fièvre peut, chez un enfant au seuil épileptogène bas (voir Dico+), provoquer une crise isolée, ou signant l’entrée dans la maladie. Un bilan complet peut être nécessaire.

Diagnostic

Suite à une crise, un bilan approfondi est réalisé en milieu hospitalier par un neurologue. Son objectif est de recueillir le maximum d’informations pour comprendre s’il s’agit d’une crise isolée, situationnelle, ou signant le début de la maladie épileptique. Idéalement, ce bilan permettra d’identifier la zone épileptogène.

Interrogatoire et bilan

Le bilan comprend l’interrogatoire du patient et de son entourage, des témoins de la crise, pour une description précise. S’il s’agit d’une première crise, des examens cliniques et biologiques sont réalisés : glycémie capillaire, tension et mesure du pouls, bilans sanguin (ionogramme, calcémie…) et hépatique, recherche de la prise de certains médicaments et de toxiques.

EEG systématique

Idéalement dans les 24 à 48 heures, voire dans les quatre semaines suivant la crise, un électro-encéphalogramme (EEG, voir Dico+ p. 30) est réalisé. C’est le seul examen permettant le diagnostic positif. Le tracé met en évidence des anomalies signant la pathologie, même en dehors des crises.

Autres

Un scanner ou une imagerie cérébrale (IRM) complète souvent le bilan afin de mettre en évidence une éventuelle lésion cérébrale.

Évolution

Bien contrôlées par un traitement, les crises tendent à disparaître, mais 30 à 40 % des patients ne répondent pas favorablement aux médicaments.

• En cas de répétition des crises, faute de prise en charge ou de difficultés à trouver le bon traitement, la pathologie s’aggrave. « Plus le patient fait de crises, plus son cerveau risque de développer de nouveaux nœuds initiaux de déclenchement, explique le Dr Fayard. Il se crée un nouveau réseau épileptogène qui fait évoluer la symptomatologie et complique la prise en charge thérapeutique. »

• Faire une crise sans entrer dans la maladie épileptique (répétition de crises) est possible : en France, 5 % de la population connaîtra une crise d’épilepsie isolée au cours de sa vie, sans récidive. Chez l’adulte, les plus de 65 ans sont les plus concernés.

• Les décès sont deux à trois fois plus fréquents chez les patients épileptiques que dans la population générale et les comorbidités sont plus fréquentes : dépression, répercussion importante sur le bien-être, l’insertion socio-professionnelle, la qualité de vie… Ceci est lié aux conséquences directes (état de mal, mort subite) et indirectes des crises (chutes entraînant noyades, traumatismes, etc.), ainsi qu’aux effets indésirables des traitements.

• Complications. L’état le plus grave est celui de mal épileptique, défini par des crises continues ou par la succession de crises sans amélioration de la conscience sur une période de 30 minutes. Il s’agit d’une urgence médicale car le risque vital est engagé. Cet état peut causer des lésions neurologiques irréversibles.

Suivi

La fréquence des rendez-vous de suivi est très variable, mensuelle à annuelle généralement. Chez l’enfant, le suivi est plus fréquent.

Son traitement

Objectif

Le traitement vise à contrôler aussi bien que possible les crises, avec un minimum d’effets indésirables.

Stratégie

• Le traitement de première intention est médicamenteux, mais il n’est que symptomatique. Il limite la survenue de nouvelles crises mais n’agit pas sur l’origine de l’épilepsie. Une vingtaine de molécules sont disponibles. L’efficacité et les effets indésirables d’un même antiépileptique peuvent varier d’un patient à l’autre. La difficulté réside dans la résistance de certaines épilepsies aux médicaments.

• Le choix du médicament dépend du type d’épilepsie et du condiv patient : grossesse, personne polymédiquée, enfant.

• Il débute par une monothérapie à faible dose, progressivement augmentée, pour limiter les effets indésirables. En cas d’échec – de nouvelles crises –, la molécule est changée. En cas d’inefficacité, on opte pour une bi-, voire une trithérapie.

• Seulement 70 % des épilepsies sont pharmaco-sensibles, c’est-à-dire contrôlées par un médicament. Pour 30 % des patients, il faut recourir à la stimulation du nerf vague ou à la chirurgie.

• Chez l’enfant, des mesures hygiéno-diététiques et éducatives adaptées, et une aide psychologique, sont mises en place. Si un traitement est instauré, et ce n’est pas toujours le cas, seules quelques molécules sont indiquées (voir plus loin).

• L’arrêt du traitement peut être envisagé, par exemple chez une femme sans crises récentes avec désir de grossesse, dans une épilepsie idiopathique de l’enfance. En règle générale, il est conseillé d’attendre au moins deux ans – moins chez l’enfant – sans crises avant de tenter un arrêt. Le risque de rechute est maximal dans les deux ans : 60 à 80 % des rechutes ont lieu la première année et 50 % les six premiers mois.

Médicaments

Mécanisme d’action

Il existe deux modes d’action principaux, certaines molécules agissant selon les deux.

Sur les canaux ioniques

• Blocage des canaux calciques ou sodiques, ce qui interrompt la transmission du signal électrique en limitant la libération de glutamate, neurotransmetteur excitateur. Exemples : phénytoïne, carbamazépine, oxcarbazépine, valproate, lamotrigine, topiramate, zonisamide, etc.

• Action sur les canaux potassiques, ce qui inhibe le potentiel d’action de la cellule. Exemple : rétigabine.

• Renforcement de l’action du GABA, neurotransmetteur inhibiteur, en potentialisant son action ou en limitant sa dégradation. Exemples : barbituriques (phénobarbital, phénytoïne), carbamazépine, oxcarbazépine, benzodiazépines (clobazam, clonazépam…), valproate, zonisamide, vigabatrine, tiagabine.

• Inhibition de l’action du glutamate, neurotransmetteur excitateur. Exemples : lévétiracétam, topiramate.

Effets indésirables communs

Troubles digestifs avec nausées, diarrhées ou constipation…, fatigue, somnolence, troubles de la concentration, vertiges, céphalées, troubles de l’accommodation oculaire, troubles psychiatriques incluant irritabilité, dépressions, etc.

Principales molécules

Valproate

• Effets indésirables spécifiques : risque tératogène, tremblements, perte d’audition, confusion, toxicité cutanée incluant des réactions graves se généralisant, potentiellement mortelles, prise de poids, troubles hématologiques, notamment thrombopénie dose-dépendante, et atteintes hépatiques rares mais sévères.

• Surveillance : de la fonction hépatique les six premiers mois, puis si signes d’appel, dont fatigue, anorexie, somnolence, vomissements. Faire une numération de la formule sanguine (NFS) avant, voire en cours de traitement.

• Législation : voir grossesse p. 33.

Lamotrigine (voir Info+)

• Effets indésirables spécifiques : toxicité cutanée incluant des éruptions graves, voire mortelles, notamment les huit premières semaines et surtout en cas d’association au valproate.

Topiramate

• Effets indésirables spécifiques : rhinopharyngites, affections respiratoires, troubles oculaires (vision trouble, mauvaise accommodation, risque de glaucome par fermeture de l’angle…), éruptions cutanées possibles. Il existe aussi un risque tératogène.

Lévétiracétam

• Effets indésirables spécifiques : rhinopharyngites, éruptions cutanées mais rarement graves.

Carbamazépine, oxcarbazépine, eslicarbazépine

• Effets indésirables spécifiques communs : troubles hépatiques, prise de poids, risque d’hyponatrémie, notamment si prise de diurétique et/ou atteinte rénale préexistante, éruptions cutanées parfois graves, rares troubles de la conduction.

• Sous carbamazépine : troubles hématologiques (exceptionnels avec les deux autres molécules) et risque tératogène.

• Surveillance : hépatique. Un contrôle de la natrémie avant la mise en route du traitement et en début de traitement est nécessaire dans certains cas (prise de diurétiques, troubles de la natrémie prééxistants). Sous carbamazépine : surveillance hématologique et/ou contrôle de l’hémogramme devant tout signe infectieux, telles fièvre, angine…

Gabapentine

• Effets indésirables spécifiques : notamment prise de poids, dyspnée, toux,risque d’hypertension artérielle, arthralgie, myalgie, œdèmes faciaux ou périphériques.

Zonisamide

• Effets indésirables spécifiques : surtout troubles visuels, éruptions cutanées possibles.

Autres

Prégabaline (Lyrica) : effets indésirables proches de la gabapentine. Lacosamide (Vimpat) : rares troubles du rythme. Tiagabine (Gabitril) : ecchymoses possibles, donc vérification de la NFS. Rétigabine (Trobalt) : affections oculaires, troubles du rythme possibles avec allongement de l’intervalle QT, modification de la couleur des ongles, des yeux et de la peau au long cours. Vigabatrine (Sabril) : anomalies du champ visuel irréversibles, très fréquents, limitant son utilisation. Surveillance ophtalmologique régulière systématique.

Choix des molécules

En fonction du type d’épilepsie

• Crise généralisée. Des molécules à spectre large, c’est-à-dire efficaces dans les épilepsies généralisées et partielles, sont utilisées. Le valproate de sodium et la lamotrigine sont indiqués en première intention. Le topiramate et le lévétiracétam sont des alternatives. Le clobazam (Urbanyl) et le clonazépam (Rivotril) ont aussi une AMM dans les crises généralisées, mais ils sont peu utilisés, sauf chez l’enfant.

• Crises partielles avec ou sans généralisation secondaire : carbamazépine, oxcarbazépine, lamotrigine et lévétiracétam sont indiqués en première intention. Gabapentine et zonisamide sont parfois utilisés. D’autres sont indiqués en bithérapie, notamment tiagabine, vigabatrine, prégabaline, lacosamide, rétigabine, eslicarbazépine.

En fonction des patients

• Sous contraception ou patients polymédiqués. Beaucoup d’antiépileptiques sont inducteurs enzymatiques, notamment carbamazépine, phénytoïne, phénobarbital et, à un moindre degré, oxcarbazépine, eslicarbazépine, topiramate et lamotrigine. Ils exposent à des interactions médicamenteuses dont il faut tenir compte chez les patients polymédiqués. Ils diminuent l’efficacité d’une contraception hormonale. Au cas par cas, un mode de contraception non hormonal sera utilisé, stérilet au cuivre par exemple.

• En cas de grossesse. Le principal risque est l’iatrogénie médicamenteuse, même si l’arrêt brutal ou une mauvaise observance sont aussi à risque de complications. Une crise d’épilepsie peut être délétère pour la mère et le fœtus : baisse momentanée de l’apport d’oxygène au fœtus, accouchement prématuré…

→ Avant la conception. Tout désir d’enfant doit être anticipé six mois avant avec le médecin car la maladie doit être bien contrôlée. Si aucune crise n’est survenue depuis deux ans, l’arrêt de l’antiépileptique est discuté. Si un traitement est maintenu, la dose minimale efficace en monothérapie est recherchée.

→ Choix du traitement. L’acide valproïque est le plus tératogène des anticonvulsivants, avec risque de troubles neuro-développementaux dans 30 à 40 % des cas : anomalies de fermeture du tube neural, cardiopathies, fentes labiales et/ou palatines, et également retards cognitifs, troubles du comportement. Il ne doit être prescrit chez les filles en âge de procréer qu’en cas d’inefficacité ou d’intolérance des autres traitements. Selon le Centre de référence des agents tératogènes (Crat, www.lecrat.fr), l’anticonvulsivant soulevant le moins d’inquiétude à ce jour est la lamotrigine à dose ≤ 300 mg par jour. Viennent ensuite le lévétiracétam (Keppra), la phénytoïne (Di-Hydan) et l’oxcarbazépine (Trileptal). Les benzodiazépines clonazépam et clobazam sont également utilisables.

→ Législation du valproate. La prescription initiale est réservée aux neurologues et pédiatres. Le renouvellement peut être fait par tout médecin, dans la limite d’un an. Chez les femmes en âge de procréer, une contraception efficace doit être mise en place. La délivrance nécessite la présentation d’un accord de soins, remis par le médecin et signé par la patiente ou le responsable légal.

• Chez l’enfant. Si un traitement est instauré, le valproate ou le clobazam (Urbanyl) sont prescrits en première intention, voire le lévétiracétam.

Traitements non médicamenteux

Stimulation du nerf vague

Dans le cas d’épilepsies mal contrôlées par les médicaments, une stimulation du nerf vague, un nerf crânien, peut être proposée. Cet acte consiste à implanter un petit générateur électrique permettant une stimulation intermittente du nerf vague de 30 secondes toutes les cinq minutes initialement. Les réglages pour un effet optimal dureront douze à dix-huit mois. Chez certains, cette technique permet de réduire les crises et d’« alléger » le traitement médicamenteux.

Chirurgie

Dans les cas où les autres thérapeutiques ne sont pas efficaces, la chirurgie est un espoir de guérison. Elle est proposée aux patients dont la zone épileptogène cérébrale est bien définie et accessible chirurgicalement. L’opération n’est envisageable que si cette zone n’est pas vitale, ni impliquée dans le langage, la mémoire…

« Deux de mes patients sont, depuis deux ans, dans la phase pré-opératoire, pour participer à des examens permettant de vérifier si cette option est envisageable dans leurs cas précis, explique le Dr Fayard. C’est un processus très complexe. » Un traitement médical généralement allégé est maintenu pendant les premières années, même en cas de succès de la chirurgie.

Conseils aux patients

Le patient découvre généralement sa maladie de façon brutale, suite à une crise. Un accompagnement psychologique est parfois proposé au sein du centre hospitalier où le diagnostic a été posé. Les associations de patients peuvent également être utiles. Elles offrent une écoute, du soutien, un échange d’expériences et d’informations entre malades.

Observance

Expliquer que le risque de nouvelles crises diminue avec une bonne prise en charge (voir interview p. 31). Toute crise se signale au médecin, car révélatrice d’un traitement non optimisé.

Automédication

Mettre en garde contre le risque d’interactions médicamenteuses. Proscrire le millepertuis avec presque tous les traitements ! Certaines substances abaissent le seuil épileptogène, tels les terpènes. Les huiles essentielles sont déconseillées aux patients épileptiques et à tous ceux avec antécédent de convulsions.

Vie quotidienne

Gestion des crises

• Après la première crise. Chez un patient diagnostiqué, par sécurité et pour prévenir tout risque lié à une prochaine crise, on recommande classiquement de ne pas verrouiller les portes derrière soi pour être secourable aisément, de préférer une douche aux bains, de tenir au courant sa famille en cas de sortie…

• En cas de crise. La priorité est de sécuriser l’environnement pour limiter les blessures. Placer dès que possible le patient en position latérale de sécurité, ne rien mettre dans sa bouche. Noter si possible la durée de la crise, ses circonstances de déclenchement, les symptômes de début (aura…) pour transmettre un maximum d’informations au médecin.

• Chez l’enfant. Tenir au courant la crèche ou l’école pour une surveillance adaptée.

Hygiène de vie

• Sommeil. Même sous traitement bien équilibré, le manque de sommeil peut favoriser le déclenchement de crises. Des horaires de sommeil les plus réguliers possibles sont indispensables à tout âge.

• Alcool, caféine. Ils peuvent exacerber les crises. L’alcool est possible occasionnellement et modérément chez l’adulte, mais à proscrire sous molécules sédatives, tels les benzodiazépines, et chez l’adolescent. Se limiter à une à deux tasses de café par jour. Il n’y a pas de preuves que le tabac et la nicotine exacerbent les crises.

Loisirs

• Sport. Pas de restriction particulière, sauf pour les sports dangereux, contre-indiqués (sports automobiles, plongée…), ou nécessitant des adaptations et/ou une surveillance particulière : escalade autorisée seulement pour la grimpe, le patient ne doit pas assurer ses partenaires ; natation plutôt en piscine que dans un lac sans surveillance professionnelle, etc. « Il faut encourager chaque patient à vivre normalement autant que possible, insiste le Dr Fayard. Prévenir le maître-nageur qu’on est épileptique permet de nager en toute sécurité. C’est particulièrement important à rappeler aux parents, pour ne pas exclure l’enfant des activités extrascolaires ».

Chez l’enfant, la plupart des activités, scolaires, sportives ou de loisirs, peuvent être maintenues avec des aménagements parfois nécessaires : surveillance personnalisée en cas de natation…

• Écrans et jeux vidéo. Les écrans ne posent pas de problème particulier chez la plupart des patients car seules 5 % des crises peuvent être provoquées par la lumière.

Permis de conduire

Après une crise, la personne est interdite de conduite jusqu’au diagnostic. Si elle s’avère épileptique, conduire est impossible tant que le traitement n’est pas équilibré. Un médecin agréé fixe la durée de l’interdiction, en se basant sur un entretien et une attestation du neurologue. La loi prévoit en général un délai d’un an sans crises avant la reprise du volant.

Vie professionnelle

Pour les personnes épileptiques, l’accès à certaines activités est réglementé. Personnel navigant des compagnies aériennes, chauffeur de poids lourd, de transport en commun, plongeur professionnel, maître-nageur sont interdits. D’autres sont soumises à condition. Cette information est importante à faire connaître aux familles, pour une orientation adaptée de leur enfant touché par la maladie. Beaucoup de progrès ont été faits dans la sécurité au travail, permettant de reconsidérer la place des épileptiques.

Avec l’aimable participation du Dr Claudine Fayard, neurologue au centre hospitalier de Chalon-sur-Saône (71).

Dico+

→ Synchrome : qui se produit dans le même temps ou à des intervalles de temps égaux.

Info+

→ L’épilepsie est la deuxième maladie neurologique la plus fréquente en France : elle concerne environ 500 000 personnes. La première est la maladie d’Alzheimer.

Potentiel d’action, polarisation et neuromédiateurs

→ Au niveau de la membrane cellulaire, on peut mesurer un potentiel électrique appelé potentiel membranaire de repos pour les cellules nerveuses et musculaires dont la valeur est de - 50 à - 100 millivolts (mV). La membrane est une sorte de pile avec, de chaque côté, un pôle positif et un pôle négatif (à l’intérieur de la cellule). Ce potentiel tire son origine d’une répartition inégale des ions entre les liquides intra- et extra-cellulaires. Le maintien de ce potentiel est assuré par des mécanismes ioniques.

→ L’axone est le support de la conduction de l’influx nerveux, dont la traduction électrique est le potentiel d’action.

Ce potentiel est une brève dépolarisation membranaire, c’est-à-dire que les charges + et – changent, modifiant ainsi la polarité de la membrane. La repolarisation est le retour à la polarité intiale.

→ Au niveau des synapses, chaque potentiel d’action, c’est-à-dire chaque brin d’information, est transmis via des agents chimiques ou neuromédiateurs.

Info+

→ Chez l’enfant, le groupe des encéphalopathies épileptiques (syndrome de West, syndrome de Dravet, syndrome de Lennox-Gastaut, pointes-ondes continues du sommeil…) concerne des épilepsies sévères, entraînant en général des troubles du comportement et un retard psychomoteur.

Ces pathologies, rares, nécessitent une prise en charge par un centre hospitalier.

Dico+

→ Seuil épileptogène ou de convulsion : limite de tolérance, qui dépend notamment de facteurs génétiques, au-delà de laquelle chacun peut déclencher une crise d’épilepsie.

Ce seuil est plus bas chez les personnes épileptiques que chez les autres. Médicaments, alcool, fièvre, fatigue…peuvent également l’abaisser.

Dico+

→ Électroencéphalo-gramme (EEG) : examen indolore qui mesure l’activité du cerveau en captant depuis l’extérieur, via des électrodes posées sur le cuir chevelu, les signaux électriques émis par les neurones. Il peut mettre en évidence des anomalies typiques de pathologies, comme l’épilepsie.

L’avis du spé

L’observance et un suivi attentif sont essentiels dans l’épilepsie

Dr Claudine Fayard, neurologue, centre hospitalier de Chalon-sur-Saône (71).

Comment contribuer au bon suivi des patients épileptiques à l’officine ?

La posologie et le choix de la molécule sont ajustés en se basant sur la disparition ou l’espacement des crises, et sur les effets indésirables. L’observance est particulièrement importante pour une prise en charge efficace. Il est essentiel d’insister que le patient ne doit pas de lui-même faire de « pause » !

On pourrait interpréter la survenue de nouvelles crises comme un mauvais choix de thérapeutique… alors qu’il s’agirait d’un trop faible apport de médicament ! Attention également de toujours délivrer un générique du même laboratoire.

Certaines ordonnances associent deux molécules avec des posologies à modifier tous les quinze jours. De quoi s’agit-il ?

Ce sont des ordonnances pour des « switch », c’est-à-dire que la première molécule ne convenant pas, nous souhaitons en essayer une autre. Mais comme il ne faut pas arrêter brusquement un traitement, le switch se fait pas à pas, avec des paliers de quinze jours en général, durant lesquels la posologie du premier médicament est diminuée, tout en augmentant celle du second. Cela peut arriver en cas d’échappement, avec reprise des crises sous un traitement qui les avait arrêtées.

Qu’est-ce que « l’agenda des crises » ?

Il s’agit d’un calendrier que nous remettons aux patients, sur lequel ils notent toutes les crises, en détaillant l’heure de survenue, les symptômes éventuellement ressentis avant, l’état de fatigue du moment, si des conditions particulières ont entraîné la crise… Ces informations précises permettent d’améliorer la prise en charge. On pourra par exemple modifier le nombre de prises par jour ou leurs horaires si on constate que les crises arrivent lorsque le délai entre chacune est très long. Encouragez vos patients à bien remplir cet agenda, c’est un outil très précieux pour les prescripteurs !

Info+

→ La lamotrigine a un index thérapeutique très favorable : pas de risque tératogène, bonne tolérance au plan cognitif.

Contre-indications médicales hors grossesse

→ Carbamazépine, eslicarbazépine, lacosamide : certains troubles du rythme.

→ Valproate, tiagabine : hépatites, insuffisance hépatique sévère.

→ Carbamazépine : antécédents d’hypoplasie médullaire.

Info+

→ Il existe d’autres médicaments indiqués dans certains types d’épilepsie plus rares : rufinamide (Inovelon), prérampanel (Fycompa).

→ Le phénobarbital et la phénytoïne, de puissants inducteurs enzymatiques, sont peu utilisés du fait des très nombreuses interactions médicamenteuses auxquels ils exposent et de leur tolérance médiocre, avec sédation importante, éruptions cutanées parfois sévères, anomalies hématologiques rares mais potentiellement sévères. Sous phénytoïne, une hyperptrophie gingivale est très fréquente.

En savoir+

→ www.fondation-epilepsie.fr :

site de la Fondation française pour la recherche sur l’épilepsie (FFRE).

→ www.lfce.fr :

site de la Ligue française contre l’épilepsie (LFCE).

→ www.epilepsie-france.com :

association de patients.

À RETENIR

→ L’épilepsie est une maladie neurologique chronique dont l’origine précise est inconnue.

→ Elle se caractérise par la répétition plus ou moins fréquente et imprévisible de crises.

→ Une crise peut rester isolée. Si elle se répète, elle marque le début de la maladie épileptique. Une crise peut être focale ou généralisée, selon qu’elle touche une zone définie ou l’ensemble du cerveau. Une crise focale peut se généraliser.

→ L’épilepsie de l’enfant disparaît le plus souvent lors de l’adolescence ou à l’âge adulte.

→ Les médicaments sont symptomatiques et se prennent à très long terme.

→ Valproate de sodium et carbamazépine sont les plus tératogènes. La délivrance du valproate nécessite la présentation d’un accord de soins et d’une ordonnance de prescription initiale signée par un neurologue, ou un pédiatre chez l’enfant.

→ Carbamazépine, oxcarbazépine et topiramate sont inducteurs enzymatiques. Attention aux interactions, notamment avec les contraceptifs hormonaux.

→ Dans certains cas, les médicaments ne sont pas asez efficaces. S’y ajoutent d’autres thérapies : stimulation du nerf vague et chirurgie.

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