Une femme avec migraine et névralgie d’Arnold - Porphyre n° 529 du 31/01/2017 - Revues
 
Porphyre n° 529 du 31/01/2017
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Christine Julien

Madame F., 47 ans, est traitée pour migraine et névralgie d’Arnold depuis 2009. Suite au retour des crises de céphalées, le neurologue augmente à nouveau la posologie de l’antidépresseur.

Ce que je dois savoir

Législation

Le sotalol n’a pas d’AMM dans la prévention de la migraine, contrairement au propranolol et au métoprolol. Le neurologue n’a pas indiqué « hors AMM » sur l’ordonnance. Vous devez l’avertir car cela doit être mentionné sur la prescription. Le sotalol ne devrait pas être pris en charge par l’Assurance maladie, même si la CPAM le rembourse sans problème depuis dix ans…

Condiv

Depuis l’enfance, Mme F. souffre de crises migraineuses, une à six fois par mois, voire davantage, et de névralgie d’Arnold depuis 2009.

Qu’est-ce que la névralgie d’Arnold ?

• C’est une céphalée chronique intermittente avec intervalles libres ou avec fond douloureux permanent. Il n’y a pas d’aura. C’est une douleur occipitale ressentie sur le trajet du nerf d’Arnold (voir encadré). Cette neuropathie périphérique est une sorte de « sciatique » de la tête.

• La douleur est vive, à type de brûlures ou de décharges électriques parfois insupportables, en général unilatérale au niveau d’un hémicrâne postérieur. Elle démarre en un point précis et peut irradier à la région frontale, voire l’oreille ou l’œil. Elle peut être déclenchée par pression du doigt à la base arrière du crâne ou par rotation ou extension de la tête.

• Les causes se classent en fonction du lieu de compression du nerf : traumatisme ou lésion cervicale, tumeur, maladie rhumastimale, compression vasculaire… La plupart des névralgies sont idiopathiques (sans cause), cas de la patiente.

• Outre celui de la cause, le traitement vise à calmer la douleur : application de chaud/froid, antalgiques, infiltrations (cortisone, anesthésique).

La migraine en plus

• C’est une céphalée pulsatile survenant par crises. Elle peut s’accompagner de nausées – sévères chez Madame F. –, d’intolérance au bruit ou à la lumière. Chez certains, la crise est précédée de signes ou aura : troubles visuels, sensitifs, de langage, de l’équilibre.

• Non traitée, une crise dure en général quelques heures, voire deux jours chez certains, puis la douleur cesse jusqu’au prochain épisode. Une fatigue peut suivre l’épisode.

Objectif

• Le traitement médicamenteux de la crise migraineuse vise à supprimer la douleur. Il a été délivré la semaine dernière avec triptan, anti-inflammatoire et anti-émétique. Il agirait aussi sur la névralgie d’Arnold, dont la douleur s’ajoute parfois à la migraine chez la patiente.

• Le traitement de fond a pour but de diminuer la fréquence des crises, qui avait augmenté après la baisse du Laroxyl, de 75 à 50 mg le mois dernier. D’où la décision de repasser à 75 mg. Médicaments

Médicaments

Amitriptyline (Laroxyl)

Cet antidépresseur, inhibiteur non sélectif de la recapture de sérotonine et adrénaline, à effet sédatif, est aussi indiqué dans les douleurs neuropathiques périphériques.

Topiramate (Epitomax)

Cet anti-épileptique actif sur la dépolarisation des neurones a aussi une action prophylactique sur la migraine, mais de mécanisme inconnu.

Sotalol

Ce bêta-bloquant non sélectif est un anti-arythmique. Il est prescrit ici hors AMM dans le traitement de fond de la migraine.

Macrogol 4000 (Forlax)

Ce laxatif osmotique est un long polymère sur lequel sont greffées des molécules d’eau. Il accroît le volume des liquides intestinaux, d’où son action symptomatique de la constipation.

Carmellose (Celluvisc)

Ce substitut lacrymal humidifie la cornée par action mécanique. Il reconstitue temporairement la phase aqueuse des larmes.

Repérer les difficultés

Le risque d’hypotension et de vertige est très important. De plus, les effets anticholinergiques de l’amitriptyline à type de sécheresse et constipation sont un frein à l’observance.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Je vois que le neurologue augmente à nou-veau le Laroxyl. Vous avez eu plus de crises ? » Madame F. vous confie qu’elle a eu six crises le mois dernier et une névralgie d’Arnold notées sur son agenda migraine.« Vous a-t-il donné des conseils pour gérer d’éventuels effets indésirables, dont la sécheresse oculaire ? » Le neurologue a suggéré de prendre 2 sachets de Forlax par jour. Vous lui indiquez de les prendre en même temps le matin. Elle a peur que ses troubles de concentration et de sécheresse oculaire reprennent de la vigueur. Vous évoquez le sotalol : « Mon neurologue compte le stopper peu à peu ». Vous lui rappelez d’attendre ses consignes pour un arrêt progressif.

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

• Amitriptyline : elle agit contre la douleur.

• Topiramate et sotalol : ils diminuent la fréquence des crises douloureuses.

• Macrogol : il augmente l’hydratation des selles, et donc agit contre la constipation.

• Carmellose : ce collyre pallie le manque d’hydratation oculaire causé par l’amitriptyline.

Horaires d’administration

• Amitriptyline : le soir en une seule prise en raison des effets sédatif et hypotensif.

• Topiramate : 1 gélule matin et soir indifféremment par rapport aux repas. Boire de grandes quantités de liquide la journée afin d’éviter la formation de calculs rénaux.

• Sotalol : de préférence en une prise le matin pour limiter les troubles du sommeil.

• Macrogol : 2 sachets le matin, à dissoudre dans un verre d’eau.

• Carmellose : 1 goutte dans le cul-de-sac conjonctival des deux yeux, trois fois par jour. Une unidose traite les deux yeux ; la jeter ensuite.

Effets indésirables

• Amitriptyline : sécheresse buccale, constipation, troubles de l’accommodation et de la miction, tachycardie, sueurs (effet anticholinergique), hypotension orthostatique (effet adrénolytique), somnolence (effet antihistaminique), prise de poids, bouffées de chaleur, réactions cutanées allergiques, troubles endocriniens, risque accru de fractures osseuses, trouble de l’articulation des mots, etc.

• Topiramate : rhinopharyngite, hypersensibilité, anorexie, perte de poids, dépression, troubles du langage, de l’attention, de la mémoire, de l’humeur, du comportement, de la vision, agressivité, paresthésie, somnolence, vertiges, acouphènes, nausées, diarrhée, fatigue…

• Sotalol : bradycardie, dyspnée, hypotension, palpitation, syndrome de Raynaud, nausées, dyspepsie, crampes, fatigue, vertiges, asthénie, éruption cutanée.

• Macrogol : douleurs et distension abdominales, diarrhée, nausées.

• Carmellose : éventuellement vision brouillée quelques minutes après instillation.

J’accompagne

Observance

• Limiter la somnolence : vous sentez Mme F. réticente à remonter le Laroxyl car ça « la fatigue ». Vous pointez que 75 mg avaient réduit les crises mensuelles. La prise au coucher limitera somnolence et troubles de la mémoire.

• Contre la sècheresse oculaire : si le Celluvisc ne suffit plus, d’autres molécules (carbomère…) ou dispositifs médicaux, tel Théalose, existent. En parler au médecin ou à l’ophtalmologiste.

• Attention à l’hypotension : ces médicaments entraînent une chute de tension. Mme F. doit faire attention si elle conduit. Si elle sent une faiblesse dans les jambes ou des vertiges, qu’elle s’arrête ou s’assoie si cela lui arrive à d’autres occasions.

• Vigilance avec les autres dépresseurs du système nerveux central : anxiolytiques, alcool, etc. aggravent la somnolence et le risque de chute.

Hygiène de vie

Continuer à noter les crises sur l’agenda migraine. La sophrologie peut aider à mieux les gérer. Vous savez que Mme F. a arrêté les séances, songe-t-elle à les reprendre ?

Vente associée

Actipoche, Cold Hot… appliquer du froid sur le front pourrait la soulager en cas de crise.

Prescription

Dr R.

Neurologue

Hôpital H.

Mme F., 47 ans, 52 kg.

Ordonnance n° 1

• Laroxyl 50 mg + Laroxyl 25 mg 75 mg le soir.

• Epitomax 25 mg 1 gélule le matin et 1 le soir.

• Sotalol 80 mg 1 cp le matin, 1/2 cp le soir.

• Forlax 10 g poudre pr sol. buv. 1 à 2 sachets le matin.

• Celluvisc 1 % collyre unidoses 1 unidose matin, midi et soir.

Traitement pour 3 mois.

Le nerf d’Arnold

→ Le grand nerf occipital, ou nerf d’Arnold, est issu du deuxième nerf rachidien. Il est responsable de l’innervation motrice des muscles de la nuque et de l’innervation sensitive du cuir chevelu dans sa partie postérieure.

→ L’occiput est la partie postérieure et inférieure de la tête faisant suite à la nuque.

Le patient me demande

« J’ai la bouche sèche et un peu mal à la gorge depuis plusieurs semaines. Je peux prendre des pastilles ou autre chose ? »

Je soupçonne le Laroxyl d’être à l’origine de cette sécheresse buccale. Vous souvenez-vous, vous aviez déjà pris un spray pour pallier le manque de salive. Plusieurs solutions existent : des sprays (Artisial, Aequasyal, Elgydium Clinic…) et des comprimés (SST…). Je vous conseille aussi de consulter votre dentiste car la sécheresse déséquilibre la flore buccale et peut favoriser les caries.

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