Les lymphomes - Porphyre n° 529 du 31/01/2017 - Revues
 
Porphyre n° 529 du 31/01/2017
 

Savoir

La patho

Auteur(s) : Florence Leandro

Les lymphomes définissent une vaste catégorie de cancers touchant le système lymphatique. Leur point de départ est le lymphocyte. La prise en charge est essentiellement hospitalière mais un « virage ambulatoire » est observé. Au comptoir, l’accompagnement doit être exemplaire, rigoureux et humain.

La maladie

Physiopathologie

Rappels de physiologie

Lymphocytes

Ils constituent une catégorie particulière de leucocytes ou globules blancs.

• Les lymphocytes B (LB) et T (LT) représentent l’immunité adaptative, spécifique du pathogène. Confrontés aux agents pathogènes, les lymphocytes de type B, effecteurs de l’immunité humorale, deviennent des plasmocytes sécréteurs d’anticorps. Les lymphocytes T sont les effecteurs de l’immunité cellulaire : les LT de type CD8 cytotoxiques détruisent les cellules contenant l’agent délétère, tandis que ceux de type CD4 ont une action modulatrice.

• Les cellules NK, pour « natural killer », sont des lymphocytes actifs dès le stade de l’immunité innée. Ils tuent les cellules malades, puis alertent les lymphocytes B et T.

Système lymphatique

• Les organes lymphoïdes primaires sont la moelle osseuse et le thymus (voir Dico+). Ce sont des lieux de production et de maturation des cellules sanguines, dont les lymphocytes.

• Les organes lymphoïdes secondaires, comme la rate et les ganglions lymphatiques, sont des lieux d’activation des lymphocytes, qui sont alors capables de détruire l’antigène.

• Les vaisseaux lymphatiques, parallèlement au réseau sanguin, relient les organes du système lymphatique et véhiculent la lymphe (voir Dico+).

• Les milliers de ganglions lymphatiques sont de miniscules organes en forme de haricot chargés de filtrer la lymphe. En cas d’infection, l’organisme est « saturé » en microbes et produit de nombreux lymphocytes pour se défendre. Le patient souffre alors d’une adénopathie. Les ganglions sont gonflés, voire douloureux, sans que l’infection soit forcément grave ou préoccupante.

Développement du cancer ou oncogenèse

Un cancer a toujours pour origine une mutation génétique, héritée ou induite par l’environnement. L’oncogenèse, du grec ontos = tumeur, est l’ensemble des mécanismes et facteurs à l’origine de la transformation d’une cellule normale en cellule tumorale. Cette cellule transfigurée perd ses caractéristiques originelles, dont la capacité d’apoptose (voir Dico+), et devient immortelle.

Lymphome

Définition

• Les hémopathies malignes ou cancers hématopoïétiques affectent un organe producteur d’éléments composant le sang : leucémies, lymphomes, myélomes… À la différence de tumeurs solides (poumon, sein, peau) bien individualisées.

• Le lymphome est une hémopathie dont le point de départ est un lymphocyte qui a subi une ou des mutations. Les cellules anormales issues de ce lymphocyte sont des cellules lymphomateuses qui prolifèrent en se divisant plus vite ou en vivant plus longtemps que les cellules saines.

• Les cellules lymphatiques pouvant circuler à peu près partout dans le corps via la lymphe, le lymphome peut prendre naissance puis se développer au sein des ganglions, mais aussi dans tout autre organe. Il s’agit d’atteintes extra-ganglionnaires, sans pouvoir parler de métastases.

Classification

Il existe plusieurs dizaines de lymphomes. Une classification mondiale de 2008, actualisée en 2016, rattache chaque entité anatomo-pathologique à des données cliniques, morphologiques, phénotypiques, cytogénétiques et moléculaires.

• Le lymphome, ou maladie de Hodgkin (LH), est le premier lymphome décrit en 1832. Il représente environ 15 % des lymphomes. Il résulte de la prolifération de lymphocytes B anormaux, surtout dans les ganglions lymphatiques. Les cellules géantes qui le caractérisent au microscope sont appelées cellules de Reed-Sternberg.

→ Le LH classique représente 95 % des cas et se subdivise en quatre sous-types, dont les formes scléro-nodulaire et à cellularité mixte.

→ Le LH nodulaire à prédominance lymphocytaire, ou paragranulome de Poppema, concerne 5 % des cas.

• Les lymphomes non hodgkiniens (LNH) décrits ensuite n’ont pas de telles cellules et sont appelés ganglionnaires ou extra-ganglionnaires selon l’atteinte initiale. Selon les lymphocytes touchés, les LNH sont dits à lymphocytes B (85 % des cas) ou T/NK (15 %). Mais leur classification repose surtout sur le grade, c’est-à-dire la vitesse d’évolution et le degré d’agressivité.

→ Les LNH de bas grade ou indolents : évolution lente, sans altération de l’état général, d’où une découverte parfois fortuite. Le LNH caractéristique de cette catégorie est le lymphome folliculaire (20 à 30 % des LNH). Autres : lymphome de la zone marginale, mycosis fongoïde (lymphome cutané à cellules T le plus fréquent)…

→ Les LNH de haut grade ou agressifs : ils sont d’évolution rapide et le patient ressent des symptômes. Le plus caractéristique et le plus fréquent est le lymphome diffus à grandes cellules B (30 à 40 % des LNH). Autres : lymphomes à cellules du manteau, lymphomes T…

→ Certains LNH sont dits très agressifs et évoluent très vite, constituant une urgence diagnostique et thérapeutique. Il s’agit notamment du lymphome de Burkitt. Initialement décrit en Afrique, où il est fortement associé au virus EBV (voir Facteurs de risque), il est dit « endémique » dans cette région du monde, mais « sporadique » partout ailleurs. Il peut se compliquer du syndrome de lyse tumorale (voir Dico+ p. 32)

Épidémiologie

Le lymphome est l’hémopathie maligne la plus fréquente et représente 0,5 % des cancers (HAS, 2013). Selon l’Institut national du cancer (Inca), le LNH a touché 11 600 nouvelles personnes en 2011, et le LH, pourtant plus connu du grand public, en a concerné 1 880 en 2012.

• Âge : le LNH est plus fréquent à partir de 60 ans, même si tout dépend du sous-type. Le LH touche surtout les 20-30 ans et plus globalement les adolescents et jeunes adultes, puis les plus de 60 ans. Les hommes sont légèrement plus atteints que les femmes.

• Chez les enfants, le lymphome représente 11 % des cancers avant 15 ans, derrière les leucémies et les tumeurs du système nerveux central, avec une majorité de LNH agressifs. Le lymphome reste cependant rare avant l’âge de 2 ans.

Facteurs de risque

Les causes exactes de la maladie sont inconnues, et les facteurs de risque, pas tous clairement identifiés. Le lymphome est sans doute dû à des facteurs génétiques et environnementaux.

• Virus et immunité. Les patients infectés par le VIH ont plus de risques d’avoir un lymphome. Idem avec d’autres virus : hépatite C, HTLV-1, Epstein-Barr (EBV de la mononucléose)… et d’autres dysfonctionnements immunitaires : maladies auto-immunes, immunosuppresseurs…

• L’exposition à divers produits chimiques a parfois été mise en cause. Le LNH est reconnu maladie professionnelle en agriculture depuis 2015. La pose d’implants mammaires a pu être associée à un léger sur-risque, mais les cas sont extrêmement rares.

• Les membres de la famille d’un patient atteint ont plus de risques de développer la maladie, sans pour autant parler de maladie héréditaire

Signes cliniques

Le lymphome se traduit souvent par l’augmentation de volume d’un ou plusieurs ganglions, notamment au niveau du cou et des aisselles, sans que cela soit douloureux.

• Lorsque des ganglions plus profonds sont atteints et gonflent, l’adénopathie est non palpable. Elle est révélée par l’imagerie et/ou des signes de compression : gonflement du cou et du visage, gêne respiratoire voire toux sèche s’il s’agit de ganglions thoraciques ; pesanteur, ballonnements en cas de ganglions abdominaux, œdèmes des membres inférieurs.

• Lorsque le lymphome touche d’autres organes que les ganglions, les symptômes varient là encore : difficultés motrices, confusion en cas d’atteinte du cerveau ; douleurs et saignements digestifs en cas d’atteinte de l’estomac, ascite…

• Le lymphome se traduit souvent par des symptômes généraux non spécifiques : fatigue, perte d’appétit et amaigrissement, fièvre persistante. Le patient peut aussi se plaindre de sueurs profuses, notamment la nuit, l’obligeant à se changer. En cas de LH, des douleurs ganglionnaires lors de l’ingestion d’alcool sont possibles, de même que des démangeaisons inexpliquées.

Diagnostic

Les signes cliniques étant non spécifiques et inconstants, le diagnostic est parfois difficile et n’importe quel médecin peut y être confronté.

• La biopsie est indispensable. Suite à un examen clinique complet, des examens complémentaires sont réalisés, en particulier une biopsie d’un ganglion ou d’un organe atteint. Elle affirme le lymphome et détermine son type.

• Le bilan d’extension va rechercher toutes les localisations cancéreuses, notamment à l’aide d’un TEP-scan (voir encadré). Il conduit à déterminer le stade, c’est-à-dire son degré d’extension dans l’organisme. La principale échelle utilisée chez l’adulte est celle d’Ann Arbor (voir encadré).

• Le bilan pré-thérapeutique comprend souvent l’exploration du cœur et des poumons, les sérologies virales en quête d’un éventuel agent responsable, la pose d’une voie veineuse centrale ou des mesures de préservation de la fertilité (voir Conseils aux patients).

• En oncologie, le diagnostic est indissociable du pronostic. Pour un lymphome, le type, le grade et le stade sont des éléments majeurs pour évaluer l’évolution et les chances de guérison.

• Des scores ont été créés pour mieux rendre compte du pronostic : pour les LNH diffus à grandes cellules B, l’index pronostique international (IPI, de 0 à 5) relie l’âge, le stade, l’état général, le taux de LDH (marqueur de prolifération cellulaire, et donc d’activité tumorale) et le nombre de sites extra-ganglionnaires.

Évolution

Profils évolutifs variables

• Lymphome non traité : aggravation de l’asthénie et de l’amaigrissement, compression d’organes vitaux en raison de l’envahissement tumoral, fièvre et infections, voire syndrome de lyse tumorale et décès.

• La notion de survie

→ Pour les non hodgkiniens : elle se compte en années pour les indolents, en mois pour les agressifs et en semaines pour les très agressifs. Chez l’enfant, où les LNH agressifs ou très agressifs sont majoritaires, l’évolution est souvent très rapide et les localisations les plus fréquentes – abdominales, thoraciques ou ORL – peuvent vite se doubler d’atteintes plus préoccupantes de la moelle osseuse ou du système nerveux central. Malgré cela, les lymphomes de l’enfant sont de très bon pronostic si une chimiothérapie est rapidement instaurée.

→ Pour les hodgkiniens : la survie est variable même si c’est un cancer qui évolue en général lentement. Le LH est un cancer de bon pronostic (HAS, 2013) et se guérit dans 80 % des cas.

Risque de rechute

• Non hogkiniens : même s’ils réagissent bien aux traitements, les LNH indolents rechutent quasi systématiquement, à plusieurs reprises et même après plusieurs années de rémission. Un indolent peut aussi se transformer en lymphome plus agressif. À l’inverse, pour plus de la moitié des patients atteints de LNH agressifs, la guérison complète est obtenue suite au traitement, même si tout dépend du score IPI : 80 % de guérison lorsque le score est égal à 0 (moins de 60 ans, bon état général et forme localisée de la maladie).

• Hodgkiniens : des rechutes sont possibles.

Suivi

Avant le traitement

L’annonce du cancer, bien standardisée, se poursuit avec un temps d’accompagnement soignant. Une fois la décision thérapeutique prise en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), le patient reçoit un programme personnalisé de soins. Il est pris en charge via l’ALD 30 « Tumeur maligne, affection maligne du tissu lymphatique ou hématopoïétique ».

Pendant le traitement

Les soins de support sont optimisés, le patient et/ou sa famille sont mis en relation avec une psychologue ou une assistante sociale si besoin. Le médecin traitant participe au suivi quotidien, notamment la gestion des effets indésirables.

Après le traitement

Le rythme de surveillance est en général trimestriel durant deux ans, semestriel durant trois ans, annuel durant dix ans, puis tous les deux ans, avec à chaque fois un examen clinique et des bilans biologiques, voire d’autres explorations. Cela vise à repérer une rechute, un second cancer et des effets indésirables tardifs des traitements.

Son traitement

Objectif

La guérison est le principal objectif même si, dans le cas des LNH indolents, il s’agit surtout de prévenir les rechutes de la maladie. La qualité de vie doit être préservée dans tous les cas.

Stratégie

La poly-chimiothérapie est privilégiée car elle améliore l’efficacité anticancéreuse, prévient les phénomènes de résistance, limite les doses et donc les effets indésirables des molécules administrées. Il existe des dizaines de protocoles différents, seuls les plus fréquents sont cités ici.

Lymphome hodgkinien classique

• Stades localisés I et II sus-diaphragmatiques : chimiothérapie de type ABVD (Adriamycine/ doxorubicine + Bléomycine + Vinblastine + Dacarbazine), chaque cycle durant 28 jours, et radiothérapie des ganglions initialement atteints.

• Stades localisés I et II sous-diaphragmatiques : au cas par cas, souvent chimio et radio.

• Stades avancés III et IV : chimiothérapie ABVD (8 cycles au lieu de 3-4) ou BEACOPP renforcé (Bléomycine + Étoposide + Adriamycine/doxorubicine + Cyclophosphamide + Vincristine + Procarbazine + Prednisone), cycle de 21 jours.

Lymphome non hodgkinien

LNH indolent de type folliculaire

L’abstention thérapeutique concerne les patients asymptomatiques avec masse tumorale faible. La surveillance reste toutefois étroite.

En cas de masse tumorale importante : immunochimiothérapie de type R-CHOP (Rituximab + Cyclophosphamide + Hydroxyadriamycine/ doxorubicine + Oncovin/vincristine + Prednisone), cycle de 21 jours. Le traitement rituximab + bendamustine est une alternative.

LNH agressif, diffus à grandes cellules B

Le traitement vite mis en place est une immunochimiothérapie, souvent de type R-CHOP.

En cas d’échec

En cas de rechute, de réponse insuffisante ou absente, des traitements de deuxième ligne sont proposés, avec des protocoles de « rattrapage » ou parfois d’essais cliniques (voir Info+).

Les traitements de consolidation, utilisant de fortes doses de chimiothérapie, s’accompagnent d’une greffe de cellules souches.

Médicaments

Les principales classes utilisées en chimiothérapie sont à l’origine d’une toxicité hématologique, surtout leucopénie, avec complications infectieuses et anémie, et une toxicité digestive, avec nausées et vomissements essentiellement.

Anthracyclines

• Molécules : adriamycine ou doxorubicine (Adriblastine), épirubicine (Farmorubicine).

• Mode d’action : s’intercalent entre les bases d’ADN et inhibent les topo-isomérases II (voir Dico +), empêchant ainsi réplication et transcription.

• Surveillance : cardiotoxicité, d’où surveillance clinique et imagerie, notamment ECG, coloration rouge des urines (signe l’élimination rénale du produit), toxicité cutanéo-muqueuse (alopécie, mucites, atteintes unguéales).

Étoposide (épipodophyllotoxine)

• Molécules : injectable à l’hôpital (Vepesid) et orale à l’officine (Celltop). n Mode d’action : inhibe l’entrée en mitose des cellules tumorales par action sur topo-isomérase.

• Surveillance : réactions anaphylactiques possibles, notamment cardio-vasculaires, imposant l’arrêt, toxicité cutanéo-muqueuse (alopécie, mucites).

• Législation : Celltop sur prescription hospitalière, réservée aux spécialistes en cancérologie, oncologie médicale et hématologie.

Alkylants (moutardes azotées)

• Molécules : cyclophosphamide (Endoxan), ifosfamide (Holoxan), melphalan (Alkeran), bendamustine (Levact) en injectable à l’hôpital. Des comprimés existent à l’officine : cyclophosphamide (Endoxan), procarbazine (Natulan).

• Mode d’action : forment des liaisons covalentes entre les brins d’ADN.

• Surveillance : toxicité vésicale avec cystites hémorragiques sous cyclophosphamide et ifosfamide, prévenues notamment par une hydratation abondante, baisse de la fertilité et ménopause précoce (cyclophosphamide), toxicité cutanéo-muqueuse (mucites, atteintes unguéales), possible toxicité pulmonaire. Somnolence fréquente sous procarbazine. Réactions allergiques possibles sous bendamustine.

Alcaloïdes de la pervenche

• Molécules. Vinblastine (Velbé), vincristine (Oncovin), vindésine (Eldisine), en injectable à l’hôpital et en ville pour Velbé et Oncovin.

• Mode d’action : poisons du fuseau qui bloquent la mitose.

• Surveillance : risque de nécrose cutanée en cas de sortie du compartiment vasculaire (extravasation), neurotoxicité, constipation, mucites.

• Législation : Oncovin sur prescription hospitalière réservée aux spécialistes en cancérologie, oncologie médicale et hématologie.

• Conservation : entre + 2 et + 8 °C.

Bléomycine

Cytotoxique antibiotique disponible à l’hôpital et à l’officine en injectable (Bléomycine Bellon).

• Mode d’action : « casse » sans doute l’ADN.

• Surveillance : toxicité pulmonaire (fibrose parfois mortelle), pigmentation cutanée réversible, photosensibilité, syndrome main-pied.

• Législation : prescription hospitalière réservée aux spécialistes en cancérologie, oncologie médicale et hématologie.

• Conservation : entre + 2 et + 8 °C.

Autres

Les corticoïdes par voie orale sont utilisés dans plusieurs protocoles pour leurs propriétés anti-inflammatoires, immunosuppressives et antiémétiques. Les prises répétées à chaque cycle de chimio peuvent provoquer rétention hydrosodée, hypokaliémie, troubles du sommeil…

Thérapies ciblées

Disponibles uniquement à l’hôpital, elles s’appuient sur le micro-environnement cellulaire et tumoral, alors que la chimiothérapie conventionnelle attaque directement l’ADN. Pour autant, les deux techniques sont complémentaires.

Les nouveaux traitements, proposés de plus en plus tôt, sont vecteurs de beaucoup d’espoir mais des questions restent en suspens : choix des patients et des durées, coût, suivi de l’observance et des interactions médicamenteuses, nouvelles toxicités, mécanismes de résistance…

Immunothérapie « passive »

• Le rituximab (Mabthéra) est une immunothérapie « passive » qui détruit directement les cellules. Cet anticorps monoclonal anti-CD20 a révolutionné la prise en charge des LNH depuis le début des années 2000. Son efficacité est prouvée sur les courbes de survie avec une faible toxicité ajoutée.

→ Mode d’action : il détruit les lymphocytes B – malades ou sains – porteurs de la molécule de surface CD20. Les cellules immatures ne possèdent pas le CD20 et sont donc épargnées, ce qui permet au système immunitaire de se reconstruire à l’issue du traitement.

→ Indications : en induction et en entretien du traitement du lymphome folliculaire, mais seulement en induction dans le lymphome diffus à grandes cellules B. La voie sous-cutanée, récente, participe à un meilleur confort du patient.

→ Effets indésirables : intolérance lors de la première perfusion, éruption cutanée parfois sévère, réactivation du virus de l’hépatite B, risque infectieux, hypo- ou hypertension.

À savoir. D’autres anticorps monoclonaux ont été développés : anti-CD20 nouvelle génération, anticorps conjugués à un isotope radioactif ou à une chimiothérapie, anticorps bispécifiques…

Immunothérapie « active »

Les nouvelles thérapies ciblées visent à rééduquer le système immunitaire pour lui permettre d’attaquer lui-même les cellules tumorales.

• Le nivolumab (Opdivo), utilisé dans le cancer du poumon et le mélanome, lève un point de contrôle immunitaire et potentialise la réponse antitumorale du système immunitaire.

• Dans la technique des « CAR T cells », disponible aux États-Unis, les lymphocytes du patient sont transformés en cellules tueuses en laboratoire puis réinjectés.

• Traitements par voie orale

→ L’ibrutinib (Imbruvica) et l’idélalisib (Zydelig) inhibent des voies de signalisation importantes pour la cellule lymphomateuse B. Ils sont respectivement utilisés en cas de lymphome à cellules du manteau et de lymphome folliculaire, en cas de rechute. Ils arrivent en officine en 2017.

→ Le lénalidomide (Revlimid), immunomodulateur indiqué dans le myélome, peut s’employer dans certaines formes de lymphomes.

Radiothérapie

Elle recourt à des rayonnements ionisants pour détruire localement les cellules cancéreuses. Les séances sont souvent quotidiennes, sauf le week-end. Elles durent quelques minutes et s’étalent sur plusieurs semaines. La dose de rayons X et le champ d’irriadiation sont personnalisés.

Greffe de cellules souches

• Principe : en cas d’autogreffe, ou greffe autologue, le patient reçoit ses propres cellules souches hématopoïétiques (CSH) Si les CSH appartiennent à un donneur compatible, c’est une allogreffe, ou greffe allogénique.

La greffe de CSH et l’intensification thérapeutique associée sont une étape très éprouvante (voir témoignage) non réalisable chez tous. Parmi les critères d’éligibilité : l’âge, les antécédents médicaux, le type de lymphome, son stade, les traitements déjà mis en place…

• Les étapes. 1. Production de CSH, éventuellement stimulée par un facteur de croissance. 2.Recueil des CSH par une filtration appelée cytaphérèse, puis congélation. 3.Fortes doses de chimio et aplasie médullaire (voir Dico+ p. 33). 4.Transfusion des CSH au patient pour lui permettre de refabriquer des cellules sanguines matures puis de sortir de l’hôpital et du milieu stérile dans lequel il a été confiné.

Conseils aux patients

Observance

Chimiothérapie orale

Manipuler le moins possible les anticancéreux oraux ; ne pas les mâcher, les écraser ou les couper ; les avaler entiers avec un verre d’eau, pendant ou après un repas pour l’étoposide, à jeun pour le cyclophosphamide, avec une hydratation suffisante la journée. En cas d’oubli, ne pas doubler les doses et prévenir le médecin. Ramener les produits non utilisés à l’officine.

Chimiothérapie injectable

Risque de nécrose avec les vinca-alcaloïdes. Vinblastine et bléomycine sont stables 24 heures au frais après reconstitution, la vincristine s’utilise immédiatement.

Gestion des effets indésirables

Rassurer le patient, ils sont souvent temporaires et il existe des médicaments pour les limiter.

• Chimiothérapie : baisse de production des cellules sanguines (anémie, saignement, infection), chute des cheveux et des ongles, nausées et vomissements, mucites, diarrhées et constipation, dysgueusie, perte d’appétit.

• Radiothérapie : bouche sèche, gorge irritée, nausées et vomissements, rougeurs de la peau perte des cheveux et poils de la zone irradiée.

• Tout ceci conduit à des co-prescriptions : antiémétiques, facteurs de croissance, bains de bouche au bicarbonate, voire prophylaxie anti-infectieuse. D’autres sont pris « à la demande » : antalgiques, antispasmodiques… Réfléxologie et sophrologie semblent efficaces pour prévenir certains effets indésirables digestifs.

• Tout signe infectieux ou fièvre inexpliquée nécessite d’appeler l’hôpital ou le généraliste. Des effets indésirables plus tardifs, possibles, doivent amener à consulter : symptômes cardio-pulmonaires suite à certaines chimio, signes d’hypothyroïdie (fatigue, prise de poids, intolérance au froid…), fatigue, troubles cognitifs…

Automédication

Pas d’automédication sans avis médical. Ne pas prendre les médicaments avec du jus de pamplemousse (inhibiteur enzymatique). Attention aux plantes interférant avec les anticancéreux : échinacée contre-indiquée avec immunosuppresseur, millepertuis…

L’homéopathie est intéressante contre les effets indésirables sans interférer avec le traitement. L’arrêt du tabac permet de prévenir toute complication pendant ou après le traitement, notamment pour éviter de cumuler les facteurs de risque cardio-vasculaire, les anthracyclines étant cardiotoxiques et la bléomycine, pneumotoxique. Le tabac peut aussi aggraver les mucites.

Vie quotidienne

Fertilité

Certains traitements réduisent la fertilité, alors que de nombreux patients sont jeunes. Avant traitement, un prélèvement et une congélation du sperme, du tissu ovarien ou d’éventuels embryons sont à envisager.

Le préservatif et une contraception efficace restent recommandés durant la chimiothérapie et quelques mois après.

Des troubles de la libido peuvent survenir en raison de la fatigue, des traitements lourds, d’une baisse d’estime de soi… En parler au médecin.

Soutien psychologique

L’annonce d’un cancer bouleverse souvent la vie d’un individu et de sa famille. Tout au long du parcours de soins et même après, consulter un psychologue peut être utile. Au besoin, orienter vers une association (voir En savoir+).

Avec l’aimable participation de Christophe Fruchart, onco-hématologue au CHU de Caen (14), de Geoffroy Venton, médecin-chercheur du service d’hématologie et de thérapie cellulaire du CHU de la Conception à Marseille (13), et de Guy Bouguet, président de l’association de patients France lymphome espoir.

Dico+

→ Moelle osseuse : tissu spongieux situé dans les os. La moelle rouge fabrique les cellules souches hématopoïétiques à l’origine des lignées sanguines.

→ Thymus : au niveau thoracique, cet organe lymphoïde primaire assure la maturation des lymphocytes T.

→ Lymphe : fluide de composition proche du sang mais incolore car sans hématies, riche en lymphocytes et en déchets récupérés au long de son parcours.

→ Apoptose : en temps normal, l’organisme maintient un nombre à peu près constant de cellules chez l’adulte, une partie mourant naturellement. C’est l’apoptose ou mort cellulaire programmée.

Classification d’Ann Arbor

Elle est utilisée dans tous les lymphomes de l’adulte.

→ Stades localisés

Stade I : atteinte d’une seule aire ganglionnaire.

Stade II : atteinte de plusieurs aires ganglionnaires d’un même côté du diaphragme.

→ Stades étendus ou disséminés

Stade III : atteinte de plusieurs aires ganglionnaires des deux côtés du diaphragme.

Stade IV : atteinte viscérale à distance d’une aire ganglionnaire (moelle osseuse, foie, poumon, os…).

Aux différents stades décrits ci-dessus peuvent s’ajouter des lettres.

A : absence de signes B.

B : amaigrissement inexpliqué > 10 % de la masse totale en moins de six mois et/ou de fièvre inexpliquée > 38 °C depuis plus de huit jours et/ou de sueurs nocturnes profuses.

→ E (stades I à III) : atteinte viscérale proche d’une aire ganglionnaire.

S : atteinte splénique (de la rate).

X : masse tumorale volumineuse.

Info+

→ Il existe plusieurs types de cancers, déterminés en fonction de l’histologie, c’est-à-dire selon la nature du tissu dans lequel ils se développent : carcinomes (tissus épithéliaux), sarcomes (tissus mous ou conjonctifs), cancers hématopoïétiques (organe producteur d’éléments du sang), cancers neuroectodermiques (cellules nerveuses).

Info+

→ Les leucémies sont également des hémopathies malignes qui touchent plutôt la moelle osseuse. Des traitements communs sont utilisés ou à l’étude pour le lymphome et la leucémie lymphoïde chronique par exemple.

→ C’est l’analyse morphologique, immunologique et génétique réalisée dès le stade de la biopsie qui permet de classer la maladie et d’en adapter le traitement.

TEP-scan, mode d’emploi

→ Principe : la tomographie par émission de positons, ou TEP (ou PET en anglais), consiste à injecter au patient un sucre radioactif, qui est davantage consommé par les cellules cancéreuses que par les saines. Cela permet de révéler les sites cancéreux actifs, tandis que le scanner précise les structures anatomiques.

→ Intérêts : le TEP-scan a grandement contribué à améliorer la prise en charge du lymphome, en particulier celui de Hodgkin et le lymphome diffus à grandes cellules B. Pour ces deux lymphomes, il est réalisé dès le diagnostic, en cours de traitement, notamment pour moduler la chimiothérapie, et en fin pour analyser la réponse thérapeutique.

→ À savoir : le sucre injecté est peu radioactif et s’élimine en quelques heures. Bien boire et uriner pour accélerer le processus. Attention, l’examen n’est en principe réalisable qu’avec un diabète équilibré.

Dico+

→ Syndrome de lyse tumorale : en cas de nombre très important de cellules cancéreuses, leur destruction massive, spontanément ou suite au traitement, entraîne des troubles hydroélectrolytiques importants, voire une insuffisance rénale aiguë. Tableau des principales spécialités disponibles à l’officine

Contre-indications médicales des traitements (hors hypersensibilité)

→ Cyclophosphamide : infection urinaire aiguë, cystite préexistante, insuffisance médullaire sévère, grossesse, allaitement.

→ Procarbazine : insuffisance rénale ou hépatique sévère, leucopénie ou thrombopénie sévère, grossesse, allaitement.

→ Vinblastine : infections, neutropénie, grossesse, allaitement.

→ Vincristine : neuropathie périphérique sévère, allaitement.

→ Bléomycine : insuffisance respiratoire sévère, grossesse, allaitement.

Info+

→ Pour participer à la recherche biomédicale, les brochures « Participer à un essai clinique en cancérologie » et « La participation de mon enfant à une recherche clinique sur le cancer » sont disponibles sur le site de l’Inca : www.e-cancer.fr.

Dico+

→ Topo-isomérases II : enzymes responsables de l’enroulement de l’ADN.

→ Aplasie médullaire : la moelle osseuse cesse de fonctionner correctement, d’où une baisse des trois lignées sanguines avec risque infectieux majeur.

Info+

→ La chirurgie, sans indication dans le traitement des lymphomes, peut être utilisée lors du diagnostic. La biopsie-exérèse consiste à retirer le ganglion suspect.

→ Drame à Nantes : en novembre 2016, quatre patients ont connu de graves complications après chimiothérapie intensive avec autogreffe, et trois sont morts. Le melphalan, sous tension d’approvisionnement, avait été remplacé par le cyclophosphamide, validé par les scientifiques dans cette indication. L’enquête se poursuit pour déterminer les causes exactes de ces décès.

Témoignage

G., 56 ans

« Des progrès considérables »

« À 39 ans, je suis tombé malade. C’était un lymphome non hodgkinien de type diffus à grandes cellules B. Il était très localisé, au niveau du cou. Les traitements – protocole R-CHOP et radiothérapie – se sont bien déroulés mais m’ont causé des problèmes dentaires à cause des rayons reçus dans cette zone. On m’avait expliqué que j’avais très peu de risque de récidiver, et pourtant cela a eu lieu l’an dernier. J’ai eu une chimiothérapie et une autogreffe de cellules souches. Je suis sorti de cette intervention très fatigué. Moi qui étais un grand sportif, le simple fait d’aller chercher le pain au village était devenu une épreuve… et une victoire. Aujourd’hui, je suis en rémission. En quinze ans, les progrès réalisés dans la prise en charge ont été considérables. C’est un cancer qui se soigne bien la plupart du temps. Il ne faut pas perdre espoir à l’annonce de la nouvelle, mais se battre ! La maladie a représenté un choc durable pour mes trois filles et mon épouse. Le patient doit faire face à sa problématique mais il ne faut pas oublier la famille et l’accompagner psychologiquement. »

En savoir+

→ L’association de patients France lymphome espoir (FLE), créée en 2006, est une structure très active vers laquelle tout patient atteint de lymphome peut se tourner. www.francelymphomeespoir.fr.

À RETENIR

→ Le lymphome, hémopathie maligne la plus fréquente, touche les lymphocytes. De nombreux sous-types existent, répartis en lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens.

→ Tous les âges peuvent être touchés, y compris jeunes. Les facteurs responsables de la maladie sont loin d’être complètement connus.

→ Au-delà des adénopathies, les signes d’appel sont très variés, rendant le diagnostic parfois difficile.

→ Le traitement repose surtout sur la chimiothérapie. La radiothérapie, la greffe de cellules souches et plus récemment l’immunothérapie sont également utilisées.

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