Du « perso », juste ce qu’il faut… - Porphyre n° 529 du 31/01/2017 - Revues
 
Porphyre n° 529 du 31/01/2017
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Alexandra Chopard

Gérer les interactions entre vie privée et vie professionnelle. Comment s’y prendre pour que le « perso » et le « pro » fassent bon ménage ? Voici des pistes pour dessiner vos limites et vous y tenir.

Le « perso », c’est quoi ?

Tout ce qui n’est pas public

La vie privée est l’ensemble des activités qui touchent à notre intimité, notre vie personnelle. Son respect est un droit inscrit dans le code civil. Les contours n’en sont pas légalement définis mais divers jugements ont notamment considéré comme relevant du « privé » la vie sentimentale et sexuelle, la vie familiale (filiation, lieux de vacances…), la santé, les convictions politiques et religieuses ou la situation financière. Par opposition, l’activité professionnelle appartient à la vie publique.

Vecteur de cohésion

Clash familial, nuits hachées par un enfant malade ou heureux événement, il est souvent tentant de raconter ce que nous avons en tête à un collègue… Pour Agnès Rettel, psychothérapeute et coach, « il est tout à fait normal d’avoir envie de partager un peu de sa vie avec ceux que l’on voit tous les jours ou presque ». Les discussions personnelles dans le back-office aident à dédramatiser une situation, mais aussi à créer ou maintenir un lien social. « Elles peuvent donner à l’équipe un vrai sentiment de cohésion », ajoute la coach.

Établir sa frontière

La bonne mesure

Pour autant, se répandre sans fin sur sa vie risque de « saouler » les collègues avec, à la longue, un effet contraire de rejet. A contrario, jouer « motus et bouche cousue » peut renvoyer de vous une image hautaine, méprisante, voire celle du collègue « qui manque d’intérêt ». « Quoi que vous disiez ou pas, quelle que soit votre attitude, ce sera toujours interprété », prévient Agnès Rettel avec humour. Alors, quel camp choisir ? Celui de la mesure ! Il n’y a pas de recette miracle mais éviter les attitudes extrêmes est une bonne base.

Peser ses mots

→ Que peut-on dire ? Comment ne pas divulguer des informations qui, par la suite, peuvent nous encombrer ou être utilisées contre nous ? Pour Agnès Rettel, une seule question à se poser avant de se confier : « Est-ce que je risque de le regretter ? » Réfléchir en amont et dresser la liste de ce qui est « privé mais sans danger », voire gratifiant pour notre travail : capitaine d’une équipe sportive, présidente d’association, cinéphile… Et ce qui peut nous desservir : soucis de santé, familiaux… Astuce : comparez le bouche à oreille dans l’équipe aux réseaux sociaux, et demandez-vous ce que vous pouvez rendre public sans craindre de conséquences.

→ À qui ? La décision de partage dépend également de notre environnement de travail. « On doit se demander quelle est la meilleure façon de faire dans cette équipe, dans cette pharmacie, avec le poste qu’on occupe actuellement », précise Agnès Rettel. Évoquer ses tatouages intimes ou son engagement religieux peut être accepté au sein d’une équipe plutôt cool et paraître totalement déplacé dans une autre. Il n’y a pas de règle universelle. De même, certaines personnes sont aptes à recevoir et à garder des confidences, d’autres non… Reste à suivre son instinct, à faire preuve de bon sens et à se demander sans être « parano » : « En cas de différend, qu’est-ce que je ne voudrais surtout pas voir divulgué ? »

Éviter les pièges

→ La relation « psy » : attention aux collègues qui ont une âme de sauveur. Si quelques conseils avisés sont parfois les bienvenus, un collègue n’est pas un psy et ce n’est pas son rôle de nous « réparer ».

→ Les grands « déballages ». Livrer certaines informations sur sa vie affective ou ses difficultés financières peut avoir un impact négatif sur notre image professionnelle : manque de fiabilité, incapacité à gérer un budget, indécision, petits arrangements avec la vérité… A fortiori avec un supérieur hiérarchique qui pourrait hésiter à nous confier certaines tâches.

→ Les sujets intimes. « Attention, ce qui relève de l’intime n’a pas sa place sur le lieu de travail », conseille Agnès Rettel. Sexualité, politique, religion… peuvent générer des clivages importants. Dans tous les cas, pas de zèle pour convaincre, ni de propagande. Raconter qu’on est allé grossir les rangs de la Gay Pride, à la rigueur, mais pousser ses collègues à en faire autant, non !

→ Téléphone et réseaux sociaux : éviter de répondre à des appels privés dans l’espace de travail et gare aux réseaux sociaux. Ne pas laisser « publiques » des photos trop personnelles, bien gérer les paramètres de confidentialité et le sélecteur d’audience de Facebook éviteront des déconvenues.

Se comporter avec les collègues

J’ai des soucis ponctuels

Ados difficiles, parent malade, examen médical délicat en vue, il est parfois difficile de faire abstraction de son humeur morose sur son lieu de travail. « Il vaut mieux expliquer qu’on est inquiet, préoccupé et préciser pourquoi, conseille Agnès Rettel. Cela évite aux collègues de se demander ce qu’ils ont fait pour mériter cetet attitude ». En dire quelques mots limite les sources d’incompréhension, mais inutile d’entrer dans les détails. « Il n’y a aucune raison de se justifier, cela peut donner l’impression qu’on est en tort », ajoute la psychothérapeute.

J’ai des projets

→ Personnels. Bébé, mariage… les événements heureux sont une belle occasion de partage. Toutefois, si l’équipe peut se réjouir, elle pensera aussi « organisation ». Attention notamment au timing de l’annonce : trop tôt on peut être mis « sur la touche », trop tard on risque le « clash » organisationnel. Avertir le titulaire un peu avant, voire en même temps que le reste de l’équipe, reste un bon réflexe. Il ne serait pas opportun qu’il l’apprenne par des bruits de couloir…

→ Professionnels. Si le projet concerne la recherche d’un nouvel emploi, mieux vaut le taire à l’ensemble de l’équipe : « Il faut garder à l’esprit qu’on ne sait pas toujours qui on a en face de soi », avertit Agnès Rettel. Séverine, préparatrice dans le Doubs (25), en a fait les frais : « Une collègue, à qui j’avais dit que j’étais à l’affût d’un autre poste, a prévenu notre titulaire sans mon accord. Super gênant… »

Je suis nouveau dans l’équipe

« L’observation est nécessaire avant de participer à son tour à la vie de l’officine », conseille Agnès Rettel. Cela permet de comprendre les règles non écrites qui régissent son fonctionnement.

Commencer par des informations « sociales » pour créer du lien sans trop se dévoiler : j’ai aimé ce film, je fais de la danse, de la course à pied… Une fois en confiance, après quelques mois, on peut échanger progressivement sur sa vie privée en suivant toujours la règle de base « Je ne partage que ce que je ne risque pas de regretter »…

Mon collègue est devenu un ami

De belles relations d’amitié peuvent naître dans le cadre du travail, reste à savoir les préserver. Pour ne pas tout mélanger, il faut garder les conversations amicales pour la pause déjeuner ou la sortie du week-end et, a contrario, éviter les conversations de boulot à ces occasions.

Proscrire la connivence à l’excès et les allusions aux projets communs devant le reste de l’équipe, qui risque de se sentir écartée et d’écarter à son tour.

J’accueille un nouveau salarié

Trois règles à respecter

→ Lui laisser le temps et les moyens de l’observation en se comportant comme d’habitude avec les autres collègues.

→  Éviter toute question intrusive sur sa vie privée : « Tu es en couple ? », « Tu veux des enfants ? », « Tu fais quoi le week-end ? »

→ Ne pas partager d’informations personnelles sur un membre de l’équipe sans l’accord de ce dernier : « Tu sais, X a fait une dépression l’année dernière », « Y est en instance de divorce »

Doser l’esquive avec les clients

J’ai des points communs avec la situation d’un patient

Quand vous connaissez particulièrement une situation pour la vivre ou l’avoir vécue, il est tentant de partager votre expérience. « Il faut garder une réserve, prévient Agnès Rettel. On peut donner des conseils mais il faut se positionner en tant que professionnel de santé, jamais comme patient ». Attention aux formulations au comptoir. Éviter de laisser échapper : « Quand c’était mon cas… » Préférer : « Dans votre cas, je vous conseille… »

Il veut « tout » savoir

« Vous avez un petit ami ? », « C’est pour quand le deuxième bébé ? »…, les patients et leurs questions intrusives ne sont pas rares. Même si l’intention est rarement mauvaise, attention aux débordements si vous laissez la porte ouverte. Pour la refermer bien vite, gardez en mémoire des phrases toutes faites qui coupent court avec humour : « Je tiens à ma vie privée », « Vous savez, je suis une autre personne lorsque j’enfile ma blouse »

Avec l’aimable participation d’Agnès Rettel, psychothérapeute, coach et formatrice en communication.

Marre de sa vie privée !

Certaines personnes s’épanchent sur les détails de leur vie privée, jusqu’à envahir l’espace et l’esprit des collègues qui n’en demandent pas tant ! Si l’empathie est légitime au travail, certains réflexes évitent de se laisser déborder.

• Limiter les moments propices à la confidence. Tête-à-tête dans le back-office ou à la pause repas, tâches en binôme, s’entourer d’autres membres de l’équipe pour éviter la relation exclusive.

• Contourner la conversation. Partir discrètement ou recentrer sur un sujet professionnel : « Il faut que je te parle rapidement du dossier de Madame R. »

• Rester discret. Pour ne pas encourager la confidence, éviter soi-même tout sujet personnel et botter en touche si des questionnements apparaissent : « Tu sais, je n’ai rien d’intéressant à raconter ».

• Mettre les points sur les « i ». « À l’officine, je préfère qu’on garde une relation de travail », « Je comprends tes soucis, mais je te conseille d’en parler à un professionnel »

• Décliner les invitations hors officine. Soirées avec les conjoints, verre après le travail…, éviter sauf nécessité ou si toute l’équipe est conviée.

Vous sentez-vous régulièrement en insécurité dans vos officines ?


Décryptage

NOS FORMATIONS

1Healthformation propose un catalogue de formations en e-learning sur une quinzaine de thématiques liées à la pratique officinale. Certains modules permettent de valider l'obligation de DPC.

Les médicaments à délivrance particulière

Pour délivrer en toute sécurité

Le Pack

Moniteur Expert

Vous avez des questions ?
Des experts vous répondent !