Des trajets de soins pour des parcours de vie - Porphyre n° 524 du 28/06/2016 - Revues
 
Porphyre n° 524 du 28/06/2016
 

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Actus

Auteur(s) : Christine Julien

Les 6es Journées nationales de la Fédération addiction se sont déroulées à Marseille les 9 et 10 juin. Les spécialistes plaident pour un accompagnement adapté, des interventions précoces et une bienveillante attention à l’autre.

Le ciel était bleu et un petit vent soufflait sur le palais du Pharo de Marseille (13). Le centre de congrès qui domine le Vieux-Port accueillait, les 9 et 10 juin, les 6es Journées nationales de la Fédération addiction. Médecins, chercheurs, psychologues, travailleurs sociaux, infirmiers, institutionnels…, plus de 1 100 personnes intéressées par la problématique des addictions ont échangé leurs expériences lors de trois plénières, dix conférences et vingt-sept ateliers. Le thème des rencontres était cette année « Addictions : variations sur les petites mécaniques de l’accompagnement. Parler, faire, transmettre ».

Avant de s’enfoncer dans la dépendance

« Nous sommes loin du “punir et soigner” des années 1960 », a rappelé en introduction Jean-Pierre Couteron, président de la Fédération addiction. En raison de « la diversité des allures de vie », sortir des addictions ne peut plus reposer sur un modèle unique de prise en charge. Certains réussiront seuls, d’autres chercheront de l’aide pour diminuer ou arrêter leur consommation. Ils viendront parler, transmettre des expériences et enrichir celle de chaque intervenant à l’œuvre pour réduire les dommages des consommations. « Notre rôle doit être de défendre cette diversité de l’accompagnement. Pharmaciens, médecins, acteurs du médico-social, personnel hospitalier, mais aussi usager, parent ou ami, nous devons “aller vers” et “faire avec” nos pratiques différentes et complémentaires », a poursuivi le président.

Réduire les risques, c’est aussi intervenir précocement, avant que la dépendance s’installe. Malgré le message ambiant « sur l’inefficacité de la prévention au regard des niveaux élevés de consommation de substances psychoactives et de leur accès facile sur Internet », Danièle Jourdain-Menninger, présidente de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), a martelé que la prévention, « ça marche ». À la condition d’utiliser des approches « appuyées sur des programmes évalués scientifiquement ». Un propos relayé par Jean-Pierre Couteron, qui plaide également pour la mise en œuvre d’un « art de l’attention », qui peut « aider les parents à limiter ce flux d’images et de sons qui entretient l’hypersollicitation pulsionnelle au seul profit du consumérisme ». À l’image des industriels du tabac (voir encadré).

Le tabac, parent pauvre de l’addiction

Protéger les jeunes de la dépendance en général et du tabac en particulier nécessite des outils spécifiques, mais « le tabac reste le parent pauvre des dispositifs de prévention et de soins en termes de financement ou de visibilité », regrette Nicolas Bonnet, directeur du réseau de prévention des addictions Respadd (75). Alors que le tabac est la drogue la plus addictogène, avec « 30 % de fumeurs dans la population générale ». C’est un produit dont la consommation débute très tôt et pour lequel une dépendance survient bien avant l’usage quotidien. « On peut devenir dépendant avec seulement quelques cigarettes et ça, les jeunes ne le savent pas, explique Cynthia Benkhoucha, chargée de projet à la Fédération addiction. L’usage quotidien des 17 ans est d’ailleurs de 32,4 % (OFDT, 2014). La jeunesse est un enjeu clé car c’est là qu’a lieu l’entrée dans le tabagisme ».

S’appuyer sur le sujet

Pour lutter contre les addictions, les meilleurs alliés sont la personne elle-même et son entourage. « Nous devons agir pour augmenter les compétences psycho-sociales des jeunes et de leur famille », soutient Jean-Pierre Couteron. Pour développer le contrôle de l’impulsivité, la capacité à vivre en société ou l’acceptation d’une satisfaction différée… Marie-Ange Testelin, directrice d’Éclat Graa, association de prévention des addictions dans le Nord, a fait le pari de « se coordonner avec les jeunes ». Grâce à un fort soutien local, ce réseau a conçu en 2012 le kit de prévention « Entre mes doigts », comprenant notamment un court-métrage présentant le tabac comme la plus grosse arnaque du siècle. Les jeunes se sont montrés réceptifs à la manipulation de l’industrie du tabac. « On n’a qu’un choix en prévention, renforcer les capacités de décision de la personne. Prévenir, c’est bien sûr avertir des risques mais ce n’est pas suffisant. Nous, adultes, centrons toujours nos propos sur les méfaits. Or, ce n’est pas pertinent », a insisté Marie-Ange Testelin. Alors qu’il existe « des leviers de réussite pour aborder le tabagisme avec les jeunes : ouvrir le dialogue, favoriser leur autonomie, développer leurs compétences psycho-sociales, dont leur cacacité à faire des choix ». Et de rappeler la nécessité « de construire des actions bienveillantes basées sur l’écoute active et l’empathie ».

En conclusion, Marisol Touraine a réaffirmé que « c’est collectivement que nous parviendrons à faire reculer ce qui est l’un des enjeux de santé publique majeurs, notamment pour les plus jeunes, à condition de porter un regard bienveillant sur ce qui nous entoure ».

Ressources en ligne

→ www.addictaide.fr

Dans ce village des addictions (illustration ci-dessus), professionnels ou famille, chacun trouvera de quoi s’informer sur les dépendances. Le graphisme ludique et le fond sérieux sont deux vrais atouts pour ce portail indépendant.

→ www.addictoscope.fr

Édité par une société de presse, ce site est une mine d’informations plutôt scientifiques sur les addictions. Sur inscription et gratuit.

Le marketing imaginatif sans limite des industriels du tabac

Depuis la loi Évin de 1991 sur l’interdiction de la publicité pour le tabac, les industriels ont largement investi le paquet de cigarettes ou de tabac pour communiquer. « Nous savons aujourd’hui, avec tout le recul scientifique, que la publicité est un facteur explicatif de l’initiation et de la continuité dans le tabagisme, a expliqué Karine Gallopel-Morvan, professeure des universités et chercheuse en marketing social critique à l’École des hautes études en santé publique (35). Et que, contrairement à ce que l’on peut penser, la pub et le marketing ont autant d’impact sur les adultes que sur les jeunes. Elle a moins d’influence pour l’initiation des adultes, mais elle les maintient dans la tabagie et recule l’envie d’arrêter ».

Le marketing social critique analyse les pratiques commerciales des entreprises et évalue leur impact sur les comportements des individus qui vont impliquer des risques.

La chercheuse, dont les travaux ont contribué à la mise en place du paquet neutre, a dévoilé les techniques de l’industrie du tabac « grâce aux milliers de documents mis en ligne suite aux procès perdus aux États-Unis ». Paquets aux couleurs douces et cigarettes aux formes allongées pour les femmes, goût sucré pour les jeunes, cigarettes convertibles où s’insère une capsule au goût menthe ou cerise, paquet accessoire de mode, branché. « Quand le produit est joli, il est difficile de penser que c’est un produit qui tue ».

L’arrivée du paquet neutre va priver les industriels de ce support de communication, mais ils aiguisent d’autres armes. À l’instar des « 107 applications pro-tabac, dont 42 ont été téléchargées par plus de 6 millions de personnes, les vidéos pro-tabac et les personnes qui font la promotion du tabac tel le rappeur et producteur Snoop Dogg ».

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