J’ai une cystite - Porphyre n° 523 du 27/05/2016 - Revues
 
Porphyre n° 523 du 27/05/2016
 

Exercer

Au comptoir

Auteur(s) : Nathalie Belin

1 Je questionne

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« Avez-vous réalisé une bandelette urinaire ? », « Pouvez-vous me décrire vos symptômes ? » et dans tous les cas « Avez-vous de la fièvre ? » éliminent une infection urinaire haute.

Recherchez certains critères

« Êtes-vous enceinte ou suivie pour une pathologie particulière ? » oriente le cas échéant vers un avis médical.

« Buvez-vous environ l’équivalent de huit verres d’eau dans la journée ? » et « Avez-vous tendance à être constipée ? » recherchent des facteurs favorisants.

« Avez-vous déjà pris un traitement pour vous soulager ? » oriente le conseil.

2 J’évalue

→ La cystite aiguë simple est très fréquente chez la femme jeune. En cas de doute, une bandelette urinaire (Uritest 2…) positive confirme le diagnostic. En pratique, sans toilette préalable du méat urinaire, prélever le deuxième jet d’urine dans un récipient propre et sec, pas forcément stérile mais sans traces d’antiseptiques et tremper la bandelette dans le flacon ; ne pas uriner directement sur la bandelette.

→ Une prise en charge précoce à l’officine est possible dans un premier temps car elle peut enrayer l’infection et éviter une antibiothérapie. Un avis médical s’impose en cas de : plus de trois ou quatre récidives par an ; fièvre (suspicion d’infection urinaire haute telle une pyélonéphrite) ; situations exposant à des récidives ou à un risque de complication (grossesse, immunodépression, diabète, âge supérieur à 65 ans, comorbidités telles que fatigue, faible poids…) ; symptômes de cystite chez l’homme ou l’enfant.

3 Je passe en revue

Plantes

• La canneberge : la cranberry ou canneberge (Vaccinium macrocarpon), petite baie rouge originaire d’Amérique du Nord, a fait l’objet d’études montrant son intérêt pour limiter les risques de survenue de cystite. Elle fait partie des traitements proposés(1) dans les cystites récidivantes. Utilisation : les substances actives, les proanthocyanidines de type A (PAC A) diminuent l’adhésion des bactéries sur les parois des voies urinaires. Cette action est démontrée pour une dose d’au moins 36 mg de PAC A par jour. Vérifier systématiquement la dose de PAC A apportée par les compléments alimentaires. Attention aux « pur jus » et « cocktail » en bouteille ou ampoules (Vitabio, Super Diet…), qui ne mentionnent pas toujours le dosage en PAC A. Certaines références sont adaptées aux petites filles. Précautions : à proscrire en cas d’allergie aux fruits rouges ; risque de saignement sous anticoagulants.

• Celles à antiseptiques à tropisme urinaire : la bruyère (sommités fleuries) et la busserole (feuilles) ainsi que le genévrier (baies) et la piloselle (feuilles, tiges, fleurs) ont des propriétés antibactériennes et diurétiques utilisées de longue date en phytothérapie pour luter contre les gênes urinaires chez la femme. Utilisation : extrait sec, poudre de plante en gélule, la posologie varie selon la teneur en actifs des extraits. En infusion : 1 cuillère à café pour 300 ml d’eau chaude. EPS Busserole (extrait fluide de plante fraîche standardisé) : 20 ml dans un litre d’eau à boire dans la journée. Précaution : busserole non recommandée chez l’enfant, la femme enceinte et en cas d’allaitement.

• Plantes diurétiques : l’orthosiphon (tiges et feuilles), le bouleau (feuilles), le pissenlit (racines et parties aériennes), le sureau noir (fleurs et fruits) sont traditionnellement employées pour favoriser l’élimination rénale d’eau. Elles exercent aussi une action anti-infectieuse. Dans les compléments alimentaires ciblant les gênes urinaires, elles sont souvent associées aux plantes antiseptiques (voir ci-dessus) pour potentialiser leur action. Utilisation : idem plantes antiseptiques. Précaution : l’orthosiphon n’est pas recommandé chez l’enfant.

• Autres : des extraits d’hibiscus, de reine-des-prés ou d’harpagophytum entrent dans certaines formules pour leur action anti-inflammatoire qui aide à soulager les symptômes. Précautions : pas de reine-des-prés aux personnes allergiques à l’aspirine, ni d’harpagophytum en cas d’antécédent d’ulcère gastro-duodénal et chez la femme enceinte.

Huiles essentielles

Les huiles essentielles (HE) utilisées dans les troubles génito-urinaires ont des propriétés antibactériennes et diurétiques. Sarriette, romarin, arbre à thé en particulier ont une action reconnue dans cette indication.

• L’HE de sarriette est anti-infectieuse, antalgique et décongestionnante.

• L’HE de romarin officinal du Maroc (ou HE de romarin 1,8 cinéole) est anti-inflammatoire, tonique digestive et améliore la tolérance de la sarriette.

• L’HE d’arbre à thé possède des propriétés antibactériennes mises à profit dans de nombreuses infections, dont les infections urogénitales.

• Autres : la cannelle de Ceylan et le thym à thymol ont des propriétés anti-infectieuses urinaires.

Utilisation. Voie orale : généralement 2 gouttes 3 fois par jour sur un sucre ou dans un peu de miel ou confiture. En application locale (voir interview) sauf pour les HE de cannelle de Ceylan, de sarriette, de thym à thymol (irritantes) : 1 à 5 gouttes diluées dans au moins autant de gouttes d’huile végétale (huile d’amande douce, d’avocat, d’olive…). Précautions : ne pas utiliser lors de la grossesse et de l’allaitement dans tous les cas ; à éviter en cas d’antécédents de convulsion ou d’asthme par précaution. Les HE de cannelle de Ceylan, de sarriette, de thym à thymol sont contre-indiquées en cas d’antécédents d’ulcère gastroduodénal ou d’hépatite.

Autres composants

D’autres composés sont parfois associés aux plantes : le cuivre pour ses propriétés anti-infectieuses et anti-inflammatoires ; des actifs anti-oxydants et anti-inflammatoires qui aident à calmer l’inflammation (sélénium, zinc…) ; des probiotiques qui aident à rééquilibrer la flore intestinale (mais aussi vaginale), ce qui limite le développement des germes à l’origine des infections urinaires ; un extrait de propolis, aux propriétés anti-infectieuses, potentialise l’action des plantes associées mais il est contre-indiqué en cas d’allergie aux produits de la ruche ou aux piqûres d’abeille.

4 Je choisis

Selon le condiv

• En prévention : canneberge seule au long cours ou en cure de quelques jours à un mois si elle est associée à des plantes lors de périodes à risque (chaleur en été…).

• Lors de la grossesse et en prévention, uniquement après avis médical : utilisation possible de la canneberge.

• Symptômes déclarés : orienter vers une formule renfermant des plantes et/ou des huiles essentielles antiseptiques à visée urinaire, associées éventuellement à la canneberge.

Galénique

• Formes gélules ou comprimés : pratiques et faciles à emporter.

• Formes buvables (sachets à diluer) : pour celles qui ont du mal à avaler les gélules et/ou pour obliger à boire. Toujours vérifier que le dosage en PAC A est indiqué.

5 J’explique

Pour une meilleure efficacité, la première prise doit se faire dès les premiers symptômes tels que brûlures à la miction, envies d’uriner fréquentes, et s’accompagner d’une hydratation suffisante (huit verres d’eau) pour « vidanger » régulièrement la vessie et éliminer le plus possible de germes. En l’absence d’amélioration après deux jours de prise ou en cas d’apparition de fièvre, un avis médical est nécessaire. En cas de cystites récidivantes, il faut également agir sur d’éventuels facteurs favorisants (voir ci-dessous).

6 Je conseille

• Modalités de prise : certaines formes buvables peuvent être dissoutes dans un litre d’eau à boire au long de la journée.

• Durée du traitement : en général cinq jours maximum pour les huiles essentielles ; quinze jours à un mois pour les extraits de plantes. Plusieurs mois pour la canneberge seule en prévention lors de cystites récidivantes, ou plus ponctuellement, sur quelques jours lors de situations à risque : fortes chaleurs en été, rapports sexuels…

• Limiter les facteurs favorisants : penser à boire suffisamment lorsqu’il fait chaud (huit verres au moins) ; ne pas se retenir pour uriner ; prendre en charge une constipation le cas échéant qui peut favoriser l’apparition d’une cystite ; déconseiller les produits de toilette intime parfumés, les douches vaginales, les spermicides ; uriner après les rapports sexuels en cas de cystite post-coïtale.

Avec la collaboration du Dr Philippe Goeb, spécialiste en aromathérapie.

(1) Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires bactériennes communautaires de l’adulte, Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf), 2014.

Le condiv

→ La cystite aiguë est une inflammation d’origine infectieuse de la vessie et de l’urètre. Les germes en cause sont des entérobactéries d’origine fécale, dont E. coli, dans 70 à 95 % des cas. Elle est fréquente chez la femme du fait d’un urètre court, proche des germes fécaux. Deux pics de fréquence : au début de l’activité sexuelle, les rapports sexuels facilitant la colonisation du méat urinaire, et à la ménopause en raison de la carence hormonale et des déséquilibres de la flore vaginale. Une cystite aiguë simple est le plus souvent bénigne, et peut évoluer favorablement même en l’absence d’antibiothérapie. Une cystite à risque de complication survient sur un terrain susceptible de rendre l’infection plus grave : immunodépression, anomalies de l’arbre urinaire favorisant un reflux vésical, donc un risque de pyélonéphrite*, grossesse, insuffisance rénale sévère.

→ Symptômes : augmentation anormale de la fréquence des mictions, souvent peu abondantes (pollakiurie), mictions impérieuses avec brûlures, et parfois du sang dans les urines. Il n’y a ni fièvre ni douleurs lombaires.

→ Une cystite récidivante : au moins quatre épisodes sur douze mois consécutifs.

(*) Infection bactérienne du bassinet et du parenchyme rénal, évoquée devant des symptômes de cystite associés à une fièvre (> 38,5 °C), des frissons et des douleurs lombaires.

Interview

Dr Philippe Goeb, médecin généraliste, spécialiste des médecines alternatives et formateur en aromathérapie

Quelles huiles essentielles privilégier en cas de cystite et comment ?

Je conseille aux préparateurs et aux pharmaciens de privilégier les huiles unitaires car elles permettent d’obtenir une bonne concentration en actifs, ce qui n’est pas toujours le cas des références toutes prêtes. De plus, elles assurent un conseil personnalisé en aromathérapie qui sera apprécié. Par ailleurs, chez les femmes qui reconnaissent les symptômes, préconiser de se traiter sans attendre car la multiplication des bactéries E. coli se fait en quelques heures. Attendre rend plus difficile l’éradication du germe.

Dès l’apparition des symptômes de cystite, recommander la prise d’une goutte d’HE de sarriette et d’une goutte d’HE de romarin à cinéole toutes les quatre heures, et maximum cinq fois par jour sur cinq jours. En cas de contre-indication à ces deux huiles, antécédents d’ulcère gastro-duodénal, d’hépatite virale ou d’épilepsie, prendre de l’HE d’arbre à thé (tea tree), 2 gouttes toutes les quatre heures maximum cinq fois par jour durant cinq jours. Pour éviter le goût désagréable des HE, proposer de mettre les gouttes dans une gélule. On peut aussi utiliser en même temps la voie percutanée, sauf la sarriette, contre-indiquée, en massage entre le pubis et le nombril ou sur le bas du dos.

L’amélioration est très rapide dès les premières prises. Recommander à la patiente de vous tenir informé de l’évolution, et dans tous les cas de consulter en l’absence d’effet après deux jours. Si elle est sujette aux récidives, lui proposer de repasser à la pharmacie au bout des cinq jours de traitement pour mettre en place un traitement préventif : 2 gouttes d’HE d’arbre à thé, quatre fois par jour, une semaine par mois durant trois mois, à alterner si elle le souhaite avec des prises de canneberge.

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