La sclérose en plaques (SEP) - Porphyre n° 522 du 26/04/2016 - Revues
 
Porphyre n° 522 du 26/04/2016
 

Savoir

Patho

Auteur(s) : Thierry Pennable

Cette maladie inflammatoire du système nerveux central cible la gaine de myéline des neurones. La perturbation de la transmission de l’information entraîne des symptômes variés. Ces attaques inflammatoires ou poussées alternent plus ou moins avec des périodes de rémission. Son traitement fait appel à des médicaments de fond, de poussées et symptomatiques.

La maladie

Physiologiques

Une atteinte neurologique

La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire du système nerveux central (SNC). Elle se caractérise par une destruction progressive de l’enveloppe protectrice qui entoure les neurones du cerveau et de la moelle épinière, la gaine de la myéline. Dans la SEP, la démyélinisation provoque l’apparition de signes cliniques « neurologiques » en lien avec les zones du SNC affectées (voir Signes cliniques). La perte de myéline se fait « par plaques » ; elle est parfois remplacée par un tissu cicatriciel ou sclérose.

Des poussées

• Définitions : une « poussée » de SEP correspond à une attaque localisée de la myéline, qui se manifeste par des symptômes neurologiques. Les critères d’une poussée sont une durée supérieure à 24 heures et à distance de tout épisode fébrile.

• De formes très variables. Dans la forme la plus courante de SEP (voir plus loin), les « poussées » alternent avec des périodes de rémission. En moyenne, les poussées se répètent tous les 18 à 24 mois et durent de deux à six semaines, mais leur fréquence varie selon les patients, de plusieurs par an à une seule tous les dix ans.

• Rémission ou séquelle. Une re-myélinisation naturelle est possible si les lésions ne se recouvrent pas d’un tissu cicatriciel ou sclérose. C’est la période de rémission marquée par la diminution des symptômes. Elle s’étend le plus souvent sur quelques semaines, mais peut persister jusqu’à une année, voire davantage, en fonction de la gravité des lésions. Après douze ou dix-huit mois, les symptômes encore présents seront très probablement permanents. Ils sont alors appelés séquelles.

• Évaluation spécialisée. Une poussée doit être évaluée par un neurologue, qui prendra la décision d’engager un traitement ou pas. Si elle n’est pas trop invalidante, le neurologue peut se donner un peu de temps pour observer son évolution car elle peut régresser d’elle-même.

Trois grands types de SEP

SEP récurrentes-rémittentes

• La forme récurrente-rémittente (SEP-RR) est caractérisée dès le début par la survenue de poussées, en moyenne une tous les deux ans, suivies de périodes de rémission complète ou incomplète (avec séquelles).

• Les SEP-RR concernent environ 80 % des cas et débutent en moyenne vers l’âge de 30 ans, avec une nette prédominance chez les femmes.

D’emblée progressive

• La forme d’emblée progressive correspond à une aggravation continue des symptômes durant au moins six mois avec ou sans poussée surajoutée. Le plus souvent, des troubles de la marche sont associés à une faiblesse des membres inférieurs. Ils s’installent et s’aggravent progressivement et sont parfois accompagnés d’autres symptômes : troubles de l’équilibre, urinaires…

• Ces formes concernent environ 15 % des cas, avec un âge de début plus tardif et une prédominance féminine beaucoup moins nette.

Secondairement progressive

La plupart des patients débutant par une SEP-RR présentent une forme progressive en moyenne après dix à quinze ans de maladie. Les poussées deviennent alors plus rares ou disparaissent totalement pour céder la place à une progression continue des symptômes.

Étiologie

Les causes exactes à l’origine de la SEP restent inconnues à ce jour. Multifactorielle, elle combinerait facteurs endogènes (terrain ou susceptibilité génétique) et exogènes d’environnement (infections, climat, latitude…). La théorie admise actuellement est que la SEP est une maladie acquise chez une personne prédisposée génétiquement et dont les lésions seraient provoquées par une réaction immunitaire anormale.

Signes cliniques

Toutes les grandes fonctions neurologiques peuvent être touchées, et, après quelques années d’évolution, toutes les atteintes peuvent coexister.

→ Imprévisibles : les symptômes sont extrêmement variables d’une personne à l’autre et d’une poussée à l’autre.

→ Dépendent du siège des lésions : les atteintes du cerveau entraînent des troubles visuels, sensitifs et/ou de l’équilibre ; celle de la moelle épinière occasionne des troubles moteurs, urinaires et/ou sexuels.

→ Les symptômes peuvent apparaître en quelques heures ou en quelques jours (poussées), et disparaître totalement ou partiellement en quelques semaines (rémission). Ainsi, une personne peut avoir besoin d’un fauteuil roulant durant la poussée et se tenir de nouveau debout après la rémission.

• Les troubles moteurs sont les premiers signes de la maladie dans 40 % des cas. Une faiblesse musculaire peut concerner un ou les deux membres inférieurs, plus rarement un hémicorps.

• La fatigue, très fréquente, perturbe souvent l’activité professionnelle, la vie quotidienne, les relations sociales et familiales. Il peut s’agir d’une fatigabilité disproportionnée par rapport à un effort fourni ou d’une fatigue chronique. Sa physiopathologie est mal connue.

• Les troubles sensitifs (fourmillements, diminution de la sensibilité du toucher, douleurs…) révèlent la maladie dans environ 20 % des cas. Les douleurs, majoritairement neurologiques, se caractérisent par des sensations de brûlures, échauffements, décharges électriques, ruissellements, sensation d’étau, fourmillements ou picotements.

• La spasticité est la raideur musculaire excessive des jambes et des bras. Elle correspond à une augmentation involontaire du tonus musculaire due à une baisse du contrôle du cerveau sur la moelle épinière, qui envoie de nombreux influx nerveux vers les muscles, qui se contractent par secousses. Elle peut aggraver une incapacité motrice et être responsable de douleurs, de perte d’autonomie.

• Les troubles urinaires sont présents dans 80 % des cas. Se distinguent :

→ les symptômes irritatifs caractérisés par des besoins soudains et irrépressibles d’uriner, appelés « urgenturie » ou « impériosité ». Ils sont accompagnés ou non de fuites urinaires, d’une pollakiurie (élévation anormale du nombre de mictions) et d’une nycturie avec un ou plusieurs levers nocturnes ;

→ les symptômes obstructifs liés à des difficultés de relâchement du sphincter de la vessie qui provoquent une mauvaise vidange vésicale : poussée abdominale, miction fractionnée en plusieurs jets, résidu post-mictionnel. Au stade ultime, la rétention urinaire est plus ou moins complète.

• La névrite optique rétrobulbaire est l’une des manifestations les plus fréquentes de la SEP. Elle révèle la maladie dans un tiers des cas.

→ Les troubles cognitifs sont présents dans 50 % des cas après cinq ans de maladie : troubles de la concentration et de la mémoire, alternance euphorie-dépression et possibilité de démence dans les formes très évoluées.

Diagnostic

Examen clinique

Il repose classiquement sur la survenue de deux poussées distinctes à plus de trente jours d’intervalle accompagnées de symptômes différents. Quatre critères sont essentiels :

→ une succession d’atteintes neurologiques révélée par la succession des poussées : dissémination temporelle des lésions ;

→ des atteintes de plusieurs zones du système nerveux central révélées par des symptômes différents : dissémination spatiale des lésions ;

→ une inflammation du SNC ;

→ une absence d’autres maladies évolutives comme les maladies inflammatoires systémiques (lupus érythémateux disséminé…), qui font partie des rares diagnostics différentiels.

Examens paracliniques

• L’IRM est l’examen de référence. Il visualise une dissémination spatio-temporelle des atteintes dès la première poussée et permet d’instaurer un traitement sans attendre la seconde poussée.

• L’analyse du liquide céphalo-rachidien par une ponction lombaire met en évidence l’inflammation du SNC chez 90 à 95 % des patients.

• Les « potentiels évoqués », potentiels électriques relevés après stimulation, sont réservés aux cas où IRM et ponction lombaire sont non concluants malgré des signes évoquant une SEP.

Évolution

• Elle est imprévisible, ce qui est un facteur de stress pour les patients. La plupart ont une espérance de vie normale ou proche de la normale. Un ralentissement ou une stabilisation de la maladie est possible, mais pas la guérison spontanée. La moitié des patients aura :

→ une gêne à la marche après huit ans d’évolution ;

→ besoin d’une aide à la marche (canne, etc.) après quinze ans ;

→ besoin d’un fauteuil roulant après trente ans de maladie.

• Des formes « bénignes » concernent 15 à 25 % des patients. Elles n’entraînent pas d’invalidité après dix à vingt ans d’évolution car les poussées régressent à chaque fois sans séquelles.

Suivi

Il est assuré par le généraliste et le neurologue, avec pour objectifs principaux de suivre l’évolution de la maladie, de rechercher d’éventuelles complications, de surveiller et d’adapter le traitement. La fréquence des consultations dépend de l’évolution et du traitement. Un suivi régulier prévient l’isolement social et professionnel.

Son traitement

Objectif

Actuellement, aucun médicament ne guérit la SEP. Le traitement vise à contrôler la maladie et à ralentir son évolution.

Stratégie thérapeutique

En cas de première poussée aiguë, le traitement repose sur des moyens médicamenteux et non médicamenteux selon trois axes :

• traitement de la poussée quand elle est symptomatique et/ou invalidante par corticoïdes intraveineux ;

• traitement des symptômes présents avec kinésithérapie si besoin ;

• mise en place d’un traitement de fond dès que la SEP est diagnostiquée, pour prévenir l’accumulation des lésions de démyélinisation et retarder une nouvelle poussée. Le choix du médicament tient compte de sa tolérance et des modalités d’administration. Changer de molécule est possible si les objectifs thérapeutiques ne sont pas atteints.

Nouveau : les premières formes orales pour le traitement de fond de la maladie peuvent être prescrites en première intention. Elles sont une alternative aux classiques interférons et Copaxone. Et pour la première fois un traitement montre une efficacité intéressante dans les formes progressives de la maladie.

Traitement de la poussée

Il fait appel à des corticoïdes à forte dose.

• Molécule : la méthylprednisolone (Solumedrol et Mylan) par voie intraveineuse (IV) à 500 mg ou 1 g sous prescription hospitalière. En 2015, une étude française a démontré qu’une corticothérapie per os avait la même efficacité et la même tolérance qu’en IV (voir Posologie).

• Mode d’action : elle est utilisée pour ses effets anti-inflammatoires et, à fortes doses, pour diminuer la réponse immunitaire. Les corticoïdes à fortes doses accélèrent la récupération de la poussée en atténuant l’inflammation du système nerveux central.

• Posologies

→ En intraveineux : en « flash » ou « bolus » de 1 g par jour sur trois jours, en injection lente ou en perfusion. La première perfusion se fait sous surveillance à l’hôpital en raison d’éventuelles complications : troubles cardiaques et métaboliques, ou réactions psychiatriques de type délire et agitation. Les suivantes peuvent se faire à domicile en l’absence de contre-indication (diabète, HTA mal contrôlée, infections, troubles psychiatriques). Autres schémas possibles : doses dégressives sur plus de trois jours, relais per os avec prednisolone. Solupred et génériques sont indiqués dans le « traitement de la SEP en relais d’une corticothérapie intraveineuse ».

→ Par voie orale : prednisolone (Solupred et génériques) à 1 g par jour sur trois jours hors AMM.

Délai d’action : en général, les effets sont ressentis après huit à dix jours, mais le rétablissement, très variable, peut prendre plusieurs semaines.

• Effets indésirables : le prednisolone s’avère assez bien toléré avec goût métallique, excitation, insomnies, surtout si la perfusion est faite l’après-midi, bouffées de chaleur ou rougeurs passagères du visage.

Traitement de fond

Il vise à diminuer la fréquence des poussées et à retarder la progression du handicap. Tous les médicaments modulent la réponse immunitaire. Ils sont pris dès le début de la maladie et maintenus plusieurs années.

Première intention

Interférons « classiques »

• Mécanisme d’action : pas totalement élucidé dans la SEP. Les interférons bêta-1a (Avonex, Rebif) ou bêta-1b (Betaferon et Extavia) modéreraient l’activité du système immunitaire et, de fait, préviendraient les poussées.

• Indications : SEP-RR (évoluant d’emblée par poussées) et formes secondairement progressives avec poussées surajoutées. Sauf Avonex indiqué seulement dans la SEP-RR.

• Effets indésirables : syndrome pseudo-grippal trois à six à heures après l’injection. Il est atténué par la prise de paracétamol ou d’ibuprofène avant et pendant les trois à vingt-quatre heures suivant l’injection. Très fréquent en début de traitement, il disparaît chez 90 % des patients après trois mois. Anxiété et dépression sont possibles, jusqu’à nécessiter l’arrêt du traitement et un antidépresseur et/ou un soutien psychologique. Fréquentes réactions au point d’injection en sous-cutanée : rougeurs, indurations ou démangeaisons ; Avonex en intramusculaire semble mieux toléré. Autres : perturbations hépatiques, diminution des globules blancs ou des plaquettes, dysthyroïdie.

Peginterféron bêta-1a

Synthétisé à partir de l’interféron bêta-1a, le peginterféron bêta-1a (Plegridy) bénéficie d’une durée d’action accrue, ce qui réduit la fréquence des injections à une fois tous les quatorze jours, contre trois fois par semaine pour Rebif.

• Indications : Plegridy est le premier interféron pégylé indiqué dans le traitement de la SEP-RR (AMM avril 2015).

• Effets indésirables : ceux des interférons.

Acétate de glatiramère (Copaxone)

Il diminue d’environ 30 à 40 % la fréquence des poussées. Il est bien toléré, avec de possibles réactions locales aux injections sous-cutanées, inflammation ou induration ; rares cas de « malaise » dans les minutes suivant l’injection. Il est déconseillé durant la grossesse et l’allaitement.

Formes orales (Aubagio, Tecfidéra)

Ce sont des alternatives aux interférons bêta et au glatiramère. Elles sont disponibles en ville.

• Tériflunomide (Aubagio) : son mécanisme d’action exact encore mal connu pourrait impliquer une réduction du nombre de lymphocytes activés responsables de la démyélinisation. Les effets indésirables les plus rapportés sont : grippe, infection des voies respiratoires supérieures et des voies urinaires, paresthésies, diarrhée, augmentation des enzymes hépatiques, nausées et alopécie (amincissement du cheveu). En général, diarrhée, nausées et alopécie d’intensité légère à modérée, et transitoires, nécessitent rarement l’arrêt du traitement.

• Diméthyl fumarate (Tecfidéra) : utilisé pour ses propriétés anti-inflammatoires et immunomodulatrices. Effets indésirables les plus fréquents : bouffées de chaleur, flushs cutanés, diarrhées, nausées, douleurs abdominales surtout le premier mois, mais pouvant persister de façon intermittente. Des bouffées de chaleur et des troubles digestifs difficiles à traiter justifient parfois l’arrêt.

Deuxième ou troisième intention

Natalizumab (Tysabri)

• Mécanisme d’action : anticorps monoclonal, le natalizumab (Tysabri) bloque l’entrée des lymphocytes activés dans le système nerveux central (voir Infographie), diminuant ainsi la formation ou l’extension des lésions de sclérose en plaques.

• Effets secondaires fréquents : le risque de leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP, voir Info+) est le plus grave. Cette infection virale du système nerveux central est due à une diminution du contrôle immunitaire dans le cerveau induite par le natalizumab. Il n’y a pas de traitement curatif et la mortalité est d’environ 25 %. Autres effets indésirables : frissons, fièvre, fatigue, vomissements, nausées, céphalées, sensations vertigineuses, arthralgie, infection urinaire, infection nasopharyngée, urticaire.

Alemtuzumab (Lemtrada)

Lemtrada a une AMM dans le traitement des formes sévères de SEP-RR associées à une inflammation malgré un traitement de première ou de deuxième ligne. Ses effets indésirables potentiels sont graves, notamment infectieux (appendicite, gastro-entérite, pneumonie, zona, tuberculose et infection dentaire) et troubles thyroïdiens auto-immuns, hyper- ou hypothyroïdies.

Mitoxantrone (Elsep)

Elsep est un immunosuppresseur dont le mécanisme d’action dans la sclérose en plaques n’est pas complètement élucidé. Il est indiqué dans les formes agressives de SEP-RR ou de type secondairement progressive (AMM). Il n’est prescrit qu’en troisième intention en raison de ses effets indésirables potentiels : leucémies aiguës myéloïdes pouvant être fatales, insuffisances cardiaques congestives, aménorrhée et toxicité sur l’ADN.

Fingolimod (Gylenya)

• Mécanisme d’action : immunosuppresseur qui diminue l’infiltration des lymphocytes pathogènes dans le système nerveux central, où ils seraient impliqués dans l’inflammation des nerfs et les lésions du tissu nerveux. Les données ne permettent pas de préciser sa place dans la stratégie thérapeutique des formes très actives de SEP-RR.

• Effets indésirables très fréquents : grippe, sinusite, céphalées, toux, diarrhée, dorsalgies, élévation des enzymes hépatiques sont très fréquents. Fréquents : infections à Herpes virus, bronchite, lymphopénie, leucopénie, dépression, asthénie, sensation vertigineuse, migraine, vision trouble, bradycardie, bloc auriculoventriculaire, hypertension, dyspnée, eczéma, alopécie, prurit, hypertriglycéridémie, dermatose (Pityriasis versicolor), carcinome basocellulaire.

Traitement des symptômes

Il repose sur des médicaments, des mesures hygiéno-diététiques, des thérapies manuelles, kinésithérapiques ou psychothérapeutiques ou encore des appareillages. La prise en charge est pluridisciplinaire : neurologues, médecine physique et de réadaptation, urologues, gastro-entérologues, kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes…

Spasticité

Médicaments

• Spasticité diffuse : baclofène (Lioresal et génériques, 30 à 75 mg/j aux repas), myorelaxant d’action centrale à action antispastique par stimulation des récepteurs de l’acide gamma-aminobuturique (Gaba) de la moelle épinière ; dantrolène (Dantrium, 100 à 400 mg/j), myorelaxant périphérique, à action directe sur les fibres musculaires striées ; antiépileptique hors AMM : gabapentine (Neurontin et génériques), indiquée dans les douleurs neuropathiques diabétiques et la névralgie post-zostérienne.

• Spasticité permanente et rebelle aux traitements oraux : baclofène intrathécal (Lioresal, solution injectable pour perfusion par voie intrathécale).

• Spasticité localisée à un groupe musculaire avec retentissement fonctionnel important : toxine botulique par voie IM. Botox, Dysport et Xeomin sont indiqués dans le traitement symptomatique local de la spasticité (hyperactivité musculaire) des membres supérieurs et/ou inférieurs. Ils entraînent une dégénérescence des terminaisons nerveuses, et donc une paralysie, en bloquant la libération d’acétylcholine. Après un certain temps, la formation de nouvelles terminaisons rétablit une conduction normale.

Kinésithérapie

Pour toute spasticité, elle associe mobilisation passive des membres, séances d’étirement et postures d’inhibition de la spasticité.

Douleurs et troubles sensitifs

Médicaments

Selon le type de douleurs, le traitement est le plus souvent prescrit hors AMM.

• Les antiépileptiques sont privilégiés dans les douleurs paroxystiques : carbamazépine, gabapentine, prégabaline.

• Les antidépresseurs tricycliques dans les douleurs chroniques : clomipramine, amitriptyline ou duloxétine.

• Les antalgiques à action centrale, tel le tramadol, peuvent avoir une action mixte sur les douleurs neurologiques et périphériques.

• Paracétamol ou AINS sont utilisés pour traiter les douleurs ostéo-articulaires ou musculaires éventuellement associées.

Autres traitements

Massages kinésithérapiques, acupuncture, relaxation ou sophrologie peuvent soulager.

Troubles urinaires

Ils dépendent de l’existence ou pas d’un résidu post-mictionnel, défini par la quantité d’urine restant dans la vessie après la miction et provoqué par les symptômes obstructifs.

• En l’absence de résidu post-mictionnel : anticholinergiques, tels l’oxybutynine (Ditropan, 2,5 à 5 mg 3 fois/j), le trospium (Ceris, 20 mg 2 fois/j avant les repas) et la toltérodine (Detrusitol et toltérodine Accord, 1 à 2 mg 2 fois/j). La solifénacine (Vesicare, 5 à 10 mg/j en une prise) est indiquée dans le « traitement symptomatique de l’incontinence urinaire par impériosité… ».

• En présence de résidu mictionnel. En cas d’altération du débit (dyssynergie vésico-sphinctérienne) : alpha-bloquants, tels l’alfuzosine (Xatral, Urion et génériques 5 à 10 mg/j) ou le tamsulosine (Josir, Mecir, Omexel, Omix et génériques, 0,4 mg LP/j). La toxine botulinique de type A (Botox, Dysport, Xeomin), injectée dans le détrusor, inhibe le message efférent contrôlant l’activité motrice du détrusor en bloquant la libération d’acétylcholine. Le recours à l’autosondage intermittent est parfois nécessaire et à privilégier en cas de vidange vésicale prolongée ou incomplète.

Fatigue

Prise en charge

D’abord reconnaître la fatigue qui, comme la douleur, est une donnée subjective. Rechercher d’éventuels facteurs aggravants tels que la dépression, les troubles du sommeil, les troubles urinaires ou les douleurs nocturnes, une nouvelle poussée et certains médicaments (la fatigue induite par les interférons est transitoire) et les traiter. La kinésithérapie en ville ou en séjour en centre de réadaptation est bénéfique.

Médicaments

• L’amantadine (Symmetrel, Mantadix), antiparkinsonien utilisé hors AMM, est bien toléré, avec des effets secondaires rares et réversibles, notamment des vertiges.

• L’amifampridine (= 3,4 diaminopyridine), anti-myasthénique en préparations hospitalières, ou Firdapse 10 mg cp, est utilisable hors AMM sans dépasser 100 mg par jour. Les effets secondaires sont nombreux, notamment paresthésies, troubles gastro-intestinaux, insomnies et troubles musculo-squelettiques. En 2011, l’Afssaps considérait que cette molécule n’avait pas d’efficacité significative sur la fatigue et la qualité de vie, et recommandait de ne pas l’utiliser dans la SEP.

Troubles visuels

• La névrite optique rétrobulbaire se manifeste par une baisse de l’acuité visuelle sur quelques heures ou quelques jours de façon habituellement unilatérale. Elle s’accompagne le plus souvent de douleurs aux mouvements du globe oculaire, d’un réflexe photomoteur (constriction physiologique de la pupille exposée à la lumière) diminué et d’un déficit d’une partie du champ visuel (scotome). La corticothérapie à fortes doses accélère la récupération visuelle et retarde la survenue d’un deuxième épisode. La récupération est complète en six mois dans 80 % des cas, mais la baisse de l’acuité peut être définitive dans les formes sévères.

• Autres troubles dus à des atteintes des nerfs crâniens : inconfort visuel, diplopie, paralysie oculo-motrice (du regard), mouvements du globe oculaire (nystagmus). Le phénomène d’Uhthoff – baisse de l’acuité visuelle de quelques minutes lors d’un effort ou de l’augmentation de la température corporelle – peut survenir après récupération d’une névrite optique rétrobulbaire.

Troubles génito-sexuels

Les troubles de l’érection peuvent être traités par inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (sildenafil, tadalafil…) ou injection intracaverneuse d’alprostadil (Caverject, Edex). Des lubrifiants contre la sécheresse vaginale sont nécessaires en cas de dyspareunie.

Conseils aux patients

Observance

Conservation des médicaments

Ils se gardent au réfrigérateur sauf Elsep, Betaferon et Extavia. Se conservent à température ambiante, Avonex : une semaine entre 15 et 30 ° ; Rebif : deux semaines ; Plegridy : 30 jours ; Copaxone : un mois. Après reconstitution, tous ces médicaments sont à utiliser immédiatement mais Betaferon et Extavia sont stables pendant trois heures à 2-8 °C et Tysabri et Lemtrada le sont durant huit heures.

Poussées

Avec l’expérience, le patient repère la poussée qui s’installe progressivement. Dans tous les cas, prévoir les conditions pour se reposer, car c’est le premier traitement. Reprendre des activités lorsque l’on se sent mieux. Si les symptômes s’aggravent ou empêchent les activités, il faut consulter le neurologue.

Aides à la marche

Aider la marche s’avère toujours bénéfique afin de préserver ses capacités et son autonomie. Les cannes anglaises sont conseillées pour des personnes qui peuvent marcher sans fatigue excessive. Un fauteuil roulant, électrique si nécessaire, est préconisé pour celles qui ne peuvent plus marcher ou qui ont besoin de faire des pauses fréquentes. Le fauteuil doit être perçu comme un moyen supplémentaire de préserver ses habitudes de vie.

Autosondage

Il est réalisé avec un simple respect des règles d’hygiène : lavage des mains à l’eau et au savon doux, toilette intime à l’eau et au savon doux ou avec une lingette sans alcool. L’autosondage ne doit pas être douloureux. En cas de douleur, inciter à refaire le point avec le service de neurologie. Cela peut être dû à une mauvaise utilisation du matériel, une maîtrise insuffisante du geste ou à une sonde pas adaptée à l’anatomie.

Vie quotidienne

Spasticité

Elle peut être diminuée par des douches ou des bains froids.

Fatigue

Une activité physique régulière adaptée permet de diminuer la fatigue. Fractionner les efforts et s’accorder des pauses permet au final de maintenir une activité plus prolongée. Adapter la vie quotidienne par le réaménagement du travail (mi-temps thérapeutique ou adaptation de poste), par l’aide d’une tierce personne, etc.

Éducation thérapeutique

Inciter à l’ETP quand elle est possible. Une enquête présentée lors des Journées de neurologie de langue française de 2012 a montré que les questions des patients qui bénéficiaient d’un programme d’ETP étaient moins nombreuses dans 57 % des cas et plus pertinentes pour 87 %. La prise en charge s’est également avérée plus facile dans 93 % des cas.

Info +

→ Les poussées provoquent l’aggravation de symptômes existants dans 80 % des cas et l’apparition de nouveaux symptômes neurologiques dans 20 % des cas.

Info +

→ La sclérose en plaques est dite « agressive » lorsqu’elle conduit à une accumulation rapide du handicap. Elle peut être caractérisée par une fréquence élevée de poussées – au moins deux avec séquelles –, ou une progression significative du handicap évaluée par l’échelle EDSS (Expanded Disability Status Scale).

Info +

→ Autres spécialités à base de mitoxantrone : en pratique, Novantrone (mitoxantrone) et les génériques de mitoxantrone sont aussi utilisés dans la SEP mais n’ont pas l’AMM.

Info +

→ Leucoencéphalo-pathie multifocale progressive (LEMP) : infection démyélinisante liée à une réactivation d’un virus. Les signes : troubles visuels et cognitifs, déficits sensitifs et moteurs. Le 12 février 2016, l’Agence européenne du médicament a émis de nouvelles recommandations pour diminuer le risque de LEMP associé à Tysabri.

Interview

Orienter vers les associations de patients pour compléter la prise en charge

Jocelyne Nouvet-Gire, présidente de l’Association française des sclérosés en plaques (Afsep)

Que peut apporter une association de patients comme l’Afsep(1) ?

Une association de patients complète rapidement la prise en charge médicale par un accompagnement juridique et social. Certaines personnes vivent des situations dramatiques, dues par exemple à la perte de leur emploi. L’Afsep peut autant participer à l’achat d’un fauteuil roulant ou au remplissage d’une cuve de fioul que traiter les questions juridiques ou administratives : garde d’enfant ou séparation dans un couple, constituer un dossier auprès de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). L’association propose aussi des formations pour les aidants familiaux ou professionnels et les patients, des ateliers pédagogiques sous la forme de groupes de parole, des ateliers de bien-être ou de gymnastique adaptés répartis à travers la France. Tout cela a des bénéfices rapides sur la symptomatologie. Les groupes de parole permettent aux patients de s’exprimer librement et sans tabou sur leur vécu avec d’autres, sur les troubles sexuels par exemple. C’est très important pour ne pas s’isoler avec ses difficultés.

Faut-il s’adresser aux associations dès le diagnostic posé ?

Comme pour toute maladie chronique, il y a une tendance à penser qu’il faut un temps pour accepter la maladie avant de s’adresser à une association. Quand le diagnostic est posé, de façon parfois brutale, il faut le digérer, mais ça ne doit pas prendre des années. Attendre trop après l’annonce du diagnostic est préjudiciable au patient, qui peut s’isoler et ne pas bénéficier des structures existantes. Il faut inciter les professionnels à orienter les patients vers les associations qui prennent en charge un volet social.

Quelle est la place de l’officinal dans la prise en charge de la SEP ?

Les patients ont une relation forte avec « leur » pharmacie comme ils disent souvent et à laquelle ils sont plutôt fidèles. Ils sont en général très satisfaits de l’accompagnement par les officinaux qui entoure la délivrance des médicaments. Il y a une relation de confiance importante avec ce professionnel de santé qui les connaît bien et qu’ils voient bien plus souvent que leurs médecins. C’est une relation très importante pour le patient atteint de sclérose en plaques.

(1) Afsep, 2 rue Farman, Technoclub C, 31700 Blagnac, Tél. : 0534557700, www.afsep.fr

En savoir +

→ www.arsep.org

Le site de la fondation pour l’Aide à la recherche sur la sclérose en plaques (Arsep) est une mine d’informations. Nombre de brochures thématiques sont disponibles, telles que « Traitement symptomatique de la sclérose en plaques ».

→ www.afsep.fr

L’Association française des sclérosés en plaques (Afsep) est un soutien indispensable pour les personnes atteintes et pour les officinaux souhaitant les conseiller. Elle dispose d’un service social pour faire valoir les droits des patients et les aider dans leurs démarches.

Tél. : 05 34 55 77 00.

À RETENIR

SUR LA MALADIE

→ La sclérose en plaques (SEP) se caractérise par une destruction progressive de la gaine de myéline qui entoure les neurones du système nerveux central.

→ Le plus souvent, la SEP alterne « poussées » et périodes de rémission. Plus rarement, la maladie évolue de façon progressive.

→ Une « poussée de SEP » correspond à une démyélinisation localisée qui entraîne l’apparition ou l’aggravation de symptômes neurologiques.

→ Les symptômes correspondent aux zones atteintes par la démyélinisation.

→ Ils sont soit définitifs, soit inconstants et régressent en cas de remyélinisation des neurones atteints.

SUR LE TRAITEMENT

→ Aucun traitement ne guérit la SEP.

→ La prise en charge consiste à traiter les poussées invalidantes, les symptômes présents et à ralentir l’évolution grâce à un traitement de fond.

SUR LE PATIENT

→ La plupart des patients ont une espérance de vie normale.

→ L’évolution imprévisible de la maladie est un facteur de stress.

→ Une stabilisation est possible.

→ L’éducation thérapeutique est à conseiller.

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