Une femme sous tamoxifène - Porphyre n° 520 du 26/02/2016 - Revues
 
Porphyre n° 520 du 26/02/2016
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Nathalie Belin

Après tumorectomie avec curage ganglionnaire, Madame T., 38 ans, a subi 6 séances de chimiothérapie et 29 de radiothérapie pour son cancer du sein. Sous tamoxifène depuis un mois, elle vient le renouveler.

Ce que je dois savoir

Législation

L’ordonnance est conforme à la législation.

Condiv

Ce que vous savez de la patiente

→ Madame T. a été opérée il y a un peu plus de six mois d’un carcinome canalaire infiltrant du sein droit (voir encadré à droite). Elle a bénéficié d’une tumorectomie. Il s’agit d’une chirurgie conservatrice du sein réalisée lorsque la tumeur est suffisamment petite.

→ L’analyse des tissus de la tumeur a révélé un cancer hormonodépendant, c’est-à-dire la présence de récepteurs hormonaux (RH+), et ici en particulier aux estrogènes (notés RE+).

→ Un bilan d’extension du cancer réalisé avant l’opération, notamment par Pet-Scan, a révélé que la maladie avait touché trois ganglions axillaires (métastases).

→ Ainsi, la tumorectomie a été associée à un curage de la chaîne ganglionnaire axillaire. Plus d’une vingtaine de ganglions ont ainsi été ôtés. Le principal effet indésirable de ce geste est le risque de lymphœdème. Il s’agit d’un gonflement du bras car le drainage de la lymphe est altéré.

→ Enfin, Madame T. a suivi une chimiothérapie à l’hôpital, puis 29 séances de radiothérapie, à raison de quatre séances par semaine.

→ La radiothérapie est recommandée en cas de chirurgie conservatrice pour détruire les cellules cancéreuses potentiellement non éliminées par le geste chirurgical.

→ Ces séances se sont achevées il y a quelques semaines et Madame T. a alors débuté la prise de tamoxifène.

Évolution

Avoir été atteint d’un cancer du sein est un facteur de risque de récidive de ce cancer.

De plus, lors d’un cancer infiltrant, des métastases non décelables, car de trop petite taille pour être mises en évidence à l’imagerie médicale, peuvent être disséminées au sein de l’organisme.

Objectif

→ Après un traitement adjuvant post-chirurgie comportant une chimiothérapie, une hormonothérapie a été mise en place dans le but de prévenir la récidive d’une tumeur mammaire et l’apparition de métastases parce que la tumeur est hormonosensible. Les cellules cancéreuses comportant des récepteurs aux estrogènes nécessitent la présence d’estrogène pour croître et se multiplier. En bloquant l’action hormonale, la croissance des cellules cancéreuses est limitée. D’ailleurs, une tumeur hormonosensible est « de meilleur pronostic ».

→ Le tamoxifène est le traitement hormonal adjuvant de référence chez la femme non ménopausée. Il est prescrit à raison de 20 mg par jour, généralement pour une durée de cinq ans. Toutefois, des données récentes sont en faveur d’un traitement plus long, jusqu’à dix ans.

Médicament

Le tamoxifène est un antinéoplasique à activité antiestrogène. Il se lie aux récepteurs aux estrogènes et inhibe de manière compétitive la liaison de l’estradiol à ces récepteurs. Il a par ailleurs des effets estrogéniques sur d’autres tissus (endomètre, os).

Repérer les difficultés

Moral en berne

Le traitement d’un cancer du sein est lourd, avec des répercussions sur le physique et le moral. Dépister des signes de découragement et/ou de déprime qui peuvent nécessiter si besoin une prise en charge adaptée : psychothérapeute, oncologue, association de patients… Madame T. vous confie être « bien suivie à l’hôpital ».

Enjeu du traitement

Le tamoxifène devra être pris durant plusieurs années pour éviter une récidive. Malgré les effets indésirables éventuels, il est important de le prendre régulièrement pour garantir son efficacité. Madame T. ne revoit son médecin que dans quatre mois, d’où l’importance de faire le point avec elle sur les effets indésirables.

Méthode contraceptive

Chez la femme non ménopausée, comme Madame T., une contraception sans hormone est impérative car le tamoxifène est tératogène. S’il bloque l’action des estrogènes, il n’empêche pas leur synthèse ; ainsi, il peut entraîner des troubles du cycle (aménorrhée, règles irrégulières) mais l’imprégnation estrogénique de l’organisme peut conduire au maintien d’une ovulation. Madame T. avait un stérilet à la progestérone qui a été remplacé par un dispositif au cuivre dès la découverte du cancer.

Ce que je dis à la patiente

J’ouvre le dialogue

« Je vois que vous avez débuté le traitement il y a un mois. Tout se passe bien ? » et « Comment vous sentez-vous ? » laissent la possibilité à Madame T. d’évoquer les effets indésirables. Elle dit souffrir de douleurs musculaires et articulaires et de bouffées de chaleur gênantes. Elle a aussi très mal au cœur. « Ressentez-vous des douleurs dans vos jambes ? » et « La station debout est-elle pénible ? » permettent de dépister des troubles thrombo-emboliques qui nécessiteraient un appel d’urgence au médecin.

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

Les cellules tumorales ont besoin des estrogènes pour se développer. Le tamoxifène bloque leur action et empêche la croissance de cellules tumorales qui pourraient éventuellement se reformer et induire une récidive du cancer.

Horaires d’administration

• Tamoxifène : la dose recommandée est de 20 mg par jour, en une ou deux prises.

Effets indésirables

Chez la femme non ménopausée : bouffées de chaleur, invalidantes mais en général passagères, pertes et/ou prurit vaginal, aménorrhée et irrégularités du cycle mais ovulation possible, d’où la nécessité d’une contraception ; douleurs articulaires ; nausées ; prise de poids ; hausse du risque d’accident thrombo-embolique veineux et de cancer de l’endomètre, d’où un examen gynécologique tous les six mois.

J’accompagne

Observance

• Ne jamais interrompre le traitement à son initiative et le signaler à tout professionnel de santé pour éviter les interactions médicamenteuses, notamment avec les inhibiteurs du CYP2D6 tels que paroxétine, duloxétine, fluoxétine…

• Bien respecter les visites et examens de suivi prévus par l’oncologue.

• Des astuces peuvent limiter les effets indésirables (voir Vente associée).

→ Nausées : fractionner les prises matin et soir et manger léger, plutôt tiède ou froid.

→ Douleurs : essayer une prise du tamoxifène au coucher. Se ménager et réduire ses activités ; parfois les douleurs vont en s’atténuant.

→ Bouffées de chaleur : prévoir des vêtements qui s’enlèvent facilement, un brumisateur.

• Consulter en urgence en cas de douleur dans les jambes et de saignement gynécologique.

Hygiène de vie

→ Une alimentation équilibrée limite la prise de poids, facteur de mauvais pronostic et de risque de rechute du cancer. Idem pour l’activité physique régulière et adaptée, qui est en plus bénéfique sur la fatigue et le moral.

→ En prévention du lymphœdème, éviter tout port de charge lourde du côté du bras opéré et cesser toute activité avec le bras dès qu’il devient douloureux. Les injections et prises de sang ou la prise de tension artérielle doivent se faire sur l’autre bras. Limiter aussi les bijoux étroits ou qui serrent.

→ Proscrire les plantes à base de phyto-œstrogènes contre les bouffées de chaleur : sauge, soja, graines de lin…

Vente associée

→ Pour limiter les bouffées de chaleur, proposez en homéo thuya, belladona, lachesis, sanguinaria en 7 CH : 2 granules de chaque plusieurs fois par jour. Contre les douleurs, orientez vers Rhus toxicodendron 9 CH et Ruta graveolens 5 CH, 2 granules de chaque trois fois par jour.

→ Le port de bas de compression en prévention de la thrombose veineuse est à recommander, particulièrement lors des voyages assis de plus de trois heures. Suggérez-lui d’en parler à son médecin si ce dernier n’en a pas prescrit.

Prescription

Hôpital H.

Service d’oncologie médicale.

Dr O.

Mme T., 38 ans, 65 kg.

• Tamoxifène 20 mg cp

1 cp par jour.

Traitement pour 6 mois.

Infiltrant ou invasif

→ Un cancer est dit infiltrant ou invasif quand les cellules cancéreuses envahissent le tissu conjonctif de soutien, entrant en contact avec les vaisseaux sanguins et lymphatiques. Si elles restent au niveau de leur tissu d’origine, le cancer est dit in situ. Un cancer du sein canalaire atteint les canaux galactophores.

La patiente me demande

« J’ai toujours la peau rouge suite à la radiothérapie. Est-ce normal ? »

Oui, la peau irradiée peut rester rouge ou irritée durant plusieurs semaines. Continuez de la nettoyer avec un lavant doux, type syndet ou pain surgras, et de l’hydrater tous les jours avec des produits à base d’urée par exemple. Évitez les cosmétiques irritants sur la zone (alcool, parfums…) et n’exposez pas les zones irradiées au soleil pendant un an (vêtements, solaire très haute protection).

À SAVOIR : des réactions tardives (radiodermites « tardives » ou « à distance ») peuvent survenir des mois, voire des années après l’irradiation. Elles justifient un avis médical.

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