“Un complément alimentaire pour préserver ma vue” - Porphyre n° 520 du 26/02/2016 - Revues
 
Porphyre n° 520 du 26/02/2016
 

Exercer

Au comptoir

Auteur(s) : Nathalie Belin

1 Je questionne

Précisez la demande

« Est-ce sur les conseils d’un médecin ? Ou en raison d’antécédents familiaux de maladie oculaire ? » et « Êtes-vous suivi pour une pathologie oculaire ? » et si oui « laquelle » délimitent la demande.

Déterminez votre intervention

« Votre vue a-t-elle changé ces derniers temps ? » Si oui, « Pouvez-vous me décrire vos symptômes ? » oriente plutôt vers un opthalmologiste en premier lieu.

Recherchez certains critères

« Avez-vous consulté un ophtalmologiste récemment ? », « Êtes-vous suivi pour une maladie ? Avez-vous des antécédents de cancer ? » déterminent le condiv.

« Est-ce que vous fumez ? », « Consommez-vous des fruits, légumes et du poisson ? » fait le point sur l’hygiène de vie.

2 J’évalue

Les compléments alimentaires ciblant le vieillissement oculaire sont demandés en automédication pour prévenir ou limiter l’évolution de la cataracte, de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ou du glaucome. Leur intérêt n’est démontré que dans certaines formes de DMLA. On sait aussi qu’une alimentation riche en antioxydants, caroténoïdes et oméga 3 a un effet protecteur vis-à-vis de certaines de ces maladies, d’où l’intérêt d’une supplémentation dans certaines situations (voir interview).

Recourir à ces références en automédication est possible après avoir exclu des contre-indications et préconisé un suivi ophtalmologique pour un dépistage de DMLA ou de glaucome car une prise en charge précoce enraye leur évolution. Et toute modification de la vue doit conduire à une consultation en urgence.

3 Je passe en revue

Composants à l’action bien établie

• Association d’antioxydants et de caroténoïdes. Des études(1) réalisées chez des patients atteints de DMLA ont été effectuées avec de fortes doses de vitamines antioxydantes (500 mg de vitamine C, 500 mg et 400 UI de vitamine E), de zinc, puissant antioxydant (80 mg), auquel a été ajouté du cuivre pour limiter les effets indésirables du zinc aux doses utilisées, et de caroténoïdes, la lutéine (2 mg) et la zéaxanthine (10 mg).

La lutéine et la zéaxanthine, caroténoïdes en quantité importante au niveau de la rétine, la protègent des radiations nocives de la lumière en diminuant le stress oxydatif et, contrairement au bêta-carotène, n’augmentent pas le risque de cancer du poumon chez les fumeurs. À noter : les compléments alimentaires contre le vieillissement oculaire vendus en pharmacie ne renferment plus de bêta-carotène.

• Oméga 3. Une autre étude(2) dans la DMLA a montré l’intérêt de fortes doses d’oméga 3, dont l’acide docosahexaénoïque ou EPA (270 mg/j) et surtout l’acide eicosapentaénoïque ou DHA (840 mg/j), des acides gras polyinsaturés indispensables au bon fonctionnement de la rétine. Les autorités de santé(3) recommandent d’ailleurs de consommer 500 mg par jour de EPA et DHA dans le cadre de la prévention de la DMLA.

Autres

• Antioxydants et vitamines. Aucun complément alimentaire ne renferme de telles doses de vitamines et nutriments, celles du zinc et des vitamines C ou E dépassant les doses maximales journalières autorisées dans les compléments alimentaires. D’où leur association fréquente à d’autres antioxydants comme le sélénium, le manganèse, le coenzyme Q10, le resvératrol issu du raisin ou l’extrait de myrtille, riche en polyphénols et anthocyanes et proposé pour améliorer la vision nocturne et diminuer l’éblouissement mais sans preuve d’efficacité. « Semblent également intéressants les vitamines du groupe B, vitamines B6, B9, B12 notamment, ou le safran ou encore la mésozéaxanthine, un autre caroténoïde important pour l’œil, mais à ce jour des études complémentaires sont nécessaires pour conclure à leur bénéfice », précise le Dr Marc Timsit. À noter : la vitamine B2 est reconnue comme « contribuant à une vision normale » (allégation autorisée).

• Divers. La citicoline, antioxydant et protecteur vasculaire, naturellement présente au niveau du cerveau, et le ginkgo biloba, qui améliore le débit sanguin et la microcirculation, ont fait l’objet d’études dans le glaucome. L’acide hyaluronique et les fibres de collagène, principaux composants du corps vitré, entrent dans la composition de compléments alimentaires ciblant les corps flottants ou « mouches volantes » (voir Condiv).

4 Je choisis

Les compléments alimentaires ciblant en particulier la prévention de la DMLA sont nombreux. En dehors d’une recommandation médicale particulière, voici des pistes pour orienter le choix.

Selon le condiv

« Il est logique de choisir un complément alimentaire se rapprochant le plus des formules employées dans les études, c’est-à-dire suffisamment riche en antioxydants et/ou en DHA », explique le Dr Marc Timsit. Ceci est particulièrement important en cas de DMLA avérée lorsque l’indication d’un complément alimentaire est justifiée. Cela est du ressort du médecin (voir interview).

Selon la galénique

La plupart des références se présentent en capsules à avaler. Deux capsules par prise sont le plus souvent nécessaires, s’ajoutant généralement à d’autres médicaments pris par ailleurs. Pour faciliter l’observance au long cours, la prise d’une seule capsule par jour ou de comprimés à croquer peut être intéressante. Mais ces formes ne renferment pas toujours les concentrations et les différents composants adéquats. Par exemple, il n’y a pas d’oméga 3 dans les formes à croquer. Il est donc logique de réserver ces formes à un condiv de prévention du vieillissement oculaire.

5 J’explique

→ Le vieillissement oculaire est inéluctable. En dehors de certaines formes de DMLA, aucun complément alimentaire n’a prouvé son efficacité pour prévenir les pathologies oculaires liées à l’âge et/ou traiter les corps flottants.

→ Le complément alimentaire ne doit pas se substituer à une alimentation équilibrée. Une alimentation riche en légumes verts (voir plus loin) est associée à une réduction du risque d’apparition de la DMLA.

Une alimentation riche en antioxydants dans les fruits et légumes est également associée à une baisse du risque de cataracte. C’est l’un des moyens essentiels de prévention, avant même la prise d’un complément alimentaire.

→ La prévention débute aussi par des visites régulières chez un ophtalmologiste afin de dépister précocement ces maladies. En général, tous les deux à cinq ans en l’absence de signes ou de correction.

6 Je conseille

Modalités de prise

• Moment de prise. De préférence au milieu d’un repas pour les références avec huiles de poisson (oméga 3) afin d’éviter d’éventuelles remontées de poisson désagréables.

• Durée. Une supplémentation prescrite dans le cadre d’une DMLA avérée se fait sans interruption et à vie. En dehors de ce condiv, des cures de trois à quatre mois, renouvelables, ou même en continu, peuvent être proposées chez les patients ayant une alimentation pauvre en fruits, légumes verts et/ou poissons gras.

• Ne pas cumuler plusieurs compléments alimentaires riches en antioxydants (pour la peau par exemple : anti-âge, bronzage…) car les effets potentiels de fortes doses au long cours sont mal connus. Pour cette même raison, les personnes atteintes d’un cancer doivent demander l’avis de leur médecin avant de se supplémenter car de fortes doses d’antioxydants pourraient avoir une action délétère sur le cancer.

• Mettre en garde contre certaines références vendues sur Internet qui peuvent contenir de fortes doses de bêta-carotène, déconseillé chez les fumeurs, ou dont la composition n’est pas garantie.

Gestes de prévention

→ Outre l’arrêt du tabac, recommandé, une alimentation équilibrée et une activité physique régulière limitent la prise de poids susceptible de favoriser ou d’aggraver le glaucome ou la DMLA.

→ Les antioxydants se trouvent dans tous les fruits et légumes. La lutéine est présente en grande quantité dans les légumes verts, notamment choux, brocolis, épinards et courgettes. Les oméga 3 et en particulier le DHA figurent en grande quantité dans les poissons gras, à consommer au moins une fois par semaine : saumon, thon, maquereau, sardine, anchois, hareng…

→ Protéger ses yeux de tout éblouissement : lunettes de soleil, chapeau.

→ Une visite de contrôle chez son ophtalmologiste vers 45 ans ou même avant en cas d’antécédents familiaux de glaucome ou de DMLA est recommandée.

→ Les personnes atteintes de DMLA doivent régulièrement tester leur vision, œil par œil à l’aide de la grille d’Amsler ou d’un quadrillage, mots croisés par exemple. Toute déformation des lignes, même légère, ou toute modification nouvelle de la vision doivent conduire à une consultation en urgence ; insister auprès du secrétariat si besoin.

Avec la collaboration du Dr Marc Timsit, chirurgien ophtalmologiste, rédacteur du site Ophtalmologie.fr

(1) Études AREDS (Age-Related Eye Disease Study).

(2) Étude NAT2 (Nutritional AMD Treatment 2) dans la DMLA.

(3) Anses, Actualisation des apports nutritionnels conseillés pour les acides gras, mai 2011.

Le condiv

Presbytie, glaucome et DMLA sont liés au vieillissement physiologique. Outre la génétique, des facteurs peuvent accélérer leur survenue ou les aggraver. Tabagisme et rayons UV augmentent la production de radicaux libres à l’origine du « stress oxydatif » des cellules. Diabète et alimentation pauvre en vitamines A, C, E et sélénium favorisent le vieillissement oculaire.

→ La presbytie est liée à la perte de souplesse du cristallin, sorte de lentille à l’arrière de l’iris, à la base du mécanisme d’accommodation qui assure une netteté des images à différentes distances.

→ Le glaucome, lié à une augmentation de la pression intraoculaire, entraîne une perte progressive du champ visuel.

→ La DMLA est liée à l’atteinte d’une zone de la rétine, la macula, qui joue un rôle essentiel dans la lecture, la vision des détails et des couleurs. La forme sèche (ou atrophique), d’évolution très lente, et la forme humide (ou exsudative), la plus sévère, peuvent causer une baisse rapide de la vision. L’exposition à la lumière forte, un régime pauvre en fruits et légumes verts, l’hypertension artérielle et l’obésité semblent favoriser sa survenue.

→ Les corps flottants ou « mouches volantes » responsables de troubles visuels avec impression de taches grises, mobiles dans le champ visuel, sont liés au vieillissement du corps vitré (qui remplit l’intérieur de l’œil). Ils sont plus fréquents chez les opérés de la cataracte ou les traumatisés oculaires.

Interview

Dr Marc Timsit, chirurgien ophtalmologiste, rédacteur du site Ophtalmologie.fr

Qu’attendre exactement de ces compléments alimentaires et à qui s’adressent-ils ?

Leur bénéfice est clairement démontré dans la DMLA en cas de forme humide, pour éviter l’atteinte du deuxième œil, et dans certaines formes sèches avec un risque élevé d’évolution vers une forme humide. En revanche, aucun n’a prouvé son action en prévention de la DMLA, ni dans le glaucome ou la cataracte. Reste que les personnes qui ont tendance à consommer peu d’antioxydants et d’oméga 3 ont sans doute intérêt à se supplémenter pour se préserver des effets du vieillissement oculaire en général. À noter que les oméga 3 sont également intéressants pour les personnes qui souffrent de sécheresse oculaire. Quant aux compléments alimentaires utilisés pour limiter les corps flottants, ils n’ont qu’un effet placebo… mais cela peut rassurer certains patients.

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