“Mon mari voudrait quelque chose contre la diarrhée ” - Porphyre n° 518 du 02/12/2015 - Revues
 
Porphyre n° 518 du 02/12/2015
 

Exercer

Au comptoir

Auteur(s) : Nathalie Belin

1 Je questionne

Précisez la demande

Interrogez la femme sur son mari. « Depuis quand a-t-il la diarrhée ? », « D’autres symptômes sont-ils présents comme des douleurs abdominales, des vomissements ou de la fièvre ? » affinent la clinique.

Suspectez une étiologie

« Des personnes de votre entourage sont-elles ou ont-elles été malades ? », « Votre mari a-t-il mangé quelque chose de particulier (fruits de mer…) ? », « Êtes-vous partis à l’étranger ces dernières semaines (pays tropicaux, subtropicaux) ? » délimitent le rôle officinal.

Déterminez le condiv

« Prend-il des traitements particuliers comme des antibiotiques… ou contre la goutte ou pour le cœur ? », « Est-il suivi pour une pathologie particulière ? » et « A-t-il déjà pris un médicament pour se soulager ? » orientent le conseil.

2 J’évalue

La diarrhée est une cause fréquente de demande de conseils au comptoir (lire aussi Porphyre n° 510, diarrhée chez l’enfant). Les diarrhées infectieuses, virales ou bactériennes sont le plus souvent bénignes. Un traitement symptomatique peut être généralement proposé pour soulager le patient en attendant une évolution favorable en un à trois jours.

Un avis médical est impératif en cas de diarrhée semblant liée à l’introduction d’un nouveau médicament ; persistant plus de trois jours et/ou avec vomissements répétés, fièvre > 39 °C ; de diarrhées sanglantes, glaireuses ou survenant au retour d’un voyage en zone tropicale ou subtropicale ; d’alternance d’épisodes de diarrhées et de constipation.

Orienter aussi vers le médecin les personnes immunodéprimées, âgées et/ou polymédiquées, chez qui une déshydratation, principale complication immédiate de la diarrhée, peut être grave avec risque d’hypotension ou de décompensation de pathologies sous-jacentes (insuffisance cardiaque, troubles du rythme, diabète…).

Attention : la consultation médicale ne doit pas retarder la réhydratation, qui est primordiale dans tous les cas.

À savoir : 10 à 20 % des diarrhées survenant sous antibiotique sont dues à Clostridium difficile, une bactérie à l’origine de colite pseudomembraneuse potentiellement grave. Cette dernière se manifeste en général de cinq à dix jours après le début du traitement antibiotique. Les selles abondantes — au moins cinq fois par jour — sont parfois sanglantes avec souvent fièvre et douleurs abdominales. Tous les antibiotiques exposent à ce risque mais les aminopénicillines et les céphalosporines sont les plus impliquées.

3 Je passe en revue

SRO

Les solutés de réhydratation par voie orale (SRO) apportent en proportions idéales l’eau et les électrolytes nécessaires pour combler la perte liquidienne. Ils sont tout particulièrement recommandés chez les personnes âgées et/ou celles souffrant de maladies chroniques. La réhydratation doit intervenir le plus tôt possible. Exemples de produits : en sachets à diluer dans 200 ml d’eau bouillie ou faiblement minéralisée (Adiaril, Biogaia SRO, Novalac Hydranova…), prêts à l’emploi à partir de 3?ans (Hydrovit…).

Antidiarrhéiques

• Antisécrétoires : le racécadotril, un antisécrétoire pur, est un traitement de première intention pour atténuer la diarrhée. Il est réservé en conseil aux plus de 15 ans. Il est moins puissant que le lopéramide mais n’entraîne pas, contrairement à ce dernier, de stase digestive qui peut éventuellement favoriser une diarrhée bactérienne invasive. Bien toléré, le racécadotril n’a pas de contre-indications.

• Moteurs : le lopéramide réduit les sécrétions et la motilité intestinale, d’où le risque de bloquer l’évacuation d’une bactérie invasive et/ou toxique pour la muqueuse intestinale. Il peut être conseillé dès 15 ans pour son action rapide et puissante, en tenant compte des contre-indications : poussée aiguë de rectocolite hémorragique, diarrhées sanglantes ou glaireuses, suspicion de diarrhée invasive en présence de fièvre élevée, traitement antibiotique en cours (risque potentiel de favoriser une colite pseudomembraneuse). Il peut constiper en cas de posologie excessive.

Adsorbants intestinaux

La diosmectite et l’attapulgite ont un effet protecteur et couvrant de la muqueuse digestive, limitant ainsi l’action des micro-organismes pathogènes. Bien tolérés, ils ont une action limitée. Ils améliorent la consistance des selles en cas de diarrhée légère à modérée. Précautions : ils peuvent interférer avec d’autres traitements médicamenteux concomitants.

Ferments lactiques

Certaines études montrent un effet bénéfique des ferments lactiques, anciennement appelés probiotiques, notamment dans la prévention ou le traitement de la diarrhée due aux antibiotiques. Bien tolérés, ils peuvent être proposés en cas de diarrhée légère à modérée, seuls ou en complément d’autres traitements symptomatiques, en prolongeant leur prise de quelques jours après l’épisode diarrhéique pour aider à restaurer la flore intestinale. Les souches les mieux étudiées dans ces indications sont Lactobacillus rhamnosus GG et la levure Saccharomyces boulardii. Précautions : à éviter par prudence chez les patients avec baisse de leur immunité (anticancéreux, immunosuppresseurs, corticoïdes au long cours…) ou ceux sujets à des hémorragies digestives.

Antibactériens intestinaux

Le nifuroxazide (Ercéfuryl, Panfuryl, Ediston…) n’a pas d’intérêt dans la prise en charge des diarrhées et son utilisation n’est pas recommandée.

4 Je choisis

Dans tous les cas, proposez un soluté de réhydratation par voie orale en cas de difficulté à assurer par soi-même une bonne réhydratation (eau, thé sucré, bouillons de légumes…).

En fonction du condiv

• Gastro-entérite virale. Diarrhée modérée et/ou peu gênante avec accès aux toilettes possible : un antisécrétoire et/ou un adsorbant intestinal en association aux ferments lactiques. Diarrhée gênante : lopéramide +/- adsorbants intestinaux en association aux ferments lactiques.

• Toxi-infection alimentaire : antisécrétoire voire lopéramide en l’absence de contre-indication et/ou un adsorbant intestinal en association aux ferments lactiques.

• Diarrhée légère sous antibiotique : ferments lactiques. Demander un avis médical si la diarrhée est importante. Jamais de lopéramide.

• Prévention de la turista : racécadotril en première intention. Lopéramide si pas d’accès aux toilettes, en rappelant ses contre-indications (diarrhée glaireuse, sanglante, fièvre) +/- adsorbants intestinaux en association aux ferments lactiques.

• Diarrhée au retour d’un voyage aux conditions d’hygiène précaires : jamais de lopéramide. Recommander un avis médical.

Selon l’âge et comorbidités

• Personnes âgées et/ou polymédiquées : privilégier les solutés de réhydratation par voie orale (SRO), éventuellement un antisécrétoire en attendant la consultation médicale.

Selon la présentation

Pour une prise sans eau, possibilité d’orienter vers une forme linguale de lopéramide (Imodium lingual).

5 J’explique

Une diarrhée aigüe est le plus souvent bénigne et évolue favorablement en deux à trois jours.

Le traitement est symptomatique. Il doit s’accompagner d’une bonne réhydratation et de mesures diététiques pour limiter les symptômes. En l’absence d’amélioration sous 48 heures, un avis médical est nécessaire.

6 Je conseille

Modalités de prise

Elles diffèrent selon les classes de médicaments. Lopéramide : uniquement lors de selles liquides, car risque de constipation secondaire. Adsorbants intestinaux : à deux ou trois heures de distance des autres traitements. Ferments lactiques : selon les indications du fabricant, au cours ou en dehors des repas.

Mesures diététiques

Limiter les légumes verts, les légumineuses, les graisses (plats en sauce, poissons ou viandes panées…), les céréales complètes, les agrumes, les fruits secs, l’alcool, les épices, le lait (souvent mal digéré) ; les yaourts sont en revanche plutôt bien tolérés. Privilégier le riz et autres féculents (pâtes, pommes de terre), les carottes, les betteraves rouges, les volailles ou poissons sans sauce, les bananes, pommes et coings cuits.

Gestes de prévention

• Contre la « gastro » : se laver les mains systématiquement avant de manger, de préparer le repas, après être allé aux toilettes, si besoin à l’aide d’une solution hydro-alcoolique. Éviter les contacts rapprochés avec son entourage, ne pas serrer les mains, notamment de personnes fragiles (âgées, immunodéprimées…). Laver les surfaces souillées (vomissements…) à l’eau de Javel diluée au 1/10e ; désinfecter la poignée de porte des toilettes, le siège et la chasse d’eau. Ne pas partager ses ustensiles de cuisine.

• Contre les infections alimentaires : se laver les mains avant de préparer les repas, bien nettoyer son plan de travail, ne jamais rompre la chaîne du froid. Nettoyer le réfrigérateur une fois par mois avec eau de Javel diluée au 1/10e. Respecter les dates limites de consommation des aliments ; cuire à cœur les viandes, notamment la viande hachée de bœuf et les poissons.

• Contre la turista : lavage fréquent des mains avec une solution hydro-alcoolique. Ne consommer que des plats très chauds (la chaleur détruit les germes), de la viande bien cuite, pas de crudités. Laver et peler les fruits consommés crus ; évitez crèmes glacées, sorbets, coquillages, glaçons dans les boissons ; ne boire que de l’eau ou des boissons embouteillées ou de l’eau bouillie durant une minute au moins ou désinfectée à l’aide de comprimés (Micropur, Oasis, Aquatabs…).

Le condiv

La diarrhée est l’émission d’au moins trois selles molles ou liquides par jour selon l’OMS. Plus généralement, on parle de diarrhée aiguë devant la modification brutale des selles, qui deviennent plus fréquentes et plus liquides que d’ordinaire. Une diarrhée aiguë dure le plus souvent moins de dix jours. Elle est chronique en présence de signes depuis au moins quatre semaines. Fièvre modérée, nausées ou vomissements, douleurs abdominales sont souvent associés en cas de gastro-entérite virale ou bactérienne.

Principales étiologies

→ Infectieuses pour la plupart des diarrhées aiguës. Dans les pays développés, les virus (entéro- ou adénovirus) sont à l’origine de « la gastro-entérite », fréquente l’hiver. Les toxi-infections alimentaires sont généralement dues à des bactéries (Escherichia coli, salmonelles…), surtout l’été en raison souvent de la contamination microbienne d’un aliment par rupture de la chaîne du froid. E. coli est la principale cause de la « diarrhée du voyageur » ou « turista » mais d’autres bactéries (shigelles, salmonelles…) ou des parasites (Giardia, amibes…) peuvent être impliqués et à l’origine de diarrhées sanglantes ou glaireuses.

• Iatrogènes : antibiotiques, AINS, diacéréine, entacapone, metformine, olmésartan, orlistat, antirétroviraux, cytotoxiques, surdosage en colchicine ou digoxine…

• Pathologies et âge : maladies inflammatoires de l’intestin ; fausse diarrhée éventuellement sur fécalome du patient âgé, notamment alité, avec selles non moulées alternant avec constipation ; cancer colorectal (modification brutale du transit avec alternance d’épisodes de diarrhées et de constipation, notamment chez les plus de 50 ans).

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