L’énurésie nocturne primaire isolée - Porphyre n° 518 du 02/12/2015 - Revues
 
Porphyre n° 518 du 02/12/2015
 

Savoir

Le point sur…

Auteur(s) : Caroline Bouhala*, Dr Castagnola**

Le banal « pipi au lit » après l’âge de 5 ans nécessite une prise en charge lorsque son retentissement affecte l’enfant et la famille. La participation de l’enfant et la mise en place de règles hygiéno-diététiques suffisent en général, en proscrivant punitions et brimades.

Qu’est-ce que c’est ?

L’énurésie nocturne, ou « pipi au lit », est une incontinence urinaire intermittente survenant pendant le sommeil chez un enfant âgé de 5 ans et plus(1). Elle est dite :

• primaire si l’enfant n’a jamais été propre plus de six mois consécutifs ;

• secondaire si l’incontinence réapparaît après six mois de contrôle mictionnel ;

• isolée en l’absence d’autres troubles mictionnels (fuites dans la journée, etc). Sinon, elle est polysymptomatique ou « associée ».

La forme la plus commune est l’énurésie nocturne primaire isolée (EnPI), que nous appellerons énurésie « tout court » dans cet article.

Quelles en sont les causes ?

• L’énurésie n’est pas d’origine psychologique, contrairement aux idées reçues, même s’il est vrai qu’elle peut être une réaction à un trouble psychologique (abus sexuel, divorce, etc.). Dans la majorité des cas, les enfants énurétiques n’ont pas plus de troubles psychiatriques primitifs que la population générale.

• Son étiologie est complexe et multifactorielle, mais deux formes sont plus ou moins associées.

→ La forme polyurique nocturne : elle correspond à une production excessive d’urine la nuit, en raison notamment d’un défaut de sécrétion nocturne de l’hormone antidiurétique (ADH), la vasopressine. Physiologiquement, le pic d’ADH nocturne permet une production d’urine deux fois moins importante la nuit que le jour.

→ La forme à « faible capacité vésicale fonctionnelle » : ici, « l’enfant a une vessie de taille normale mais le détrusor – muscle lisse de la vessie – se détend moins bien, empêchant la vessie de contenir suffisamment d’urine, explique le Dr Castagnola, chirurgien urologue. Les mictions sont peu abondantes mais plus fréquentes. Dans environ un tiers des cas, cette forme s’accompagne d’une hyperactivité nocturne du détrusor, c’est-à-dire de contractions de la vessie.

Quels facteurs sont associés ?

• Prédisposition familiale : le risque pour un enfant de 5 ans d’être énurétique est de 15 % en population générale, mais de 44 % si l’un des parents l’était et de 77 % si les deux l’étaient.

• Les enfants énurétiques ont un seuil d’éveil plus profond en général, rendant encore plus difficile la perception du besoin d’uriner.

• Autres : environ 20 % des enfants souffrant de troubles du déficit d’attention et hyperactivité (TDAH) ont une EnPI et 10 % environ des EnPI souffrent de TDAH. Les apnées du sommeil et/ou l’encombrement sévère des voies ORL favorisent la polyurie nocturne. Une constipation et/ou une incontinence fécale peuvent être associées.

Comment la diagnostiquer ?

• Essentiellement clinique, le diagnostic consiste surtout à éliminer d’autres troubles mictionnels. Une longue consultation associe interrogatoire et examen physique. À savoir : une énurésie secondaire est en général liée à une cause organique (diabète, infection urinaire, etc.), un problème réactionnel (divorce, naissance d’un cadet, etc.) ou de maltraitance et/ou abus sexuels.

• La tenue d’un calendrier mictionnel sur 48 heures, indiquant fréquence et volume des mictions, est recommandée(1) pour confirmer ou infirmer le diagnostic, notamment si l’on suspecte une faible capacité vésicale fonctionnelle.

• Les examens complémentaires sont le plus souvent inutiles, à moins d’un doute sur l’étiologie.

Quelle prise en charge ?

→ Non systématique, la prise en charge dépend de son retentissement sur l’enfant et sa famille.

→ Elle repose sur des mesures éducatives et hygiéniques à suivre deux semaines au moins. Si insuffisantes, on peut ajouter un système d’alarme et/ou un médicament chez les plus de 6 ans.

Rassurer et déculpabiliser l’enfant en lui expliquant ce qui se passe, qu’il n’est pas malade et que le trouble est transitoire. Il faut l’aider à conquérir son indépendance et non le rabaisser.

→ Une psychothérapie peut être utile en présence d’une mésestime de soi, d’un environnement problématique, etc.

Quelles mesures éducatives ?

• Responsabiliser l’enfant en le faisant participer. Lui faire tenir un calendrier mictionnel où il note ses nuits « sèches » ou « mouillées ». Ce système en guérit un sur cinq. Et juge sa motivation. Choisir un procédé simple pour le linge, et si possible gérable par l’enfant : lui faire préparer le soir des vêtements de rechange et des draps, à utiliser en cas de besoin durant la nuit ; lui demander de mettre son linge mouillé dans la machine à laver le matin.

• Suivre des règles hygiéno-diététiques : bien répartir les apports liquidiens en journée (de 45 à 60 ml/kg/jour), en les limitant après 18 heures. Privilégier les eaux peu minéralisées et éviter les apports hyperosmolaires (attirant l’eau) en fin de journée : boissons gazeuses, sucrées, aliments très salés et les sources de calcium. Des mictions régulières dans la journée sont recommandées, cinq à six fois par jour, sans oublier au lever et au coucher. L’enfant doit faire pipi dès qu’il en ressent le besoin, en laissant l’urine s’écouler sans pousser ni se retenir. Corriger d’éventuels troubles du transit. À savoir : des exercices d’interruption mictionnelle sont parfois proposés mais « risquent de modifier le comportement de l’enfant et d’être délétères pour l’équilibre vésico-sphinctérien », estime le Dr Castagnola.

Quels traitements spécifiques ?

L’aide thérapeutique est choisie selon le type d’énurésie, la motivation, la tolérance, etc.

Systèmes d’alarme

• C’est quoi ? Couche en tissu à placer dans le slip, sonde incluse dans un matelas en plastique reliée à un système de sonnerie, voire sonde sans fil dans le slip, ces systèmes émettent dès les premières gouttes d’urine un signal sonore que l’enfant doit éteindre. À l’achat ou à la location (de 80 à 200 euros), mais non remboursés, ces dispositifs favorisent la prise de conscience du besoin et son anticipation.

• Quand ? Surtout recommandés en cas de sommeil trop profond et/ou de faible capacité vésicale. Résultat en deux à huit semaines mais deux à quatre mois sont nécessaires pour le renforcer et éviter les rechutes. Ils sont efficaces dans 60 à 80 % des cas au bout de trois mois, surtout associés aux règles comportementales et à un soutien familial. À long terme, ils entraîneraient moins de rechutes que les médicaments.

Desmopressine

• Cet analogue de la vasopressine retient temporairement l’eau et limite la quantité d’urine formée la nuit, diminuant ainsi le besoin de faire pipi.

• C’est le traitement de choix en cas de polyurie nocturne et pour les réfractaires aux mesures hygiéno-diététiques. Elle agit plus vite que les alarmes mais les récidives à l’arrêt s’avèrent plus fréquentes.

• Débuter par 120 µg (Minirinmelt, lyophilisat oral) en une prise le soir. Augmenter par paliers de sept jours jusqu’à la dose efficace (maxi : 360 µg) à suivre trois mois. À renouveler si besoin.

• Effets indésirables : risque d’intoxication par l’eau avec hyponatrémie, souvent consécutive à un mésusage. Signes : céphalées, prise de poids rapide, fatigue inhabituelle, manque d’appétit avec nausées, voire vomissements, maux de tête avec parfois agitation, irritabilité, état confusionnel et, dans les cas sévères, convulsions. Pour diminuer ce risque, limiter les boissons au moins une heure avant et jusqu’à huit heures après la prise.

Autres

→ L’oxybutynine en deuxième intention chez les enfants avec faible capacité vésicale nocturne.

→ Des associations thérapeutiques en cas d’échec : desmopressine et alarme ; desmopressine et oxybutynine ; alarme et oxybutynine.

→ Les antidépresseurs tricycliques ne doivent pas être prescrits, sauf exception.

À savoir : hypnose, psychothérapie, acupuncture, homéopathie ou chiropraxie n’ont pas prouvé leur efficacité.

(1) Énurésie nocturne primaire isolée : diagnostic et prise en charge. Recommandations par consensus formalisé d’experts, D. Aubert, E. Berard, J.-P.Blanc, G. Lenoir, F. Liard, H. Lottmann, Prog. Urol., 2010.

Avis d’expert
Dr Christian Castagnola, chirurgien urologue à Mougins (06) et vice-président de l’Association française d’urologie (AFU).

Que dire au comptoir en cas d’énurésie ?

Il faut surtout rassurer l’enfant et sa famille car la plupart du temps ils sont très inquiets. Dédramatisez et rappelez les conseils hygiéno-diététiques. Expliquez aux parents que l’enfant ne le fait pas exprès et ne doit être ni puni, ni réprimandé. Une prise en charge médicale s’impose dès qu’il y a un retentissement personnel ou familial. Et mieux vaut éviter d’attendre l’adolescence pour traiter, au risque d’entraîner des perturbations de l’image de soi. Quant aux couches, je n’ai rien contre, surtout en début de traitement, mais quand le calendrier mictionnel montre une nette amélioration avec plus de nuits sèches que mouillées, on peut essayer de les enlever. Enfin, on ne doit pas réveiller systématiquement l’enfant en pleine nuit pour le faire aller aux toilettes. Non seulement, la vessie pourrait ne pas être encore pleine, mais cela risque de fatiguer tout le monde et de perturber son sommeil.

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