La contraception d’urgence hormonale - Porphyre n° 513 du 03/06/2015 - Revues
 
Porphyre n° 513 du 03/06/2015
 

SAVOIR

le point sur…

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Délisté au mois d’avril, conformément à une décision européenne, l’ulipristal (EllaOne) est désormais accessible selon les mêmes modalités que le lévonorgestrel. Le point sur ces deux molécules pour aiguiller au mieux les utilisatrices.

Quelles sont les méthodes ?

La contraception hormonale d’urgence regroupe les méthodes orales visant à limiter le risque de grossesse en cas de relation sexuelle non ou mal protégée : préservatif défaillant, pilule oubliée, patch décollé… Sont utilisés :

• le lévonorgestrel (LNG) : un progestatif dosé à 1,5 mg dans NorLevo et génériques ;

• l’ulipristal acétate (UPA) : un modulateur sélectif des récepteurs de la progestérone qui agit en se liant avec une forte affinité aux récepteurs de la progestérone humaine, dosé à 30 mg dans EllaOne.

À savoir : l’autre méthode disponible en contraception d’urgence est la pose d’un dispositif intra-utérin (stérilet) au cuivre. Moins fréquente, plus difficile dans sa réalisation, elle est cependant plus efficace, à 99,9 % si le DIU est posé dans les cinq jours suivant le rapport à risque.

Comment agissent-elles ?

Les deux molécules agissent principalement en inhibant ou en retardant l’ovulation via la suppression du pic d’hormone lutéostimuline (LH) produite par l’hypophyse. Pour mémoire, le pic de LH « déclenche » la rupture du follicule ovarien, et donc l’ovulation, qui intervient de 36 à 48 heures plus tard.

Quelle est leur efficacité ?

Le plus tôt possible

Quel que soit le médicament, la contraception d’urgence est d’autant plus profitable qu’elle est utilisée précocement après le rapport sexuel à risque. Si l’ovulation a déjà eu lieu, elle n’est plus efficace. Selon les RCP (résumés des caractéristiques des produits) :

• pour le LNG, la proportion de grossesses évitées avec le lévonorgestrel pris dans les trois jours suivant le rapport à risque variait entre 52 % et 85 % lors des études cliniques ;

• pour l’UPA, l’ulipristal est capable de retarder la rupture folliculaire pendant au moins cinq jours dans 78,6 % des cas, même s’il est pris immédiatement avant la date d’ovulation prévue.

Les arguments

• Le laboratoire HRA, qui commercialise les deux spécialités, s’appuie sur deux études publiées dans The Lancet(1). Et avance une supériorité de l’UPA sur la LNG, avec une meilleure efficacité au-delà de 72 heures et presque trois fois supérieure quand il est pris dans les 24 heures suivant un rapport sexuel non protégé. Les arguments scientifiques sont notamment une action qui persiste alors même que le taux de LH a déjà commencé à augmenter et une efficacité sur des follicules ovariens de plus grande taille.

• Une revue Cochrane en 2012(2) reprenant les résultats de 100 essais sur plus de 55 000 utilisatrices concluait à une supériorité « marginale » de l’UPA sur le LNG dans les 72 heures.

La différence d’efficacité entre les deux méthodes reste à vérifier « dans la vraie vie »…

Quelles précautions ?

Contre-indications

Pour les deux, il s’agit d’une hypersensibilité à la molécule ou à l’un des excipients.

Mises en garde

• Communes : lévonorgestrel et ulipristal ne sont pas recommandés en cas d’insuffisance hépatique sévère.

• Lévonorgestrel : déconseillé en cas d’antécédent de salpingite ou de grossesse extra-utérine en raison d’un risque accru de grossesse ectopique (hors de l’utérus) qui peut se poursuivre malgré l’apparition de saignements utérins.

• Ulipristal : non préconisé en cas de soupçon de grossesse (voir plus loin) et en cas d’asthme sévère traité par corticoïdes oraux en raison de sa forte affinité pour les récepteurs des glucocorticoïdes avec risque d’inhibition d’action des corticoïdes.

Interactions médicamenteuses

• Communes : l’association avec les inducteurs enzymatiques risque de diminuer l’effet des deux contraceptifs d’urgence. Exemples : rifampicine, phénytoïne, phénobarbital, carbamazépine, éfavirenz, primidone, rifabutine, millepertuis…

• Ulipristal. Puisqu’il se lie au récepteur de la progestérone avec une forte affinité, il peut interférer avec l’action et abaisser l’effet des médicaments contenant un progestatif tels que :

→ les contraceptifs hormonaux : le Thésaurus des interactions médicamenteuses indique un risque de diminution de l’efficacité contraceptive des pilules durant au moins douze jours, d’où les précautions contraceptives renforcées suivant la prise d’ulipristal (voir ci-dessous) ;

→ la contraception d’urgence par le lévonorgestrel : associer les deux molécules dans le but d’en optimiser les effets n’est donc pas indiqué et serait même contre-productif par antagonismes de leur mode d’action pharmacologique.

Laquelle prendre ?

Elle a moins de 18 ans

Ces deux méthodes conviennent à toute femme en âge de procréer, y compris les adolescentes.

À noter : lors de sa commercialisation, l’ulipristal était réservé aux plus de 18 ans. Aucune différence selon l’âge n’ayant été observée au niveau de la sécurité ou de l’efficacité en période de post-commercialisation, cette restriction n’est plus d’actualité.

Elle allaite et désire continuer

→ Le lévonorgestrel est préférable, l’allaitement étant non recommandé durant huit heures après la prise, contre sept jours avec l’ulipristal.

Elle est en surpoids

→ L’une ou l’autre. Les données disponibles montrant une diminution de l’efficacité lorsque le poids ou l’IMC augmente ont été jugées insuffisantes en 2014 par l’Agence européenne des médicaments, qui a conclu à un rapport bénéfice/risque favorable pour les deux méthodes, quel que soit le poids de la femme. Les RCP des deux molécules mentionnent une possible baisse d’efficacité avec la hausse du poids corporel ou de l’indice de masse corporelle (IMC) mais la mention de chute d’efficacité du lévonorgestrel à partir de 75 kg et d’inefficacité à partir de 80 kg a disparu du RCP de NorLevo.

À savoir : la méthode via un DIU au cuivre est indépendante du poids et peut être proposée aux femmes qui s’inquiéteraient d’une moindre efficacité des méthodes orales.

Elle est peut-être déjà enceinte

→ Aucun des deux médicaments ne peut interrompre une grossesse en cours. Néanmoins, si ce risque existe (cas de rapports antérieurs non protégés), le choix se portera de préférence sur le lévonorgestrel, dont les études épidémiologiques à cette dose n’indiquent pas de risque malformatif chez le fœtus.

L’ulipristal n’a pas non plus montré de risque tératogène mais les données concernant la toxicité sur la reproduction étant insuffisantes, son recours en cas de grossesse est déconseillé.

Comment les prendre ?

Un seul comprimé, à n’importe quel moment du cycle, même si ce n’est pas la date d’ovulation théorique. Et le plus tôt possible après un rapport à risque, de préférence dans les douze heures pour une efficacité optimale. Le délai d’utilisation varie selon les molécules :

• jusqu’à 72 heures (3 jours) pour le lévonorgestrel selon l’AMM mais bien que l’AMM européenne ne le reconnaisse pas, une étude(3) a montré son efficacité jusqu’à 96 heures ;

• jusqu’à 120 heures (5 jours) pour l’ulipristal.

Quels effets indésirables ?

Les deux molécules sont globalement bien tolérées. Les principaux effets indésirables, généralement modérés, sont pour :

• le lévonorgestrel : spotting, troubles menstruels (règles en avance ou en retard), douleurs pelviennes, tensions mammaires, douleurs abdominales, nausées, vomissements, diarrhées, céphalées, vertiges, fatigue ;

• l’ulipristal : les mêmes, plus des troubles de l’humeur, des myalgies et des douleurs dorsales.

Et après la prise ?

En cas de vomissement

S’ils surviennent dans les trois heures suivant la prise du comprimé pour les deux molécules, en reprendre immédiatement un nouveau.

Retour des règles

Les règles peuvent survenir quelques jours avant ou après la date prévue. Si elles ont plus de sept jours de retard, si elles sont anormalement abondantes, ou en cas de symptômes suggérant une grossesse, faire un test de grossesse.

En cas de grossesse

En cas de suspicion de grossesse malgré la prise du contraceptif d’urgence, consulter le médecin.

À savoir : toute grossesse survenant après la prise d’EllaOne doit être signalée de façon anonyme sur le site www.hra-pregnancy-registry.com, qui a pour but de centraliser les informations de sécurité concernant la prise d’UPA pendant la grossesse.

Contraception

Si la patiente est sous contraceptif hormonal régulier, il peut être poursuivi mais une méthode barrière fiable (préservatif) est conseillée après la prise du contraceptif d’urgence :

• pendant sept jours pour le lévonorgestrel ;

• jusqu’au retour des règles ou au moins deux semaines pour l’ulipristal du fait de l’interaction médicamenteuse avec les contraceptifs contenant un progestatif.

Que dire aux patientes ?

→ La prise d’un contraceptif d’urgence ne confère aucune protection pour les éventuels rapports suivants.

→ La contraception d’urgence doit être utilisée occasionnellement et non comme un moyen de contraception régulier, qui est beaucoup plus efficace. Elle n’est pas dangereuse, juste moins efficace.

→ Elle ne protège pas des éventuelles infections sexuelles transmissibles.

Remettre systématiquement la brochure d’information du Cespharm, La contraception d’urgence, mise à jour suite au délistage de l’UPA. Le Cespharm met à disposition des professionnels une autre brochure pour aider les femmes à faire leur choix entre les deux méthodes hormonales d’urgence : Contraception d’urgence hormonale, sous la forme d’un tableau comparatif entre lévonorgestrel et ulipristal. À visualiser/télécharger sur le site www.cespharm.fr.

Quelles modalités d’accès ?

Les deux méthodes sont disponibles sans ordonnance, délivrées de façon anonyme et gratuite pour les mineures et remboursées à 65 % par l’Assurance maladie si elles sont prescrites par un médecin ou une sage-femme.

(1) Ulipristal acetate versus levonorgestrel for emergency contraception : a randomised non-inferiority trial and meta-analysis, Anna F Glasier and Col., The Lancet, vol. 375, 13 février 2010.

(2) Cheng L, Che Y, Gulmezoglu AM, Interventions for emergency contraception, Cochrane Database Syst Rev 2012;8:CD001324.

(3) Piaggio G, Kapp N, von Hertzen H, Effect on pregnancy rates of the delay in administration of levonorgestrel for emergency contraception : a combined analysis of four WHO trials, Contraception 2011, 84 : 35-39. d’urgence hormonale

Questions de femmes

« Puis-je continuer ma plaquette de pilule après la prise d’une contraception d’urgence »

Oui, et c’est même conseillé afin de ne pas perdre le rythme habituel et oublier une éventuelle reprise ultérieure. Mais il vous faut utiliser un préservatif durant sept jours après la prise de lévonorgestrel, le temps de retrouver une efficacité contraceptive optimale de la pilule, ou jusqu’au retour normal des règles pour EllaOne, du fait d’une baisse possible de l’efficacité de la pilule après la prise de ce contraceptif d’urgence pendant au moins douze jours.

« C’est la panique, pour moi, il est totalement impensable d’être enceinte ! Que choisir ? »

Adressez-vous à votre médecin ou gynécologue pour vous faire poser dans les cinq jours un dispositif intra-utérin au cuivre, qui est un stérilet. C’est une autre méthode de contraception d’urgence qui est beaucoup plus efficace, avec seulement 1 risque de grossesse sur 1 000, et qui peut devenir en outre un mode contraceptif régulier fiable. Que vous ayez déjà des enfants ou pas.

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