L’ulcère gastroduodénal - Porphyre n° 512 du 29/04/2015 - Revues
 
Porphyre n° 512 du 29/04/2015
 

Savoir

Le patho

Auteur(s) : Caroline Bouhala

L’ulcère gastroduodénal correspond à une perte de substance assez profonde au niveau de l’estomac dans l’ulcère gastrique, et du duodénum pour l’ulcère duodénal, généralement conséquente à une infection par Helicobacter pylori et/ou à la prise d’un anti-inflammatoire non stéroïdien. La maladie se manifeste, ou pas, par des douleurs au creux de l’estomac calmées par l’alimentation.

La maladie

Physiopathologie

Un déséquilibre entre agression et défense

À l’état normal, il existe un équilibre entre les facteurs d’agression de la muqueuse gastroduodénale (pepsine, voir Dico+, sécrétion d’ions H+ sous l’influence de la gastrine) et les facteurs de défense, mucus et bicarbonates principalement. Un déséquilibre en un point précis de la muqueuse est à l’origine d’une agression à son encontre et peut conduire à la formation d’un ulcère.

L’ulcère gastrique découle essentiellement d’une déficience des facteurs de défense, alors que l’ulcère duodénal résulte en général d’une augmentation de l’agression acide.

Des facteurs qui perturbent l’équilibre

Les deux causes principales intervenant dans la survenue d’un ulcère gastroduodénal sont l’infection à Helicobacter pylori et la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).

Elles sont à l’origine d’environ 95 % des ulcères gastroduodénaux.

L’infection à Helicobacter pylori

Cette bactérie (H. pylori) s’acquiert le plus souvent lors de l’enfance, où elle provoque une inflammation de la muqueuse à l’origine d’une gastrite aiguë. Celle-ci évolue de façon chronique mais demeure le plus souvent asymptomatique, sauf chez une minorité de patients où elle peut entraîner des complications, comme un ulcère (10 % des personnes infectées), voire un cancer gastrique (1 % des cas).

En France, le taux d’infection par H. pylori chez l’adulte est de 20 à 50 % et croît avec l’âge.

Helicobacter pylori est retrouvée dans 70?% des ulcères gastriques et dans plus de 90 % des ulcères duodénaux.

Les anti-inflammatoires non stéroïdiens

Après l’infection à H. pylori, les AINS sont la principale cause des ulcères gastroduodénaux. Ils seraient responsables d’environ 25 % d’entre eux. Ils diminuent la production des prostaglandines endogènes qui protègent la muqueuse. Ces dernières favorisent la fabrication de mucus et de bicarbonates qui forment la barrière muqueuse.

Autres facteurs favorisants

Le tabagisme (les fumeurs sont environ deux fois plus susceptibles de développer un ulcère que les non-fumeurs), certaines pathologies (syndrome de Zollinger-Ellison, voir Dico+, cirrhose éthylique, maladie de Crohn…), un terrain génétique (de 20 à 50 % des patients ayant un ulcère duodénal ont des antécédents familiaux) sont des facteurs favorisant le risque de survenue d’un ulcère gastroduodénal.

Signes cliniques

Typiques

Le syndrome ulcéreux typique se manifeste par une douleur épigastrique continue, d’intensité variable et qui ressemble à une crampe ou à une sensation de faim douloureuse. Elle se produit à distance du repas, environ deux à quatre heures après, ou éventuellement la nuit. Elle est soulagée par l’alimentation ou la prise d’un anti-acide.

En cas d’infection par H. pylori, l’évolution se fait souvent par poussées durant une à trois semaines, séparées par des périodes asymptomatiques de quelques mois.

Atypiques

Le plus souvent, la douleur peut être à type de brûlure, siéger sous les côtes et ne pas être influencée par les repas ni la prise d’aliments. La douleur peut aussi être absente et les lésions ulcéreuses être découvertes lors d’un contrôle endoscopique réalisé pour une autre raison.

Plus rarement, l’ulcère est révélé par une complication à type d’hémorragie, de perforation digestive ou de sténose.

Complications

Elles peuvent être aiguës, à type d’hémorragie digestive et de perforation ulcéreuse, ou tardives avec sténose digestive ou cancer gastrique. Les complications aiguës sont généralement causées par la prise d’AINS.

• Hémorragie : elle complique 20 % des cas d’ulcère et peut engager le pronostic vital. La prise concomitante d’antiagrégants plaquettaires ou d’anticoagulants est un facteur aggravant.

• Perforation digestive : moins fréquente (10 % des ulcères), cette complication concerne le plus souvent les ulcères duodénaux. Elle se manifeste par un tableau de péritonite, avec douleur intense et brutale au niveau épigastrique diffusant rapidement à tout l’abdomen, vomissements et fébricule.

• Sténose ulcéreuse : rare, la sténose correspond à un rétrécissement du tube digestif. Elle concerne essentiellement les ulcères situés au niveau du pylore ou du duodénum. Le tableau clinique est celui d’une occlusion digestive haute : vomissements, déshydratation, amaigrissement…

• Cancer gastrique : le risque de cancérisation est faible, de l’ordre de 1 % environ des ulcères gastriques chroniques, et ne concerne que les ulcères gastriques liés à H. pylori.

Diagnostic

Hormis les ulcères asymptomatiques révélés de manière fortuite, le diagnostic est évoqué sur la base des manifestations douloureuses décrites par le patient. L’existence de facteurs favorisants (prise d’AINS, tabagisme…) est recherchée.

Gastroscopie

Cette endoscopie digestive haute (voir Dico+) confirme le diagnostic. Elle est réalisée devant tout syndrome ulcéreux, typique ou atypique, d’autant plus si les symptômes sont persistants ou si le patient est à risque d’ulcère gastroduodénal (prise d’AINS, âge…).

Elle permet de préciser la localisation exacte des lésions, de rechercher des complications (hémorragie, sténose…) et de réaliser des biopsies afin d’éliminer la piste d’un cancer en cas de lésions gastriques et de rechercher H. pylori. Un antibiogramme pour déterminer la sensibilité du germe peut éventuellement être effectué.

Test respiratoire

L’infection à H. pylori peut aussi être recherchée par un test respiratoire à l’urée marquée au carbone 13 (voir encadré). Il peut à l’occasion être indiqué en cas de contre-indication ou de refus à l’endoscopie, ou pour confirmer une endoscopie douteuse. Mais ce test est plutôt réservé au contrôle de l’éradication de la bactérie après traitement.

Sérologie

Elle permet de détecter et de quantifier les anticorps IgG spécifiques d’H. pylori. La sérologie n’est utilisée qu’en cas de risque de faux négatifs de l’histologie, après gastroscopie : prise récente d’IPP et/ou d’antibiotique, hémorragie digestive…

Antigènes dans les selles : ce test non remboursé actuellement est peu employé.

Évolution

En l’absence de traitement, l’ulcère est une maladie chronique qui récidive par poussées. Le principal risque est l’évolution vers des complications pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Depuis la découverte du rôle de H. pylori dans la pathogénie de la maladie et le développement de traitements adaptés, le risque de récidive a considérablement diminué.

Prévention

Dépistage d’H. pylori

La recherche et l’éradication d’Helicobacter pylori sont recommandées même en l’absence de symptômes chez les personnes ayant des antécédents familiaux au premier degré de cancer gastrique et les patients nécessitant un traitement prolongé par AINS.

Prévention des lésions ulcéreuses induites par les AINS

La première précaution est de prescrire la dose la plus faible possible, pendant la durée la plus courte. L’association de deux AINS est contre-indiquée.

La prescription d’un inhibiteur de la pompe à protons (IPP) est recommandée dans tous les cas :

→ chez les sujets âgés de plus de 65 ans (prophylaxie primaire) ;

→ en cas d’antécédent d’ulcère gastroduodénal lié ou non aux AINS (prophylaxie secondaire) ;

→ en cas d’association d’un AINS à un antiagrégant plaquettaire (aspirine à faible dose, clopidogrel) ou à un traitement anticoagulant ou corticoïde.

Les IPP sont alors employés à demi-dose, sauf l’oméprazole à pleine dose durant toute la durée du traitement par AINS.

Son traitement

Objectifs

Le traitement a plusieurs objectifs : la suppression rapide des symptômes, la cicatrisation de l’ulcère et la prévention des récidives et des complications.

Stratégie thérapeutique

Le choix du traitement dépend de différents facteurs (localisation de l’ulcère, complications…), dont le principal est la présence ou l’absence d’infection par H. pylori.

En l’absence d’infection à H. pylori

Le traitement repose sur la prise d’un inhibiteur de la pompe à protons à pleine dose pendant quatre à huit semaines en cas d’ulcère gastrique et durant quatre semaines en cas d’ulcère duodénal.

La prise en charge passe aussi par le contrôle de la cause spécifique de l’ulcère si elle est retrouvée : syndrome de Zollinger-Ellison, maladie de Crohn duodénale…

Si l’ulcère est causé par un AINS, ce dernier doit être stoppé dans la mesure du possible. Si la prise de l’AINS est indispensable et que l’ulcère n’est pas compliqué, un traitement par IPP est instauré durant le temps de prise de l’AINS.

En cas d’infection à H. pylori

L’antibiothérapie est systématique car elle permet non seulement la cicatrisation des lésions mais également la prévention des récidives et des complications.

Du fait du développement d’une résistance bactérienne, la trithérapie classique associant IPP et deux antibiotiques, clarithromycine et métronidazole, durant sept jours n’est actuellement plus adaptée. De nouveaux schémas thérapeutiques sont proposés par les experts.

Thérapie séquentielle en première intention

Elle consiste à associer un IPP en prise bi-quotidienne à de l’amoxicilline (1 gramme matin et soir) pendant cinq jours, puis dans les cinq jours suivants une bithérapie comportant de la clarithromycine et du métronidazole hors AMM (ou du tinidazole hors AMM).

L’observance et la tolérance semblent aussi bonnes qu’avec la trithérapie, tout en permettant une meilleure efficacité sur les souches résistantes à la clarithromycine.

• En cas d’ulcère gastrique compliqué ou non, ou d’ulcère duodénal compliqué : l’IPP est poursuivi seul en une prise par jour pendant trois à sept semaines selon la symptomatologie et la taille des lésions ulcéreuses.

• En cas d’échec de l’éradication après contrôle endoscopique si ulcère gastrique ou test respiratoire à l’urée : un traitement continu par IPP est envisagé.

En cas d’échec ou de contre-indication

En cas d’allergie aux bêta-lactamines, de prise antérieure de macrolides quelle qu’en soit l’indication ou d’échec du traitement séquentiel ou éventuellement de la trithérapie classique, une quadrithérapie est indiquée. Elle associe bismuth, métronidazole et tétracycline (Pylera) à un IPP pendant dix jours.

Le traitement comporte de nombreuses prises (3 gélules quatre fois par jour associées à deux prises d’IPP par jour) et nécessite une surveillance compte tenu des possibles effets indésirables gastro-intestinaux et neurologiques.

En troisième intention

En cas d’échec des traitements précédents, d’autres antibiotiques sont employés hors AMM : lévofloxacine, rifabutine…

Le traitement chirurgical est exceptionnel en dehors des complications.

Suivi après traitement

Recherche de l’éradication d’H. pylori

Étant donné qu’H. pylori est la principale cause de récidive des ulcères et qu’il résiste de plus en plus aux traitements antibiotiques, il est indispensable de vérifier l’éradication de la bactérie après le traitement.

Ce contrôle systématique est réalisé par endoscopie en cas d’ulcère duodénal compliqué, c’est-à-dire avec présence d’une complication (hémorragie, sténose…), ou d’ulcère gastrique et par un test respiratoire (Helikit) dans les autres cas.

Contrôle de la cicatrisation

Le contrôle endoscopique de la cicatrisation est systématique en cas d’ulcère gastrique pour s’en assurer et pour répéter les biopsies sur la cicatrice de l’ulcère afin d’éliminer toute lésion cancéreuse sous-jacente.

Médicaments

Principaux antibiotiques

• Molécules : amoxicilline, clarithromycine. Hors AMM : lévofloxacine, métronidazole, rifabutine, tinidazole.

• Mécanisme d’action : les pénicillines (amoxicilline) inhibent la synthèse de la paroi des bactéries. Les macrolides (clarithromycine) se fixent sur le ribosome et empêchent ainsi l’assemblage des acides aminés. Les imidazolés (métronidazole et tinidazole) et les fluoroquinolones (lévofloxacine) inhibent la synthèse de l’ADN bactérien. La rifabutine, de la famille des rifamycines, inhibe la transcription de l’ADN en ARN messager et inhiberait également la synthèse de l’ADN.

•  Effets indésirables : pour tous, troubles digestifs (diarrhées, nausées, dyspepsie…), candidoses buccales/vaginales. Amoxicilline : des réactions allergiques, des colites pseudomembraneuses sont rares mais graves. Clarithromycine : elle est plutôt bien tolérée mais, attention, en inhibant le CYP450 3A4, elle est à l’origine de nombreuses interactions médicamenteuses. Métronidazole et tinidazole : goût métallique dans la bouche, effet antabuse, coloration brun-rouge des urines. Tétracycline : œsophagite, photosensibilisation possible. Lévofloxacine : risque de tendinite et de rupture tendineuse, photosensibilisation. Rifabutine : éruptions cutanées, modification du goût, douleurs musculaires et articulaires, coloration rouge-orange des urines, selles, peau et ses sécrétions dont les larmes, avec un risque de coloration définitive des lentilles de contact souples.

Association dans Pylera

• Composition : sous-citrate de bismuth potassique, métronidazole, tétracycline.

• Mode d’action : le bismuth agit sur la membrane bactérienne via différentes actions toxiques ou inhibitrices. Le métronidazole inhibe la synthèse de l’ADN bactérien. La tétracycline se fixe sur les ribosomes et interfère avec la synthèse protéique bactérienne.

Effets indésirables : troubles digestifs avec selles anormales parfois noires, diarrhées, douleurs abdominales, nausées, goût métallique en bouche, décoloration de la langue, et neurologiques (céphalées, vertiges, somnolence), effet antabuse, œsophagite possible à cause de la tétracycline mais non observée, photosensibilisation possible, rares cas d’encéphalopathies…

Surveillance : le médicament fait l’objet d’un plan de gestion des risques (PGR) en raison de la présence de bismuth et du risque potentiel d’effets indésirables neurologiques.

Inhibiteurs de la pompe à protons

• Molécules : ésoméprazole (Inexium), lansoprazole (Lanzor, Ogast), oméprazole (Mopral, Zoltum), pantoprazole (Eupantol, Inipomp), rabéprazole (Pariet).

• Mode d’action : ils agissent en inhibant sélectivement la H+/K+ ATPase (pompe à protons) des cellules pariétales de la muqueuse gastrique, qui est responsable de la sécrétion d’ions H+ dans la lumière gastrique. L’action anti-sécrétoire est puissante et atteint un plateau entre le troisième et le cinquième jour de traitement.

•  Effets indésirables : peu nombreux à type de céphalées, quelques confusions, troubles digestifs, hyponatrémies, rash cutané…

Conseils aux patients

Observance

Expliquer les objectifs du traitement

Une bonne observance conditionne l’efficacité du traitement. Or ses nombreux effets indésirables et la complexité des prises peuvent vite décourager les patients.

Insister sur l’importance de respecter le traitement jusqu’au bout et avertir les malades des effets indésirables possibles, car un patient bien informé aura moins tendance à arrêter son traitement.

Préciser les modalités de prise

• IPP : pour optimiser leur efficacité, les prendre en une prise quotidienne avant le premier repas de la journée ou en deux prises, matin et soir, 30?minutes avant les repas lors de l’association d’antibiotiques.

• Métronidazole, tinidazole : éviter la consommation de boissons alcoolisées durant le traitement et dans les 24 heures suivant son arrêt en raison du risque d’effet antabuse (chaleur, rougeurs, vomissements, tachycardie). Le métronidazole allonge le temps de prothrombine, donc un ajustement du traitement des AVK semble justifié ; avertir le médecin.

• Pylera : après les trois repas et au coucher, avec une collation si possible. Rappeler les précautions liées à la présence de métronidazole et de tétracycline : accompagner la prise d’un grand verre d’eau pour éviter les ulcérations œsophagiennes et ne pas s’allonger juste après la prise. Éviter les expositions au soleil. Sous AVK, il sera nécessaire d’ajuster le traitement en raison du métronidazole.

Limiter les oublis

La prise simultanée de plusieurs comprimés pendant et en dehors des repas est source d’oubli. Établissez un plan de prise sur une feuille de papier. Encouragez la mise en place d’alertes sonores sur son téléphone par exemple, notamment si la personne est active et n’a pas l’habitude de gérer des prises médicamenteuses.

Automédication

• Mettre en garde le patient souffrant d’ulcère des risques de l’automédication et des médicaments gastrotoxiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens principalement.

Leur conseiller de toujours informer les professionnels de santé de leur pathologie, même après traitement.

• Les anti-acides sont souvent utilisés en complément, en début de traitement et en cas de douleurs importantes.

Ils se prennent classiquement une heure et demie après le début du repas et impérativement à au moins deux heures de distance des autres traitements, au risque de diminuer leur action.

Vie quotidienne

Alimentation

Aucun aliment n’est déconseillé. Attention à l’alcool en raison de l’effet antabuse du métronidazole seul ou dans Pylera et du tinidazole, et ce jusqu’à 24 heures après leur arrêt.

Tabac

Fumer augmente non seulement l’incidence de la maladie ulcéreuse, mais également la mortalité, les complications, les récidives et le retard dans les taux de guérison. Si la personne a l’intention de s’arrêter, l’orienter vers un addictologue (équipe de soins et de liaison en addictologie dans les centres hospitaliers).

Info +

Environ 1 % des personnes sous AINS durant trois à six mois développeraient un ulcère symptomatique. Après un an de traitement, le taux atteindrait 2 à 4 %.

Helikit, le test respiratoire à l’urée

Ce test respiratoire permet de diagnostiquer une infection à H. pylori. Le kit contient une dose d’acide citrique et une dose d’urée marquée au carbone 13.

Principe : le test repose sur l’activité anti-uréasique de la bactérie, qui transforme l’urée gastrique en ammoniac NH4 et en CO2 expiré par les poumons. En présence de la bactérie, l’isotope marqué est retrouvé dans l’air expiré.

L’acide citrique contenu dans le kit a pour but de ralentir la vidange gastrique et d’allonger ainsi le temps de contact uréase bactérienne/urée marquée au carbone 13.

En pratique : le test doit être réalisé au moins un mois après la prise d’antibiotiques et deux semaines après l’arrêt des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) car, en réduisant la charge bactérienne, ils peuvent induire de faux négatifs.

Interview
“Le stress et le régime alimentaire ne sont pas responsables d’un ulcère gastroduodénal”

Pr Jean-Charles Delchier,

chef du service gastro-entérologie de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil (94)

Étant donné la fréquence de l’infection à Helicobacter pylori, ne serait-il pas intéressant de traiter tout le monde ?

La question s’est posée. Mais il faut savoir qu’environ 50 % de la population mondiale est infectée par la bactérie. Donc, traiter tout le monde représenterait non seulement un coût énorme mais favoriserait également l’émergence de résistances aux antibiotiques. De plus, la bactérie n’est pas toujours responsable d’une pathologie avérée. La plupart des gens infectés vont vivre avec sans le savoir et sans avoir de problème. Parmi eux, environ un sur six ou sept développera un ulcère et un patient sur cent un cancer gastrique.

Et comme en France, la fréquence du cancer gastrique n’est pas particulièrement élevée, moins qu’en Chine par exemple, on ne va pas faire de dépistage systématique mais plutôt ciblé, en fonction des risques que présente le patient de développer un cancer.

Si un jour nous disposons d’un vaccin, à la rigueur, il faudrait vacciner tout le monde, mais ça ne semble pas être pour tout de suite.

Pourquoi ne pas rechercher la sensibilité de la bactérie avant de se lancer dans un traitement probabiliste ?

Idéalement, c’est ce qu’il faudrait faire mais la bactérie étant très fragile, il est difficile de la mettre en culture afin d’effectuer l’antibiogramme. Cet examen n’est réalisé que dans les centres qui possèdent un laboratoire de bactériologie performant. En pratique courante, on recourt plutôt à un traitement probabiliste. En revanche, en cas d’échec à deux traitements probabilistes, le patient doit être orienté vers un centre spécialisé afin de rechercher la sensibilité de la bactérie aux antibiotiques.

Le stress et/ou le régime alimentaire peuvent-ils être responsables de l’ulcère ?

Non. Pour le stress, les gens confondent mal à l’estomac et ulcère. Si on réalise une gastroscopie chez une personne stressée qui a mal à l’estomac, il n’y a pas de « trou » donc pas d’ulcère. À côté de ça, il existe des ulcères de stress en réanimation mais qui sont la conséquence d’un mauvais état général et non de l’anxiété. Quant au régime alimentaire, il n’a pas d’impact. Avant de connaître le rôle d’Helicobacter pylori, on ne comprenait pas bien les causes de l’ulcère, donc on conseillait d’éviter les aliments stimulant la sécrétion acide comme le café, etc. Mais aujourd’hui, cela n’a plus d’importance.

Info +

→ En cas de traitement au long cours par aspirine à faible dose, la prescription d’un IPP n’est recommandée que s’il existe des antécédents d’hémorragie digestive sous aspirine à faible dose.

Info +

→ Les anti-H2 n’ont pas leur place dans le traitement de l’ulcère gastroduodénal sauf exceptionnellement la ranitidine, indiquée en cas de contre-indication ou d’intolérance aux IPP.

→ Le misoprostol, analogue de la prostaglandine E, a fait la preuve de son efficacité en traitement curatif et préventif des ulcères induits par les AINS à la dose de 800 µg par jour. Mais à cette posologie sa mauvaise tolérance, en raison de diarrhées, douleurs abdominales et d’un risque abortif chez la femme enceinte, en limite l’utilisation.

Bismuth et encéphalopathies

Dans les années 1970, l’utilisation de sels de bismuth a été à l’origine d’atteintes neurologiques, dont des encéphalopathies. Elles avaient été observées avec des dosages plus élevés, des durées de traitement plus longues et des sels différents de celui employé dans Pylera (sous-citrate de bismuth potassique), à savoir des sels insolubles.

Contre-indications médicales aux médicaments

Amoxicilline : allergie à la pénicilline.

Pylera : enfants de moins de 12 ans, femmes enceintes ou allaitantes, insuffisants rénaux ou hépatiques.

Métronidazole : hypersensibilité aux imidazolés.

Lévofloxacine : antécédents de tendinopathies liées à l’administration de fluoroquinolones, patients épileptiques, femmes enceintes, allaitantes, enfants en période de croissance.

Rifabutine : insuffisance rénale.

Avec l’aimable collaboration du Pr Jean-Charles Delchier, chef du service gastro-entérologie de l’hôpital Henri-Mondor à Créteil (94).

Sources :

– Les antisécrétoires gastriques chez l’adulte, Recommandations de bonne pratique, ANSM (ex-Afssaps), novembre 2007 ;

– Révision des recommandations françaises sur la prise en charge de l’infection par Helicobacter pylori, Hépato-gastro, volume 19, numéro 7, 475-502, septembre 2012 ;

– Management of Helicobacter pylori infection, Malfertheiner P., Megraud F., O’Morai C.A. et al.,The Maastricht IV/Florence consensus report., Gut 2012, 61:646-64 ;

– Les inhibiteurs de la pompe à protons chez l’adulte, Fiche de bon usage du médicament, Haute autorité de santé, 2009

À RETENIR

SUR LA MALADIE

→ L’ulcère gastroduodénal correspond à une perte de substance assez profonde, soit au niveau de l’estomac dans l’ulcère gastrique, soit à celui du duodénum pour l’ulcère duodénal.

→ Les deux principales causes (95 % des cas) intervenant dans sa survenue sont l’infection à Helicobacter pylori et la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).

→ L’infection à Helicobacter pylori s’acquiert le plus souvent dans l’enfance. Elle est retrouvée dans 70 % des ulcères gastriques et dans plus de 90 % des ulcères duodénaux.

→ Typiquement, la maladie se manifeste par une douleur épigastrique continue, d’intensité variable à type de crampe ou de sensation de faim douloureuse, à distance du repas (deux à quatre heures après), ou la nuit. Elle est soulagée par l’alimentation ou la prise d’un anti-acide. Le plus souvent, les signes sont atypiques.

→ Perforation, hémorragie, cancer sont des complications possibles.

SUR LE TRAITEMENT

→ Vite supprimer les symptômes, cicatriser l’ulcère et prévenir récidives et complications sont les objectifs du traitement.

→ Le choix du traitement dépend surtout de la présence ou pas d’infection par H. pylori.

→ En l’absence d’infection à H. pylori, il repose sur un inhibiteur de la pompe à protons à pleine dose durant quatre à huit semaines en cas d’ulcère gastrique et quatre semaines en cas d’ulcère duodénal.

→ En présence d’infection à H. pylori : IPP en prise biquotidienne+ amoxicilline (1 g matin et soir) pendant cinq jours, puis durant les cinq jours suivants : clarithromycine et du métronidazole hors AMM (ou du tinidazole hors AMM). En deuxième et troisième intentions, Pylera et autres antibiotiques sont employés.

→ L’éradication de H. pylori est systématiquement recherchée après traitement pour éviter les récidives par endoscopie en cas d’ulcère compliqué ou par le test respiratoire Helikit.

SUR LE PATIENT

→ Prendre les IPP en une prise quotidienne avant le premier repas de la journée ou en deux prises, matin et soir, 30 minutes avant les repas lors de l’association d’antibiotiques.

→ Pylera se prend après les trois repas et au coucher, avec une collation si possible et un grand verre d’eau. Éviter les expositions au soleil.

→ Le métronidazole allonge le temps de prothrombine, avertir le médecin pour ajuster le traitement par AVK.

→ Attention à l’alcool en raison de l’effet antabuse du métronidazole seul ou dans Pylera, et du tinidazole, et ce jusqu’à 24 heures après leur arrêt.

→ Pas de médicaments gastrotoxiques, AINS surtout en cas d’ulcère. → Les anti-acides souvent utilisés se prennent une heure et demie après le début du repas et à au moins deux heures de distance des autres traitements.

→ Aucun aliment n’est déconseillé. Le stress n’est pas un facteur de risque, mais fumer, oui car cela augmente les récidives et le temps de guérison.

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