Un enfant avec gingivo-stomatite herpétique - Porphyre n° 511 du 28/03/2015 - Revues
 
Porphyre n° 511 du 28/03/2015
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Romain, 8 ans, souffre d’une gingivostomatite herpétique traitée depuis 36 heures par du paracétamol et du Zovirax. Incapable de s’alimenter en raison de douleurs intenses, il est conduit par ses parents aux urgences pédiatriques. Le pédiatre de garde lui prescrit de la morphine.

Prescription

Dr P., pédiatre

Robin D., 8 ans, 25 kg

Ordonnance 1 (sécurisée)

Ce jour :

• Oramorph vingt milligrammes/millilitre en solution buvable : quatre gouttes, soit cinq milligrammes toutes les quatre heures.

À partir de demain et pendant quarante-huit heures.

• Skénan dix milligrammes : deux gélules le matin et une le soir en remplacement d’Oramorph.

Si réveil nocturne, donner en plus quatre gouttes d’Oramorph.

Consultation après-demain en fin d’après-midi.

Ordo 2 (classique)

Poursuivre

• Zovirax 200 mg/ 5 ml sol. buv. 5 doses de 200 mg (5 ml) par jour à intervalles réguliers, pendant 10 jours.

• Doliprane 2,4 % sans sucre susp. buv. 1 dose-poids toutes les 6 heures.

Ce que je dois savoir

Législation

Ces ordonnances respectent la législation. Celle qui comporte les stupéfiants (Oramorph et Skénan), rédigée sur une ordonnance sécurisée pour une durée inférieure à 28 jours, est délivrée en totalité car le délai de présentation est inférieur à trois jours. Les posologies et dosages sont indiqués en toutes lettres, le carré dans l’angle inférieur droit comporte le chiffre 2, conformément au nombre de médicaments prescrits.

Condiv

C’est quoi ?

Ces ordonnances prennent en charge les symptômes d’une gingivostomatite, manifestation la plus fréquente de la primo-infection de l’herpès orofacial, essentiellement dû à l’herpès simplex virus de type 1.

Symptômes

Après incubation d’environ six jours, la fièvre apparaît, accompagnée de lésions vésiculeuses érosives sur les lèvres, les gencives, voire toute la cavité buccale. Isolées ou confluentes, elles peuvent être très douloureuses, entraînant souvent une forte irritabilité et un refus alimentaire avec risque immédiat de déshydratation. L’évolution est favorable en dix jours environ en général.

Objectifs

Aucun traitement ne soigne l’herpès, qui peut récidiver sous forme de récurrences, le plus souvent labiales. Le traitement de la gingivostomatite est symptomatique ; les antalgiques soulagent et permettent une réalimentation rapide ; l’antiviral oral, prescrit dans les trois premiers jours, réduit la durée des symptômes.

Médicaments

Oramorph et Skénan (sulfate de morphine)

Analgésique opioïde fort de niveau III, le sulfate de morphine agit sur le système nerveux central. Il est indiqué dans les douleurs intenses et/ou rebelles aux antalgiques de niveau plus faible. Oramorph est une forme à libération immédiate buvable, Skénan gélule contient des microgranules à libération prolongée.

Zovirax (aciclovir)

Antiviral qui inhibe spécifiquement la synthèse d’ADN des herpès virus (Herpès simplex virus 1 et 2, virus varicelle zona) indiqué dans le traitement des infections herpétiques cutanées ou muqueuses sévères, en particulier l’herpès génital et les gingivostomatites herpétiques aiguës, et, dans certains cas, en prévention des récurrences.

Doliprane (paracétamol)

Analgésique et antipyrétique non morphinique de niveau I d’actions périphérique et centrale, indiqué dans le traitement symptomatique des douleurs d’intensité légère à modérée et/ou des états fébriles.

Repérer les difficultés

Déconditionnement

Les boîtes de Skénan LP 10 mg doivent être déconditionnées pour donner la quantité exacte, soit 6 gélules pour 48 heures. Oramorph en solution buvable en flacon et non en unidoses ne peut être déconditionné et doit être donné en totalité.

Schéma posologique

Expliquer les modalités et le « pourquoi » du relais entre les deux morphiniques et la nécessité de poursuivre le paracétamol en parallèle. Vérifier la compréhension des modalités d’administration d’Oramorph à la pipette.

Insister sur la possibilité de recours à une interdose de morphine à libération immédiate, notamment la nuit pour un contrôle plus rapide des pics douloureux.

Crainte de la morphine

Expliquer que la morphine dans les douleurs de la gingivostomatite est une alternative de plus en plus fréquente et a fait l’objet de protocoles validés par les services pédiatriques Auparavant, la codéine était employée, mais l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a limité en 2013 son utilisation aux plus de 12 ans et la forme sirop n’est plus vendue.

Ce que je dis au patient

J’ouvre le dialogue

« Les lésions vont guérir dans quelques jours mais, en attendant, elles sont très douloureuses. Le doliprane ne suffit pas, le médecin a ajouté de la morphine pour soulager Robin rapidement. Il a dû prendre une première dose à l’hôpital ? ». Les parents de Robin confirment. « Ce traitement buvable agit très vite. Robin devrait recommencer à boire et à manger immédiatement ».

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

• Le paracétamol et la morphine luttent contre la douleur selon deux mécanismes différents ; les associer renforce leurs effets.

• La morphine buvable agit en 30 à 60 minutes, mais nécessite une prise toutes les 4 heures tout au long de cette journée. Demain, quand Robin sera soulagé, vous la remplacerez par les gélules dont l’action est moins rapide – 2 à 4 heures – mais dure toute la journée. Si les gélules ne suffisent pas, il est possible de reprendre ponctuellement Oramorph à action immédiate.

• Le sirop de Zovirax lutte contre la multiplication des virus et aide à guérir plus vite les lésions.

Horaires d’administration

• Oramorph : le premier jour, 4 gouttes toutes les 4 heures, y compris la nuit, prélevées et mesurées grâce au compte-gouttes fourni avec le flacon. Administrer dans la bouche (la solution a un goût sucré) avant de boire un peu d’eau ou les mélanger à un peu d’aliment semi-solide (confiture, yaourt…). Les jours suivants, si besoin, donner une dose de 4 gouttes en cas de réveil nocturne causé par la douleur.

• Skénan : les deuxième et troisième jours, donner deux gélules le matin et une le soir (12 heures plus tard). Si Robin ne peut les avaler, les ouvrir et mélanger leur contenu à une alimentation semi-solide.

• Zovirax : une dose de 5 ml mesurée grâce à la graduation du godet doseur (la moitié du godet), 5 fois par jour en répartissant les doses sur la journée pendant dix jours.

• Doliprane : une dose poids toutes les 6 heures tant que douleurs et/ou fièvre persistent.

Effets indésirables

• Oramorph/Skénan : somnolence, confusion, nausées, vomissements et constipation à l’initiation du traitement et sur une courte durée.

• Zovirax : digestifs (nausées vomissements, diarrhées), céphalées, sensations ébrieuses.

• Doliprane : rares réactions d’hypersensibilité.

J’accompagne

Surveillance

• Efficacité du traitement : elle se mesure par le contrôle de la douleur et la reprise de l’alimentation/hydratation. Si Robin refuse toujours de s’alimenter et/ou s’il se plaint de douleurs persistantes, recontacter les urgences pédiatriques le plus vite possible.

• Surdosage : le risque est moindre car la dose correspond aux doses habituelles à son âge. Néanmoins, s’il est constamment somnolent ou semble confus, arrêter et consulter rapidement.

• Arrêt : il est possible que le médecin stoppe progressivement la morphine en prescrivant des doses dégressives, d’où l’importance de se rendre à la consultation prévue le surlendemain.

• Sécurité : garder hors de portée de l’enfant le flacon et les gélules de morphine et rapporter les doses non utilisées à l’officine à la fin.

Hygiène

• Alimentation : privilégier les aliments préférés, en particulier ceux qui favorisent la production de salive (boisons pétillantes et sucrées), les boissons froides, la glace, voire des glaçons à sucer (effet antalgique du froid), les aliments semi-liquides, non acides. Éviter les produits qui peuvent blesser la muqueuse (biscottes, pain dur…). Faire boire beaucoup pour réhydrater et limiter le risque de constipation de la morphine.

• Transmission : pour éviter la transmission de l’infection (possible jusqu’à cicatrisation des lésions), éviter les baisers, le partage du linge de toilette… Pour écarter l’auto-inoculation, notamment à l’œil, l’empêcher si possible de toucher les lésions et lui laver souvent les mains.

Vente associée

Conseiller d’associer un traitement homéopathique : Rhus toxicodendron 9 CH (3 à 5 granules 5 fois par jour.) Aucun bain de bouche ni traitement local n’est recommandé pour soulager ou traiter les lésions de cette gingivostomatite.

Un dépliant à conseiller

Brochure gratuite destinée aux enfants, La morphine, un médicament pour avoir moins mal est éditée par l’association Sparadrap. Elle explique le mode d’action de la morphine, ses voies d’administration, son délai d’action selon les formes, les effets indésirables possibles… et répond aux craintes fréquentes des parents. Sur www.sparadrap.org> Catalogue > Par thèmes > Douleur. >

La maman me demande

« Est-ce qu’il y a un risque d’accoutumance avec la morphine ? »

Pas pour une durée aussi limitée de traitement. Le médecin pourra choisir de continuer la morphine à dose dégressive, mais si le traitement dure moins d’une semaine, il peut tout autant l’arrêter directement sans qu’il y ait de risque d’accoutumance.

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