Une femme en pré-ménopause - Porphyre n° 510 du 25/02/2015 - Revues
 
Porphyre n° 510 du 25/02/2015
 

Savoir

L’ordo

Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Madame J., 49 ans, en pré-ménopause, présente des cycles très irréguliers et un syndrome prémenstruel marqué (fatigue…). Après six mois sous Lutéran 10 mg, elle se plaint d’une trop grande sécheresse vaginale. Le gynécologue diminue le dosage et ajoute un traitement local symptomatique.

Prescription

Dr G., gynécologue

Mme J., 49 ans, 60 kg, 1,70 m

• Lutéran 5 mg 1 le soir de J16 à J25.

En l’absence de règles, reprendre le traitement 30 jours après J16.

• Colpotrophine 1 % crème vaginale

1 application le soir sur la vulve, cinq jours sur sept.

• Replens

1 application tous les trois jours.

• Deumavan solution lavante douce

Pour la toilette intime.

QSP 6 mois.

Ce que je dois savoir

Législation

Cette ordonnance respecte la législation.

Condiv

C’est quoi ?

Cette ordonnance prend en charge :

• certains troubles gynécologiques observés en pré-ménopause, période de privation progressive en progestérone. L’activité lutéale, qui correspond à la production de progestérone par le corps jaune de l’ovaire en deuxième partie de cycle, diminue, créant une hyper-œstrogénie relative (rupture de l’équilibre œstro-progestatif) ;

• une sécheresse vaginale : la prise orale de progestérone (Lutéran) peut a contrario provoquer une hypo-œstrogénie relative, responsable d’un affinement et d’une moindre lubrification des muqueuses génitales.

Symptômes

• L’insuffisance en progestérone et l’hyper-œstrogénie relative peuvent se manifester par des cycles irréguliers, un syndrome prémenstruel avec prise de poids, douleurs mammaires, céphalées, stress, idées noires…

• La sécheresse vaginale entraîne des sensations d’inconfort, des démangeaisons, des brûlures et des douleurs lors des rapports sexuels ou de l’insertion de tampons hygiéniques.

Objectif

La prescription vise à pallier la diminution physiologique de progestérone par un traitement hormonal substitutif systémique, et à rétablir la lubrification vaginale par des traitements locaux hormonaux (œstrogènes), hydratants, lubrifiants et protecteurs.

Médicaments

Lutéran (chlormadinone acétate)

Progestatif de synthèse dérivé de la 17-hydroxy-progestérone à action lutéomimétique puissante (qui mime l’action du corps jaune), anti-œstrogène et sans effet androgénique (ne stimule pas les hormones androgènes, et donc sans effets indésirables, acné, pilosité, prise de poids…). Il est indiqué comme hormonothérapie substitutive en cas d’insuffisance en progestérone, notamment en pré-ménopause.

Colpotrophine (promestriène)

Estrogène local dont les effets au niveau des muqueuses du tractus génital féminin inférieur permettent d’en restaurer la trophicité (nutrition, croissance, entretien des tissus). Ici, il lutte contre le défaut de lubrification vulvaire, possiblement lié à l’hypo-œstrogénie relative secondaire à l’instauration récente du traitement progestatif.

Replens (eau, glycérine, polycarbophile…)

Gel intravaginal constitué d’une matrice polycarbophile saturée en eau à action hydratante (libération progressive de l’eau au contact de la muqueuse), lubrifiante (formation d’un mucus au contact des mucines) et stabilisante du pH. Il soulage les symptômes de sécheresse vaginale, irritations et inconfort.

Deumavan (paraffine, glycérine…)

Solution lavante sans savon, hydratante, particulièrement indiquée pour la toilette intime en cas de sécheresse et/ou irritations.

Repérer les difficultés

Organisation

La prise de Lutéran se fait sur une période restreinte du cycle. S’assurer que la patiente a compris comment déterminer cette période et la conduite à tenir en cas de cycle irrégulier. Idem pour Colpotrophine et Replens en discontinu.

La mise en place des traitements doit donc s’accompagner de conseils organisationnels.

Contraception

L’effet antigonadotrope (suppression de l’ovulation par blocage des hormones hypophysaires) de l’acétate de chlormadinone n’intervient qu’à la dose de 10 mg/j du 5e au 25e jour du cycle et n’est pas complet chez toutes les femmes, d’où l’absence d’indication du Lutéran en contraception.

Intimité

Aborder le sujet de la sécheresse vaginale est important pour expliquer le mode d’emploi des traitements locaux et relever d’éventuelles erreurs hygiéniques.

Ce que je dis à la patiente

J’ouvre le dialogue

« Le médecin a diminué la posologie de Lutéran, ça ne se passait pas bien ? » Madame J. explique que ses cycles étaient plus réguliers mais que, niveau « confort en bas », ce n’était plus ça… « Est-ce que je peux vous demander quel produit vous utilisez pour votre toilette intime ? » Madame J. emploie un gel savon de Marseille avec lequel elle n’a jamais eu de soucis. « La sécheresse est un effet possible de la progestérone, mais ça devrait s’arranger avec la diminution de la dose et le traitement local ajouté ».

J’explique le traitement

Mécanisme d’action

• En prenant Lutéran, vous évitez ces symptômes désagréables de la diminution de progestérone liée à l’âge, tels les cycles irréguliers, la fatigue, les troubles de l’humeur… C’est pourquoi le médecin maintient la progestérone et instaure un traitement local à base d’œstrogène.

• Les autres traitements locaux améliorent votre confort « en bas » en favorisant l’hydratation, la lubrification et en limitant le risque d’irritations. D’action immédiate, ils soulagent rapidement.

Horaires d’administration

• Lutéran : 1 par jour du 16e (J16) au 25e jour (J25) du cycle inclus, de préférence à la même heure. Si les règles ne surviennent pas après, reprendre le traitement 30 jours après le début du précédent : soit J16 + 30 jours.

• Colpotrophine : une couche mince sur la vulve cinq soirs sur sept, masser légèrement.

• Replens : tous les trois jours, administrer une nouvelle canule de gel intravaginal (voir encadré à droite). Le gel ne coulant pas, une activité normale après administration est possible.

• Deumavan : utiliser quotidiennement pour la toilette intime à la place de votre produit.

Effets indésirables principaux

• Lutéran : saignements intercurrents. Possible majoration des symptômes d’une insuffisance veineuse des membres inférieurs (jambes lourdes). Prise de poids, insomnie, troubles gastro-intestinaux sont exceptionnels.

• Colpotrophine : rares irritations, prurit local et possibilité d’allergie.

• Replens : quelques jours après la première application, un écoulement ou un résidu blanc peut apparaître de façon transitoire, lié à l’élimination des cellules vaginales sèches.

J’accompagne

Surveillance

• Risque thrombo-embolique. Aucun accident thrombo-embolique signalé avec Lutéran, mais l’arrêter et consulter en cas d’œdème, engourdissement, douleurs vives des jambes, essoufflement, douleur dans la poitrine, troubles oculaires subits ou céphalées inhabituelles.

• Métrorragies : tout saignement inhabituel entre les règles impose de consulter pour écarter toute cause organique.

• Amélioration : sur avis médical, les traitements locaux peuvent être adaptés en diminuant le rythme des applications.

Vie quotidienne

• Calendrier : les rythmes d’administration imposent la mise en place d’un calendrier de traitement au jour le jour (mercredi 15 mai : Lutéran, Replens, Colpotrophine ; jeudi 16 : Lutéran et Colpotrophine…) plutôt qu’en jours de cycle (J15, J16…). Le premier jour des règles est toujours le premier jour du cycle. Laisser le calendrier dans la salle de bains et associer les administrations à un geste quotidien.

• Contraception : Lutéran n’étant pas contraceptif, en cas de vie sexuelle active, utiliser une autre méthode non hormonale mais pas de spermicides, incompatibles avec Colpotrophine. Les préservatifs peuvent être employés.

• Hygiène : il n’est pas nécessaire de se nettoyer après Replens, ni de rapprocher les applications, le gel relargue de l’eau sur trois jours.

La sécheresse vaginale est favorisée par un nettoyage excessif, des détergents agressifs, des antiseptiques, parfums, papier toilette trop rugueux.

Vente associée

Deumavan pommade intime à base de vitamine E peut être conseillée en complément et ponctuellement en cas d’inconfort ou en prévention (avant et/ou après passage aux toilettes…).

Replens, mode d’emploi

1. Secouer l’applicateur pour entraîner le gel dans la canule.

2. Retirer l’embout déchirable en le tournant.

3. Introduire la canule dans le vagin, en position debout, un pied sur une chaise.

4. Appuyer fermement sur l’applicateur pour délivrer la dose.

Il reste un peu de gel après administration, ce qui est normal. Il faut le jeter.

(source : www.replens.fr)

La patiente me demande

« J’ai souvent des mycoses, est-ce que je peux employer des ovules antimycosiques en plus du traitement ? »

Non, l’utilisation de traitements antimycosiques vaginaux comme les ovules n’est pas conseillée avec le gel intravaginal Replens.

En cas de mycose, il faudra, sur avis médical, arrêter Replens le temps du traitement.

Prévoyez-vous de fermer votre officine le 30 mai prochain en signe de protestation ?


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