Je garde mes distances - Porphyre n° 510 du 25/02/2015 - Revues
 
Porphyre n° 510 du 25/02/2015
 

Exercer

Les mots pour…

Auteur(s) : Annabelle Alix

Préserver son intimité au travail. Pas facile de protéger sa vie privée sans nuire à la bonne ambiance. Ou d’éviter les pièges d’une relation pseudo-amicale. Nos pistes pour un juste milieu.

L’intimité relève du privé

Vie privée

Définie par opposition à la vie publique – état civil, nom, situation maritale… –, la vie privée englobe les autres éléments de la vie personnelle. Il n’y a pas de définition légale de la vie privée mais la jurisprudence en a dégagé différents éléments : image de la personne, informations sur sa santé, relations amoureuses ou préférences sexuelles…

Intimité

Selon le dictionnaire Larousse, l’intime est ce « qui est au plus profond de quelqu’un […] et reste généralement caché, secret ». L’intimité concerne alors la vie privée, les émotions, les ressentis associés… Libre à chacun de dévoiler tout ou partie de son intimité, mais la loi sanctionne ceux qui tenteraient d’accéder à celle d’autrui sans son consentement.

Au travail

Par définition, l’intimité n’a pas sa place au travail, mais une totale déconnexion de la vie professionnelle est impossible. Le lieu de travail est un lieu de sociabilité. La promiscuité dans l’équipe est propice à l’échange. Des liens se créent, et certains soucis sont difficiles à cacher…

Tout mélanger est risqué

Créer des liens en dévoilant sa vie privée au travail présente des avantages (compréhension des collègues pour un aménagement d’horaires, soutien…), mais gare au retour de bâton.

Source de stress et de fatigue

Garder une zone de confidentialité est nécessaire. « L’interférence entre vies professionnelle et privée engendre des risques psychosociaux », pointe Solange Champion, consultante chez Elansol. « Plus l’esprit vagabonde, plus il sature vite et plus on se sent fatigué et stressé », explique Anne-Marie Cariou, directrice associée du cabinet Stimulus.

Relationnel biaisé

Basculer dans le « pseudo-amical » sur son lieu de travail peut déboucher sur des comportements néfastes pour l’ambiance, le travail commun et l’entreprise : réticences à formuler des remarques professionnelles, prise de position dans un conflit, désinhibition contre-productive (énervement, retards…).

Cote en baisse

Trop s’ouvrir invite l’autre à s’ingérer dans notre intimité, à émettre des opinions, voire à nous stigmatiser malgré lui si notre mode de vie lui déplaît. En ouvrant l’accès à nos faiblesses, on perd en crédibilité.

Placer le curseur

La sphère intime est protégée par la loi, mais les modes de vie, les horaires de travail étendus et les outils de communication modernes atténuent les frontières entre intimité et vie professionnelle. C’est aussi au salarié d’en redéfinir les contours.

Protection légale

• Selon le code civil, « chacun a droit au respect de sa vie privée » et « les juges peuvent […] prescrire toutes les mesures […] propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ».

• Le Code du travail. Par exemple, l’employeur ne peut licencier un salarié à cause de son orientation sexuelle, de ses convictions religieuses, de son appartenance à un syndicat, etc. Ces éléments sont d’ordre privé.

Limites personnelles

Marie parle de ses aventures sentimentales, Sabine tait son célibat…, le périmètre intime varie selon chacun. Trouver son équilibre nécessite de prendre conscience de la part d’intimité dont on a besoin et que l’on veut préserver. La question à se poser – avant qu’il ne soit trop tard… – est : « Qu’est-ce que je ne veux pas que l’on sache de ma vie ? ». Sachant que, introverti ou extraverti, le lieu de travail est un lieu social auquel on ne peut s’intégrer sans respecter des codes. S’adapter demande aussi de moduler son caractère (voir encadré).

Ériger des garde-fous

Face à soi-même

« Zut, je ne voulais pas qu’on le sache mais ça m’a échappé… » Le premier ennemi de notre intimité, c’est soi-même !

• Mollo le téléphone. Répondre au téléphone au travail est inapproprié. Si les coups de fil personnels ne peuvent pas être bannis du lieu de travail, ils doivent respecter les intérêts de l’entreprise. Quant aux photos, films, SMS montrés à ses collègues, ils en disent long sur notre intimité. Laissez la messagerie vocale, vous écouterez discrètement vos messages lors d’une pause.

• Gare aux réseaux sociaux. Les pages ou profils sur les réseaux sociaux contiennent parfois des informations très intimes. Selon leur degré d’accessibilité, ils peuvent pourtant revêtir un caractère public. Ainsi, un mur accessible aux amis d’amis est considéré comme un espace public.

Face au collègue intrusif

Savoir contourner les questions du collègue trop curieux, qui nous accueille d’un « Alors, raconte… » un peu pressant.

• Zéro obligation. Même si c’est la grande question du lundi matin, rien ne nous oblige à raconter notre week-end.

• Détourner poliment. Aborder sa vie privée sous l’angle anecdotique sans rentrer dans le détail permet de rester discret et courtois : « J’étais à la montagne, j’ai pris le bon air, ça m’a fait du bien »…

• S’échapper. C’est l’avantage du lieu de travail, on a toujours un dossier à finir, une commande à valider…

Face au collègue qui s’épanche

Pour stopper le collègue qui étale son intimité, l’adepte du « Au fait, je t’ai pas raconté … », voici quelques tuyaux.

• Décrire la situation de manière factuelle : « Tout à l’heure, tu as reçu un appel auquel tu as répondu devant moi. Hier aussi, tu te souviens ? Et avant-hier, tu as répondu à ton fiston ».

• Exprimer son sentiment : « Quand tu téléphones devant moi, cela me met mal à l’aise car j’ai l’impression de faire intrusion dans ta vie ». Sortir du jugement (« Cela ne se fait pas »), exprimer plutôt un ressenti (« Cela me gêne »).

• Proposer une solution. Sans lui demander de changer, suggérer un mode opératoire différent : « Je comprends que tu aies besoin de t’entretenir avec tes proches, mais serait-il possible de t’isoler pour le faire ? »

Face au titulaire

• La discrétion est un droit. L’employeur n’a pas à connaître les raisons de santé pour lesquelles vous êtes arrêté, ni l’objet de vos rendez-vous médicaux.

• Même en cas de problème grave. Informer systématiquement le titulaire d’un problème grave vous concernant n’est pas conseillé. « Selon son profil, le pharmacien n’aura pas toujours le recul suffisant pour adopter la bonne attitude », explique Solange Champion. L’avertir du souci en amont pour le prévenir d’éventuelles conséquences à prévoir (absences répétées, manque d’entrain, etc.) n’est pas forcément opportun. Si vous préférez malgré tout l’en informer, restez factuel : « Voilà ce qui se passe ». La conséquence : « Je risque d’être moins disponible ». Ne cherchez pas à susciter l’empathie, ni à vous déverser.

Gare aux situations pièges

Vidéosurveillance

L’emploi de caméras de vidéosurveillance est autorisé si les personnes filmées (salariés, clients) en sont informées. Si la caméra ne doit pas être braquée sur les salariés, elle peut surprendre un baiser volé, une conversation privée au téléphone…

Sorties boulot

Le restaurant de fin d’année ou la visite d’un salon se prêtent à la spontanéité. Ajoutez un verre d’alcool ou deux et les langues se délient, la réserve s’envole. Il ne faut pas oublier que l’équipe reste liée par un contrat de travail. Le rapport demeure professionnel.

Courrier

Le salarié peut recevoir du courrier à son nom à la pharmacie. Seule restriction : le courrier pouvant porter atteinte à l’image de l’entreprise (exemple : revue pornographique). Attention aux en-têtes qui parlent : syndicats, employeur potentiel, centre hospitalier…

Convictions religieuses

Le salarié a droit au respect de ses convictions religieuses et peut les exprimer dans le respect du droit (exemple : l’employé ne peut dissimuler son visage pour motif religieux s’il travaille dans un lieu ouvert au public) et de la bonne marche de l’entreprise (exemple : respect des horaires). Le prosélytisme est interdit.

Avec la collaboration de Philippe Gasparac (PG Consulting), Anne-Marie Cariou (cabinet Stimulus) et Solange Champion (consultante chez Elansol).

Introverti ou extraverti, les clés pour s’adapter (1)

→ L’introverti. Il va peu vers les autres, ne pose pas de questions, ne parle pas de lui. Points faibles : il peut paraître froid, distant. Il a du mal à gérer le changement et la nouveauté, n’ose pas dire les choses quand ça ne va pas, avant d’exploser sous l’accumulation. Ce qu’il doit faire : → Sourire pour compenser l’apparence un peu froide ou dédaigneuse. → Dire sa gêne. Répondre poliment aux questions jugées intrusives, en exprimant un ressenti : « Cela me gêne d’aborder ces questions… » → Tenter de respecter les codes de l’entreprise, même s’ils cadrent mal avec son besoin d’intimité (bise le matin, tutoiement…). En cas de grand malaise, annoncer la couleur pour éviter l’ambiguïté sur son intention : « Ne m’en voulez pas si je n’arrive pas tout de suite à vous tutoyer, je n’ai pas l’habitude ».

→ L’extraverti. Il s’intéresse aux autres, aime poser des questions, mais aussi parler de lui. Il est bavard et rentre dans les détails (« J’ai rencontré untel, il faut que je te raconte… »). Ses points faibles : il peut être perçu comme intrusif. Son manque de réserve sur lui est par ailleurs une invitation à l’ingérence des autres dans sa vie privée. Il s’expose au jugement, à une perte de crédibilité, etc. Ce qu’il doit faire : → Apprendre à distinguer un « ami » d’un « collègue de travail ». → S’autocensurer auprès des collègues pour ne se livrer qu’aux amis, dans la discrétion, voire au moment des pauses.

(1) Inspiré de tests de personnalité comme le MBTI (indicateur typologique de Myers-Briggs).

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