Pourquoi des réticences à la prescription en DCI ? - Porphyre n° 509 du 28/01/2015 - Revues
 
Porphyre n° 509 du 28/01/2015
 

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Auteur(s) : Anne-Gaëlle Harlaut

Depuis le 1er janvier 2015, la loi oblige les prescripteurs à nommer les spécialités pharmaceutiques en dénomination commune internationale (DCI). Une autre cause de mécontentement professionnel en ce début d’année.

D’ou vient cette obligation ?

Prévue par la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament de 2011, l’entrée en vigueur de cette obligation au 1er janvier 2015 a été fixée par décret(1) le 14 novembre 2014. Ce même décret détaille l’obligation et les modalités de certification par la HAS des logiciels d’aide à la prescription et à la dispensation (LAP et LAD).

À qui s’adresse-t-elle ?

À tout prescripteur (médecin, sage-femme, dentiste…) de ville, d’hôpital et établissements médico-sociaux (Ehpad surtout).

Comment est rédigée l’ordonnance ?

Conformément aux règles de prescription en DCI fixées en 2004 dans le code de la santé publique, toute prescription, informatisée ou manuscrite, d’une spécialité pharmaceutique doit dorénavant mentionner ses principes actifs (PA) désignés par la DCI (ou à défaut leur dénomination dans la pharmacopée européenne ou française), leur dosage, la forme et la voie d’administration. Si la spécialité comporte plusieurs PA, les DCI sont liées par un signe « + ». Le prescripteur peut ou non ajouter le nom de fantaisie.

Est-ce obligatoire pour tout médicament ?

La loi ne prévoit actuellement aucune exception mais elle pourrait légitimement évoluer vers l’émission d’une liste d’exception, comme elle existe déjà pour la certification des LAP et LAD. Cette liste, publiée et mise à jour régulièrement par la HAS(2) depuis 2008, recense les situations particulières pour lesquelles la sécurisation de la prescription en DCI n’est pas demandée, notamment les spécialités avec plus de trois principes actifs (associations de vitamines…), des unités de prescription de composition différente (contraceptifs triphasiques), les médicaments homéopathiques et de phytothérapie, les produits biologiques (insuline)…

Quels avantages sont avancés ?

Selon les autorités sanitaires, la DCI limite le risque de prescription en doublon, favorise le lien entre spécialités et classes pharmaco-thérapeutiques (segments clés comme vastatine ou sartan…) et serait plus sûre pour les patients, notamment en cas de voyage à l’étranger. Moins cité, l’argument économique n’est sans doute pas négligeable, la prescription en DCI étant corrélée au taux de substitution.

Pour l’officinal, ça change quoi ?

Rien s’il existe un générique : la substitution est permise dès lors que la mention « non substituable » n’est pas inscrite. Dans les autres cas, si le nom de marque est mentionné en plus de la DCI, il doit être délivré, mais si aucun nom n’est précisé, le choix de la spécialité revient à l’officinal.

Qu’en disent les médecins ?

C’est une « usine à gaz supplémentaire », selon un communiqué de la Confédération des syndicaux médicaux français daté du 10 décembre 2014. La CSMF rappelle que la certification des logiciels a pris du retard en raison de l’arrivée tardive du référentiel, obligeant les prescripteurs dotés d’un logiciel non encore certifié à inscrire la DCI à la main. Même sentiment pour le Dr Gilles Perrin, généraliste affilié à MG France : « Nous ne sommes pas contre l’idée mais c’est encore aux médecins que l’on demande des efforts ». Efforts pour s’adapter alors que leur formation initiale était en nom de fantaisie, pour mémoriser des associations complexes de molécules, pour maîtriser différents logiciels lors des visites en Ehpad… L’argument sécuritaire ne le convainc pas : « Les patients, surtout âgés, sont déjà perdus avec les génériques, d’autant plus quand la pharmacie change de boîte régulièrement, la prescription en DCI ne va guère arranger les choses ».

Qu’en disent les industriels ?

Le LEEM (Les entreprises du médicament) avait, dès 2011(3), émis des réserves quant à la prescription initiale en DCI de médicaments non généricables. Parmi les arguments : risque d’erreurs liées à la difficulté de mémorisation par les patients, risque de confusion entre DCI proches, entre médicaments de DCI identiques mais d’indication ou de posologie différente (exemples : Everolimus, Doxycycline…), entre médicaments de même DCI non susbstituables comme les biosimilaires (somatotropine) ou à marge thérapeutique étroite.

(1) Décret n° 2014-1359 du 14 novembre 2014.

(2) Précisions concernant la certification des logiciels d’aide à la prescription de la HAS. Version du 13 mai 2014.

(3) La prescription en DCI, contribution du Leem, 19 avril 2011.

NOS EXPERTS INTERROGÉS

Dr Gilles Perrin, médecin généraliste à Grenoble, membre du syndicat MG France.

Marc Fumey, adjoint au chef du service évaluation et amélioration des pratiques, Haute autorité de santé (HAS).

Repères

→ 1953 : l’OMS met en place la DCI comme langage médical international.

→ 2002 : un décret autorise les médecins français à prescrire en DCI.

→ 2009 : la loi de financement de la Sécurité sociale rend obligatoire la prescription en DCI pour les médicaments disposant d’un générique.

→ 19 décembre 2011 : la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament prévoit que les médecins devront prescrire toute spécialité en DCI.

→ 14 novembre 2014 : un décret d’application établit l’obligation de prescription en DCI dès le 1er janvier 2015.

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